Image satellite de Singapour
L’île de Sentosa

Singapour : la tête du (mer)lion en perpétuelle transformation

Située en Asie du Sud-Est à la pointe de la péninsule malaise, Singapour est une cité-État de 5,6 millions d’habitants qui présente la deuxième densité de population (7 810 habitants/km2) et l’un des PIB par habitant les plus élevés au monde. Comme le rappelle son emblème le merlion - statue à tête de lion et au corps de poisson, la puissance de cette métropole portuaire, idéalement placée aux portes du détroit de Malacca, vient historiquement de la mer et s’inscrit de plus en plus sur ses terres qui s’étendent grâce à la multiplication des terre-pleins. En tant que ville mondiale située sur l’un des grands axes maritimes de la planète, cette cité-État s’inscrit dans la compétition mondiale avec un territoire réduit ce qui la pousse à réinventer son modèle métropolitain en permanence. En cela, l’image globale centrée sur la partie Sud de la cité du lion est une formidable preuve des capacités d’adaptation hors-norme développées dans cette autocratie asiatique.

Image satellite de Singapour
© PLEIADES/CNES2021, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.

Légende de l'image

Cette image de Singapour, cité-État insulaire dans le sud de la Malaisie, a été prise par un satellite Pleiades le 29 juin 2016. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. 

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Image satellite de Singapour
Repères géographiques

Présentation de l'image globale

Le sud de Singapour : une « énigme territoriale » (R. De Koninck) reflet de la compétition métropolitaine - et portuaire - mondiale
1. Le Sud de Singapour, une vitrine de la puissance de la cité-État : du comptoir colonial à la ville mondiale
Singapour, ville mondiale

L’image globale couvre une bande littorale qui comprend la partie méridionale de Pulau Ujong, « l’île amirale » de Singapour - cité-Etat composée de 64 îles au total - qui s’étend de Jurong à l’ouest à Marina Bay à l’est. Elle concentre, outre le port à conteneurs, la très grande majorité de la population et des emplois et une dizaine d’îles située au sud de cette île principale. Sur ces îles, un gradient d’occupation se dessine clairement avec des îles proches aux fonctions bien différenciées qui sont désormais reliées par des axes routiers à l’île principale comme Sentosa et Brani, des « îles réservoirs » fortement anthropisées à l’ouest et au sud-ouest comme Busing et de Bukom, qui sont spécialisées dans le stockage et la transformation des hydrocarbures et, enfin, au sud-est des « îles réserves » à la taille plus réduite sur lesquelles des politiques de protection ont été développées récemment (îles Sisters, île St John…).

Le reste de l’image est couvert par les eaux du détroit de Singapour, détroit d’une longueur de 114 kilomètres qui relie le détroit de Malacca à l’ouest - par lequel passe 30 % du commerce mondia l- à la mer de Chine méridionale à l’est. Environ 100.000 navires traversent chaque année ce point de passage majeur sur la route maritime Est-Ouest à l’échelle mondiale. Sur l’image globale, le nombre élevé de navires en mer ou à quai- mais également leur diversité fonctionnelle (porte-conteneurs, pétroliers, rouliers…) - confirme l’intensité du trafic et la variété des produits échangés par la mer. Dans son ensemble, cette - seule ! - image est un magnifique révélateur du statut et de la situation exceptionnels de la cité-Etat de Singapour à l’échelle mondiale et laisse à voir les différents éléments qui participent et qui ont participé à sa puissance.

Aujourd’hui, Singapour est une ville mondiale qui occupe les premières places dans les différents classements proposés. Ainsi en 2020, le « groupe de travail sur les villes mondiales » du Département de géographie de l'université de Loughborough place Singapour dans la catégorie Alpha+ comme Hong Kong, Shanghai, Beijing, Dubaï, Paris et Tokyo et comme hub majeur dans le système de transports international. Ses qualités sont également valorisées à l’échelle régionale puisque la cité-État est la plateforme financière et commerciale des pays de l'ASEAN, association régionale qui regroupe dix pays du Sud-Est asiatique et dont Singapour est l’un des membres fondateurs en 1967.

L’image laisse deviner, en partie, l’inscription spatiale des trois principaux piliers de l’économie singapourienne : les activités financières, d’assurance et de services aux entreprises ; les activités de commerce et de logistique ; et l’industrie manufacturière. Ces activités - dont l’émergence est plus ou moins récente à Singapour et qui sont variablement concentrées dans l’espace - nécessitent, pour les deux dernières surtout, des terrains disponibles ce qui représente et a représenté un véritable défi compte tenu de la taille restreinte de la cité-État.

 

Un haut-lieu de la finance mondiale

Classiquement, les activités financières, d’assurance et de services aux entreprises sont surtout rassemblées dans le quartier des affaires (ou Central Business District) situé, à Singapour, au sud-ouest de Marina Bay dans la central area qui se trouve à l’est sur l’image. Au sud de la rivière Singapour, les gratte-ciels - bien identifiables grâce à leur ombre portée - qui se concentrent autour de la place Raffles jusqu’au quartier de Tanjong Pagar au sud rappellent que la cité-État est désormais la quatrième place financière mondiale, derrière New York, Londres et Hong Kong.

Le secteur financier contribue ainsi à 13 % du PIB du pays et emploie 200 000 personnes. La Bourse de Singapour (SGX, Singapore Exchange) se situe dans le SGX center, un ensemble de deux tours de 187 mètres de hauteur construites au début des années 2000. ON trouve aussi des banques internationales et locales, dont la puissance rayonne sur l’ensemble du continent asiatique, ont leur siège dans cette partie précise de la ville comme la banque OCBC (Oversea-Chinese Banking). Mais, d’autres banques majeures comme la DBS Bank qui est la plus grande banque d'Asie du Sud-Est par ses actifs (et parmi les plus grandes banques d'Asie) ou plus récemment HSBC (depuis 2020) ont installé leurs bureaux dans les tours plus neuves du centre financier de Marina Bay (Marina Bay Financial Centre) situé à l’ouest du terre-plein de Marina south.

Cette diffusion des centres de décision de la finance au-delà du CBD illustre la place grandissante qu’occupe Singapour au sein de la planète financière. Toutefois, c’est bien dans le CBD que se trouve la Guoco tower, le gratte-ciel le plus haut de Singapour qui dépasse légèrement, avec ses 284 mètres, la barre des 280 mètres. Au sein d’un territoire contraint, cette limite de construction a été fixée pour des raisons de contrôle du trafic aérien - l’aéroport de Changi est situé à l’est de Singapour - ce qui réduit forcément la présence des gratte-ciels singapouriens dans les classements des bâtiments les plus élevés.

 

Le deuxième port de conteneurs au monde

Les activités de commerce et de logistique sont bien davantage dispersées sur l’image. Comme l’environnement des affaires proposé à Singapour est très attractif et repose sur une forte ouverture au commerce international, 40 000 entreprises internationales disposent actuellement de leur siège régional ou mondial dans la cité-Etat et notamment dans le CBD. Toutefois, d’autres centralités sont apparues depuis au sud de Pulau Ujong. Ainsi, le centre d’affaires de Mapletree Business City qui se situe au nord-est des terminaux portuaires de Pasir Panjang accueille notamment le siège local de Samsung et, depuis 2016, les bureaux de l’antenne de Google Asie-Pacifique. La société Mapletree Commercial Trust est également propriétaire du plus grand centre commercial de Singapour, VivoCity dont les toits blancs se distinguent dans le quartier d’HarbourFront à proximité du pont routier qui mène sur l’île de Sentosa.

Mais, c’est surtout le port, fragmenté entre différents terminaux, qui illustre la puissance des activités commerciales et logistiques à Singapour. En moyenne, 130 000 navires accostent chaque année dans le port. La cité-Etat est le deuxième port à conteneurs au monde après le port de Shanghai (37,1 millions d’EVP en 2019 pour Singapour contre 43,3 pour Shanghai) mais le premier port de transbordement (transfert de la cargaison d'un navire à un autre bâtiment). 5 000 entreprises oeuvrent dans le secteur maritime ce qui représente plus de 18.000 emplois et le port contribue à 7 % du PIB de Singapour pour un chiffre d'affaires de 16 milliards de dollars. La quasi-totalité du port de Singapour est visible sur l’image avec les quatre terminaux à conteneurs de Tanjong Pagar, Keppel, Brani et Pasir Panjang (zoom 3) (qui accueillent une quarantaine de porte-conteneurs de taille variée sur l’image) et une partie très réduite du port industriel de Jurong qui apparaît au nord-ouest. Le port de Sembawang, ancienne base navale britannique, situé au nord de l’ile principale de Singapour n’est pas visible ici.

En 2021, le port de Singapour s’est nettement étendu en direction de l’ouest le long du littoral sud de l’île de Pulau Ujong et il n’est plus le port restreint bâti le long de la rivière Singapour comme c’était encore le cas lorsque la ville devint en 1819 un comptoir de la Compagnie des Indes orientales sur la route reliant Calcutta à Canton. Si l’extension vers l’ouest avait déjà commencé sous la domination anglaise (avec notamment l’ouverture de l’Empire Dock en 1917 qui a été remplacé par le terminal de Keppel), l’indépendance de Singapour et la naissance de la conteneurisation ont été des facteurs décisifs pour comprendre les configurations actuelles du port.

Dès 1965, le port de Jurong a ainsi été mis en service pour accueillir les navires qui ont servi au développement de la zone industrielle dont une partie est visible sur l’image et, sept ans plus tard (le 23 juin 1972), le port de Singapour accueillait, au terminal de Tanjong Pagar, le M.V. Nihon son premier porte-conteneurs en provenance de Rotterdam (Singapour fut d’ailleurs le premier pays d’Asie du sud-est à avoir un port de conteneurs). Ce navire était alors chargé d’environ 300 conteneurs pour une capacité maximale de 2000 conteneurs.

Le 10 novembre 2019, le MSC Isabella accostait au terminal 2 de Pasir Panjang et devenait le plus grand porte-conteneurs jamais accueilli dans le port de Singapour. Avec une longueur de 400 mètres de long et une largeur de 61 mètres, ce navire est capable de transporter 23 656 conteneurs. Singapour s’est donc largement adapté à la massification du transport maritime mondial en décuplant sa capacité de stockage le long du littoral sud de Pulau Ujong qui borde directement les eaux du détroit de Singapour.

Cette dynamique témoigne également de la puissance de l’opérateur portuaire PSA (Port of Singapore Authority), contrôlé par le fonds souverain singapourien Temasek, qui propose des liaisons avec 600 ports répartis dans 120 pays dans le monde. Aujourd’hui, le rayonnement de PSA dépasse largement les limites du port de Singapour puisque PSA international est désormais présent dans 50 ports implantés dans 26 pays. Lors de son discours prononcé le 23 juin 2015 pour l’inauguration des terminaux 3 et 4 de Pasir Panjang, le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong précisait : « nous sommes le deuxième (port) le plus fréquenté après Shanghai, qui a la chance de desservir le delta du fleuve Yangzi et dont l’hinterland couvre une grande partie de la Chine. Tandis qu’à Singapour, nous avons un bassin de population de (seulement) 5,5 millions de personnes. Notre port a une remarquable situation et ce n’est pas quelque chose qui durera à moins de maintenir les efforts ».

Moins d’un an après ce discours, la construction du méga-port de conteneurs de Tuas, qui devrait avoir une capacité de stockage de 65 millions d’EVP (ce qui ferait de lui le plus grand port à conteneurs du monde), débutait au sud-ouest de Singapour (hors image). Face à la suprématie de Shanghai et à la concurrence des ports malaisiens comme Port Kelang, ce chantier est un signal fort qui montre que la cité-Etat n’est pas prête d’abandonner son rang dans le transport maritime du futur.

 

Une puissance industrielle et un hub énergétique mondial

L’industrie manufacturière représente le troisième pilier de l’économie à Singapour (21% du PIB) qui s’est spécialisée rapidement après son indépendance dans l’électronique, l’ingénierie de précision et la chimie/pétrochimie. Cette dernière activité de production est fortement implantée à l’ouest de l’image dans un pays qui n’a pas de ressources en hydrocarbures et qui doit donc importer de grandes quantités de pétrole brut provenant principalement du Moyen Orient (Arabie Saoudite, Emirats arabes unis) et d’Asie du sud-est (Malaisie, Thaïlande).

Les infrastructures utiles pour le stockage (réservoirs) et la transformation des hydrocarbures (raffineries) couvrent ainsi la quasi-totalité des îles de Busing et de Bukom au sud-ouest (zoom 4) mais également toute la partie nord-est de l’île de Jurong et une grande partie des terrains situés au sud du réservoir de Pandan au nord-ouest. Ces activités sont contrôlées par des groupes internationaux comme Shell (sur l’île de Bukom), Oiltanking (sur l’île de Jurong) ou Vorak (pour le terminal de Penjuru). L’île de Bukom accueille ainsi la plus grande raffinerie du groupe Shell dans le monde en terme de capacité de raffinage qui est cependant la deuxième raffinerie de Singapour après celle d’ExxonMobil située sur l’île de Jurong (hors image). En 2019, Singapour a exporté 43,1 milliards de dollars de pétrole raffiné surtout vers des voisins proches (Malaisie, Indonésie, Australie…) ce qui fait de la cité-Etat le quatrième exportateur mondial (après les Etats-Unis, la Russie et les Pays-Bas mais devant l’Inde).

Si l’industrie pétrolière a eu un rôle décisif dans le décollage économique de Singapour au cours des années 1960 (pour soutenir notamment la vitalité du transport maritime), la cité-Etat est encore actuellement le troisième centre de raffinerie et le premier port de soutage au monde pour le ravitaillement en hydrocarbures des navires. Le secteur du transport maritime développe cependant des carburants plus propres pour réduire ses émissions polluantes et Singapour a l’ambition de devenir un pôle majeur d’avitaillement de GNL (Gaz naturel liquéfié) en Asie. Au nord-ouest de l’image, le chantier naval spécialisé dans la construction de plates-formes offshore situé au sud du réservoir de Pandan annonce la forte concentration des chantiers navals à Tuas plus à l’ouest.

Au final, cette image centrée sur le Sud de Singapour laisse à voir les différentes fonctions qui font désormais de la cité-Etat une ville mondiale et qui se sont cumulées dans cette partie précise de la ville. Comptoir colonial au début du XIXè siècle, la ville s’est hissée au rang de puissance industrielle dans les années 1970-1980 avant de connaître une forte montée en gamme dans les services depuis le milieu des années 1990. L’île de Sentosa (zoom 2) qui accueille de nombreuses attractions notamment dans le Resorts World Sentosa (parc Universal Studios, casino, aquarium…) témoigne également de la place grandissante des loisirs dans la société (laborieuse) singapourienne et rappelle que Singapour est devenue une destination touristique majeure en Asie du sud-est en accueillant 18,5 millions de touristes internationaux en 2018. La même année, 1,87 millions de passagers sont passés par le port de croisière de la cité-Etat (avec une augmentation record de 35% par rapport à 2017). L’image révèle également l’intensité des transformations spatiales qui se lisent parfois très nettement et qui font de Singapour une véritable « énigme territoriale ».

 

2. Le Sud de Singapour, symbole d’une révolution territoriale permanente
« Une révolution territoriale permanente » (R. De Koninck)

En 2019, R. De Koninck, géographe spécialiste de Singapour et de l’Asie du sud-est, mentionnait la « révolution territoriale » parmi les cinq ingrédients expliquant la réussite de la cité-Etat ; les quatre autres étant la prise de possession exclusive de tout le foncier par l’État ; une lutte sans merci contre la corruption dans le secteur public ; l’approvisionnement des coffres de l’État par des initiatives originales d’entrepreneuriat et de partenariat avec le secteur privé ; la recherche constante de la stabilité sociale).

L’image générale et les documents complémentaires permettent d’identifier aisément ces transformations spatiales qui ont notamment largement modifié le trait de côte de la partie méridionale de Singapour depuis le milieu des années 1970. Dans un territoire particulièrement contraint où la place occupée par les espaces verts est plutôt élevée, ce sont surtout les terrains gagnés sur les eaux du détroit de Singapour qui permettent d’évaluer l’intensité de la révolution territoriale.

Carte de Singapour
La mer dans la ville
Carte de Singapour
Reconfigurer l’île

Un gain territorial de 147 km² - soit + 25 % - en un demi-siècle

En raison notamment de son statut géopolitique et géostratégique exceptionnel - et évolutif - à l’échelle mondiale et de sa qualité de métropole portuaire, Singapour a connu des phases successives de conquête territoriale sur la mer. Singapour passe de 581,5 à 719,7 km² entre 1965 et 2016 pour atteindre 728,3 km² en 2020. Au total, le territoire terrestre de Singapour augmente de + 25 % (+ 147 km²) en un demi-siècle. Dans le monde, seul un autre petit État littoral réalise une telle prouesse technique, les Pays-Bas qui partent eux à la conquête des polders.

Ces phases successives de conquête territoriale sont liées avant tout, sur cette image précisément, à l’augmentation de la superficie de son port - et à la multiplication des terminaux à conteneurs - et à l’extension des terrains autour de son centre historique qui a contribué à l’émergence de Marina Bay.

Sur l’image, la forme des terrains qui résulte de ces deux dynamiques diffère. Aux formes très géométriques des terminaux portuaires et notamment ceux de Pasir Panjang (zoom 3) qui s’expliquent pour des raisons pratiques (accueil de porte-conteneurs à la taille toujours plus imposante, automatisation des opérations de chargement/déchargement des navires, stockage facilité des conteneurs sur terre…) s’opposent les formes plus ondulées des terrains qui bordent le réservoir de Marina Bay à l’est (zoom 1). Ce réservoir (comme celui de Pandan au nord-ouest de l’image) témoigne de la nécessité pour les autorités de stocker la ressource en eau douce dans une ville qui recueille paradoxalement 2.400 millimètres de pluie par an mais qui connaît des difficultés pour s’accaparer la totalité de cette ressource stratégique, dont une grande partie continue de venir de la Malaisie voisine.

Des extensions à la taille plus réduite s’observent également au sud. Elles ont ainsi pu contribuer à étendre des îles existantes comme la construction de la marina de Sentosa Cove à l’est de l’île de Sentosa (zoom 2) ou à relier des îles auparavant distinctes comme c’est le cas pour les îles de Busing et de Bukom au sud-ouest (zoom 4). Le processus de conquête répond ainsi à des besoins variés aussi bien résidentiels qu’industriels. Bien que cette dynamique d’extension ait tendance à diminuer (mais pas dans le sud-ouest de Singapour avec la construction actuelle du port de Tuas), de nouveaux terrains ont été construits depuis 2016 (date de l’image) au nord-est de la zone industrielle de Jurong. Dès lors, la superficie de la cité-Etat, qui a déjà augmenté de plus de 25 %, devrait continuer à croître dans les prochaines années.

 

Une métropole portuaire bâtie - en partie - sur du sable importé

Ces phases d’expansion témoignent de la qualité certaine des ingénieurs singapouriens mais elles ont été également à l’origine de tensions entre Singapour et ses voisins en raison notamment des besoins en sable croissants de la cité-Etat. En 1997, la Malaisie interdisait les exportations de sable - le sable de silice des cours d’eau et des mers - avant que l’Indonésie annonce elle aussi, dix ans plus tard, l’arrêt des exportations de sable vers Singapour. Ainsi, entre 2007 et 2016, Singapour déclarait avoir importé 80,2 millions de tonnes de sable depuis le Cambodge, soit le tiers de sa consommation. Mais, en 2017, le Cambodge interdisait lui aussi l’exportation de sable de construction depuis la province de Ko Kong, située au sud-ouest du pays et grande pourvoyeuse de sable pour l’export.

Ces différentes interdictions ont contribué, en partie, à faire évoluer les techniques de remblaiement à Singapour. Pour limiter - mais pas arrêter - l’usage du sable pour les extensions en mer, des solutions innovantes ont été développées ces dernières années dans la cité du lion. Ainsi, pour la construction des terminaux portuaires 3 et 4 de Pasir Panjang et actuellement des terminaux du port de Tuas, des caissons en béton armé alvéolés ont été fabriqués sur place et assemblés pour la construction de la structure immergée des quais. Or, ce sont des matériaux de dragage provenant des eaux territoriales de Singapour mais aussi des terres excavées dans le cadre d’autres projets sur terre qui ont surtout été utilisés pour leur remplissage ainsi que celui des quais. Ces évolutions techniques ont donc contribué à réduire la quantité de sable de remblayage nécessaire et générer des économies.

 

Une révolution qui se déroule dans une « ville dans la nature »

Sur le site Internet consacré au Plan vert de Singapour 2030, une citation de Desmond Lee, actuel ministre du développement national, confirme les spécificités de Singapour mais également les possibles tensions autour de l’usage des sols dans une métropole en recomposition constante : « Aujourd’hui, Singapour est une ville dans un jardin et elle est une des villes les plus vertes du monde. Nous avons conservé de nombreux espaces naturels avec environ 1/3 de notre île couverte par des arbres ». Il est vrai que la place occupée par les espaces verts sur l’image - et notamment dans le quartier de Marina Bay - est remarquable et ce dans une métropole où les besoins en foncier sont une source de préoccupation constante. Toutefois, comme dans tout jardin, l’action de l’homme a été décisive.

Si l’île était couverte par une grande forêt tropicale à l’origine, environ 90% de sa superficie a été remplacée par des terres cultivables et notamment des plantations de poivre et de gambier au début des années 1900. Avec la progression de l’urbanisation, c’est surtout après l’indépendance de Singapour, qu’une véritable volonté politique de verdir la ville a été développée avec Lee Kuan Yew, le premier Premier ministre de le République de Singapour de 1959 à 1990 (cofondateur et premier secrétaire du Parti d’action populaire), qui, dans un discours prononcé en 1967, présenta l’intérêt de faire de Singapour une « ville jardin ». Pour lui, il était nécessaire de développer une ville à la végétation luxuriante afin d’améliorer les conditions de vie de la population locale. C’était également un moyen de montrer que Singapour était une ville bien gérée et qu’elle pouvait être une destination de choix pour les touristes et les investisseurs étrangers.

En 2021, les espaces verts couvrent 47 % de la superficie de Singapour. Dans son ensemble, l’île compte plus de 350 parcs et quatre réserves naturelles dont la réserve du Labrador qui se trouve sur l’image au nord-est du terminal portuaire de Pasir Panjang. Depuis peu, les espaces marins ont également fait l’objet d’une protection accrue. En 2014, la création du premier parc marin des îles Sisters situé au sud-est de l’image autour des îles Sisters et de la côte ouest de l’île St John et Pulau Tekukor vise à protéger, sur 40 hectares, la biodiversité marine et notamment les récifs coralliens mais également les plages de sables. Certaines activités sont interdites à l’intérieur des limites du parc comme le camping et la pêche. Plus largement, les autorités de Singapour font actuellement évoluer leur modèle en passant d’une ville-jardin à une « ville dans la nature » où la préservation des écosystèmes et de la biodiversité devient une priorité forte. En cela, elle se présente encore comme un modèle métropolitain à suivre.

 

Une révolution nécessaire pour une ville « contrainte à la puissance » ?

Singapour partage certaines de ses caractéristiques (taille réduite, forte anthropisation…) avec des territoires ou Etats proches comme Brunei et Hong Kong ou plus lointains comme les Émirats arabes unis ou le Qatar. Toutefois, l’intensité de la révolution territoriale imposée à la population singapourienne interroge et dépasse largement le simple marketing urbain. Si le titre de l’hymne national singapourien « Majulah Singapura » (« Puisse Singapour progresser » en malais) pourrait laisser croire que le changement est la raison d’être de Singapour, pour R. De Koninck, « la manipulation tous azimuts et incessante de tous les repères spatiaux entraînerait une forme dʼaliénation territoriale et contribuerait à lʼadhésion de la population au projet politique des dirigeants de lʼÉtat : transformer le territoire pour transformer la société ».

Ainsi, les transformations quasi vitales que connaît la cité-Etat depuis plus de 50 ans s’expliqueraient surtout par l’interventionnisme étatique, avec le rôle clé joué par le Parti d’action populaire (PAP), au pouvoir sans discontinuer depuis l’indépendance de Singapour, et par une adaptation permanente aux évolutions de l’économie mondiale. Pour les dirigeants de cette autocratie, la révolution territoriale est un moyen pour assurer et pérenniser le rayonnement de Singapour en Asie du sud-est et dans le monde en réalisant des projets prévus par une planification stricte. En cela, certaines agences comme l’Urban Redevelopment Authority (URA), l’Autorité de « re-développement » urbain (dont la mission est de « faire de Singapour une ville formidable pour vivre, travailler et jouer ») ou la Maritime and Port Authority of Singapore (MPA), l'Autorité maritime et portuaire de Singapour qui pilote le développement du port, ont un rôle majeur dans l’aménagement de la cité-Etat qui se présente désormais comme une smart city.

Dans la compétition métropolitaine mondiale, Singapour peut compter sur ses capacités à innover et sur la qualité de son système éducatif pour former une main d’œuvre qualifiée (sur l’image, les bâtiments de l’Université nationale de Singapour sont situés au nord du terminal de Pasir Panjang). De fait, Singapour, ville mondiale de seulement 5,6 millions d’habitants, semble être (définitivement ?) contrainte à la puissance. Et, dans une métropole portuaire, la puissance vient, en partie, du port.

3. Le Sud de Singapour, une relation ville-port repensée dans un territoire contraint
Une forte imbrication ville/port à Singapour…

Contrairement à Shanghai où le port à conteneurs de Yangshan, accessible par un pont maritime de 32 kilomètres, est situé à une centaine de kilomètres du centre de la métropole chinoise, à Singapour, la ville et le port à conteneurs sont fortement imbriqués. Sur l’image, la proximité entre le CBD et le terminal à conteneurs de Tanjong Pagar le confirme aisément tout comme la forte concentration de navires au large de Marina Bay ou au sud-ouest de l’île de Sentosa.

Dans les limites d’un territoire fortement contraint, l’accélération de la conteneurisation, particulièrement élevée en Asie ces trente dernières années, ne s’est pas traduite ici par une dissociation spatiale marquée entre la fonction portuaire/logistique et l’espace urbain. Si cette dissociation est surtout visible pour le port industriel de Jurong qui a été construit dès 1965 à une certaine distance du centre historique de Singapour - et qui est peu visible sur l’image, les quatre terminaux à conteneurs occupent l’espace compris entre le centre historique et Marina Bay à l’est et le port de Jurong à l’ouest sur l’île principale de Pulau Ujong.

Les deux premiers terminaux qui ont été construits à partir de 1966 pour le terminal de Tanjong Pagar et au début des années 1980 pour le terminal de Keppel occupent une partie des terrains qui étaient déjà intégrés dans les limites du port de Singapour à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. Une première rupture intervient réellement dans la continuité portuaire avec l’ouverture du terminal de Brani en 1992 sur l’île du même nom située entre Pulau Ujong et Sentosa, qui est reliée à l’île principale par un axe routier depuis 1991. Au début des années 1990, cette île était occupée, depuis son inauguration en 1974, par la première base navale de l’Etat de Singapour qui, faute de place, a déménagé depuis vers Tuas et Changi. Sur l’image, le terminal à conteneurs couvre désormais une grande partie de l’île de Brani qui accueille tout de même le quartier général des garde-côtes singapouriens dans sa partie sud. Ces trois terminaux - Tanjong Pagar, Keppel et Brani - sont souvent appelés les terminaux de la ville ce qui confirme encore davantage l’imbrication ville/port à Singapour. Dès lors, c’est surtout avec la construction des terminaux de Pasir Panjang que le port s’est réellement éloigné du centre de la ville (zoom 3). Toutefois, une dizaine de kilomètres seulement sépare les conteneurs de Pasir Panjang et les eaux du réservoir de Marina Bay. Cette proximité ville/port peut être ainsi à l’origine de nuisances.

 

…source de nuisances

Si la ville de Singapour tire un grand bénéfice de son port, sa présence peut entraîner de nombreux désagréments plus ou moins acceptés par la population locale. A la congestion de la circulation sur les axes proches des terminaux portuaires en raison notamment du trafic des camions, bien que Singapour soit avant tout un port de transbordement), peut se cumuler toute une série de pollutions - de l’air, sonore, lumineuse avec une activité 24h/24h sur les terminaux - liée aux opérations de chargement/déchargement des conteneurs.

Au niveau paysager, les terminaux portuaires représentent également une véritable coupure entre la ville et les eaux du détroit de Singapour et seule une partie limitée du trait de côte à la hauteur de la réserve du Labrador et de la marina Keppel Bay n’est pas occupée par le port de Singapour entre le terminal de Tanjong Pagar à l’est et l’extrémité ouest du terminal de Pasir Panjang.

Néanmoins, l’installation des réservoirs de stockage des hydrocarbures et des raffineries sur des îles relativement éloignées de l’île principale comme les îles Busing et Bukom au sud-ouest ou l’île de Jurong plus à l’ouest a contribué à réduire les nuisances liées à ce type d’installations (bruit, odeurs…) et à faire baisser la vulnérabilité de la population locale qui est, de fait, moins exposée aux incendies et aux explosions éventuels sur les sites industriels précédemment présentés.

 

La solution : la construction du méga-port de Tuas

En avril 2016, deux mois avant la réalisation de l’image globale ici étudiée, débutait la construction du premier terminal du méga-port de conteneurs de Tuas, qui sera composé de quatre terminaux, au sud-ouest de Singapour. Contrairement aux dynamiques portuaires précédemment observées dans la ville, sa réalisation doit aboutir dans les vingt prochaines années au déménagement de l’ensemble des terminaux de conteneurs du sud de Singapour vers ce nouveau terminal.

Les enjeux de ce nouveau chantier sont donc importants pour les autorités de Singapour puisque de nombreux terrains seront disponibles au plus près du centre de la ville. La véritable dissociation spatiale entre la fonction portuaire et l’espace urbain s’annonce donc à Singapour. A partir de 2027, les terminaux de Tanjong Pagar, Keppel et Brani devraient ainsi être libérés de leurs conteneurs avant le déménagement total des terminaux de Pasir Panjang en 2040.

Dans la cité-Etat où l’anticipation est de rigueur, cette « libération spatiale » à venir a donné lieu, en août 2019, à la présentation par le Premier ministre Lee Hsien Loong du projet Greater southern waterfront. Celui-ci doit aboutir à une véritable transformation du front d’eau dans le sud de la cité-Etat qui intégrera les trois principes chers aux autorités locales : une ville pour vivre (live), travailler (work) et jouer (play). Comme sa voisine Sentosa, l’île de Brani devrait ainsi devenir un nouvel espace de divertissement après avoir accueilli sur des durées plus ou moins longues, des pêcheurs, des militaires et des conteneurs.

Marina Bay : un deuxième centre touristique et des affaires conquis sur le détroit de Singapour

Sur le zoom, les terrains situés à l’est de l’embouchure de la rivière Singapour et qui forment aujourd’hui l’ensemble de 360 hectares de Marina Bay ont été patiemment gagnés sur les eaux du détroit depuis le début des années 1970  et un premier remblaiement est réalisé dès 1967.

Une grande partie de ces terrains - Marina centre et Marina south - apparaissait déjà sur les cartes du plan directeur de 1980 proposé par l’agence de « re-développement » urbain (URA) en tant que futures extensions possibles. A proximité directe du centre historique et du CBD situé au sud-ouest sur le zoom, Marina Bay, la partie la plus récente du « centre dédoublé », est devenue le symbole des efforts qui ont été réalisés par les autorités de la cité-Etat pour faire de Singapour, une icône métropolitaine mondiale.

Bordée d’eaux douce et salée et largement composée d’espaces verts, Marina Bay a été pensée pour attirer aussi bien les investisseurs étrangers que les touristes et les résidents. En cela, Marina Bay a désormais une place centrale pour vanter les réussites et les nombreux atouts de Singapour en concentrant des géosymboles comme le complexe commercial et hôtelier de Marina Bay Sands qui sont largement utilisés dans le marketing territorial de la ville.

L’ensemble de Marina Bay est composé de trois espaces distincts - Marina centre au nord-ouest, Marina east et Marina south - bordés par les eaux du réservoir de Marina Bay qui ont été aménagés de manière successive et qui sont désormais reliés entre eux. A cette échelle précise, le développement de Marina Bay est un formidable révélateur de la montée en puissance de la cité du lion au cours des quarante dernières années et de l’image que souhaite renvoyer Singapour au monde.

 

Marina Bay : un « triptyque spatial » pour la vitrine métropolitaine de Singapour

Dans les années 1980, le développement de Marina centre, l’ensemble en forme d’aileron de requin au nord de Marina Bay, témoigne de la place grandissante des services dans l’économie singapourienne avec une multiplication de projets portés par des investisseurs privés qui n’hésitent pas à faire appel à des architectes internationaux de renom. En 1986, l’offre commerciale est ainsi élargie avec l’ouverture, dans le premier ensemble de bâtiments construit au sud, du centre commercial de Marina Square, le plus grand de la cite-Etat à l’époque.

Trois ans plus tard débute, au nord-ouest, la construction de Suntec City qui sera livrée entre 1995 et 1997. Ce complexe regroupe notamment cinq tours de bureaux et un parc d’expositions de 42 000 m2 (le rectangle gris situé à proximité de l’autoroute urbaine Nicoll). Au sud-est de Suntec City, la multiplication des surfaces de bureau s’est poursuivie avec l’ouverture, au milieu des années 1990 au sein de l’ensemble Millenia, de deux tours de bureaux - Millenia Tower et Centennial Tower - mais également de deux hôtels de luxe (le Ritz-Carlton et le Conrad Centennial) et du centre commercial Millenia Walk. Sur l’image, l’ombre portée de la tour Millenia culminant à 218 mètres symbolise l’intensification de la verticalisation au tournant du millénaire à Marina Bay ; cette tour ne faisant plus partie du top 20 des tours les plus hautes actuellement à Singapour.

A partir de 2008, les transformations de la skyline singapourienne pouvaient justement être observées depuis la Singapore Flyer, la grande roue installée au sud-est du Marina centre, qui fut la plus haute du monde jusqu’en 2014. La même année, des Formule 1 quittaient les stands regroupés dans le Pit building (- le bâtiment de 350 mètres de long situé à l’est au bord du réservoir - lors du premier grand prix de Formule 1 organisé dans la cité-Etat renforçant ainsi la visibilité du quartier de Marina Bay dans le monde.

A contrario, l’occupation de Marina East est moins dense et la domination des espaces verts est très nette. Dans les années 1970, seule la bande de terre située au nord près de l’embouchure de la rivière Geylang existait et accueillait alors la zone industrielle de Tanjong Rhu qui a été remplacée depuis par des ensembles résidentiels d’un certain standing. Les terrains situés au sud de la voie rapide de la côte est (équipée de portiques composant le système de l’ERP (Electronic Road Pricing), le péage urbain qui vise à limiter et fluidifier le trafic de véhicules privés sur l’île) ont été mis en place au milieu des années 1980 et ils étaient prêts à être aménagé à partir du début des années 1990.

Mais, contrairement au Marina centre, Marina east n’a pas connu de transformations marquées. Sur le zoom, la partie occidentale est occupée par les jardins de Bay East qui proposent des promenades le long du réservoir de la Marina Bay et surtout par le parcours de golf de Marina Bay qui a été inauguré en 2006 et qui est le seul parcours ouvert au public à Singapour. Dès lors, c’est à Marina south, le troisième sous-ensemble composant le « triptyque spatial » de Marina Bay, que les réalisations les plus récentes et les plus glorieuses se concentrent.

 

Marina south : un concentré des réalisations les plus récentes

Si les gratte-ciels du nouveau centre financier de Marina Bay - Marina Bay Financial Centre - visibles à l’ouest de Marina south sont les témoins de l’essor de la finance à Singapour, c’est sans conteste le complexe commercial et hôtelier de Marina Bay Sands qui est devenu l’icône architecturale des lieux. Situé au nord-ouest de Marina south, celui-ci est constitué de trois tours de 55 étages coiffées d’une terrasse d’un hectare en forme de navire avec la plus grande piscine à débordement surélevée du monde avec 150 mètres de long. Ce complexe, réalisé par l'entreprise américaine Las Vegas Sands Corporation et l'architecte d'origine israélienne Moshe Safdie, a été inauguré en 2010.

A l’ouest du Marina Bay Sands, se concentrent, dans les structures de couleur blanche, un palais des congrès, un centre commercial, un casino ainsi que des théâtres et des musées comme le musée des arts et des sciences, aisément identifiable avec sa forme de lotus visible au bord du réservoir. Mais, dans une « ville dans la nature », ce sont surtout les 101 hectares de jardins, abritant plus d’un million de plantes provenant des cinq continents et composant l’attraction de « Gardens by the bay », qui ont considérablement modifié le nord de Marina south. Après cinq ans de travaux et plus d’un milliard de dollars d’investissement, ces jardins ont été inaugurés en 2012 et renferment des structures emblématiques comme les « super-arbres » (Supertrees) et deux serres de grande taille situées à proximité du bassin. Sur le zoom, les dix-huit structures métalliques des « super-arbres » mesurant entre 25 et 50 mètres de haut se distinguent par leur cime circulaire équipée de panneaux solaires.

Au nord, les deux serres sont recouvertes de milliers de panneaux de verre et si l’une est la plus grande serre en verre au monde, l’autre renferme la plus haute cascade intérieure du monde. Cette attraction touristique sera bientôt accessible en métro avec la livraison prochaine de la station de métro « Gardens by the bay » qui est en travaux sur l’image à l’est de Marina south et qui sera un arrêt sur la ligne Thomson-East Coast, la sixième ligne de métro actuellement en construction qui desservira l’est de Singapour.

Ainsi, depuis les années 1980, le « triptyque » de Marina Bay s’est affirmé comme le nouveau centre touristique et des affaires de Singapour dont les trois parties ont été reliées par différents ponts - comme le pont routier de Bayfront et le pont piétonnier Helix, inauguré en 2010, reliant sur l’image Marina south à Marina centre - mais également par un barrage au sud dont la présence trahit notamment les problèmes liés au stockage de l’eau douce dans la cité-Etat.

 

Et au milieu de l’eau douce

En 2008, avec l’inauguration du Marina Barrage situé à l’embouchure du Marina Channel, les autorités singapouriennes ont créé le quinzième réservoir de stockage d’eau douce dans la cité-État et le premier à proximité directe du centre de la ville. Si la pluviométrie est importante à Singapour en raison de son climat équatorial, l’intensité des pluies ne permet pas une récupération optimale des eaux. Dès lors, ce réservoir est un élément représentatif d’une stratégie plus globale dite des « quatre robinets nationaux » (Four national taps) : 30% de l’eau provient des bassins de captation, 40% de l’importation de la Malaisie voisine, 20 % du recyclage des eaux usées et 10% du dessalement de l’eau de mer. L’espace en travaux situé au nord-est du parcours de golf de Marina Bay accueille désormais l’usine de dessalement Keppel Marina east, qui est la quatrième usine de dessalement de Singapour qui qui peut produire de l’eau potable à partir de l’eau salée du détroit ou de l’eau douce stockée dans le réservoir de Marina Bay.

Sur l’image, le barrage de 350 mètres de long isole l’eau douce, plus foncée, du réservoir de 10 000 hectares de l’eau salée, plus claire, du détroit de Singapour. Ainsi, cette infrastructure participe à la gestion de l’eau sur le temps long et permet d’intégrer des débits importants sur un temps très court, particulièrement lors de la saison des pluies. Ce réservoir répond donc aux besoins en eau de la population actuelle et des générations à venir mais c’est également un moyen de contrôler les crues des rivières qui approvisionnent en eau le bassin - le barrage est équipé de neuf portes qui se lèvent à marée basse en cas de hautes eaux dans le réservoir - et de proposer un plan d’eau pour des activités sportives variées comme le kayak.

Image satellite de Singapour
Marina Bay
Image satellite de Singapour
Repères géographiques

Du parcours de golf au parc d’attractions Universal Studios

L’île de Sentosa - « paisible » en malais), dont le slogan « The state of fun » trahit immédiatement sa fonction principale - est un espace qui a accumulé sur une cinquantaine d’années de nombreuses activités récréatives pratiquées aussi bien par les habitants de Singapour dans le cadre de leurs loisirs que des touristes dont le nombre a largement augmenté ces dernières années en Asie.

Les forts encore présents sur l’île comme le fort Serapong ou le fort Siloso situé à la pointe nord de l’île de Sentosa construit par l’armée britannique dans les années 1880 pour protéger l’entrée du port de Singapour et le nom que portait cette île jusqu’en 1972 - « Pulau Belakang Mati » qui peut se traduire par « l’île de la mort par derrière -  rappellent que l’île de Sentosa n’a pas toujours été une aire de recréation. Sept ans après son indépendance, c’est le gouvernement de Singapour qui souhaita renommer cette île et vanter sa tranquillité dans le cadre d’une vaste campagne pour la transformer en « île de la distraction ». Dès lors, la Société de développement de Sentosa - « Sentosa Development Corporation » (SDC) - fut créée pour transformer l’île et attirer à la fois les locaux et les touristes. Au début des années 1970, il est clair que ce choix contrastait fortement avec le développement de la fonction militaire sur l’île voisine de Brani.

Aujourd’hui, trois ensembles dédiés aux activités récréatives peuvent être distingués sur l’île au cœur de la végétation luxuriante : les deux parcours de golfs de 18 trous de Tanjong au sud et de Serapong au nord qui occupent la partie orientale de l’île, les plages de sable et les hôtels situés au sud-ouest et le Resorts World Sentosa, comptoir touristique à l’architecture caractéristique au nord-ouest.

Comme le souligne l’image globale, le nombre de parcours de golfs est plutôt élevé à Singapour, rappelant ainsi la popularité de ce sport dans une ancienne colonie britannique. Cependant, le parcours de Tanjong est un des plus anciens et fut implanté au sud de Sentosa dès le milieu des années 1970 avant l’ouverture en 1982 du parcours de Serapong. Ces deux parcours sont désormais intégrés dans le club de golf de Sentosa qui met en avant sa proximité avec les eaux du détroit de Singapour et son panorama sur la partie sud de la ville. Toutefois, comme une preuve supplémentaire du changement perpétuel qui caractérise les lieux, le parcours de Tanjong est en travaux sur l’image de 2016. Si ceux-ci visaient à offrir une nouvelle expérience de golf dans un contexte concurrentiel, ils répondaient également à des objectifs de durabilité partagés par l’ensemble de la cité-Etat. En effet, l’installation de six réservoirs d’eau sur le parcours du « Nouveau Tanjong » doit le rendre autosuffisant en eau pour son irrigation.

Le sud-ouest de l’île a également été modifié au milieu des années 1990 avec la création de trois plages artificielles - la plage de Siloso au nord, de Palawan au centre et de Tanjong au sud - qui se succèdent sur une longueur d’environ trois kilomètres. Si les brise-lames limitent la hauteur des vagues, elles permettent cependant de pratiquer différentes activités sportives dans l’eau et sur le sable blanc et ce à une distance plutôt réduite du centre de la ville de Singapour. A proximité des plages, une offre hôtelière haut de gamme s’est développée avec l’hôtel Shangri-la Rasa Sentosa située au nord de la plage de Siloso, l’hôtel Capella situé en retrait de la plage de Palawan, construit par l’architecte Norman Foster et inauguré en 2009 mais également l’hôtel Sofitel situé au sud-est de l’hôtel Capella. La taille de ces structures hôtelières est à souligner : l’hôtel Capella propose ainsi 112 chambres, suites et villas ainsi que deux manoirs coloniaux et trois piscines extérieures en cascade.

Des hôtels sont également présents dans le comptoir touristique du Resorts World Sentosa - RSW qui a ouvert en 2010 au nord-ouest de l’île de Sentosa et qui en a profondément modifié son paysage. Ce resort appartient à Genting Singapour, une filiale du groupe Genting, un conglomérat malaisien spécialisé dans l’énergie, les loisirs et les jeux. Sur une superficie de 49 hectares, il regroupe notamment des attractions de renommée internationale comme le parc d’attractions Universal Studios au sud-est - quatre autres parcs Universal Studios existent dans le monde à Hollywood, Orlando, Osaka et Beijing depuis 2021 -,  le S.E.A. - South East Asia Aquarium et ses 100 000 animaux marins présents sous le toit marron en forme de carapace de scarabée au nord, un parc aquatique - l’Adventure Cove Waterpark - dont les piscines et les bassins sont visibles au nord-ouest du complexe ou encore un casino ; qui illustre la forte implantation des jeux d’argent en Asie du Sud-Est à destination notamment de la clientèle chinoise.

En 2019, le groupe Genting a annoncé vouloir augmenter la superficie de son complexe de 50 % en développant notamment de nouvelles attractions dans le parc Universal Studios et un nouveau waterfront avec des restaurants et des commerces. Avec la propagation du coronavirus sur terre, ce projet a été reporté à 2022. Ainsi, comme dans d’autres lieux dans le monde (Orlando, Abu Dhabi…), l’île de Sentosa est une parfaite confirmation de la « disneylandisation » de la planète et de la massification des comptoirs touristiques réalisés par de grands groupes spécialisés dans le divertissement qui se multiplient actuellement en Asie.

Comme l’île de Brani située à proximité, l’île de Sentosa est reliée à l’île principale de Singapour par un pont routier. Toutefois, à Sentosa, ce ne fut pas le premier moyen de transport choisi pour relier les deux îles. Et depuis 1972, les possibilités pour rejoindre Sentosa se sont diversifiées. Outre les ferrys, c’est une télécabine qui a d’abord été construite en 1974 pour assurer une liaison aérienne entre le mont Faber situé sur l’île principale à l’ouest du terminal de Keppel dans l'un des parcs les plus populaires et les plus anciens de Singapour et l’île de Sentosa. Le pont routier a lui été ouvert en 1992. En 2007, c’est le monorail Sentosa Express qui fut inauguré pour relier les quatre stations entre le centre commercial VivoCity et les plages de Sentosa. Enfin, quatre ans plus tard, la promenade Sentosa (Sentosa Boardwalk) fut aménagée à l’ouest du pont routier pour répondre à l’augmentation des déplacements vers Sentosa et proposer un accès amélioré pour les piétons.

Dès lors, la multiplication des moyens de transport reliant Sentosa à l’île principale souligne l’attractivité de cette « île de la distraction » qui s’explique notamment par la diversification des activités sur le temps long et par l’augmentation des arrivées de touristes internationaux à Singapour. De plus, certains moyens de transport comme la télécabine participent à la diversité des expériences touristiques en proposant des vues dégagées sur le sud de la métropole.

 

L’extension résidentielle de Sentosa Cove

Si la grande majorité de l’île de Sentosa est dédiée aux loisirs et au tourisme, sa partie orientale est occupée par le quartier résidentiel de luxe de Sentosa Cove qui intègre également un yacht club et un hôtel. Couvrant 117 hectares, celui-ci a été principalement réalisé sur des terrains conquis sur les eaux du détroit et prend la forme d’une marina, aménagement qui s’est nettement diffusé dans le monde après les années 1950 et l’émergence du tourisme de masse. Les travaux de remblaiement ont commencé au début des années 2000 et, au milieu des canaux, cinq îles artificielles, aux noms évocateurs - Coral Island, Paradise Island, Treasure Island, Sandy Island et Pearl Islan - ont été créées. A Singapour, Sentosa Cove est ainsi le seul quartier résidentiel situé sur une île avec un accès à la mer aussi aisé.

La première résidence a été achevée en 2006 et, aujourd’hui, le quartier de Sentosa Cove se compose de 2.000 propriétés, dont 80% sont des condominium, immeubles en copropriété, et il est habité par 6.000 résidents. Plus de la moitié des personnes qui ont acheté leur villa à Sentosa Cove sont des étrangers ou des résidents permanents car, contrairement aux autres villas de la cité-Etat, les villas peuvent être acquises ici par tous les citoyens du monde. Certaines maisons situées le long d’Ocean drive en bord de mer se vendent plus de 20 millions d’euros dans une ville où les prix de l’immobilier sont parmi les plus élevés du monde. Sur l’image, la taille de certains yachts dans le bassin central, qui peut accueillir 270 navires, rappelle que 270.000 millionnaires habitent à Singapour en 2020 c’est-à-dire 5,5 % de la population totale ce qui est le deuxième pourcentage le plus élevé en Asie après Hong Kong (8,3 %).

Image satellite de Singapour
L’île de Sentosa
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Repères géographiques

Pasir Panjang : le terminal à conteneurs le plus grand et le plus moderne de Singapour

En 2021, et avant la prochaine livraison du méga-port de Tuas, le terminal - ou plutôt les terminaux - à conteneurs et automobile de Pasir Panjang est le symbole de la formidable croissance du trafic portuaire à Singapour à la fin du XXè siècle mais également une belle illustration de l’extension du port sur le détroit de Singapour. Ce terminal a une capacité de stockage bien supérieure (34 millions d’EVP) à celle de l’ensemble des trois autres terminaux à conteneurs réunis (16 millions d’EVP) et il est capable d’accueillir aujourd’hui les porte-conteneurs les plus grands du monde. Sur l’image globale, les porte-conteneurs aux plus grandes dimensions sont d’ailleurs amarrés le long des quais du terminal de Pasir Panjang. De plus, la relative exiguïté du chenal d’accès qui mène aux terminaux de Keppel et Brani à l’ouest contraste avec la taille importante des bassins visibles entre les quais de Pasir Panjang facilitant les manœuvres des navires.

La construction du terminal de Pasir Panjang s’est déroulée en deux étapes principales, et ce d’ouest en est. A l’ouest, la première étape - « phases 1 et 2 » - s’est traduite par la réalisation d’un ensemble de quais à la forme d’un « C » inversé de 1993 à 2010. A son extrémité occidentale, le terminal accueille, depuis 2009, le terminal automobile de Singapour qui est le plus grand hub de transbordement de véhicules en Asie du sud-est avec une moyenne de 750 000 véhicules par an, essentiellement produits en Asie. Sur l’image, les trois rouliers amarrés témoignent de la spécificité de ce transport maritime.

A l’est, la deuxième étape de construction - « phases 3 et 4 » - qui s’est déroulée jusqu’en 2017, avec une inauguration en 2015, a ajouté d’autres quais à la forme d’un « L » inversé. Sur le zoom qui date de 2016, certains espaces au nord du terminal montrent que les travaux ne sont pas encore finalisés. Cette dernière étape a permis d’ajouter une capacité de stockage de 15 millions d’EVP sur l’ensemble du terminal de Pasir Panjang et la capacité totale de stockage du port de Singapour est ainsi passée à 50 millions d’EVP.

Du fait de leur livraison récente, les terminaux à conteneurs de Pasir Panjang sont également les plus modernes de Singapour et les opérations de chargement et déchargement des conteneurs sont largement automatisées. Et, comme pour les trois autres terminaux à conteneurs du port, c’est l’opérateur PSA qui exploite les terminaux de Pasir Panjang. En 2016, PSA a constitué une joint-venture avec le groupe français CMA-CGM pour l’exploitation du CMA CGM-PSA Lion Terminal (CPLT) situé à l’est du terminal. A Pasir Panjang, PSA travaille également avec les autres grands armateurs mondiaux comme COSCO ou MSC.

 

Une (r)évolution dans les techniques de construction

Même si la différence est difficilement perceptible sur l’image proposée, la construction des terminaux de Pasir Panjang entre 1993 et 2017 illustre l’évolution des techniques utilisées pour la réalisation des terre-pleins portuaires à Singapour au tournant du XXè et XXIè siècles.

Les terminaux livrés à l’ouest lors de la première étape ont été réalisés en suivant des techniques de remblaiement « classiques » qui demandaient de grandes quantités de sable. A contrario, dans un contexte régional tendu autour de la disponibilité de cette matière première stratégique pour la croissance de la cité-État, les terminaux situés à l’est ont été construits à partir d’une structure constituée de caissons en béton qui a été remblayée essentiellement avec des matériaux de substitution comme l’argile marine ou des terres excavées lors de projets menés sur terre. Pour ce faire, 150 caissons, mesurant 21 mètres par 32 mètres et pesant entre 8 800 et 12 000 tonnes, ont été associés pour la construction des terminaux 3 et 4 de Pasir Panjang. Cette technique de construction qui intègre l’approche Reduce, Reuse & Recycle - « Réduire, Réutiliser et Recycler » - est présentée comme plus durable par les autorités de Singapour est c’est celle qui rappelons-le est utilisée actuellement pour la construction du port de Tuas.

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Le port
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Repères géographiques

Des îles témoins du poids de l’industrie pétrochimique à Singapour

Les îles de Busing, à l’ouest sur l’image, et de Bukom, à l’est, sont situées à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Singapour. Avec l’île de Jurong, dont la partie orientale apparaît sur l’image globale, elles font partie d’un ensemble plus large d’îles situées au sud-ouest de Singapour et spécialisées dans l’industrie et la pétrochimie. Les deux îles de Busing et Bukom sont surtout dédiées au stockage d’hydrocarbures et, pour l’île de Bukom seulement, à leurs différentes transformations in situ. Des phases de remblaiement successives ont permis de les relier entre elles et d’installer notamment de très nombreux réservoirs d’hydrocarbures et de produits dérivés qui témoignent d’une augmentation des besoins en produits pétroliers dans la région Asie-Pacifique. Toutefois, comme le souligne l’image du zoom 4, l’occupation entre les deux îles diffère.

 

L’île de Bukom : l’île Shell, un vaste complexe pétrochimique

D’une superficie de 243 hectares, l’île de Bukom est l’île la plus anciennement occupée. Dès 1961 - et donc avant l’indépendance de la cité-État - elle accueille les installations de la compagnie pétrolière anglo-néérlandaise Shell implantée à Singapour depuis 1891. Soixante ans plus tard, le site de Bukom est un des plus importants sites de production de Shell dans le monde, avec 1300 employés, et c’est ici que se trouve la plus grande raffinerie du groupe ; mais pas de Singapour puisque la raffinerie d’Exxonmobil située sur l’île de Pulau Ayer Chawan intégrée au complexe de Jurong a une capacité plus élevée en termes de capacité de raffinage de pétrole brut (500 000 barils par jour). Sur l’image, les 13 quais occupés par 8 pétroliers à la taille variée, l’étendue de la raffinerie au centre de l’île de Bukom au nord et les réservoirs de stockage de très grandes dimensions situés dans la partie sud de l ‘île confirment l’exceptionnalité de ce site de production qui ne se limite cependant plus au seul raffinage de pétrole.

Depuis 2010 et l’achèvement du Shell Eastern Petrochemicals Complex - SEPC, le site accueille également une unité d'extraction de butadiène de 155 000 tonnes par an, qui est un hydrocarbure utilisé principalement dans la fabrication de caoutchouc synthétique, de vernis, du nylon et des peintures au latex et un craqueur d’éthylène, composé organique le plus produit au monde obtenu par vapocraquage. Ce procédé consiste à chauffer les hydrocarbures gazeux ou liquides légers à des températures allant de 750 à 950 degrés pour obtenir l'éthylène qui est un composant essentiel pour la fabrication des plastiques, des emballages, de médicaments ou encore de peintures. L’éthylène produit sur l’île de Bukom - plus d’un million de tonnes par an - est ainsi acheminé par un pipeline sous-marin à l’unité de production de monoéthylène glycol (MEG) située sur l’île de Jurong et qui appartient également au groupe Shell.

De plus, sur le site de Bukom, Shell produit des huiles de base qui sont envoyées à son usine de lubrifiants inaugurée en 2017 à Tuas - une usine largement automatisée qui peut produire plus de 430 millions de litres de lubrifiants et de graisses par an - et, depuis mai 2020 dans un contexte de Covid, de l’alcool isopropylique qui un élément clé pour la production de produits désinfectants. L’usine de Bukom est le seul producteur de cet alcool à Singapour et en Asie du Sud-Est et approvisionne ainsi l’ensemble du continent asiatique.

Dès lors, si les 64 îles qui composent le territoire de Singapour participent à sa fragmentation, les grands groupes industriels comme Shell contribuent à la mise en réseau des îles du sud-ouest et renforcent la domination de Singapour comme un hub énergétique majeur dans la région Asie-Pacifique : 90 % environ des productions du site de Bukom sont exportées dans les pays de la région Asie-Pacifique et au-delà. Néanmoins, en novembre 2020, Shell a annoncé son intention de réduire de moitié la capacité de raffinage de pétrole brut sur le site de Bukom et de supprimer 500 emplois afin notamment de baisser ses émissions de gaz à effet de serre. Après 60 ans de fonctionnement, cette annonce marque un tournant à Singapour dans un contexte de transition énergétique et d’application du Plan vert de Singapour 2030.

 

L’île de Busing : l’île Tankstore

Située à l’ouest du complexe pétrochimique de Shell, l’île de Busing présente des dimensions plus modestes et des fonctions moins variées. En effet, cette île est essentiellement un site de stockage d’hydrocarbures qui appartient à la compagnie Tankstore et qui est entré en fonction en 1990. 12 quais de débarquement permettent d’accueillir des pétroliers d’une capacité maximale de 236 000 TPL (Tonnes de port en lourd). Sur l’image, deux quais au nord-ouest de l’île semblent occupés par ce type de navire. Au total, grâce à ses 112 réservoirs de taille variée (réservoirs de 300 m3 à 60 000 m³ situés à l’ouest), le site de stockage de Tankstore a une capacité de stockage d’hydrocarbures de 2 millions de m³.

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Les « îles réservoirs »
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Repères géographiques

Références ou compléments

 

Sites Web

 

Vidéo

Le Dessous des Cartes, 2020 : Singapour, île modèle ou île fragile ?, 12 minutes.

 

Documents complémentaires :

Contributeur

Proposition : Julien Picollier, professeur en CPGE au lycée Berthollet, Annecy