AOS-C²OMODO en détails

Contexte

Le programme AOS vise à caractériser de la manière la plus complète possible l’atmosphère terrestre en créant un observatoire spatial embarquant des instruments de natures très différentes (radars, lidars, polarimètres, radiomètres micro-ondes et infrarouges).

Les questions scientifiques majeures sous-jacentes concernent trois grands thèmes : les nuages, la convection et les précipitations, les aérosols. Plus exactement, AOS vise à fournir des observations complémentaires et inédites de l’atmosphère, par des instruments actifs et passifs, afin de permettre l’amélioration des modèles météorologiques, de la qualité de l’air mais aussi de réduire les incertitudes des projections climatiques.

Le programme AOS s’inscrit dans la continuité d’autres programmes internationaux similaires comme A-Train (un groupe coordonné de plusieurs satellites d’observation de la Terre qui se suivent de près sur la même trajectoire orbitale, permettant des observations quasi simultanées, à partir d’une grande variété d’instruments utilisés de manière synergique) et GPM (dont l’objectif était de mesurer les précipitations depuis l’espace).

Le CNES avait déjà contribué à ces deux programmes en participant aux missions CALIPSO (pour A-Train) et Megha-Tropiques (pour GPM), mission pour laquelle le CNES avait notamment développé le radiomètre SAPHIR (dont sont issus les radiomètres de C²OMODO, développés pour AOS).

AOS se déroule dans le cadre d’une coopération très large entre le CNES,la NASA, les agences spatiales canadienne (CSA), japonaise (JAXA), italienne (ASI) et et allemande (DLR).

En particulier, AOS est l'occasion pour le CNES de relancer la coopération avec l'Agence Spatiale Japonaise dans le domaine spécifique de l'observation de la Terre.

Objectifs d’AOS

  • Mieux comprendre l’apparition des nuages convectifs, des précipitations et des orages en lien avec la présence de particules fines de l’atmosphère (aérosols)

  • Comprendre l’impact des polluants atmosphériques sur la santé et les écosystèmes

  • Réduire les incertitudes des projections climatiques liées au réchauffement de la Terre

  • Améliorer la qualité des modèles de météorologie et de climat pour mieux anticiper les événements extrêmes

L’importance des données fournies par les satellites pour les prévisions météorologiques et les études climatiques n’est plus à démontrer. Cependant, malgré les avancées qu’a permis la science spatiale dans ce domaine depuis la dernière décennie, les modèles utilisés par les communautés scientifiques comportent encore des incertitudes pénalisantes, du fait de la compréhension limitée de certains phénomènes de physique atmosphérique. C’est le cas notamment des interactions entre aérosols et nuages – ce qui induit une forte incertitude sur l’impact de ces aérosols sur le réchauffement climatique – mais également sur la formation et le développement des systèmes convectifs profonds (orages).

Les systèmes convectifs dits « profonds » ont un rôle central dans le cycle de l’eau et le cycle de l’énergie du système terrestre. Ils sont, par exemple, la cause d’importants échanges de masses d’air, d’aérosols et d’eau entre les basses et les plus hautes couches de l’atmosphère. Ils ont également un impact sur la circulation des masses d’air à l’échelle du globe. Cependant, ils sont encore mal caractérisés et donc mal représentés par les modèles météorologiques ou les modèles de circulation atmosphérique actuels. En particulier, ces modèles parviennent mal à reproduire leur vitesse verticale, ce qui traduit un manque dans la compréhension de leur propriétés (taille horizontale, intensité, durée, taux de croissance).

Le projet C²OMODO vise à rendre possible l’observation de ces propriétés par un tandem de radiomètres micro-ondes. Pour la première fois, les systèmes convectifs seront observés par deux instruments similaires, à quelques minutes d’intervalle, ce qui permettra d’en estimer notamment leur vitesse verticale.

 

Le principe de la mesure instrumentale

Les instruments C²OMODO sont des radiomètres, c’est-à-dire des appareils qui vont capter et mesurer l’intensité d’ondes électromagnétiques situées dans le domaine micro-onde (ici à trois fréquences particulières : 89 GHz, 183 GHz et 325 GHz).

Ces appareils sont passifs, c’est-à-dire qu’ils n’émettent pas d’ondes, mais ils mesurent le rayonnement électromagnétique émis par la Terre et l’atmosphère. Ces signaux sont atténués par tous les hydrométéores de l'atmosphère, c'est-à-dire tous les différentes formes d’eau présentes dans l’atmosphère (sous forme de vapeur, de gouttelettes d’eau liquide ou de (micro)cristaux de glace, de neige ou de grêle…).
Plus il y a d’hydrométéores dans l’atmosphère, plus l’atténuation des signaux reçus est grande.

Un seul instrument C²OMODO sera capable de caractériser le contenu en hydrométéores des différentes tranches d’altitudes de l’atmosphère.

Mais l’utilisation de 2 instruments, à quelques minutes d’intervalle, permet en plus d’observer le mouvement de ces hydrométéores, et en particulier leur mouvement vertical, ce qui permet de mieux comprendre la convection de l’atmosphère, c’est-à-dire les mouvements d’air montants et descendants, causés par les différences de température entre l’air au sol chaud et l’air à haute altitude froid (ces mouvements de convection sont principalement compris entre 5 et 20 km d’altitude).

 

Déroulé du projet

Le programme AOS est composé d’une première composante, appelée AOS-Storm, qui sera placée en 2030 sur une orbite inclinée et d’une seconde dont les satellites placés sur orbite polaire seront lancés à partir de 2031.

La composante AOS-Storm utilisera 2 satellites :

  • un satellite japonais qui abrite un radar à précipitation japonais permettant de réaliser la mission PMM, ainsi qu’un radiomètre du CNES contribuant à la mission C²OMODO (Convective Core Observations through MicrOwave Derivatives in the trOpics) - la contribution française au programme AOS.
  • un satellite américain baptisé C²OMODO-Sat embarquant le second radiomètre du CNES, permettant de former un tandem nécessaire à la réalisation de la mission C²OMODO.

Ces satellites seront lancés conjointement, sur la même orbite, et se suivront à quelques minutes d’intervalle, ce qui permettra aux instruments C²OMODO de mesurer successivement le contenu atmosphérique en hydrométéores et d’en déduire les mouvements verticaux de ces hydrométéores entre deux instants de mesure rapprochés. Ces mesures permettront ainsi de mieux caractériser et comprendre les phénomènes convectifs atmosphériques et la formation des orages notamment.

D’autres mesures suborbitales (prises par avion ou sur des ballons) viendront calibrer, valider et compléter les mesures orbitales.

 

Organisation

Segment sol

Les trois agences impliquées sur AOS-Storm participent au segment sol du programme C²OMODO : la NASA, le CNES et la JAXA.

La NASA et la JAXA disposent de leur propre Centre de Mission, où sont opérées les chaînes de traitement C²OMODO livrées par le CNES qui traitent les données issues des radiomètres des satellites C²OMODO-Sat et PMM respectivement. Les données issues de ces chaînes sont ensuite transférées au Pôle de données et de services AERIS en France, qui assure la fonction de Centre de Mission Scientifique pour les missions spatiales du CNES, et qui est (entre autres) chargé de combiner les données issues des deux instruments C²OMODO pour créer les données tandem de la mission, qui sont mises à disposition des utilisateurs via des portails de distribution et peuvent être utilisées à des fins scientifiques.

Schéma de l'architecture système de C²OMODO
L’architecture système de C²OMODO © CNES
Le tandem de satellites de la mission C²OMODO
Le tandem de satellites de la mission C²OMODO © Hélène Brogniez et al., Time-Delayed Tandem Microwave Observations of Tropical Deep Convection: Overview of the C2OMODO Mission, Frontiers in Remote Sensing (2022)

C²OMODO est une première pour le CNES. Il s’agit de monter deux instruments identiques sur deux plateformes complètement différentes, tant d’un point de vue matériel que logiciel, et issues de deux agences distinctes (NASA et JAXA).

Thierry Amiot

  • Chef de projet AOS-C²OMODO