Image satellite du détroit de Gibraltar
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Le détroit de Gibraltar : une porte, un verrou et une interface stratégique entre Atlantique et Méditerranée, Europe et Afrique

Long de 60 km d’ouest en est et large de seulement 14 km dans sa partie la plus étroite, le détroit de Gibraltar met en contact l’Afrique et l’Europe, l’Océan atlantique et la Mer méditerranée. Il fonctionne donc à la fois comme une porte, un verrou et une interface d’une qualité exceptionnelle. Il constitue donc un enjeu géostratégique majeur aux échelles continentale et mondiale. Son contrôle et la sécurité de la navigation et de flux d’échanges multiformes y expliquent de fortes rivalités géopolitiques, symbolisées en particulier par la présence des enclaves de Gibraltar et de Ceuta.

Image satellite du détroit de Gibraltar
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Légende de l'image

Cette image a été prise par un satellite Sentinel 2 le 17/04/2018. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution de 10m.

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Image satellite du détroit de Gibraltar
Repères géographiques

Présentation de l'image globale

Un cadre régional exceptionnel, entre continent européen et africain

Cette image témoigne de la structure très particulière du détroit de Gibraltar. Au nord se trouve l’Espagne qui s’avance vers le sud par la Punta Marroqui et la ville de Tarifa au centre de l’image. Au nord-est, côté Méditerranée, se trouve un site exceptionnel bien visible : une vaste baie bien abritée et fermée par un puissant cap. Elle accueille le port d’Algéciras et, surtout, la Puntas Europa et le rocher de Gibraltar, sous souveraineté britannique.

Au sud se trouvent le Maroc et les contreforts du bloc montagnard du Rif, bien visibles dans la partie orientale. S’étendant de Tanger à la Moulouya, ce dernier se caractérise par des altitudes moyennes assez élevées, une multiplicité de crêtes et de raides versants et par de fortes densités rurales. Côté méditerranéen, cette côte est assez échancrée et tombe dans la mer. Elle a la particularité d’être dotée d’une fine presqu’île s’avançant dans la mer et qui est occupée par l’enclave espagnole de Ceuta. A l’ouest, ouverte vers l’Atlantique, se déploie une vaste baie qui accueille la métropole de Tanger et est bordée à l’ouest par le Cap Spartel (altitude : 315 m).

Au plan hydrographique, le détroit est long de 60 km d’ouest en est. Il est limité côté atlantique par la ligne droite reliant à vol d’oiseau sur 44,5 km le cap Trafalgar au cap Spartel ; et côté méditerranéen par la ligne droite reliant sur 23,7 km la Punta Europa (rocher de Gibraltar) à Ceuta. Par contre, au centre, sa largeur minimale nord/sud n’est que de 14 km. Sa profondeur varie de – 980 à – 300 mètres, le seuil se trouvant au large de Tarifa. Dans le monde grec, les colonnes d’Hercule - qui marquaient les limites de la Méditerranée et du monde connu - étaient symbolisées par les deux promontoires dominant le détroit : le Mont Calpé/ Rocher de Gibraltar au nord, le Djebel Musa (850 m) au Maroc.

Une porte maritime entre Océan atlantique et Mer méditerranée

A l’est de l’image, la Méditerranée présente plusieurs caractéristiques spécifiques. C’est la seule mer intracontinentale de cette taille sur le globe. Si son enveloppe littorale se déploie sur environ 46 000 km, c’est une mer quasi-fermée puisque le détroit de Gibraltar, très étroit donc (14 km), est son seul lien naturel avec le reste de l’espace maritime mondial. Elle couvre 2,5 millions de km2, à une profondeur moyenne de 1 500 m et comprend un volume d’eau évalué à 3,7 millions de m3. Elle est, enfin, constituée de deux grands bassins bien compartimentés, le bassin oriental et le bassin occidental. Ces facteurs contribuent à la forte salinité des eaux et à la faiblesse des marées, contrairement aux grands domaines océaniques ouverts.

Du fait de sa position géographique aux marges des déserts méridionaux (Nord de l’Afrique) et orientaux (Proche Orient) liés à la présence du Grand Sahara, de sa structure cloisonnée et de sa quasi-fermeture, elle se caractérise par une évaporation de ses eaux supérieure aux apports des précipitations et des eaux de ses fleuves bordiers – tels l’Ebre, le Rhône, le Pô ou le Nil qui y construisent des très grands deltas. En conséquence, les apports de la Mer noire au nord-est et - surtout - de l’Atlantique à l’ouest jouent un rôle majeur dans son alimentation. Si le détroit de Gibraltar était fermé, son niveau marin baisserait de 0,5 à 1 mètre par an. A la hauteur du détroit, l’Atlantique fournit en effet environ 35 000 km3 d’eau par an à la Méditerranée.

L’étroite porte maritime que constitue le détroit de Gibraltar est donc marquée par l’importance des courants marins, de profondeur comme de surface. Sur cette image, les flux maritimes se croisent en se superposant. Les eaux atlantiques entrent en surface, alors que les eaux méditerranéennes, plus denses, sortent par le fond en formant une veine d’eau spécifique qui s’étale au large sur le fond atlantique. Sur ces grands courants de profondeur se superpose en surface l’alternance des courants de marée, qui peuvent être considérables, en particulier dans l’Atlantique (cf. Cap Spartel). Enfin, la météo (cf. vents du Poniente ou du Levante) peut réduire la visibilité (brumes, brouillards, sables et poussières du désert portés par le sirocco ou chergui…). Du fait des vents et des houles, Tarifa et sa longue plage orientée au sud-ouest est ainsi un important spot de planche connu dans le monde entier. On remarque bien sur l’image (et les zooms) le reflet des ondes maritimes au nord-est de Ceuta.

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Cumul navigation Gibraltar
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Détroit de Gibraltar navigation régionale
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Gibraltar vue régionale
Verrou géostratégique de rang mondial, enjeux géopolitiques des enclaves

Le détroit de Gibraltar est - à moins de contourner l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance en Afrique du Sud - le passage obligé de la grande route maritime Est/Ouest. De rang mondial, elle relie l’Amérique du Nord et l’Europe nord-occidentale d’un côté au Proche et Moyen-Orient et au delà à l’Asie de l’autre. En conséquence, environ 100 000 navires (cargos, vraquiers, pétroliers, porte-conteneurs) passent chaque année par le détroit.

Ce verrou stratégique de rang mondial a été et demeure un objet de rivalités géopolitiques, alors que la VIe flotte étatsunienne dispose d’une importante base navale à proximité relative (Naples, sud de l’Italie). Au nord, le Rocher de Gibraltar demeure un sujet de discorde entre le Royaume-Uni et l’Espagne, qui réclame régulièrement un retour sous sa souveraineté. Au sud, l’enclave de Ceuta demeure un point de discorde entre l’Espagne et le Maroc. En 2002, le tout petit îlot de Persil (ou Perejil) situé au nord-ouest de Ceuta et bien visible sur l’image a été au cœur d’un risque d’affrontement militaire entre ces deux Etats qui, heureusement, n’a pas dégénéré. Mais ces tensions géopolitiques expliquent l’impossibilité pour l’instant des différents Etats riverains à s’accorder clairement et définitivement sur les tracés de leurs limites frontalières maritimes.

Le droit international de la mer – via la convention de Montego Bay, entrée en vigueur en 1994 – définit le détroit de Gibraltar comme un détroit international où s’applique un régime de passage sans entrave pour tout navire, qu’il soit civil ou militaire (cf. sous-marins par ex.) alors que les avions y bénéficient d’un droit général de survol. Afin d’assurer la sécurité de la circulation maritime ouest/est, un dispositif spécifique de séparation du trafic (DST) – prévu par la convention international COLREG, entrée en vigueur en 1977 – s’y applique depuis 1997. La zone nord du détroit accueille les flux est/ouest et la zone sud les flux ouest/est. Celui-ci est géré conjointement par les autorités marocaines et espagnoles.

Une interface majeure entre l’Afrique et l’Europe, entre Nords et Suds

Le détroit de Gibraltar fonctionne aussi comme une interface majeure entre l’Afrique et l’Europe, les Nords et les Suds, aux gradients de développement très différenciés. Comme dans les détroits du Bosphore ou du Pas-de-Calais, les flux transversaux sont donc considérables et interfèrent avec les flux est/ouest.

Cette interface fonctionne selon différents registres. Au plan commercial, la zone du détroit – qui représente une rupture de charge majeure - est dotée de nombreuses installations portuaires qui assurent le transit nord/sud des marchandises et des hommes (cf. rail des ferries entre Tanger et Algeciras, Algeciras et Ceuta, Tarifa et Tanger). Celles-ci sont connectées à de puissants réseaux autoroutiers, largement modernisés ces dernières décennies, qui drainent les marchandises et les hommes des hinterlands marocain et espagnol.

Mais la zone du détroit est aussi un lieu majeur de multiples trafics interlopes qui alimentent localement et régionalement une vaste économie informelle (migrants clandestins, drogues, en particulier de résine de cannabis dont la région du Rif est un des grands pôles producteurs…). Ils font souvent la Une de l’actualité (morts en mer de migrants, prises de drogue et interception des « lanchas » et go fast pneumatiques des trafiquants filant à plus de 100 km/h…).

L’image présente la grande baie septentrionale qui est encadrée par un vaste contrefort de hautes terres (Sierra del Algarrobo, 810 m), souvent boisées, et de zones agricoles bien visibles. Nous sommes ici dans le sud de l’Espagne, dans la province de Cadix appartenant à la communauté autonome d’Andalousie. Le climat de transition - assez doux (18°C de moyenne annuelle) et bien arrosé (835 mm de pluie) - y explique le fort contraste existant avec l’intérieur de l’Andalousie. Cette baie présente plusieurs caractéristiques : elle est de grande taille (8 km de large et 10 km de profondeur), orientée vers le sud donc bien protégée et fermée à l’est par un puissant cap, la Puntas Europa.

L’ensemble du littoral est largement urbanisé et le développement de puissantes installations portuaires, avec en particulier la création de terre-pleins sur l’espace maritime, bien visible. Plus dense, le vieux noyau historique d’origine antique (Villa Vieja et Villa Nueva) se trouve au départ des deux puissants terre-pleins. Au total, Algeciras est une ville de 120 000 habitants dominant une importante conurbation (Palmones…) qui s’étend jusqu’à La Linéa, à la frontière du rocher de Gibraltar.

Algeciras est le principal port du détroit, le 1er port d’Espagne et un important pôle industriel et logistique. Dynamisé par la politique de pôles industriels du régime franquiste, qui y créé en 1965 une vaste zone industrialo-portuaire (raffinerie, sidérurgie, centrale électrique), il est devenu depuis les années 1980 un des grands hubs de la Méditerranée pour le transbordement des conteneurs opéré par des compagnies européennes ou asiatiques à la suite de très importants travaux d’aménagement (nouveaux quais et terre-pleins, digues de protection, nouveau terminal gazier…). C’est aussi, comme en témoigne l’image, un important nœud de transbordement maritime particulièrement bien relié avec l’Europe du Nord par l’autoroute A7 qui file vers Barcelone puis la France par le littoral. A l’échelle régionale, l’autoroute A 48 relie Algesiras à Tarifa puis Cadix vers l’ouest.

De l’autre côté de la baie se déploie le Rocher de Gibraltar, un territoire britannique occupant un site stratégique dont l’Espagne réclame régulièrement le retour sous sa souveraineté (zoom 4).

Image satellite du détroit de Gibraltar

Cette image présente la rive sud-est du détroit. Au centre se déploient les hautes terres du massif du Rif. A l’ouest, les installations portuaires du grand projet Tanger Méditerranée et à l’est l’enclave espagnole de Ceuta.

Tanger Méd. : une grande opération d’aménagement et de développement littoral

Dans le quart nord-ouest, les grandes infrastructures du projet portuaire et industriel de Tanger Méditerranée sont bien visibles. Lancé en 2001, le nouveau port est ouvert à 40 km au nord-est de Tanger en 2007 dans le cadre de la modernisation de la région. Construit ex-nihilo sur le site du barrage de l’Oued Rmel, bien visible sur l’image, dans un site au total aux fortes contraintes, ce nouveau port en eau profonde nécessite d’importants travaux de terrassement. Il est complété par la création d’une vaste plateforme logistique (conteneurs, hydrocarbures, céréales et charbon…) et industrielle reliée au sud par une voie autoroutière.

Une enclave espagnole accrochée au rivage marocain

Mais l’intérêt principal de l’image repose sur la présence de la presqu’ile de Ceuta et de l’enclave espagnole du même nom. Couvrant 18,5 km², elle est dominée à l’ouest par des hauteurs de 750 m et séparée du territoire marocain par une « zone neutre » de quelques centaines de mètres.

Cet espace frontalier est couvert par une véritable clôture (grillages de 6 m de haut, barbelés, capteurs électroniques et caméras, routes de surveillance pour les patrouilles…) longue de 8 km et renforcée en 2001. Sur celle-ci viennent se heurter les migrants clandestins souhaitant rentrer dans Ceuta, donc dans un territoire appartenant à l’Union européenne.

L’enclave est composée de deux ensembles : la péninsule d’Almina dominée par le Mont Hacho (186 m) et la partie continentale accueillant le bourg d’El Morrro. La petite baie de Ceuta orientée vers le nord accueille les installations portuaires. Sur l’image, le rocher de Perejil ou Persil, lui aussi sous souveraineté espagnole, est bien identifiable au nord-ouest.

Un héritage colonial source de fortes tensions géopolitiques

Ceuta et Persil appartiennent à la chaîne de ce que l’Espagne appelle les « plazas de soberania » (territoires de souveraineté), ou encore « présides », qui ourlent le littoral marocain et dont la conquête remonte au XVe siècle. On distingue les « Plazas mayores » que sont les villes autonomes de Ceuta (80 000 hab.) et Melilla (75 000 hab.), et les « Plazas menores » que sont les nombreux îlots inhabités directement gérés par Madrid (îlot Persil, rocher de Velez de la Gomera, îles Alhucemas et îles Zaffarines). Les considérant comme des héritages coloniaux, le Maroc en réclame depuis 1956 la restitution.

Ces confettis sont en effet issus du protectorat espagnol imposé au Maroc dans toute sa partie septentrionale méditerranéenne (21 000 km2) entre 1912 et 1956/1958, cette politique se heurtant à une vive résistance régionale écrasée lors de la sanglante Guerre du Rif (1921/1926). Témoignant de l’imbrication des deux rives de la Méditerranée, c’est du Maroc que les troupes des Régulares et de la Légion espagnole partent pour constituer le fer de lance des troupes franquistes lors de la terrible Guerre civile espagnole (1936/1939) qui aboutit au reversement de la République et à l’installation de la dictature.

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Un site d’exception expliquant une histoire mouvementée

L’image couvre la ville de Tanger et sa grande région métropolitaine au sud-ouest du détroit de Gibraltar. Elle se déploie sur un site exceptionnel : une vaste rade orientée au nord et relativement bien abritée entre littoral rocheux à l’est et littoral de plages de sable côté atlantique. Ancien comptoir phénicien puis chef-lieu de la Maurétanie tingitane (cf. Tingis), la cité fut l’objet de nombreuses convoitises au cours des siècles. A la fin du XIXe siècle, cette porte ouverte sur le Maroc est l’objet de très fortes rivalités, en particulier entre la France et le IIem Reich allemand.

Après de multiples crises et tensions, la ville est dotée entre 1923 et 1956 du statut de « ville internationale » et cogérée par des fonctionnaires nommés par hui Etats occidentaux. De cette époque date à coté de la vieille kasbah très dense le développement d’une « ville européenne » beaucoup plus large, dégagée et dotée de grands monuments et bâtiments emblématiques bien visibles sur l’image. Le Maroc ne retrouve sa souveraineté sur la ville qu’en 1956 lors de son indépendance et l’abolition des derniers privilèges en 1960 y est compensée par la création d’une zone franche portuaire.

Le second pôle économique du pays en pleines mutations

La ville est aujourd’hui le second pôle économique du Maroc après Casablanca, le grand port du nord du pays et la tête de pont des échanges avec l’Espagne et l’Europe. Son dynamisme s’explique par la politique volontariste de développement engagée dans les années 2000 par le gouvernement marocain dans une région jusqu’ici jugée un peu marginale et connaissant en interne de fortes tensions démographiques, socio-économiques et politiques.

Bien visibles sur l’image, les fonctions portuaires comportent un grand port de marchandise et de transport des voyageurs, complété par un port de plaisance et un port de pêche. On doit en particulier relever l’importance des ferrys, en particulier l’été lors des navettes estivales des migrants marocains résident en Europe et des touristes internationaux. Tanger est ainsi reliée par lignes régulières à Algéciras et Tarifa bien sur, mais aussi à Barcelone (Espagne), Sète et Port-Vendres (France).

La métropole dispose aussi d’un grand potentiel industriel (industries textiles, chimiques, métallurgiques et mécaniques) grâce à d’importantes zones industrielles et d’activités bien visibles sur l’image. Plusieurs ont un statut de zone franche afin d’attirer les capitaux étrangers dans le cadre de l’insertion croissante du Maroc dans la mondialisation. La zone franche portuaire logistique couvrant 130 ha est opérée par l’émirati Jebel Ali Free Zone International. Au sud-ouest, la Tanger Free Zone de 350 ha est attenante à l’aéroport de Boukhalef et El Hajriyine.

Enfin, emblématique de ses mutations, la zone franche industrielle de Melloussa (600 ha.) - bien visible au sud-est de l’image près du village de Ghedir Eddefla - accueille l’implantation en 2008 d’une très importante usine de montage automobile du groupe Renault (380 ha). Ouverte en 2012, elle emploie environ 6 400 salariés. Jouant sur les bas coûts salariaux relatifs de ses implantations périphériques (Turquie, Roumanie, Slovénie), Renault vise deux objectifs : alimenter un marché automobile marocain en plein essor et réexporter vers l’Union européenne une large partie de sa production (80 à 90 %). Cette implantation symbolise à sa façon l’intégration croissante du Maroc au système productif européen (agriculture, industrie, tourisme).

L’image témoigne des importants progrès de l’urbanisation et de la périurbanisation. A partir de la ville historique, on assiste à une forte extension vers l’ouest et le cap Spartel et le long des plages vers le cap Malabata. On est aussi frappé par la qualité des infrastructures développées ces dernières décennies. La ville nouvelle d’Ibn Batouta (forme ronde) au sud-ouest entre l’aéroport et un golf commence à prendre forme. Le territoire est quadrillé par de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse (Tanger/ Rabat/ Casablanca) et depuis le début des années 2000 par de nouvelles autoroutes filant plein sud et nord-est vers le nouveau port de Tanger Méditerranée ouvert en 2010 et situé à 40 km (voir zoom 2).

Image satellite du détroit de Gibraltar

Un petit espace saturé sous très fortes contraintes

Face à Algeciras se trouve le rocher de Gibraltar (point culminant : 426 m), rattaché au continent par un isthme très étroit. Longue de seulement 1 200 m, la frontière avec l’Espagne se trouve au nord de la piste de l’aérodrome. Ayant le statut de territoire britannique d’Outre-Mer (British Overseas Territory), ce territoire est d’une taille minuscule : 5,1 km de long, 2,1 km de large dans sa partie maximale et couvrant une superficie de seulement 6,7 km².

Il abrite cependant 32 000 habitants, soit une densité de 4 300 habitants/km²). Comme en témoigne l’image, tout l’espace plan est occupé et de nombreux travaux ont été réalisés pour gagner des surfaces sur la mer lorsque cela était possible. On est cependant frappé par la forte dissymétrie des reliefs. La majorité de la population et des activités se trouvant côté ouest du fait des fortes contraintes du site, le rocher tombant dans la mer quasi-verticalement coté est, qui reçoit en plus les vents et tempêtes potentielles de pleine face.

Le vieux système de citernes de récupération des eaux de pluie est aujourd’hui largement complété par deux usines de dessalement d’eau de mer situées dans l’éperon rocheux afin d’assurer la complète autonomie du site.

L’économie repose sur les services maritimes (port franc), les services financiers, un pavillon maritime de complaisance, le développement récent des jeux en ligne et le tourisme de croisière grâce à un statut de paradis fiscal et financier. Très attractifs, la frontière voit chaque jour 15 000 travailleurs transfrontaliers, dont 10 000 Espagnols, traverser la frontière pour venir travailler dans le Rocher. L’interdépendance économique transfrontalière est telle que lors du Brexit Madrid et Londres, dans la dernière ligne droite des négociations à l’automne 2021, parvinrent à un accord politique pragmatique pour maintenir la frontière ouverte.

Un site géostratégique majeur : le verrou de la mer Méditerranée

Du fait de son caractère stratégique comme verrou, la Grande-Bretagne occupe le Rocher de Gibraltar depuis 1704 et la Guerre de Succession d’Espagne. L’ouverture du Canal de Suez en 1869 renforce encore ses fonctions géostratégiques mondiales. Avec les îles de Malte et de Chypre, il devient un des principaux points d’appui de la Navy en Méditerranée afin de contrôler et sécuriser la route des Indes. Comme pour Chypre où se trouvent encore deux importantes bases britanniques, le Rocher garde encore aujourd’hui un rôle militaire majeur.

Il accueille une importante base navale et un arsenal (réparation possible des navires de surface et des sous-marins nucléaires dans ses cales sèches) à l’abri du môle sud. Mais il sert surtout aujourd’hui de base d’écoute et d’espionnage électronique et des télécommunications pour les services britanniques et la NSA étatsunienne. L’essentiel de ces installations se trouvent dans la pointe sud du Rocher.

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Compléments

Image satellite du détroit de Gibraltar
© Airbus DS 2012

Cette image de la région de Gibraltar a été prise avec le satelitte SPOT-6 en 2012. La résolution est de 1,5m.

Pascal Orcier, 2013-2019, « L'Europe entre associations, alliances et partenariats. L'état de l'Union européenne, de la zone euro, de l'espace Schengen et de l'Otan au 1er janvier 2019 », Géoconfluences, mis à jour le 28 janvier 2019.

Contributeur

Laurent Carroué, Inspecteur Général de l’Education nationale