Situé sur la Ceinture de Feu du Pacifique et à une centaine de kilomètres au Sud-Ouest de Tokyo, le Mont Fuji est le point culminant du Japon. Dépassant les 3700 mètres d’altitude et visible depuis la capitale par temps clair, ce volcan forme l’un des paysages emblématiques du pays avec son sommet enneigé pendant cinq mois, généralement du mois d’octobre jusqu’en février. Lieu de pèlerinage abritant des sites naturels sacrés et destination touristique majeure pour les touristes japonais et étrangers, de nombreux artistes l’ont représenté sur des estampes depuis le XIXe siècle, conduisant ainsi à son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2013.
Légende de l’image
Cette image du Mont Fuji sur la côte sud de l'île de Honshū, au sud-ouest de l'agglomération de Tokyo a été prise le 2 mai 2020 par le satellite Sentinel 2A. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.
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Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Le Mont Fuji : un des hauts lieux de l’Archipel
Un des maillons de la Mégalopolis japonaise
Située sur la côte méridionale de l’île japonaise d’Honshu, la région du Mont Fuji est marquée par la présence du point culminant du pays à 3776 mètres. Cette région, à cheval sur les préfectures de Shizuoka, Kanagawa et de Yamanashi, est située sur les grands axes reliant le Kantô et Tokyo à l’Est, jusqu’au Kansai et Osaka et aux Alpes japonaises à l’Ouest. Quatre principales villes sont situées au pied du volcan : Fujiyoshida au Nord, Gotemba à l’Est, Fuji au Sud et Fujiyoshida au Sud-Ouest. La région abrite également de nombreux lacs, dont le lac Kawaguchi, le lac Motosu, le lac Yamanaka et le lac Sai.
La région se situe dans le « Japon de l’Endroit » pour reprendre l’expression du géographe Rémi Scoccimarro. Cette façade dynamique et ouverte sur le monde via l’Océan Pacifique n’est pourtant pas uniforme. A l’image des péninsules de Kii à l’Ouest, de Miura et de Boso à l’Est, la péninsule d’Izu est une région excentrée, enclavée, marquée par un déclin à la fois démographique et économique. Par exemple, le centre de la péninsule d’Izu a perdu plus d’un quart de sa population entre 2000 à 2020, passant de près de 40 000 à 28 000 habitants. Le déclin est un peu plus faible dans les espaces situées à l’Ouest du Mont Fuji, notamment autour de Numazu (190 000 habitants en 2020, -0,65 % depuis 2015) et Shizuoka (690 000 habitants en 2020, -0,3 % depuis 2015).
Le littoral de la région est marqué par une très forte densité de population, dépassant parfois les 1000 habitants au km² dans les communes de Fuji, Numazu, Mishima et Shizuoka. Au Nord, les densités sont nettement plus faibles, oscillant de 30 hab./km² à Naruzawa, qui compte 2.800 habitants, jusqu’à 850 hab./km² pour l’agglomération de Kofu, de 190.000 habitants.
Un volcan peu actif depuis trois siècles mais présentant toujours des risques
Culminant à 3776 mètres, le Mont Fuji est un stratovolcan toujours considéré comme actif. D’un diamètre de 500 mètres, pour une profondeur de 250 mètres, son principal cratère est doublé d’un plus petit, sur son versant Sud, le cratère Hoei. Le flanc méridional du Mont Fuji délimite la partie sud de l’île d’Honshu et atteint une longue côte sableuse située entre les villes de Fuji à l’Ouest jusqu’à Numazu à l’Est, bordant la baie de Suruga ouvrant sur l’Océan Pacifique.
Le Mont Fuji se situe dans la partie Nord-Ouest de la Ceinture de feu du Pacifique, formant ainsi l’une des plus fortes concentrations de séismes et d’éruptions volcaniques. Un jeu de failles est visible dans la région entre la plaque d’Okhotsk à l’Est du Mont Fuji et la plaque eurasiatique à l’Ouest. Cette situation expose la région à de nombreux aléas naturels, récurrents et de fortes intensités. En 1930, un séisme de magnitude 7,3 a touché le centre de la péninsule d’Izu et provoqué près de 300 victimes.
Formé par l’accumulation de matériaux lors de trois éruptions successives, la dernière éruption majeure a eu lieu de 1707 à 1708. Les activités sismiques et volcaniques enregistrées par les volcanologues sont intermittentes et de faible intensité depuis cette période. Néanmoins, le Mont Fuji reste un volcan explosif actif qui présente toujours un risque pour les populations vivant à proximité et les infrastructures qui relient la région.
Des plans de prévention des risques définissent les modalités d’évacuation des populations exposées à l’aléa volcanique. Lors de la dernière éruption majeure du début du XVIIIe siècle, des téphras - c’est-à-dire des fragments de roches solides expulsés dans l'air pendant l’éruption - étaient visibles dans les rues d’Edo, désormais Tokyo, à plus d’une centaine de kilomètres. Les retombés des téphras sur les abords du volcan ont d'abord anéanti les récoltes de l'année, fragilisant l'agriculture locale et les échanges avec les principaux bassins de consommation, avant de devenir une précieuse source de minéraux (potassium, phosphore) pour les récoltes de riz des années suivantes.
Un système volcanique fournissant de nombreuses ressources
Selon le site Earthdata de la Nasa - National Aeronautics and Space Administration -, 3,1 millions de personnes vivent dans un rayon de 50 kilomètres autour du Mont Fuji, soit 2,5 % de la population japonaise, estimée à 125 millions d’habitants en 2020. La région est marquée par la présence des activités agricoles. Depuis les années 1970, les superficies dédiées à la production de thé vert et de fruits (raisins, pêches) se sont étendues. Près de la ville de Kofu, la commune de Koshu est célèbre pour ses vignes, protégées des vents, des pluies et de la mousson par le Mont Fuji, dont certaines variétés portent le nom de Fujiminori et de Fujibitsu. Toujours sur le flanc septentrional du mont, la ville de Fujiyoshida a développé une production de blé, notamment utilisé dans la confection de ramen.
Le Mont Fuji est également une précieuse source d’eau. Les précipitations annuelles sur le Mont, sous forme de pluie ou de neige, sont d'environ 2500 mm avec des épisodes de pluies intenses, qui peuvent dépasser les 200 mm en quelques heures. Une partie d’entre elles est utilisée pour l’irrigation des rizières, la production de papier et les industries chimiques. L’entreprise Nippi possède l’une de ses usines produisant de la gélatine et du collagène dans la ville de Fujinomiya, située au sud du mont. L’approvisionnement en eau a permis le développement de la pisciculture, principalement de truites arc-en-ciel que les restaurateurs achètent pour confectionner des sushis. La riziculture à haut rendement se maintient grâce à la mécanisation de la récolte et à la diminution du nombre d’emplois nécessaires pour qu’une exploitation soit rentable.
Des agences touristiques proposent d’ailleurs des visites de ces exploitations rizicoles ou viticoles, dans le cadre d’excursions à la journée depuis Kamakura, Tokyo, Kyoto ou Nagoya. Dans le nord de la commune de Fujinomiya, la plantation Obuchi Sasaba produit du thé dans un cadre spectaculaire. Des photographes y viennent régulièrement afin de réaliser des clichés où le vert des feuilles de Camellia sinensis contraste avec le blanc du sommet enneigé. Le site est particulièrement prisé au mois de mai lorsque les feuilles sont sur le point d’être récoltées.
Les effets du changement global : recul de l‘enneigement et remontée des étages forestiers
Sous l’effet du changement climatique, la couverture neigeuse du sommet a tendance à diminuer en épaisseur depuis le XIXe siècle. La température moyenne à son sommet est de -7°C, allant de -20°C durant l’hiver à + 5°C en été. La durée de l’enneigement est plus courte en raison de l'augmentation des températures à son sommet. Au sud de la région passe un courant marin chaud qui adoucit les températures et augmente l’humidité : le Kuroshio. Les masses d’air, chargées d’humidité, sont à l’origine du fort enneigement.
En été, l’augmentation de deux degrés des températures à son sommet depuis 1980 a favorisé le relèvement de la limite de l’étage forestier d’une trentaine de mètres, selon une étude de scientifiques japonais parue dans la revue Plants en 2021. Le Salix reinii, une espèce de saule, est présent à une altitude supérieure de 40 mètres par rapport aux mesures effectuées en 1978. A la fin du mois du décembre 2021, la couverture neigeuse au sommet ne correspondait qu’à 10 % de la surface d’une année moyenne.
Une montagne sacrée avec de nombreux sanctuaires shintoïstes et bouddhistes
« Entre les pays de Kai et de Suruga se dresse haut le sommet du Mont Fuji.
Les nuages au ciel s'attardent dans leur course.
Les oiseaux mêmes ne peuvent s'élever au-dessus.
Les feux qui brûlent, par ses neiges sont éteints et les neiges qui tombent, ses feux consument.
Je ne peux parler de lui.
Je ne peux lui donner un nom, à ce dieu mystérieux. »
Extrait du Man'yōshū (recueil des dix mille feuilles), la plus ancienne (~760) anthologie de poésies japonaises.
Comme l’exprime ce poème japonais du milieu du VIIIe siècle, le Mont Fuji est considéré comme une montagne sacrée. Elle serait le lieu de résidence des dieux, notamment de la déesse Konohana-no-Sakuya-Hime, déesse protectrice des éruptions volcaniques. Les fumerolles qui se dégagent du volcan constitueraient un élixir d’immortalité.
La première ascension du Mont Fuji remonte à la fin du VIIe siècle, en 663, date à laquelle le moine En no Gyōja gravit la montagne et ouvre ainsi un chemin de pèlerinage vers son sommet. Au XIIe siècle, cette montagne est un centre de formation du shugendô - syncrétisme religieux mêlant le bouddhisme et le shintoïsme - et un lieu de pèlerinage. Au sommet, les croyants pratiquent l’ohachimeguri , que l’on peut traduire littéralement par « tourner autour du bol ». Néanmoins, c’est durant la période Edo (1603-1868) que le culte du Mont Fuji va devenir populaire. Au tournant du XVIIe siècle, le seigneur Tokugawa Ieyasu participe à cette popularisation en encourageant la rénovation d’un grand sanctuaire situé à proximité du Fuji : le sanctuaire Asama (ou Sengen). Dans le même temps, un prêtre itinérant vient y établir des associations (kô) pour promouvoir le pèlerinage sur la montagne. L’accroissement du trafic sur la route du Tôkaidô – le grand axe reliant Kyoto à Edo/Tokyo qui passe au pied du Mont Fuji - accroît la popularité de son culte.
Avec son pied boisé, le Mont Fuji forme un espace sacralisé qui comprend notamment les 5 lacs (Yamanaka, Kawaguchi, Sai, Motoso et Shoji), les sources utilisées par les pèlerins pour le mizugori (c’est à dire pour les ablutions qui précèdent l’ascension de la montagne) et la forêt d’Aokigahara au nord-ouest. Cette forêt millénaire s’est développée sur un substrat de lave issue de l’éruption de 864. Le chemin de pèlerinage traverse trois espaces distincts : d’abord les herbages du flanc de la montagne, la forêt et enfin la montagne dite « brûlée » ou « chauve ». Du bas des versants jusqu’au cratère sommital, ce chemin est aménagé : des torii délimitent l’enceinte sacrée. Des sanctuaires tels que ceux de Sengen à une trentaine de kilomètres au sud-est du Mont Fuji sont positionnés tout au long de l’ascension. Des auberges, dont celles d’Oshi, à 15 kilomètres au nord-est du Mont Fuji, accueillent les pèlerins. Les femmes, par tabou religieux (nyonin kinsei), en sont exclues pendant l’époque d’Edo puis lors de la restauration de Meiji (1868). Ce n’est qu’en 1872 que l’interdiction est levée.
Le Mont Fuji est donc un espace approprié depuis des siècles par les bouddhistes et les shintoïstes. Cette montagne est devenue un sanctuaire jouant le rôle de centre religieux, à travers les temples bouddhistes (Nichiren Shoshu Jumyoji, Onshoji à Fujinomiya) et les sanctuaires shinto (Mukaekusushi, Kushushi). Selon l’historien Jean-Marie Bouissou, le Mont Fuji est « le domaine d’un puissant kami shintô mais aussi un « bouddha universel », la « Pierre angulaire des trois terres », voire « l’Origine de toutes choses ». Depuis les années 2000, son ascension qui concerne près de 300 000 personnes par an, est davantage entreprise par des touristes, dont un tiers d’étrangers, que par des pèlerins.
Situé au pied du Mont Fuji, la forêt d’Aokigahara est mondialement connue pour être un lieu concentrant de nombreux suicides. Malgré une chute du taux de suicide au sein de la population japonaise, s’établissant désormais à 18 pour 100 000 habitants en 2016, cette forêt dense de 35 km² est surnommé la « forêt des suicides ». Selon les légendes locales, elle serait la demeure de fantômes et des âmes égarées. Ses cyprès, ses mousses et tsugas sont une destination pour les hommes et les femmes souhaitant mettre fin à leurs jours, généralement par pendaison ou empoisonnement. En chemin, ils laissent parfois de petites cordelettes de couleur afin de pouvoir retrouver leur chemin s’ils changeaient d’avis. A l’entrée de la forêt, un panneau précise le numéro de téléphone d’un centre anti-suicide et une inscription décourageant les suicides.
Un lieu touristique, prisé des randonneurs et des curistes
Le Mont Fuji est un lieu propice aux randonnées, qu’elles aient un but récréatif ou spirituel, grâce à de nombreux sentiers. Environ 300 000 randonneurs et pèlerins atteignent le sommet chaque année. Durant l’été 2021, la baisse de fréquentation du fait du Covid a été sensible avec seulement 78 000 personnes atteignant le sommet. Les restrictions sanitaires ne permettaient pas aux randonneurs étrangers de se rendre dans le pays, laissant ainsi les sentiers aux seuls randonneurs et pèlerins japonais.
Historiquement, les pèlerinages sont à l’origine du développement de bourgs comme Fujinomiya et Fujikawaguchiko, à travers une économie qui repose sur des hébergements, des lieux de restauration et de vente de souvenirs. Depuis les années 1960, le développement économique rapide du pays et le développement des voyages en car puis en voiture ont conduit à une massification du tourisme, visibles par la construction de grands hôtels, de terrains de golf, d’autoroutes et de musées.
La région du Mont Fuji est bien intégrée dans le réseau de transport japonais. Depuis la gare centrale de Ginza à Tokyo, le trajet en train ou en bus jusqu’à la ville thermale d’Hakone ne prend plus qu’1H30 à 2 heures. Vu du ciel, la ligne de chemin de fer JR Central est visible dans l’Est de la vallée de Gotemba et relie la ville à Tokyo, Nagoya, Osaka et Kyoto par des trains à grand vitesse (Shinkansen). Une station située dans la ville de Fujiyoshida porte le nom de Mont Fuji Station et témoigne du rôle promotionnel et identitaire du sommet.
Quatre principales stations d’altitude - Yoshida, Subaru, Gotemba et Fujinomya - permettent aux visiteurs d’accéder aux flancs de la montagne par la route. Sur le flanc septentrional du mont, la 5e station de la Subaru Line est dotée d’un restaurant et de magasins permettant de s’équiper pour l’ascension. L’image conique du mont est mobilisée comme un argument de vente sur l’ensemble des produits locaux (gâteau, tablette de chocolat, timbres).
Lors d'un congrès se déroulant à Phnom Penh au Cambodge en 2013, la région du Mont Fuji a été classée au Patrimoine mondial de l'Unesco comme un site culturel, plutôt que naturel. L’aire classée s’organise autour du sommet et comporte sept sanctuaires shinto (Omuro, Kawaguchi Asama, Subashiri, Yamamiya, Hongu, Suyama et Murayama) et des auberges (des familles Hosano et Togawa) qui accueillent les pèlerins. Des cascades (Shiraito no Taki), des sources d’eau (Hoshino Hakkai), une forêt de pins (Miho-no-Matsubara distante de 70 kilomètres) et des arbres moulés dans la lave (de Yoshida et Funatsu) sont également classés par l’Unesco.
Dans la ville de Fujinomiya, au Sud-Ouest du Mont, le Mont Fuji Heritage Centre est un musée et une galerie d'exposition qui promeut la montagne à des fins de protection et de conservation. Dans ce bâtiment en forme de Mont Fuji renversé, les visiteurs peuvent admirer les paysages, mieux connaître l'histoire du Mont, et grimper virtuellement sur les sentiers de randonnées.
Au printemps, de nombreux visiteurs viennent admirer la floraison des cerisiers (hanami) sur des sites à proximité du Mont Fuji. Durant l’automne, le changement de couleurs des feuilles d’érables, devenant rouges, attirent des visiteurs (momiji).
La région abrite également de nombreux parcs de loisirs (Forest Adventure Fuji, le parc Ultraman, Fuji-Q Highland), des remontées mécaniques (Fujiten Snow Resort) et des parcs botaniques (Fuji Gachoen). Les abords du lac Yamanaka sont particulièrement prisés pour les activités nautiques (balades en bateau pour observer les cignes, pratique du wakeboard). Au sein du parc national de Fuji-Hakone-Izu, sur le versant occidental du Mont, se trouve la grande cascade de Shiraito. Classée parmi les 100 plus beaux paysages du pays, elle atteint une hauteur de 20 mètres et permet aux eaux de ruissellement d'atteindre la rivière Shiba. A l’Ouest du Mont, on distingue les vastes terrains dédiés à la pratique du golf. Au Sud-Est à proximité d’Hakone, les stations thermales de Gora et Yumoto sont parmi les lieux recevant le plus de touristes.
Hakone, une ville thermale au pied du Mont Fuji
Dans l’angle Sud-Est de l’image se trouve la ville thermale d’Hakone. Le volcanisme est en effet l’un des facteurs à l’origine du développement du tourisme dans la région. Située à 1h30 de Tokyo, la ville d’Hakone est une destination touristique située au pied du Mont Fuji, spécialisée dans le tourisme thermal. De nombreuses stations thermales autour d’Hakone accueillent les visiteurs à la recherche de sources d’eaux chaudes, les onsen. Les touristes viennent se baigner, se laver, se reposer et consommer des produits locaux. De plein air ou à l’intérieur des auberges, les onsen sont incontournables pour les touristes nationaux, mais aussi de plus en plus prisés par les étrangers, définissant ainsi « véritable art de vivre » à la japonaise selon le géographe Philippe Pelletier.
Facilement accessible par la ligne ferroviaire Hakone Tozan Railway ou le téléphérique, la ville est composée par sept villages autour du Lac Ashi. Ouvert depuis 1878, l’hôtel Fujiya est l’un des plus anciens du pays. Depuis 1923, la ville est desservie par le train, renforçant ainsi la popularité du lieu pour les touristes à la recherche d’un point de vue sur le mont et de lieu de détente dans les onsen.
Malgré le déclin démographique de la ville, passant de 20 000 habitants à 12 000 en 2019, Hakone attirent des investisseurs étrangers, à l’origine de l’achat et de la rénovation d’une fraction du parc hôtelier. En 2019, le groupe britannique InterContinental Hotels (IHG) a transformé une auberge traditionnelle de la station thermale de Gora, en périphérie d’Hakone, pour en faire un hôtel de luxe de 98 chambres, l’hôtel Indigo. Ouvrant sur la rivière Haya, l’intérieur du hall de cet hôtel 5 étoiles est décoré de façon à refléter la nature environnante (feuilles d’automne, estampes du XIXe siècle, sommets enneigés).
Parmi les 32 millions de touristes étrangers ayant visité l’archipel en 2019, 3 millions d’entre eux ont visité le parc national Fuji-Hakone-Izu, formant la partie Ouest d’Hakone. Devenu le plus visité du pays par les touristes étrangers, ce parc devance largement celui de Shikotsu-Tōya, au second rang, un parc national situé dans la partie centrale de l'île de Hokkaidō (0,9 million).
Un paysage iconique inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco
Le Mont Fuji est un paysage qui fascine depuis des siècles. Sur la photographie satellite prise à la fin de l’hiver, sa forme conique, quasi parfaite et couronnée de neige, a été largement reprise des artistes japonais qui se sont emparés de cet « objet ». La montagne est dépeinte dès le VIIIe siècle par des poètes, exprimant déjà cette fascination, voire une vénération pour un volcan devenu un lieu sacré.
Le pèlerinage du Mont Fuji est représenté dès le XVIe siècle dans des mandalas. Mais c’est véritablement au XIXe siècle, qu’il va devenir une icône avec les maîtres de l’estampe que sont Katsushika Hokusai et Utagawa Hiroshige. Au sein de ce mouvement artistique popularisant les estampes et portant le nom d’Ukiyo-e, le peintre Hokusai consacre une série d’estampes nommée « les 36 vues du Mont Fuji ». Cette montagne conique devient le sujet principal de ses estampes. Il propose ainsi 36 estampes paysagères symbolisant les différentes saisons de l’année, les humeurs ou encore les sentiments. Par exemple, un groupe de douze randonneurs entamant l'ascension vers le sommet du mont Fuji est réalisée entre 1830 et 1832. L'ascension est difficile en raison des sentiers peu entretenus à cette époque. Sur l’une des estampes les plus célèbres, « La Grande Vague de Kanagawa » d’Hokusai, le Mont Fuji apparaît à l’arrière-plan. L’œuvre traite de l’éternel immuable, symbolisé par la montagne, face à l’agitation du temps qui passe, lui-même représenté par une vague de tsunami et les marins en péril.
L’art des maîtres de l’estampe japonais a largement fait connaître cette montagne au reste du monde et influencé l’art occidental, en premier lieu les impressionnistes empreints de japonisme. Sur le modèle de Hokusai et de Hiroshige, Claude Monet peindra ainsi une série de variations autour d’un même objet comme la série des « meules » ou encore la série des « cathédrales de Rouen ». Paul Cézanne réalisera ses variations autour de la montagne Sainte-Victoire. Les maîtres de l’estampe du XIXe siècle propulsent ainsi le Mont Fuji à la place d’icône et de symbole international du Japon.
Au début du XXe siècle, l’État impérial japonais s’empare des représentations du Mont comme un instrument de propagande pour présenter la nation japonaise à l’image du Mont Fuji : héroïque et immuable. Il devient un symbole de la nation, largement diffusé à travers les timbres ou encore des réemplois par des entreprises japonaises (Fujifilm par exemple). Au début du XXe siècle, des photographes utilisent le Mont Fuji comme un cadre idéal pour des clichés naturalistes sur le Japon rural. Ces dernières années, les réseaux sociaux ont popularisé le sanctuaire Arakurayama Sengen de Fujiyoshida comme un lieu propice au tourisme photographique. Les photographes locaux ou étrangers réalisent des clichés mettant la pagode rouge de Chureito au premier plan, des cerisiers en fleurs lors d’hanami (floraison) ou aux feuilles rougies lors du Koyo à l’automne au centre, avec le Mont Fuji à l’arrière-plan. Le mont reste l’objet d’une vénération populaire.
Enfin, le cinéma s’empare du Mont comme un support à part entière à partir des années 1950. Des films comme Le Mont Fuji et la lance ensanglantée (1955) de Tomu Ushida ou plus récemment Pacific Rim : Uprising (2018) de Steven S. DeKnight lui procurent un rôle central. A travers l’art, le Mont Fuji est ainsi devenu un symbole international du Japon, symbole que l’UNESCO a entrepris de patrimonialiser en 2013 en l’inscrivant sur sa liste du patrimoine mondial avec la dénomination « Fujisan, lieu sacré et source d’inspiration artistique ».
Zoom d'étude
Atteindre le sommet du Fuji : quatre principaux sentiers
Sur cette image prise à la mi-mai, on distingue clairement la forme du volcan, les coulées les plus récentes à l’est, l’étagement de la végétation et les huit pics qui jalonnent le cratère du Mont Fuji : Oshaidake, Izudake, Jojudake, Komagatake, Mushimatake, Kengamine, Hukusandake et Kusushidake.
Pour atteindre le sommet, quatre principaux sentiers existent : Yoshida, Subashiri, Fujinomiya et Gotemba. On y accède par des routes de qualité, dont les lacets finaux sont bien identifiables sur Subashiri à l’est et Fujinamiya au sud, débouchant sur de vastes parkings bien aménagés. Puis les touristes empruntent des sentiers pédestres aux nombreux lacets du fait de la forte pente de certaines portions des itinéraires taillés dans des matériaux volcaniques plus ou moins fins et plus ou moins stables. Pour des raisons de sécurité et de saturation, trois des quatre itinéraires sont doublés entre chemins ascendants et descendants afin que de facilité la gestion des flux.
Le plus emprunté est le sentier Yoshida qui se trouve sur le versant Nord. Son point de départ est la 5e station située à 2300 mètres d’altitude. Elle est la mieux aménagée parmi les cinq stations permettant l’ascension du mont et dispose de magasins, de restaurants, d’un bureau de poste et d’un petit centre médical.
Depuis 2010, le nombre de personnes s'engageant dans l'ascension a tendance à légèrement diminuer, passant de 318 000 en 2012 à 230 000 en 2019. En 2021, le sentier Yoshida était le plus emprunté avec 54 000 randonneurs, soit 4 fois plus que le sentier Fujinomiya (11 500). Les deux derniers sentiers (Gotemba et Subashiri) sont nettement moins empruntés (6 500 personnes). La plupart des ascensions débutent durant la journée et durent entre 6 et 9 heures. Les randonneurs s’accordent généralement une courte nuit dans un refuge proche du sommet afin d’arriver au sommet lors du lever du soleil.
Des véhicules à chenille ravitaillent le sommet en denrées et récupèrent les lettres postées. Contrairement à de nombreuses régions rurales du pays en proie à un déclin démographique et à une chute du courrier distribué, l’intense activité du bureau de poste justifie son maintien par sa rentabilité (100 000 lettres en 2018). L’ascension pédestre est réalisable durant l’été, généralement en juillet et en août. Le reste de l’année, les sentiers et les refuges sont fermés.
Repères géographiques
Image prise par un satellite Pleiades (16 mai 2012)
Contient des informations PLEIADES © CNES 2012, Distribution Airbus DS, tous droits réservés. Usage commercial interdit.
Images complémentaires
1. Le Mont Fuji dans son cadre régional
Repères géographiques
Ressources et bibliographie
Jean-Marie Bouissou, 100% Japon. 400 photos pour tout comprendre (ou presque), Philippe Picquier, 2020.
Deux atlas de synthèse sur le Japon :
Philippe Pelletier, Atlas du Japon. Après Fukushima, une société fragilisée, coll. Atlas, Autrement, Paris, 96 p., 2012.
Rémi Scoccimarro, Atlas du Japon. L’ère de la croissance fragile, coll. Atlas, Autrement, Paris, 96 p., 2018.
OTA, Kei & KIKUCHI, Toshio. (2015). Changes in Agricultural Land Use at the Foot of Mt. Fuji and Regional Characteristics. Journal of Geography (Chigaku Zasshi).
Site de l’UNESCO sur le Fujisan (documents, cartes topographiques, photographies en accès libres) : https://whc.unesco.org/fr/list/1418/
France Culture. Le mont Fuji, une icône pop (janvier 2021)
https://www.youtube.com/watch?v=QUU-J2564P0&ab_channel=FranceCulture
Musée Guimet : exposition « Fuji, pays de neige », juillet 2020.
https://www.guimet.fr/event/fuji-pays-de-neige/
Contributeur
Antoine Baronnet, professeur agrégé au Lycée Charles Péguy, Gorges
Lilian Orsaz, professeur certifié au Collège Sainte Anne, Rezé