Située sur la bordure littorale de la Méditerranée orientale, entre Israël et l’Egypte, la bande de Gaza est un territoire palestinien autonome administré par le parti islamiste palestinien, le Hamas, depuis 2007. D’une superficie de 365 km², le territoire compte 1,9 million d’habitants, ce qui en fait l’un des lieux les plus densément peuplés au monde (4110 hab./km²) qui vit refermé sur lui-même en raison du blocus israélien. Ce petit territoire est entouré par une clôture de haute sécurité qui délimite une frontière parmi les plus hermétiques et militarisés au monde. Malgré celle-là, la branche militaire du Hamas réalise le 7 octobre 2023 une vaste opération contre Israël qui y fait plus de 1400 morts, militaires et civils. En réponse, Israël lance une riposte de très grande envergure mobilisant des moyens exceptionnels qui entrainent des destructions urbaines de grande ampleur et fait des milliers de morts.
Légende de l'image
Cette image de la bande de Gaza, sur la côte orientale de la mer Méditerranée au Proche-Orient, a été prise le 27 septembre 2023 par un satellite Sentinel 2. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
Présentation de l'image globale
La configuration territoriale de la bande de Gaza ne correspond historiquement à aucune entité politique, bien que la cité de Gaza fondée vraisemblablement en 1500 avant J.-C. fut, durant toute l’antiquité, un important site stratégique contrôlant la route vers le pays de Canaan, et un carrefour d’échanges d’abord entre l’Egypte pharaonique et la Syrie. A l’exception de sa frontière avec l’Egypte au Sud héritée du mandat britannique sur la Palestine fixée en 1922, les frontières de Gaza sont en effet le résultat des rapports de force et des combats qui ont fait suite à la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948.
Les héritages géopolitiques contemporains : frontière ou ligne de front ?
Le plan de partage de la Palestine décidé par l’Organisation des Nations Unies le 29 novembre 1947 visant à la création de deux Etats indépendants, l’un juif et l’autre arabe, prévoyait d’intégrer la frange cotière de Gaza dans un ensemble territoriale plus vaste. Bordée au nord par le village d’Isdud (future Ashdod), celui-ci se prolongeait au sud-est, le long de la frontière égyptienne, dans le désert du Néguev, jusqu’au Wadi Nakf. Il devait former l’une des trois portions de l’Etat arabe prévu en Palestine reliées entre elles à l’Est de la ville d’Isdud et au Sud de Nazareth.
Or le refus de ce plan par les Arabes de Palestine conduit à une guerre civile qui s’intensifie au lendemain de la déclaration d’indépendance d’Israël avec l’entrée en guerre des Etats arabes voisins (Liban, Syrie, Jordanie, Egypte, Irak). Malgré leur supériorité numérique, ils sont vaincus par le jeune Etat hébreu. Cela aboutit à des évolutions territoriales défavorables aux Arabes de Palestine. Les lignes de cessez-le-feu deviennent en effet les frontières d’Israël qui dispose dès lors d’un territoire continu et plus cohérent grâce à des gains territoriaux conséquents. Ces lignes de démarcation définies par les accords d’armistices signés entre le 24 février et le 20 juillet 1949 sont dénommées « ligne verte » en raison de la couleur retenue pour son tracé sur les cartes annexées aux accords.
L’autre conséquence de ce premier conflit israélo-arabe est l’expulsion des populations arabes des territoires conquis par Israël : près de 180 000 se réfugient alors dans la bande de Gaza, soit plus d’un quart des 710 000 Palestiniens chassés de leurs foyers. Ils vivent essentiellement dans huit camps, dont quatre dépassent d’ailleurs aujourd’hui les 100 000 habitants (Jabalia, Rafah, Beach, Khan Younès).
Tandis que la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est est annexée par la Transjordanie, l’Egypte prend le contrôle de la bande de Gaza pour dix huit ans. En effet, à l’issue de la guerre des Six-Jours en juin 1967, Israël prend le contrôle de l’ensemble des territoires de la Palestine mandataire.
Des frontières terrestre, maritimes et aériennes fermées
Jusqu’à 2005, près de 9 000 colons israéliens exploitaient les terres les plus fertiles de Gaza et les ressources en eau, au milieu de 1,5 million de Palestiniens. Mais ils ont été finalement évacués lors du retrait unilatéral d’Israël de ce territoire difficilement gérable.
Dès lors, la frontière longue de 59 km entre Gaza et Israël est l’objet de la plus haute surveillance, que la prise du contrôle de Gaza par le Hamas le 15 juin 2007 a encore renforcée. Malgré l’engagement d’Israël de permettre les exportations de produits agricoles et la circulation vers la Cisjordanie, les cinq points de passages ont été progressivement fermés au gré des tensions et des interventions israéliennes (2008-2009, 2012, 2014, 2018). Conduites contre les mouvements palestiniens les plus radicaux qui lancent des roquettes sur le territoire israélien, elles occasionnent de nombreuses victimes (2251 morts en 2014) et de nombreux dégâts.
Ce blocus de Gaza et la fermeture hermétique de la frontière ont des conséquences économiques et humanitaires majeures sur les habitants gazaouis : chômage estimé à 53 % de la population active, pénuries alimentaires et de médicaments, coupure d’électricité, d’eau….. Israël laisse toutefois passer l’aide internationale et les cas humanitaires, mais selon son bon vouloir, par les checks-points de Erez au nord et Kerem Shalom au Sud.
A l’exception de la frontière avec l’Egypte au Sud, Israël encercle donc complètement la bande de Gaza, y compris sur la mer et les airs. L’espace aérien est totalement contrôlé par Israël et l’aéroport de Gaza inauguré dans le sud de la bande en 1997 a été totalement détruit par l’armée israélienne en 2001. Dans ce contexte de blocus, le point de passage vers l’Egypte à Rafah représente la seule voie de passage de Gaza vers l’extérieur.
Une construction frontalière tout à fait spécifique
Comme le montre l’image, la bande frontalière apparaît très nettement et sépare trois espaces (bande de Gaza, Israël, Egypte) aux systèmes territoriaux bien différenciés (densités, urbanisation, occupation de l’espace et mise en valeur).
Cette bande frontalière se compose d’un système complexe large de plusieurs centaines de mètres dont l’objectif est d’interdire tout passage non autorisé entre la bande de gaza et Israël. Une vaste et haute clôture de sécurité construite par Israël encercle l’ensemble de la bande sur tout le pourtour frontalier. Elle est complétée par des tours de surveillance et par des zones interdites (No-Go-Zone, large de 300 à 500 m, voire parfois 1 500 m) et des zones dites à risque (Risk Zone).
Ce dispositif est percé de quelques points de passage fortifiés (border checkpoint) très contrôlés, qui sont ouverts ou fermés selon les décisions des autorités israéliennes. Ce mur est doublé du côté israélien par une série de routes stratégiques permettant la circulation des forces de sécurités frontalières.
On retrouve sur la frontière en la bande de Gaza et l’Egypte un dispositif tout aussi hermétique, bien que de moindre ampleur. Ces dernières années, de nombreux tunnels clandestins permettant le passage clandestin des hommes et des marchandises ont été découverts et détruits par les autorités égyptiennes qui maintiennent elles aussi la bande de Gaza sous très étroit contrôle.
Le long de la frontière entre Gaza et Israël existent cinq points de passage : Erez au nord, Nahal Oz et Karni à l’Est, Sufa et Kerem Shalom au sud-est. Depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, la plupart de ces passages ont été fermés et Israël laisse passer l’aide internationale et les cas humanitaires, selon son bon vouloir, par deux checks-points de Erez et Kerem Shalom.
Comme en témoigne bien l’image, la zone frontalière est assez large puisqu’elle s’étend sur 1000 à 1500 mètres de profondeur, en fonction de la perception israélienne du risque représenté par les Palestiniens. Au mur lui-même succède en effet une zone d’accès réduite - imposée aux Palestiniens le long de la frontière - à l’intérieur de leur territoire qui est composée de trois bandes successives : la « No-Go Zone » large de 300 m., les « Access Restricted Areas » et enfin la « Risk Zone ». C’est ainsi par exemple que, dans le cadre de la « Grande marche du retour », des manifestations pacifistes organisées au printemps 2018 par les Gazaouis pour commémorer la Nakba - « la catastrophe » qu’a représenté pour eux la naissance d’Israël - 164 Palestiniens ont été tués et plus de 17 000 blessés dans cette zone frontalière par les forces de sécurité israéliennes entre le 30 mars et le 31 juillet selon l’OCHA (l’Office des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires).
Sur l’image, les effets de ce zonage sont bien visibles (mur, no-go zone de 300 m. de large bien plane et dégagée...). Au total, une large bande apparait à l’intérieure de Gaza entre Beit Lahiha et le mur comme non-construite et donc réservée aux seules activités agricoles. Côté israélien, le village de Netiv HaAsara et ses zones de serres s’étend jusqu’au mur, même si la partie littorale est fortement militarisée. Il convient enfin de noter que cette portion de l’espace maritime de Gaza est une zone très contrôlée dans laquelle toute activité de pêche est interdite et que la plage est particulièrement surveillée.
Enfin, on trouve sur l’axe qui se dirige vers le poste frontalier d’Erz deux checkpoints palestiniens qui contrôlent la circulation. C’est par ce poste que passe l’essentiel des flux de marchandises et les dizaines de milliers de travailleurs palestiniens qui vont travailler en Israël.
Dans le contexte du blocus de Gaza par Israël, la frontière méridionale avec l’Égypte longue de 13 km a longtemps représenté la seule voie de passage de Gaza vers l’extérieur. Sous Hosni Moubarak jusqu’à 2011, les mouvements de personnes étaient en général tolérés au point de passage de Rafah et la construction de tunnels sous la frontière égyptienne permettait l’approvisionnement du territoire en marchandises de toutes sortes (produits alimentaires, matériaux de construction), ainsi que de trafics.
L’arrivée au pouvoir de Al-Sissi en 2013 a marqué un durcissement, en raison des attaques terroristes dans le Sinaï égyptien, et la fermeture des tunnels et de la frontière. Réouverte en 2017, la frontière est gérée, suite à un accord avec l’Egypte, par l’Autorité palestinienne, mais les tensions avec le Hamas sont récurrentes conduisant à un régime alterné de fermeture et d’ouverture contrôlées selon la conjoncture.
Nous sommes ici au cœur de la Bande de Gaza au-dessus de la vielle ville de Gaza. L’image rend bien compte de l’exiguïté de l’espace : la distance entre le petit port et le mur frontalier est de seulement 7 km. L’orientation des grands axes de communication (Al-Rasheed, Salah El-Deen et Al-Karama) est donc parallèle au littoral. L’espace urbanisé apparait donc particulièrement dense, en particulier dans le camp d’Ash Shati’ au nord-ouest de l’image. Les espaces agricoles sont de plus en plus dévorés par l’urbanisation comme en témoigne la rencontre des tissus urbains de Jabalia et Gaza ou les extensions urbaines de Gaza vers le sud-est.
Dans ce contexte d’enfermement, le port – protégé par deux digues des houles ou tempêtes au large, et dans lequel s’abrite de nombreux petits bateaux de pêche – semble minuscule et témoigne de l’étroitesse de la fenêtre maritime palestinienne ouverte sur la mer Méditerranée. Tout trafic maritime depuis et vers Gaza est en effet proscrit. Alors que selon le droit international et les accords d’Oslo de 1993, Gaza dispose d’une zone de pêche de 20 miles nautiques de large depuis son littoral, celle-ci a été réduite à seulement 3 miles par Israël à partir de janvier 2009, voire interdite aux pécheurs palestiniens dans ses franges nord et sud. Dans ce contexte, les prises ont diminué de plus de 60 %. Ce secteur économique est pourtant vital. Depuis début 2019, ces restrictions ont été assouplies, l’espace maritime accessible aux Palestiniens couvre désormais 12 miles dans sa partie centrale et 6 miles dans ses franges nord et sud.
Nous sommes ici presque au centre géographique de la Bande de Gaza. Cet espace est traversé par l’oued du Wadi Gaza dont on mesure en plein été la faiblesse des écoulements qui rappelle l’extrême précarité dans laquelle se trouve celle-ci concernant ses ressources hydriques surexploitées. La multiplication inconsidérée des puits alimentés par des motopompes fonctionnant au gasoil, épuise les nappes phréatiques et entraine des entrées d’eau marines qui tendent à saliniser les nappes. L’accès à une eau potable de qualité représente un enjeu majeur de santé publique.
Nous sommes ici aussi dans une des grandes zones agricoles de la Bande de Gaza, qui s’étend entre la ville de Gaza plus au nord et les camps de réfugiés de Nuseirat et Bureij au sud. Dans cette zone tampon, les espaces agricoles demeurent importants mais sont de plus en plus grignotés par l’urbanisation. Enfin, les deux camps de Nuseirat et Bureij sont bien visibles du fait de leurs densités extrêmes. Ils rappellent les exodes successifs peuplant la Bande de Gaza. L’image de Deir al Balah et du camp de réfugié d’Al Maghazi, plus au sud, souligne l’importance des densités et le mitage des espaces agricoles.
Nous sommes ici sur l’espace qui s’étend entre le kibboutz israélien de Nahal Oz, bien visible dans l’angle droit et les marges urbaines de l’agglomération de Gaza au nord-ouest. Au centre se déroule le mur frontalier bien visible. L’intérêt principal de l’image est de montrer la juxtaposition de deux paysages, deux structures et au total deux sociétés agricoles et rurales différentes.
Image complémentaire
Image du nord et du centre de la Bande de Gaza prise le 10 aout 2023 avant les destructions occasionnées par le conflit d’oct./nov. 2023.
Contient des informations Pléiades © CNES 2023, Distribution Airbus DS, tous droits réservés. Usage commercial interdit.
Pierre Blanc, Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, Atlas des Palestiniens, Autrement, Paris, 2014
Frédéric Encel, Atlas géopolitique d’Israël, Autrement, Paris, 2018 (5e édition)
Le site de l’OCHA, Occupied Palestinian Territory (suivi de la conjoncture, rapports d’études, statistiques sur les passages aux postes frontaliers…)
ONU. Site de l’OCHA. United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs
Cartes : https://www.ochaopt.org/atlas2019/wbclosure.html
Carte Bande de Gaza de sept. 2023 : https://www.ochaopt.org/sites/default/files/Gaza_A0_2023.pdf
UNOSAT (The United Nations Satellite Centre (UNOSAT) is part of the United Nations Institute for Training and Research - UNITAR) : https://unosat.org/products/3712
Frank Tétart est docteur en géopolitique de l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8) et diplômé en relations internationales (Paris 1). Il est l’un des co-auteurs de l’émission « Le Dessous des Cartes » avec Jean-Christophe Victor (1994-2008) et aujourd’hui conseiller scientifique de l’émission. Ancien rédacteur en chef délégué des revues Moyen-Orient et Carto (2009 à 2011), il enseigne dans le secondaire et à Paris Sorbonne Abou Dhabi (PSUAD).
Outre de nombreux articles sur Kaliningrad, sujet de sa thèse, il a publié Nationalismes régionaux: Un défi pour l’Europe (De Boeck, 2009), la Géographie des conflits (CNED/SEDES, 2011), Péninsule Arabique, cœur géopolitique du Moyen-Orient (Armand Colin, 2017). Chez Autrement, il dirige depuis 2013 l’édition annuelle du Grand Atlas et a publié l’Atlas des religions : Passions identitaires et tensions géopolitiques en 2015, et Une carte par jour, découvrir le monde en un coup d’œil en 2018.