Le massif pyrénéen : entre enjeux d’intégration et enjeux de transition

Massif montagneux séparant la France et l'Espagne, les Pyrénées apparaissent comme un relief au fort effet de fermeture, marqué par peu d'aménagements traversants, entraînant un contournement des flux de personnes et de marchandises par les deux extrémités littorales de la chaîne. L'intégration transnationale des réseaux de transport ou de la gestion des espèces et espaces naturels par exemple, reste encore complexe, la gouvernance reposant sur un mille-feuille d'institutions, parfois peu lisibles, et ce à de nombreuses échelles, du "Pays" à l'Union européenne. Les Pyrénées constituent également un espace touristique majeur, marqué par des représentations fortes reposant sur les pratiques de montagne comme la randonnée et le ski, ainsi que quelques hauts lieux (la cité mariale de Lourdes, le cirque de Gavarnie...). Le changement climatique et la crise sanitaire bouleversent là aussi des pratiques ancrées, entraînant des recompositions rapides.

 

Légende de l’image

 

Situés entre la péninsule Ibérique et le reste de l'Europe, cette image de la chaine des Pyrénées a été prise par les satellites Sentinel-2 durant l'hiver 2020. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2020, tous droits réservés

 


Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Les Pyrénées : un massif transfrontalier aux dynamiques spécifiques

Le massif des Pyrénées, héritier d'une géohistoire franco-espagnole

Nous sommes ici dans un isthme européen majeur, entre plaines du Sud-Ouest de la France et plateaux espagnols, du Nord au Sud, et Océan atlantique et Méditerranée, d’Ouest en Est. À la confluence de ces ensembles, la chaîne montagneuse des Pyrénées s’étend sur près de 430 kilomètres et présente visuellement une unité morphologique sur cette image satellite. Née de la rencontre des plaques hispaniques et eurasiatiques, elle présente un relief marqué qui culmine à 3404 mètres au pic d’Aneto, côté espagnol.

Le manteau neigeux qui recouvre les sommets à ce moment de l’année permet de distinguer les grandes vallées qui structurent cette chaîne de montagne. Au-delà, les couleurs de l’image satellite permettent de délimiter, par-delà le massif pyrénéen, deux grands milieux, homogènes tant d’un point de vue morphologique, que de celui des paysages. La plus grande partie de l’image concerne la partie française, où de grandes plaines sont soumises à une influence océanique, le milieu méditerranéen dominant la partie est. Au Sud, côté espagnol, on observe un paysage de plateaux au climat plus continental et méditerranéen.
 
La ligne frontalière reprend dans sa plus grande partie la ligne de crète, cette frontière ayant été fixée par le traité des Pyrénées de 1659, mais réellement délimitée en 1866 par le traité de Bayonne. A noter que la principauté d’Andorre, qui couvre moins de 500 km², se trouve enclavée au sein des Pyrénées, entre les deux pays. L'enclave espagnole de Llivia, dans les Pyrénées-Orientales, à 100 km de Perpignan, constitue également une autre curiosité sur ces 656,3 km de frontière franco-espagnole. Peuplée de 1 600 habitants, elle s'étend sur moins de 13 km2 et appartient à la province de Gérone.
 
Côté français, le massif pyrénéen occupe la partie méridionale des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie – issues du redécoupage régional de la loi NOTRE (Nouvelle organisation des territoires de la République) de 2014. Six départements composent cet ensemble de 18 000 km2, d'ouest en est : les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne, l'Ariège, l'Aude, les Pyrénées-Orientales. Côté espagnol, le massif des Pyrénées traverse quatre communautés autonomes dont, d'est en ouest, la Catalogne, l'Aragon, la Navarre et la Communauté autonome basque, et sept provinces d'Espagne (Gérone, Barcelone, Lérida, Huesca, Saragosse, la Navarre, Guipuscoa).

Une typologie liée à un héritage historique, parfois transfrontalier, peut être établie. A l'ouest de la chaîne, le Pays basque s'étend des deux côtés de la chaîne. Il est marqué à la fois par une langue, que l'on retrouve dans la toponymie, et une identité culturelle forte. De l'autre côté de la chaîne, une identité catalane peut être évoquée. La partie centrale se découpe elle entre Béarn, Bigorre et Ariège côté français, tandis que côté espagnol, la Navarre et l'Aragon occupent la partie centrale. Des gradients économiques peuvent, par ailleurs, se superposer à ces unités culturelles. On observe une population plus riche à l'ouest (Pays basque et Béarn notamment) tandis que la partie Est, s'avère plus âgée et plus paupérisée.

Une armature urbaine dominée par les petites villes des piémonts

Comme le montre l'image générale, les principaux pôles urbains, Perpignan, Pamiers, Tarbes, Pau, Bayonne, côté français et San Sebastian, Pampeluna, Figueres, côté espagnol, se situent en périphérie du massif.

La population pyrénéenne est essentiellement installée dans le piémont et les vallées. Les habitants se regroupent dans de petites villes, bourgs et villages. Les cinq principales villes françaises (population comprise entre 10 000 et 14 000 habitants) sont Lourdes, Limoux, Saint-Gaudens, Oloron-Sainte-Marie, Argelès-sur-Mer. De l'autre côté de la frontière, moins nombreuses, les principales villes comme Puigcerdà, Jaca ou La Seu d'Urgell, ne dépassent pas non plus les 14 000 habitants.

Le maillage territorial fait la spécificité de cet espace pyrénéen. Côté français, les petites villes du piémont sont desservies par un réseau de transport "en peigne" structuré autour d'un axe central reliant les pôles urbains limitrophes, d'est en ouest. Ainsi, 42 600 habitants actifs se rendent chaque jour dans les pôles urbains pour travailler, soit 23% des actifs. Ce sont les deux pôles principaux situés à l'ouest, Bayonne, et à l'est, Perpignan, qui polarisent le plus de travailleurs pyrénéens (6 000 actifs chacune). Les autres villes moyennes, Pau, Tarbes et Pamiers, situées au nord du massif, en accueillent entre 3 000 et 4 000 actifs. Les villes situées dans les vallées attirent elles aussi des déplacements domicile-travail, mais uniquement depuis les communes les plus proches comme Saint Gaudens qui rayonne, par exemple, sur l’ensemble du Pays de Comminges.  Notons, enfin, que malgré son éloignement, Toulouse est le lieu de travail de 3 000 travailleurs également. Côté espagnol, les petites villes sont reliées aux pôles urbains périphériques mais le réseau de communication est moins développé d'est en ouest.

L'effet fermeture créé par le massif pyrénéen est encore plus marqué du nord au sud, si l'on considère les deux grands pôles urbains visibles sur l'image que sont Toulouse (493 500 habitants) et Saragosse (675 300 habitants) qui ne sont reliés par absolument aucune infrastructure importante.

Des dynamiques démographiques contrastées

 Territoire rural, les Pyrénées appartiennent à la France des faibles densités. Près de 507 900 habitants (recensement de l'Insee, 20017) vivent sur ce territoire, soit moins d'1% de la population métropolitaine. Comme dans la grande majorité des territoires ruraux français, la population pyrénéenne est vieillissante. Selon l'Insee, en 2016, la moitié des habitants du massif avait plus de 50 ans. Par exemple, dans les Hautes-Pyrénées, la population se situe à un âge moyen autour de 45 ans, soit cinq ans de plus que la population de la France métropolitaine. Cette gérontocroissance peut être considérée comme un atout pour le développement économique du territoire : aménagement de structures d'accueil pour les personnes âgées en perte d'autonomie, création d'emplois liés, mais également tout le marketing qui entoure aujourd'hui le marché des seniors (pratiques de consommation des ménages âgés en termes d'alimentation, d'habillement, de loisirs ...).

Le vieillissement des habitants soulève aussi des enjeux économiques et d'aménagements pour les politiques publiques (médicalisation, accès aux soins, solidarité familiale). Cette problématique du vieillissement de la population pyrénéenne est d'autant plus importante côté espagnol, en particulier dans la partie pyrénéenne de la province de l'Aragon. En effet, En 2050, l'Espagne devrait devenir le deuxième pays le plus âgé au monde, derrière le Japon.
 

Les Pyrénées connaissent également des recompositions socio-démographiques. Depuis la crise sanitaire, certains territoires ont renforcé leur dynamisme et notamment des villes moyennes comme Pau. Des départements connaissent des dynamiques singulières comme l'Ariège. Refuge de communautés alternatives depuis les années 1960, des dynamiques contrastées s'observent. D'un côté, une gentrification rurale se marque avec l'arrivée d'étrangers qui restaurent d'anciennes fermes pour en faire notamment des chambres d'hôtes. A l'inverse, à la proximité toulousaine, des populations néo-rurales, issues de milieux alternatifs, s'installent souvent dans des habitats informels (yourtes, camions...).

Les Pyrénées : un massif transfrontalier en position de fermeture inégalement aménagé

Un massif qui polarise les flux sur son contournement

Les sommets les plus marqués – dont 129 s’élèvent à plus de 3000 mètres - se retrouvent dans la partie centrale de la chaîne, que ce soit sur le versant français (le Vignemale, 3280 m) ou espagnol (Mont Perdu, 3355m). Cette configuration rend difficile la traversée centrale des Pyrénées, aboutissant à la mise en place d'un effet frontière, lié aux contraintes du milieu.

 Le franchissement des Pyrénées pose en effet des enjeux en termes d’aménagements. Plusieurs grands tunnels routiers et ferroviaires franchissent le massif comme le tunnel du Somport, ouvert en 2003 qui relie Pau à Saragosse en Espagne, ou des tunnels comme ceux de Bielsa ou Vielha dans la partie centrale, ou le tunnel de Puymorens, dans la partie orientale, partie intégrante de l'axe Toulouse-Barcelone.
 
Le projet d'une traversée centrale des Pyrénées (TCP) est porté depuis le début des années 2000 par les gouvernements français et espagnol et les régions limitrophes (l'ancienne région Midi-Pyrénées et l'Aragon). Ce projet s'inscrit à une autre échelle dans des axes de développement européens qui ont notamment inscrit le développement d'un axe ferré Algésiras-Madrid-Paris. Un temps envisagé dans les Hautes-Pyrénées, au sud de Lannemezan, ce projet a été repoussé par l'Union européenne à 2030, au regard d'une forte opposition citoyenne. Dans les années 1990, le tunnel du Somport avait lui aussi fait l'objet d'opposition de collectifs et de citoyens, une manifestation en 1994 contre le tunnel avait alors rassemblé 10 000 personnes. Par rapport aux Alpes, dont la liaison LGV Lyon - Turin devrait voir le jour en 2030 et mettre Milan à 4 heures de Paris, les Pyrénées apparaissent excentrées du point de vue des aménagements et de la connectivité européenne.

Le trafic se reporte donc de part et d'autre des Pyrénées, sur les deux corridors atlantique et méditerranéen, où le trafic autoroutier continue de croître. Ainsi, à Hendaye, côté Atlantique, le trafic de poids lourds est passé de 8600 à 9600 camions par jour en 10 ans (période 2010 - 2020). Au Perthus, côté Méditerranéen, sur la même période, le trafic est passé de 7900 à 9600 camions par jour.

L'intégration ferroviaire reste peu effective. Sur la partie orientale, il est possible de rejoindre Barcelone depuis Toulouse en 3h45, avec un changement à Narbonne. Soit 6h30 pour un Paris-Barcelone dans le meilleur des cas. Cette liaison fait toutefois figure d'exception, avec la construction d'une ligne spécifique, du fait de l'écartement différent des rails entre la France et l'Espagne, nécessitant des changements. Hendaye comporte ainsi deux gares distinctes, l'une desservie par le réseau ferré français et l'autre par le réseau espagnol.

L'Espagne, l'un des pays où le fret est le moins développé en Europe, entend bien remédier à cela au prix d'investissements pour le ferroutage, relayé côté français par un appel à manifestation d'intérêt en 2018. Le calendrier de mise en œuvre de projets demeure toutefois incertain.

Une autre infrastructure focalise également l'actualité à la fin 2022, c'est la construction d'un nouveau gazoduc entre les Pyrénées Orientales et la Catalogne, en réponse à la crise énergétique. Ce dernier est toutefois rejeté par la France depuis 2019 pour des raisons environnementales et d'opposition citoyenne, là encore. Deux gazoducs relient déjà la France et l'Espagne. Le premier, sous le nom de Lacal (Lacq-Calahorra), relie l'ancien site de production de gaz naturel de Lacq en France à l'Espagne, et le second, Euskadour, les Landes au port de Bilbao. Une ligne électrique à très haute tension (THT) relie, par ailleurs, la France à l'Espagne dans la partie orientale au niveau du Perthus, en suivant la ligne LGV.

 Des territoires inégalement intégrés

L'intégration économique de ces espaces passe aussi par l'agriculture. L'élevage, puis le pastoralisme en montagne, constituent une activité agricole traditionnelle des zones de montagne. On observe une montée en gamme des productions autour des AOP et labels rouge, que ce soit le fromage de brebis Ossau-Iraty dans les Pyrénées atlantiques, ou le porc noir de Bigorre dans les Hautes-Pyrénées. D'autres activités plus isolées comme l'apiculture peuvent aussi être présentes dans les zones de montagne. Sur le piémont, quelques zones viticoles peuvent être valorisées comme les vins des coteaux de Jurançon, tandis que les maïs domine dans de nombreuses plaines côté nord.

Le tourisme constitue un facteur d'intégration majeur, tant en termes d'image que sur un plan économique. Plus traditionnellement, le tourisme de sport d'hiver constitue une première caractéristique avec près de 40 stations en France, 34 en Espagne et 3 en Andorre, si l'on regroupe les stations de ski de piste et de ski de fond. La randonnée, les activités nautiques en rivière, l'alpinisme, le parapente, la spéléologie, le canyoning, sont autant d'activités sportives populaires également.

A noter, le sanctuaire de Lourdes, deuxième parc hôtelier français derrière Paris, comptabilise 738 000 nuitées en 2021 dont 28% d'étrangers. Si l'on compare ces chiffres à 2019 (3.2 millions de nuitées dont 69% d'étrangers), on observe une nette relégation de ce site touristique religieux, pourtant intégré sur le plan des équipements, avec l'arrivée d'un TGV direct depuis Paris et la présence d'un aéroport (Lourdes-Tarbes-Ossun), à une quinzaine de kilomètres.

Cette intégration du massif pyrénéen peut cependant être nuancée selon les échelles et les territoires. Ainsi certaines vallées apparaissent particulièrement intégrées et bénéficient d'un rayonnement important (Vallée d'Aspe, vallée de Cauterets, de Saint Lary, vallée vers l'Andorre, ou encore la sierra de Guara en Espagne, présentée comme la Mecque du Canyoning en Europe). A l'inverse, certaines vallées isolées, restent peu intégrées, avec une population relativement pauvre, loin des axes touristiques et des bassins d'emploi, notamment dans la partie centrale et orientale du massif.

Les piémonts pyrénéens constituent également un territoire intégré. Cette "montagne urbanisée" du massif pyrénéen est marquée par de petites villes accessibles et un espace périurbain industriel et agricole dynamique, notamment à proximité de pôles comme Bayonne, Pau ou Toulouse. Enfin la partie orientale pyrénéenne reste en partie un territoire marginalisé marqué par le chômage et la pauvreté pour une part de la population (12,5% de chômage pour les Pyrénées orientales)

Une nouvelle dynamique, liée à la crise sanitaire, est apparue pendant la période du confinement, où de nombreux citadins des pôles urbains voisins, désireux d'échapper au couvre-feu, ont investi le massif pyrénéen qui a connu, pendant cette période, un niveau de fréquentation exceptionnel. Le phénomène s'est prolongé après le déconfinement et la levée de la limitation des déplacements dans un rayon de 100 km. Ces nouveaux touristes, plus urbains, sont en recherche d'activités de pleine nature et sont souvent très éloignés de la "culture montagne". Il faudra cependant attendre pour observer si cette dynamique se confirme à moyen terme.

Les Pyrénées : un massif transfrontalier confronté à de nouveaux enjeux

Les enjeux du tourisme face au réchauffement climatique

Les Pyrénées ont connu plusieurs grandes vagues touristiques. Mis en lumière au XIXème siècle, avec une grande vague du thermalisme, de nombreuses stations pyrénéennes ont emprunté la vague des sports d’hiver au XXème siècle. Même si le couvert neigeux peut sembler important sur l’image satellite, le changement climatique impose une diversification à ces stations.

Les Pyrénées constituent un espace touristique attractif par ses paysages, ses sites touristiques (le Cirque de Gavarnie est classé au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco depuis 1997) et ses aménagements, notamment pour les sports d'hiver. Ainsi pour les vacances d'hiver de février 2022, le département des Hautes-Pyrénées a été celui le plus recherché sur la plate-forme d'hébergements Airbnb. Pour les vacances d'été 2021, les Pyrénées Atlantiques se situaient au troisième rang, notamment grâce au Pays basque. Cependant, en 2022, une seule station des Pyrénées (Ax 3 domaines en Ariège) figure dans les dix stations les plus enneigées de France.

Selon le rapport de l’OPCC-CTC sur le changement climatique dans les Pyrénées, l’accumulation de neige en dessous de 1.500 mètres pourrait baisser de 78 % d’ici la fin du XXIème siècle. Le changement climatique est déjà perceptible à court terme dans le massif pyrénéen avec cette baisse de la durée de l'enneigement, visible à la disparition de névés. Déjà la date de début de la saison de sports d’hiver a reculé de 5 à 55 jours selon les situations. Cela s’accompagne de modifications paysagères profondes comme la remontée de la forêt de 50 cm par an, la disparition de la moitié des glaciers depuis les années 1980 ou encore la disparition de petits lacs de montagne d’origine glaciaire. Ainsi, à l'été 2022, le cirque de Gavarnie, dans les Hautes-Pyrénées, culminant à près de 3000 mètres d’altitude, a vu tous ses névés disparaître.

La moitié des stations de sports d’hiver, et particulièrement celles de moyenne montagne, bien représentées dans les Pyrénées pourraient avoir disparu d’ici 2050. Mais, l'augmentation des températures pourrait, d'un autre côté, rendre les territoires pyrénéens encore plus attractifs car considérés comme plus "frais", entraînant un allongement de la saison touristique.

Face à ces défis, les acteurs de la montagne ont choisi le pari de la diversification avec une stratégie « 4 saisons » qui se traduit par exemple par le balisage de sentiers de trail et de VTT, le développement d’activités combinées (les bains du Rocher à Cauterets par exemple), ou l’apparition de festivals musicaux en montagne comme Garosnow, extension du festival musical Garorock, dans les stations de Gourette et Cauterets.

Le changement climatique pourrait enfin bouleverser les pratiques agricoles, avec la raréfaction de la ressource en eau en période d’étiage. Certains agronomes recommandent ainsi l'abandon de la culture du maïs, présent dans les plaines des départements limitrophes, et gourmand en eau en période estivale, au moment où les réserves sont les plus faibles, pour passer à d'autres cultures.

Les enjeux d’une gouvernance transnationale complexe et inaboutie

La question de la gouvernance transfrontalière se pose avec acuité. Les entités sont nombreuses depuis les Eurorégions comme celle de Pyrénées-Méditerranée, créée en 2004 qui regroupe la Catalogne, l'Occitanie et les Iles Baléares ou celle de Nouvelle-Aquitaine-Euskadi-Navarre. A cela se superpose, la Communauté de travail des Pyrénées qui regroupe toutes les régions limitrophes des Pyrénées de France et d'Espagne, ainsi que l'Andorre. Sans oublier des espaces de coopération transfrontalière plus localisés comme l'Eurodistrict de l'Espace Catalan Transfrontalier qui regroupe le département des Pyrénées-Orientales et la Generalitat de Catalunya ou l'Eurocité basque Bayonne – San Sebastián. Si l'on ajoute certaines structures comme le Pays d'art et d'histoire transfrontalier des vallées catalanes du Tech et du Ter, on aboutit à un véritable kaléidoscope de structures transfrontalières, peu lisibles à la fois dans leurs compétences et leurs champs d'action.

On retrouve de nombreux exemples de coopérations transfrontalières dans les domaines de l'environnement ou du patrimoine. Ainsi, Le Parc Pyrénéen des 3 Nations regroupe quatre parcs frontaliers de trois pays différents :
- le parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises en Occitanie
- le parc naturel de l’Alt Pirineu en Catalogne
- le parc naturel des Vallées de Comapedrosa de la commune de La Massana et le Parc naturel de la Vallée de Sorteny de la commune d’Ordino en Andorre.

 Dans le domaine du patrimoine, le site Pyrénées – Mont Perdu classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1997, bénéficie d’une gouvernance assurée par un comité directeur conjoint franco-espagnol à la composition paritaire.
 
 L’hôpital de Cerdagne est le premier hôpital transfrontalier d’Europe et constitue un exemple emblématique et réussi de la coopération transfrontalière. Inauguré en septembre 2014 à Puigcerdà, dans les Pyrénées espagnoles à 1200 mètres d'altitude. Y cohabitent deux systèmes de santé et deux nationalités, tant pour les patients que pour les soignants. Il est financé à la fois par la Catalogne et par la France.
 
 La gestion de l'ours constitue un cas de gestion transfrontalière particulièrement médiatisé. Entre 60 et 70 animaux seraient présents dans les Pyrénées, depuis la réintroduction de l'espèce en 1997. Eleveurs et ONG s'opposent particulièrement sur cette question. L’aire totale de sa présence est de l’ordre de 10 400 km2. Si la majorité des spécimens ont été observés dans le département de l'Ariège, leur aire s'étend en réalité sur six départements français (Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne, Ariège, Aude, Pyrénées-Orientales), trois communautés autonomes espagnoles (la Navarre, l’Aragon et la Catalogne) et l'Andorre. Un comité de suivi transfrontalier suit la population, même si des décisions politiques nationales peuvent être prises. Ainsi en septembre 2021, quelques jours avant l'accord de l'Union européenne pour un financement de six ans d'un plan de conservation de la population d'ours, cette demande a été retirée par le préfet d'Occitanie.

Les différentiels économiques entre les pays peuvent également jouer un effet positif. De nombreux frontaliers profitent également du différentiel de prix ou de produits détaxés avec l'Andorre. Une douane existe donc au Pas de la Case en territoire français, 3 km avant l'Andorre afin de contrôler les quantités de marchandises qui circulent, et qui sont soumises à des restrictions notamment sur l'alcool ou le tabac.

La question migratoire constitue aujourd'hui un nouvel enjeu de gouvernance transnationale. 5 222 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, en 2021, dans les cinq départements frontaliers français, soit une augmentation de 73 % par rapport à 2020. Cette hausse concerne essentiellement des ressortissants marocains et d'Afrique occidentale. L'Espagne est en effet devenue la nouvelle porte d'entrée de l'Union européenne. La frontière franco-espagnole est traversée par plusieurs routes migratoires, dont les principales sont maritimes et se situent dans les extrémités est et ouest. Côté atlantique, c'est le Pays basque qui fait figure de point de passage, tandis que côté méditerranéen, ce sont les Pyrénées-Orientales. Face à l’augmentation des arrivées à la frontière, on assiste à un phénomène de barriérisation. Des barbelés ont été installés à la sortie de tunnels ferroviaires et les contrôles policiers ont été renforcés. Dans les Pyrénées-Orientales, un avion de police a été également mis en place pour survoler la zone.

Cette gestion transfrontalière des migrations entre la France et l'Espagne n'est pas récente. Les accords de Schengen (1985) mais aussi la signature d'accords bilatéraux de coopération transfrontalière policière et douanière (1998) proposaient déjà un cadre administratif et législatif. Plus récemment, en 2021, lors du Sommet franco-espagnol, réuni à Montauban, en France, les deux États ont réaffirmé leur volonté de renforcer cette gestion transfrontalière des flux migratoires. A titre d'exemple, une brigade conjointe franco-espagnole devrait bientôt voir le jour.

 Cette nouvelle orientation des flux migratoires vers l'Union européenne via l'Espagne et la traversée du massif pyrénéen, a finalement renforcé la coopération entre Paris et Madrid où troupes militaires et forces de police collaborent. A titre de comparaison, la question migratoire dans le massif des Alpes a, au contraire, exacerbé les tensions entre Paris et Rome.

 

Images complémentaires

 

 

Image prise par le satellite Sentinel-2, le 20 mai 2020.

 

D’autres ressources

Site CNES Géoimages :

 Lourdes, cité mariale pyrénéenne - /geoimage/lourdes-cite-mariale-pyreneenne

Sites et bibliographie

Stéphane Méloux, Séverine Pujol (Insee) - Massif des Pyrénées : une organisation façonnée par la géographie. https://www.insee.fr/fr/statistiques/5009206

Rapport OPCC2 sur le changement climatique dans les Pyrénées : impacts, vulnérabilités et adaptation. https://www.opcc-ctp.org/fr/contenido/accueil

France. Schéma interrégional d’aménagement et de développement du massif des Pyrénées
https://www.prefectures-regions.gouv.fr/occitanie/content/download/7254…

France. Occitanie. Commissariat du Massif des Pyrénées
https://www.prefectures-regions.gouv.fr/occitanie/Region-et-institution…

Union européenne. Programme Interreg POCTEFA Espagne-France-Andorre

https://www.poctefa.eu/fr/programme/quelestpoctefa/

https://www.poctefa.eu/wp-content/uploads/2022/01/220120_R-_-Rapport-in…

Contributeur

Proposition :
Emilie Defolie, professeure agrégée d'histoire-géographie, Lycée Louise Michel, Narbonne - académie de Montpellier,
Fabien Vergez, IA-IPR histoire-géographie - académie de Toulouse