L’Est-Maralpin : un territoire transfrontalier franco-italo-monégaste au cœur de l’arc méditerranéen

Entre Monaco et la frontière italienne, le pays mentonnais s’étend des rivages de la Méditerranée aux imposants sommets des Alpes du Sud, qui dépassent les 1.000 m d’altitude et voit la montagne plonger dans la mer. Grâce à sa position de carrefour entre la Provence et Nice à l’Ouest, l’Italie à l’Est, et à ses aménités, le territoire mentonnais s’avère particulièrement attractif. Les frontières, distinguent ici trois Etats qui se juxtaposent, voire s’imbriquent. Les frontières sont traversées quotidiennement par des travailleurs, des touristes. Loin d’être un frein, elles sont un vecteur de complémentarité.

 

Légende de l’image satellite

Cette  image  du sud-est de la France  a été prise par le satellite Sentinel 2A le 21 mai 2020. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Présentation de l’image globale

Un espace littoral et de haute montagne organisé par deux Etats,
une principauté et leurs frontières

L’omniprésence de la montagne et ses contraintes

Comme le montre l’image, évoquer les Alpes-Maritimes, c’est évoquer l’interaction entre mer et montagne. Cette double caractéristique est particulièrement remarquable à l’Est de Nice. En effet, si les Préalpes sont présentes à L’Ouest du département, au-delà de la vallée du Var, ce sont bien les Alpes qui marquent plus profondément encore le paysage à l’Est. D’une manière générale, et à l’instar de l’ensemble du département des Alpes-Maritimes, l’espace se divise ici en trois unités géographiques bien distinctes mais étroitement solidaires : le littoral, le Moyen-Pays et le Haut-Pays.

Sur le littoral, les hauteurs sont abruptes et dominent la mer Méditerranée : les contrastes topographiques sont forts entre sommets et bande côtière. La bande littorale plane ne dépasse pas quelques dizaines de mètres entre Eze et Roquebrune-Cap-Martin. Le relief s’élève à 1148 m au Mont Agel, au-dessus de la Turbie et Monaco, à moins de trois kilomètres de la Méditerranée. La montagne se jette à la mer dans la baie de Garavan, à Menton. C’est d’ailleurs une arête alpine qui sert de délimitation à la frontière entre la France et l’Italie à l’Est de Menton.

En poursuivant vers le Nord, le relief s’élève. S’étendant sur 20 % du territoire, le Moyen-Pays est caractérisé par des montagnes qui constituent le cadre paysager de cet espace. Les sommets sont visibles depuis le littoral et peuvent atteindre 1286 m au Mont Razet, 1051 m à la Pointe Siricocca ou 1412 m au Mont Férion. C’est une zone de transition entre le littoral et le Mercantour.

Le Haut-Pays, quant à lui, constitue 75 % du territoire présent sur cette image. Il se caractérise par des hauts sommets, notamment vers les crêtes frontalières. On rentre alors dans le massif du Mercantour-Argentera, avec les vallées encaissées de la Roya et le secteur des Merveilles, et, plus à l’Ouest, accessible par le col de Turini, de la Vésubie, avec les vallons de la Gordolasque, du Fenestre et du Boréon. Ici, la Cime du Gelas culmine à 3143 m. Nous ne sommes pourtant qu’à 50 km de la Méditerranée. La quasi-totalité de ce Haut-Pays est inclus dans le cœur du Parc national du Mercantour.

Des vallées valorisées, l’axe de la Roya

Les liens entre la frange littorale et l’Arrière-Pays sont assurés par quelques vallées perpendiculaires, orientées Nord-Sud. Depuis Nice, la vallée du Paillon permet d’accéder au Moyen-Pays situé à l’Ouest de la zone d’étude. Depuis Menton, c’est le vallon de Castellar qui s’oriente vers Sospel. Toutefois, ces vallées et vallons ne pénètrent pas au cœur de cet espace montagnard. Tous s’achèvent rapidement par des cols : col de Braus à 1002 m, de Castillon à 700 m, lorsqu’il ne s’agit pas de gorges à traverser.

Seule exception : la vallée de la Roya. Vallée majeure de notre image, se situant à l’Est, la Roya a la particularité de débuter en Italie, à Vintimille (hors cadre), pour déboucher en France. Cette spécificité explique qu’elle polarise une partie des flux de migrants clandestins qui cherchent à passer d’Italie en France, en particulier pour rejoindre le Royaume-Uni par la suite, lorsque les contrôles au poste de Menton sont des plus sévères. Elle permet une desserte du Haut-Pays (Breil-sur-Roya, Tende), jusqu’au tunnel du col de Tende, à 1.300 m d’altitude. Mais comme les autres vallées, le passage de gorges est une nécessité.

Une littoralisation massive

La population est très inégalement répartie. Le littoral est attractif, avec une vocation résidentielle, économique et touristique marquée : 75 % de la population s’y concentre, avec une densité de population supérieure à 2000 habitants/km² en moyenne. C’est la conséquence à la fois d’un système de reliefs qui limite le développement démographique et urbain au-delà du littoral et, tout autant, de modèles économiques, culturels et urbains survalorisant le cadre maritime et littoral.

Près de quatre emplois sur cinq se situent pour la France dans les communes littorales, et près d’un emploi sur deux dans la seule commune de Menton. Quant à la Principauté de Monaco, c’est le principal pôle d’emplois régional. En effet, le tissu économique mentonnais ne fournit pas assez d’emplois pour les actifs du territoire.

De plus, le littoral représente la destination privilégiée des touristes qui viennent sur la Riviera française : 82 % des résidences secondaires du territoire se localisent dans les  communes littorales de Menton, Roquebrune-Cap-Martin et Cap-d’Ail.

A l’opposé, le gradient est très marqué entre littoral et intérieur. Seulement 15 % de la population réside dans le Moyen-Pays, qui présente cependant encore une densité moyenne de 110 habitants/km². Et seulement 10 % dans le Haut-Pays dont la densité moyenne tombe à 10 habitants/km², et qui, rappelons-le, couvre 75 % du territoire présent sur cette image.

Une métropolisation Ouest-Est, cadencée Nord-Sud

Comme en atteste cette image, le littoral se distingue par une anthropisation et une urbanisation marquée, en particulier avec la présence d’un collier de grands pôles urbains avec Nice, Monaco Roquebrune-Cap-Martin et Menton notamment. Conséquence de l’urbanisation intensive, les espaces demeurés « naturels » sont résiduels.

Au total, depuis 1975, la population de la Riviera Française et de la vallée de la Roya n’a cessé d’augmenter. Ces vingt dernières années, la population a gagné près de 3800 habitants, pour atteindre 71 600 habitants. Avec Monaco, l’aire urbaine transfrontalière de Menton-Monaco atteint 111 800 habitants.

Alignées selon une logique Ouest-Est, les villes littorales sont cependant organisées dans un rapport Nord-Sud avec leur arrière-pays, car face à la saturation littorale, l’urbanisation dense et continue part à l’assaut des crêtes et des fonds de vallons, et intègre jusqu’aux communes situées à une trentaine de minutes de la côte. Ainsi, l’intercommunalité de la Riviera française - la CARF, Communauté d’Agglomération de la Riviera française, organisée autour de Menton - s’étire du littoral jusqu’à Tende, et s’étend et se dilate jusqu’à 50 km à l’intérieur des terres.

Très prisé des actifs monégasques, mentonnais et niçois, le Moyen-Pays connait une forte dynamique démographique, en particulier vers Sospel, Sainte-Agnès et Castellar. Revers de la médaille, cette  attractivité résidentielle entraîne un recul des activités rurales et une urbanisation extensive (Sospel, Breil-sur-Roya). Le Moyen-Pays est devenu un espace d’étalement urbain, mité, avec dégradation des paysages traditionnels. Les friches agricoles sont de plus en plus nombreuses sur les terrasses, appelées localement restanques.

Alors que la connexion au littoral par les transports est difficile, l’usage de la voiture individuelle est dominant et reste le moyen privilégié pour rompre l’isolement et l’enclavement de ces territoires de montagne.

Un double espace transfrontalier, franco-italien et franco-monégasque

L’Est maralpin présente la particularité d’être au contact avec deux frontières. L’espace franco-italo-monégasque est donc un exemple d’interface multiple mais aux composantes bien différenciées.

La dyade frontalière franco-italienne qui s’étend sur 515 km des Savoies jusque sur l’image a été l’objet de nombreux changements du fait à la fois de l’unification politique tardive de l’Italie et du rôle d’espace-tampon longtemps joué par les Alpes entre Royaume de France et Principautés italiennes. Trois traités en ont fixé les limites successives : Traité d’Utrecht de 1713, Traité de Turin (fondamental sur l’image) de 1860 et Traité de Paris de 1947.   
 
Sur l’image, la première frontière est une évidence : c’est la frontière italienne. L’ensemble urbain Nice-Menton se poursuit côté italien par les villes de Vintimille, Bordighera, San Remo et Imperia pour former une agglomération transfrontalière en filament, mais parfois discontinue : Menton est séparée de Vintimille par une arête alpine. Par ailleurs, l’arrière-pays transfrontalier est faiblement peuplé, enclavé : le relief constitue toujours une contrainte forte pour des relations avec l’Italie (Coni, Turin).

Hormis une coopération dans le domaine de la préservation de l’espace montagnard, avec les parcs naturels, les relations de proximité sur la frontière se concentrent entre Nice et Imperia, voire entre Monaco et San Remo. Mais contrairement à d’autres territoires frontaliers avec la France (Luxembourg, Allemagne, Suisse), les migrations domicile-travail transfrontalières sont peu importantes entre l’Italie et la France : au plus, 1500 Italiens travailleraient en France, contre 316 Français en Italie.

Car la frontière la plus dynamique est celle de la Principauté de Monaco : c’est le pivot de cet espace interface. Monaco est en effet la seconde frontière de cet espace. Longue d’à peine  plus de 5 km, la majorité des flux de travailleurs a lieu de part et d’autre de celle-ci. L’emploi se concentre massivement à et autour de Monaco, amenant une dépendance économique, puisque près de la moitié de la population de la CARF travaille à Monaco. Cette dépendance s’exerce jusque dans le Haut-Pays.

A l’intérieur du territoire transfrontalier, l’ensemble urbain Monaco-Riviera française est territorialement intégré, mais souffre néanmoins de l’absence de coordination dans les projets, principalement dans la gestion des flux transfrontaliers avec la Principauté.

En outre, la ligne ferroviaire Nice-Vintimille est soumise à de fortes contraintes d’exploitation : les flux locaux, de type omnibus, cadencés, desservent l’ensemble des gares métropolitaines entre Menton et Nice, jusque Cannes. S’y superposent les flux régionaux, de desserte des gares entre Nice et Vintimille, avec notamment l’acheminement des navetteurs monégasques. Aucune ligne à grande vitesse ne traverse la frontière et aucun projet à court ou moyen terme ne permet de l’envisager.

Enfin, l’autoroute A8, connectée à l’autoroute italienne A10, est souvent saturée, notamment en période estivale, puisqu’elle supporte la majorité du trafic à la fois local, régional et international, dont 10 % de poids-lourds. Elle absorbe en ce point 50 % du trafic entre France et Italie, plus que les chiffres atteints par les tunnels du Mont Blanc et de Fréjus réunis.

 

Zooms d’étude   

 

 

 

L'image satellite ci-contre présente des repères géographiques pour les zooms d'étude.

Cette image a été réalisée par un satellite Sentinel-2.

 

 

Menton et la Riviera française



Menton, ville frontalière disputée et intégrée tardivement en 1862

Menton est une commune de 29.000 habitants, située à l’extrême Est des Alpes Maritimes. Le site est avant tout marqué par la domination des Alpes. Une fine bande littorale, s’élargissant pour former un cirque, accueille la ville. Très rapidement, les hauteurs deviennent abruptes : la ville est encadrée à l’Ouest par le Mont Agel (1.148 m), au Nord-Ouest par la cime de Bausson (1.087 m) et enfin à l’Est par la crête alpine. C’est d’ailleurs cette dernière qui, présente jusqu’à ce qu’elle vienne plonger dans la Mer Méditerranée, constitue la frontière avec l’Italie. En direction du Nord, la pénétration est possible, en direction du Moyen-Pays : les routes vers Peille et Sospel empruntent, en serpentant, ce couloir de passage naturel.

L’espace est occupé depuis le paléolithique supérieur, comme en atteste des fouilles archéologiques. C’est en 1262 qu’apparait la première mention de la cité, alors convoitée à la fois par le comté de Provence et la République de Gênes. Cependant, dès le milieu du XIVème siècle, le bourg se trouve sous la domination des princes monégasques. Menton repasse sous domination du Royaume de Sardaigne au XIXème siècle.

Mais en 1860, le Traité de Turin réunit le Duché de Savoie et le Comté de Nice à la France dans le cadre d’un troc géopolitique entre Napoléon III et Cavour, président du Conseil du Royaume de Piémont-Sardaigne, aboutissant à l’unité nationale italienne. Mais à l’échelle locale,  Menton  ne devient française qu’en 1862, à l’occasion d’un plébiscite organisé donc un an après le rattachement du Comté de Nice à la France. C’est au total le territoire frontalier de la France métropolitaine intégré historiquement le plus tardivement, en dehors des quelques rectifications de frontières intervenues après la Seconde Guerre mondiale.
 
Pour finir, la « Perle de la France », selon l’expression d’Elisée Reclus, connaîtra l’annexion et l’occupation de l’Italie fascise durant la Seconde Guerre Mondiale. Tantôt monégasque, tantôt italienne ou française, Menton a donc toute l’histoire d’une « ville frontière ».

Toute l’organisation spatiale et l’histoire de la ville s’articulent donc autour de la question de la frontière qui, aujourd’hui, est un point central dans la compréhension de l’espace mentonnais. Cette thématique doit s’entendre d’abord selon une logique Ouest-Est, Menton se situant entre Monaco et l’Italie, mais aussi Nord-Sud puisque Menton a un accès vers le Moyen puis le Haut-Pays. Les contours fixés pour délimiter la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française résultent d’ailleurs bien de ces deux logiques.

Cette prépondérance de la question frontalière est enfin multiscalaire : à une autre échelle, l’espace étudié ici s’intègre au cœur de la Riviera Méditerranéenne, région côtière qui s’étend entre la France et l’Italie, du Var jusqu’au Golfe de Gênes. Ce passage obligé entre l’Espagne, le Sud de la France et les régions Centre et Sud de l’Italie, prend lui-même place dans le plus vaste Arc méditerranéen, aux flux de plus en plus importants, mais dont les logiques de coopération sont, pour leur grande majorité, encore à construire.

Un espace urbain typique de la Riviera française

A sa création, au XIIIème siècle, Menton se structure autour de son château situé sur un éperon rocheux, entre la Baie du Soleil à l’Ouest et la plage des Sablettes à l’Est, à une centaine de mètres d’altitude au-dessus du Vieux-Port. Cette position, classique sur tout le littoral, garantit une défense renforcée en cas d’attaque. La vieille ville s’étend peu à peu, et glisse vers l’Ouest pour donner forme au quartier dit « des Pécheurs », les ressources halieutiques constituant un complément indispensable à l’agriculture de subsistance développée sur les coteaux, en terrasses. A partir du XVIème siècle, la vieille ville poursuit son extension vers l’Ouest. Le développement du commerce maritime et de l’agrumiculture (citrons) enrichit la cité, qui se dote de maisons de notables, ce qui change la composition sociale de la ville. Le château est abandonné au profit de ces logements cossus.

Autrefois tourné vers l’intérieur des terres, le bâti s’oriente à présent face à la mer, nouvel espace que l’on aménage en construisant le quai Bonaparte. L’apparition du paléotourisme international,  au XIXème siècle, termine de modifier en profondeur l’architecture et la zone d’extension de Menton : les palaces Anglais ou Russes et des hôtels de luxe sont bâtis en retrait de la mer. Des lieux de loisirs (théâtres, casino) et de festivités (corsos) apparaissent. Les avenues piétonnes du bord de mer sont aménagées (Boulevard du Soleil). L’arrivée du train et le microclimat mentonnais favorisent ce développement balnéaire, si bien que Menton s’étend encore plus à l’Ouest, mais aussi au Nord et à l’Est. Enfin, dans la seconde partie du XXème siècle, la massification touristique et l’essor urbain s’accompagnent de constructions d’immeubles en front de mer.

Un espace sous influence de Monaco : une capitale économique hors du territoire

Le nombre d’emploi sur le territoire de la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française est de 17.000, dont 80 % de salariés, et 65 % polarisés par la seule agglomération mentonnaise. Le tissu économique local ne fournit pas assez d’emploi pour le nombre d’actifs constatés. L’indice de concentration de l’emploi, qui mesure le rapport entre le nombre d’actifs occupés sur une commune et le nombre total d’emplois sur cette même commune, est donc nettement supérieur à 1.

L’explication de ce différentiel se trouve dans l’attractivité du littoral azuréen, à commencer par l’agglomération niçoise. Mais aussi et surtout de Monaco, qui a, à l’inverse, un indice de concentration d’emploi bien inférieur à 1. Ainsi, chaque jour, ce ne sont pas moins de 5.000 mentonnais qui se rendent travailler en Principauté. La question de la gestion des mobilités prend donc une place essentielle dans la politique d’aménagement de la ville de Menton.

Une politique d’aménagement : la prépondérance du routier

En matière de déplacement, la ville a historiquement axé sa politique sur la prépondérance du routier, et principalement selon une organisation Ouest-Est : les RD6098 et RD6007 assurent une circulation en corniche, à flanc de massifs. L’autoroute A8 concentre quant à elle la majorité du flux près du littoral. On dénombre en moyenne 100.000 véhicules par jour sur les tronçons les plus empruntés.

Cette prépondérance autoroutière constitue un problème, car le territoire s’en trouve fortement sous dépendance, faisant notamment courir un risque d’isolement en cas d’incident ou de fermeture de l’A8. Par ailleurs, la forte densité, en progression constante, génère de nombreux bouchons aux entrées et sorties les plus fréquentées. Une nouvelle bretelle est prévue sur la commune de Beausoleil. Lors de sa livraison, prévue pour 2022, elle participera naturellement au désengorgement partiel de Menton.

En matière de desserte ferroviaire, il n’existe qu’une ligne, qui a peu évolué depuis sa création en 1860 et son électrification en 1960. La très forte densité urbaine sur le littoral méditerranéen, seul couloir de communication disponible, complique en effet à l’extrême les projets de travaux. Malgré ces limites, la liaison TER qui relie Menton à Nice ou Vintimille concentre un important trafic de voyageur (1,3 million par an) et fait l’objet de nombreux et réguliers investissements : modernisation du matériel roulant, transformation de la gare de Menton en Pôle d’Equipement multimodal, interfacé avec le réseau de bus ou des stations de vélos partagés grâce au déploiement d’un plan « cycles » achevé en 2015. Le chemin de fer a donc une place de choix dans la politique de développement durable de la Région. Une réflexion est en cours depuis des années pour arrêter le nouveau tracé d’un vaste projet de ligne LGV qui devrait permettre de relier Marseille à l’Italie via Nice et donc Menton à grande vitesse. Dans le meilleur des cas, cela n’interviendra pas avant 2050, ce qui constitue une réelle gêne pour désenclaver Menton.

La desserte aérienne de Menton est assurée principalement par l’aéroport international de Nice, situé à 40 km. L’accessibilité, n’est donc pas optimale, en particulier lors des périodes de vacances où les flux sont très denses et les temps d’accès rallongés. Enfin, malgré la présence de deux ports de plaisance sur le territoire, le transport par voie maritime, pourtant présent dans de nombreuses autres agglomérations méditerranéennes françaises (Nice) ou italiennes (Savone), est ici totalement absent.






 


Repères géographiques

 

 

 

La Principauté de Monaco

Une cité-Etat

A la fois ville et Etat souverain, la Principauté de Monaco est une Cité-Etat. Enserrée dans le département des Alpes-Maritimes, la Principauté s’étire le long du littoral méditerranéen, sur à peine 4.000 m, pour seulement 350 m à 1.050 m de profondeur, au pied du Mont Agel. Avec une superficie de seulement 2,02 km², il s’agit du deuxième Etat indépendant le plus petit du monde, après le Vatican. La population de Monaco est estimée à  38.000 habitants, dont 9.300 seulement (25 %) ont la nationalité monégasque. On dénombre 143 autres nationalités. La densité de population y est une des plus fortes du monde, avec 17.400 habitants/km².

Monaco est un territoire urbanisé dans son intégralité, dans le continuum urbain de la Côte d’Azur. En matière d’immobilier, cette densité du bâti et ce manque d’espace constructible font de la Monaco la ville la plus chère du monde, avec un mètre carré pouvant atteindre les 48.000 euros en 2019. La Principauté se compose de neuf quartiers. Monaco-Ville, plus connu sous le nom du Rocher, est le siège des institutions politiques de la Principauté (palais princier, Conseil national). Le quartier de Monte-Carlo, à l’Est, dont le développement date de la deuxième moitié du XIXème siècle, accueille le Casino ou l’Opéra.

Le développement de Monaco doit beaucoup à la ligne ferroviaire qui la relie à Nice et à Paris, à partir de 1868. Le Prince Charles III a l’idée de créer des jeux de casino : le chemin de fer est l’outil idéal pour acheminer les premiers touristes en Principauté. C’est l’un des vecteurs essentiels de l’enrichissement de Monaco. Depuis le début du XXème siècle, une « banlieue » monégasque s’est développée au-delà des frontières de la Principauté, à Beausoleil (13.700 habitants), Cap-d’Ail (4.600 habitants) ou Roquebrune-Cap-Martin (12.700 habitants).

Un aménagement entre horizontalité et verticalité

La Principauté de Monaco doit régulièrement trouver de  nouveaux espaces constructibles, afin d’absorber sa population supplémentaire : tous les dix ans en moyenne, Monaco a besoin de s’agrandir d’environ 350.000 m². Un véritable défi, puisque la Cité est coincée entre mer et montagne.

La raréfaction des terrains constructibles a donc poussé à gagner de l’espace sur la Méditerranée. Cette croissance horizontale est réalisable par la construction de terre-pleins. Depuis les années 1950, 20 % de la surface monégasque a été gagnée sur la mer. C’est ainsi que le quartier de Fontvieille a été aménagé entre 1965 et 1973 à l’Ouest : on y trouve un port de plaisance, de même que le stade Louis II, un espace résidentiel ainsi qu’une zone industrielle en plein essor. En 2002, l’extension spatiale se réalise dans le quartier de la Condamine, vers le port historique : le Port Hercule. L’espace conquis sur la mer se caractérise notamment par une digue flottante en béton, qui marque l’entrée du port. Aujourd’hui, c’est la construction du nouveau quartier de l’Anse du Portier, le long du Larvotto, qui est en cours de réalisation (non visible sur l’image). Le terre-plein de 6 ha est achevé depuis l’été 2019 ; le projet devrait aboutir quant à lui d’ici 2025, avec l’aménagement d’un écoquartier.

Mais l’autre solution adoptée a été la verticalité. Il est d’ailleurs de coutume d’affirmer que la France commence là où les immeubles s’arrêtent. La construction d’immeubles de grande hauteur, principalement résidentiels, a débuté dans les années 1960, sous l’impulsion du Prince Rainier III, avec notamment, l’immeuble Le Millefiori en 1969 (111 mètres). Un temps arrêtée, la construction d’immeubles de grande taille a repris avec l’inauguration en 2015 de la tour Odéon, de 170 mètres de haut. On compte une vingtaine d’immeubles de plus de 60 mètres, dont cinq supérieurs à 100 mètres. Des projets de tours de 70 à 200 mètres sont toujours d’actualité.

Mais cette verticalité est également souterraine : la contrainte de superficie oblige à empiler. La plupart des réseaux de communications sont enterrés (équipement routiers, stationnement, gare SNCF de Monaco-Monte-Carlo), de même que les équipements, comme la station d’épuration, par exemple.

Des liens de proximité avec la France

Les intérêts de la Principauté sont liés à ceux de la France par sa situation géographique.
Le statut de Monaco est défini par le Traité franco-monégasque du 17 juillet 1918. Ce traité place la Principauté et l’Etat français sur un pied d’égalité. La France garantit l’intégrité de territoire monégasque, lui assure aussi une protection. De son côté, le gouvernement princier s’engage à exercer ses droits de souveraineté en parfaite conformité avec les intérêts politiques, militaires, navals et économiques de la France.

Néanmoins, l’extension rapide des rapports de voisinage entre la principauté et la France ont amené les deux entités à clarifier leurs relations diplomatiques au cours du XXème siècle : conventions douanières (1925) et fiscales (1945). A ce titre, une convention douanière, fiscale, postale, téléphonique… est signée en 1963, après le « blocus de Monaco » initié par le Général de Gaulle et le gouvernement français en 1962. Un Traité d’amitié (2002) ainsi qu’une convention de coopération administrative (2005) renouvelle ces engagements.

Dans le domaine de la culture, outre la participation de Monaco à l’Organisation de la francophonie depuis 1970, Monaco applique les mêmes programmes éducatifs que la France. En outre, la proximité avec la France est visible sur cette image par une imbrication du tissu urbain monégasque et français. La frontière de 5,5 km entre les deux Etats est imperceptible, les villes françaises du Cap-d’Ail et de Beausoleil se confondent avec Monaco. Souterraine, la gare SNCF de Monaco-Monte-Carlo est d’ailleurs localisée en partie en territoire français.

Appelée « Monte-Carlo supérieur » jusqu’au début du XXème siècle, Beausoleil est une « banlieue » de la Principauté, pour ne former qu’une seule agglomération. Dans cet espace densément peuplé et construit, certains bâtiments chevauchent la frontière entre Monaco et Beausoleil. Parfois, les avenues sont sur la frontière, à l’instar du Boulevard de France (côté Monaco) et du Boulevard du Général Leclerc (côté Beausoleil). De plus, Monaco est intégrée dans l’aire urbaine de Menton. Cet espace transfrontalier franco-monégasque est la source de nombreux flux de proximité, principalement à destination de la Principauté.

Un pôle d’emploi majeur très attractif

Enclavée en France, Monaco présente la particularité de compter davantage d’emplois que d’habitants : 57.800 emplois pour 38.300 habitants. Poche de prospérité et de dynamisme, la Principauté est le principal bassin d’emploi à l’Est des Alpes-Maritimes, après Nice. A l’échelle de tout le département, c’est même un bassin d’emploi bien supérieur à celui de Sophia-Antipolis, régulièrement cité en référence, avec ses 36.300 emplois.

L’essentiel de ces emplois (tourisme, services, finance, administration ou bâtiment) sont occupés par des travailleurs frontaliers : 84 % des salariés monégasques ne résident pas à Monaco. Environ 44.500 habitants des Alpes-Maritimes travaillent à Monaco, soit plus de 9 % de la population active maralpine. Le nombre de ces frontaliers français a progressé de + 77 % depuis 1990. On compte 4.500 travailleurs en provenance d’Italie. Il y a donc une dépendance de Monaco au travail frontalier.

Bien évidemment, les communes limitrophes concentrent la majorité des actifs résidents : à Beausoleil, La Turbie, Cap d’Ail, Roquebrune-Cap-Martin, près de 600% des habitants travaillent en Principauté. Mais pas seulement : à l’Est, dans la Communauté d’Agglomération de la Riviera française, de Menton à Castillon, 43 % des actifs se rendent chaque jour à Monaco. A Sospel, près du quart de la population active (23 %) travaille à Monaco. Il en est de même à l’Ouest, pour les communes d’Eze et de Beaulieu-sur-Mer. Quant aux travailleurs niçois, ils sont plus de 7.500.

Par ailleurs, ces salariés résident de plus en plus loin de la Principauté. Les prix de l’immobilier sur la frange littorale et autour de Monaco sont le principal facteur de ces migrations quotidiennes. Les travailleurs frontaliers résidant dans les Alpes-Maritimes parcourent en moyenne 16 km pour rejoindre leur lieu de travail, mais avec des disparités selon l’emploi exercé : les cadres habitent le plus loin (21 km en moyenne), à l’inverse des ouvriers (14 km) et des employés (13 km). Ces migrations alternantes saturent les infrastructures de transport aux heures de pointe, notamment en provenance de Nice, sur les autoroutes A8 et A500 (tunnel de Monaco) ou sur l’axe TER.

 


Monaco

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Sospel : renouveau et attractivité retrouvée
du Moyen-Pays



Un riche passé, une étape importante sur la route royale reliant Nice à Turin

La vallée de la Bévéra se situe à 20 km, par la route, au Nord-Nord-Est de Menton. Elle sépare le littoral de la haute-vallée de la Roya, constituant ainsi l’espace du « Moyen-Pays ». Relativement encaissée, ceinturée par des sommets culminant à plus de 1.000 mètres, elle s’élargit en cuvette autour de la commune de Sospel, dont l’accès est pour le moins particulier : d’où que l’on vienne et où que l’on aille, il faut passer un col : le col de Castillon au Sud et de Turini au Nord (RD2566), le col de Braus à l’Ouest ou celui de Brouis à l’Est (RD2204).

Point de passage privilégié dans cet espace montagnard cloisonné, Sospel est dès le Moyen Age devenue une étape importante sur la route royale reliant Nice à Turin, également dite « route muletière du sel ». Cet itinéraire marchand a fait la prospérité de la cité, convoitée au fil du temps par les comtés de Vintimille, puis de Provence. Son pont à péage, bâti au XIIIème siècle sur la Bévéra, de même que la place Saint-Michel avec sa cathédrale et ses palais, ainsi que son château, dont il ne subsiste que des ruines, sont des témoins de cette période d’apogée.

Le paysage offre une certaine unité visuelle, caractéristique des villages du Moyen-Pays bordant les côtes méditerranéennes : les versants, couverts de terrasses, ont abrité des activités agricoles traditionnelles : oliviers, élevage et exploitations forestières de la forêt de Turini - la plus importante et riche du département, aux essences variées - ont longtemps dominé. Si les marques de déprise sont nombreuses, l’olivier résiste grâce aux labels et la culture florale est en plein essor dans le département. Le bâti, en progression ces dernières années, colonise peu à peu les étages.

Une petite ville de moyenne montagne dans un arrière-pays attractif

La commune périclite au XXème siècle, du fait d’un important exode rural : en forte baisse dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la population tombe à 1.800 habitants en 1975. Mais à partir des années 1990, la population de Sospel rebondit pour atteindre aujourd’hui 3.800 habitants. Ce dynamisme démographique permet à Sospel d’offrir aux habitants un bon niveau d’équipement en services publics et privés (scolarité, santé, EPAD) et en commerces de proximité, renforçant ainsi son statut de petite ville organisant l’espace de la vallée de la Bévéra.

La ville et la région bénéficient depuis les années 1990 du développement d’un tourisme vert, sportif  et culturel  tout en bénéficiant de la proximité du Parc national du Mercantour créé en 1979 sur 685 km2. L’agriculture bénéficie d’aides des collectivités territoriales vers la valorisation des circuits courts, les labellisations et la transition vers une agriculture biologique et de qualité.

Cependant, le renouveau démographique de la commune est porté par l’arrivée de jeunes actifs, relativement qualifiés (employés, professions intermédiaires, cadres) à la recherche d’un cadre de vie et de prix fonciers et immobiliers plus raisonnables et accessibles sur le littoral

Un développement sous influence du littoral

En effet, les prix moyens au mètre carré à Sospel sont de 3.000 euros, contre 5.000 euros à Menton (+ 66 %). Ce gradient favorise la périurbanisation, les acquéreurs trouvant ici des biens nombreux et des terrains constructibles accessibles. Partant du bord de mer, le front d’urbanisation atteint à présent la vallée de la Bévéra après avoir concerné les communes limitrophes de Menton et le littoral.

Cette spécialisation résidentielle explique la forte montée des migrations pendulaires favorisées à l’échelle régionale par la modernisation des infrastructures (cf. liaison ferroviaire TER Sospel/ Nice, axe TER cadencé littoral Grasse-Vintimille, projet de liaison multimodale avec l’aéroport de Nice programmée pour 2025). Pour autant, la route garde une place majeure, surtout pour rejoindre Monaco, le plus grand pourvoyeur d’emploi régional et véritable cœur économique excentré de la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française.

Les politiques publiques d’aménagement du territoire accompagnent déjà ce phénomène : le Schéma de COhérence Territorial mentonnais témoigne des investissements consentis en matière de transport (diversification, aménagements nécessaires), d’urbanisme, d’écologie, autant de questions essentielles dans ces territoires soumis à de très nombreux déplacements.

 


Sospel

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Le Haut-Pays et la Vallée de la Roya,
un haut système montagnard frontalier enclavé


A la fois française et italienne, la Vallée de la Roya doit son nom au fleuve de la Roya, qui prend sa source au col de Tende, à 1.889 m d’altitude, et coule jusque Vintimille et la Méditerranée, 59 km au Sud, en Italie. Orienté Nord-Sud, ce dispositif régional montagnard présente une spécificité : les trois quarts du bassin supérieur de la Roya appartiennent à la France, mais la partie aval et son débouché littoral, autour de Vintimille, appartient à l’Italie. Cette vallée est donc marquée par son enclavement. Au nord (col de Tende) et au Sud (Vintimille), l’axe principal débouche sur l’Italie, alors que l’accès à la France vers l’ouest passe par la route des cols (Brouis, Pérus, Castillon, Braus…) entre Breil-sur-Roya et Nice, via Sospel. En avril 2020, lors de la crise pandémique du COVID-19, les autorités italiennes ont fermé les frontières et bloqué les accès de la vallée, mettant ainsi en évidence l’isolement relatif de cette vallée française. La population, obligée de passer par le col de Brouis et Sospel au lieu de descendre directement vers le littoral italien pour rejoindre l’axe autoroutier, fut contrainte d’effectuer un détour de plus d’une heure pour accéder au littoral côté français.

Une haute vallée stratégique, des frontières fixées seulement en 1947

Avant 1860 et la session du Comté de Nice à la France par le Traité de Turin, l’ensemble de la vallée appartenait, comme nous l’avons vu, au Royaume de Piémont-Sardaigne. Lors du rattachement du Comté à la France, les deux communes de la haute vallée, Tende et La Brigue, en sont détachées pour restées italiennes. Car ce sont des communes stratégiques, les clés verrouillant la haute vallée, les plus hautes lignes de crêtes et l’axe du col de Tende vers Conti, la plaine du Pô et la route vers Turin. 

Durant la Deuxième Guerre mondiale, la vallée de la Roya est annexée par l’Italie fasciste, alliée à l’Allemagne nazie, malgré la défaite des troupes italiennes lors de la bataille des Alpes face aux chasseurs alpins français. Elle fait en effet partie de la Zone d’occupation italienne arrachée par l’armistice du 24 juin 1940, qui fait immédiatement suite à l’armistice signé le 22 juin 1940 avec l’Allemagne nazie. Cette Zone d’occupation couvre 800 km2, soit la région de Menton et l’essentielle des forteresses françaises assurant la défense frontalière des Alpes maritimes, des Basses Alpes, des Hautes Alpes et de la Savoie. Puis cette zone d’occupation est annexée et italianisée. En novembre 1942, lors de l’invasion de la zone dite libre, les Italiens poussent vers l’ouest et s’emparent de Nice.

Cette situation explique qu’après le Seconde Guerre mondiale, la France va obtenir certaines rectifications à son avantage du tracé frontalier sur la chaîne des Alpes (cf. Col du Mont Cenis). Sur l’image, le Traité de Paris de septembre 1947 se traduit par l’annexion des communes de Tende (177, 4 km2) et de La Brigue (91,77 km2) par la France. Dans le haut du bassin hydrographique, cette décision met fin à l’anomalie née en 1860 : le tracé frontalier passe dorénavant exactement sur la plus haute crête topographique séparant les deux Etats,  l’Italie perdant ainsi sont avantage tactique ou stratégique sur la France.

Ce tracé frontalier a laissé des traces culturelles et des héritages architecturaux. De nombreux vestiges militaires des XIXème et XXème siècles subsistent dans le massif du Mercantour : ici, les Forts du col de Tende (Central, Pernante, Marguerie, Giaure). Ils constituent un héritage patrimonial à préserver.

Une accessibilité difficile : l’enclave de la Roya, un passage pour les migrants

Si la vallée de la Roya a connu une vidange démographique au cours du XIXème siècle, elle retrouve un regain de dynamisme depuis le début des années 2000. Le territoire a gagné près d’un millier d’habitants en vingt ans. Les raisons en sont économiques.

La vallée accueille de plus en plus de population venue du littoral, à la recherche d’espace et d’un foncier plus attractif avec des prix presque quatre fois moins élevés qu’à Menton. Outre un parc résidentiel secondaire important, le nombre de résidences principales est en augmentation. Contrepartie de cette attractivité résidentielle, la population est contrainte d’effectuer quotidiennement les trajets avec la frange littorale, pour travailler à Menton ou Monaco.

Le développement du tourisme lié au Parc national du Mercantour est un autre facteur de dynamisme (cf. centre nordique à Castérino, musée des Merveilles à Tende, base de loisirs de Breil, patrimoine médiéval à Saorge).

Enfin, la vallée est aussi un lieu de passage pour les flux de migrants voulant traverser la frontière franco-italienne, notamment depuis 2013 et le sensible renforcement des contrôles sur le poste littoral Vintimille-Menton.

Un espace récréatif et patrimonial transfrontalier : le Parc National du Mercantour

La vallée de la Roya est l’une des huit vallées du Parc National du Mercantour, et un de ses accès privilégiés par le hameau de Castérino, à 1.550 m d’altitude.

Créé en 1979, le Parc national du Mercantour, au Nord-Ouest de l’image, s’étend sur 1.801 km², dont 679 km² (38 %) en zone cœur et 1.122 en aire d’adhésion. On y dénombre pas moins de 2.000 espèces végétales, dont 40 endémiques, et une riche biodiversité riche, sous influence alpine et méditerranéenne, s’étageant de 3.143 m à 490 m d’altitude. C’est aussi dans cet espace que le loup est réapparu en venant d’Italie au début des années 1990. Le Parc intègre aussi la zone réglementée des Merveilles-Fontanalba, à l’Ouest de Tende et au départ de Castérino. Plus de 40.000 gravures rupestres protohistoriques de 3.000 avant J-C composent cet espace classé aux Monuments Historiques depuis 1989.

Au Nord, le Parc National borde le Parco Naturale Alpi Marittime, sur 35 km, le long des crêtes frontalières du Piémont italien. Une charte de jumelage associe les deux parcs depuis 1995 dans le cadre d’une identité transfrontalière des espaces naturels protégés. Ensemble, ils forment le premier parc européen du massif alpin depuis 2013 : le Parc européen Alpi Marittime Mercantour. Ce dernier constitue un GECT -Groupement Européen de Coopération Territoriale, une structure supranationale de gestion et de collaboration transfrontalière. Son objectif est la protection de la faune et de la flore, le développement de l’itinérance, l’aménagement des sentiers et le tourisme durable.

Le GECT porte également depuis 2018 la candidature au Patrimoine mondial de l’UNESCO de cet espace, sous la dénomination des « Alpes de la Méditerranée », incluant également le Parco Naturale  Marguareis, le Parco Naturale delle Alpi Liguri, et s’étirant sur près de 80 km, des sommets culminants à 3.300 m, jusqu’à la mer. Chaque année, ce sont près d’un million de touristes qui visitent ce territoire naturel transfrontalier.

Le tunnel du col de Tende : un enjeu économique et environnemental

La vallée de la Roya dispose de deux axes de circulation. Le premier est la ligne ferroviaire Vintimille-Coni. Le deuxième est la RD6204, héritage de la vieille route royale Nice-Turin. Elle est connectée à la route italienne SS20 par le tunnel routier du Col de Tende, long de trois kilomètres, et ouvert en 1882. Aujourd’hui, c’est l’un des trois tunnels routiers franco-italiens. Il supporte un trafic de 3.600 véhicules par jour et reste essentiel au désenclavement de la vallée de la Roya.

L’agrandissement et la sécurisation du tunnel, engagés depuis 2013 avec le percement d’un deuxième tube, ont été compromis par des malversations de la part d’entreprises en charge du chantier.  Ce dernier fut à l’arrêt de mai 2017 à septembre 2019. Cependant, la mise en service d’un deuxième tube a fait peser les craintes d’une augmentation du trafic dans les communes de la vallée, notamment du trafic poids-lourds dans une vallée étroite et peu adaptée. Les cinq communes françaises de la vallée ont interdit par arrêtés municipal le trafic des poids-lourds depuis 2017; un arrêté validé par le tribunal administratif en 2020. Si le développement économique de la vallée est un objectif en favorisant les flux locaux et touristiques, populations et élus sont attentifs aux dérives qui pourraient à l’avenir apparaître.

 


Repères géographiques

 

 

Références et compléments bibliographiques

Sur le site Géoimage du CNES

Jean-Marc NOAILLE, Nice : une ville entre mer et montagne, une métropole touristique saturée CNES-Géoimage

Bibliographie

André-Louis SANGUIN, 1983, « La bordure franco-italienne des Alpes-Maritimes ou les conséquences de la modification d’une frontière internationale », Méditerranée, Troisième série, Tome 47, pp. 17-25.

Floriane SCARELLA et Giovanni FUSCO, 2012, « Un territoire interface aux fonctionnements multiscalaires : l’espace transfrontalier franco-italo-monégasque »,  EDP Sciences, 9 p.

Sites

Site de l’Institut monégasque de la statistique

Site de l’Institut national de la statistique

Site de la Mission Opérationnelle Transfrontalière

Site du Parc national du Mercantour

Site du Parc italien Alpi Marittime

Site du SCOT de la Riviera française

Contributeur

Florian Boizet et Lionnel Clerc, professeurs d’histoire-géographie, Collège Le Pré des Roures, Le Rouret