Taïwan - TSMC et l’Hsinchu Science Park au cœur de l’industrie mondiale des semi-conducteurs

Au tournant des années 1980, Taïwan fait le choix d’une nouvelle spécialisation industrielle et technologique : la production de semi-conducteurs en sous-traitance - la fonderie - pour les grands groupes mondiaux. Elle en est devenue aujourd’hui le leader incontesté, la crise de 2021 révélant la très forte dépendance de l’économie mondiale à cette petite île de 23 millions d’habitants. Cette stratégie volontariste s’est appuyée sur la création d’une technopole de rang mondial sur la Côte Nord-Ouest, l’Hsinchu Science Park, et sur l’émergence de champions nationaux, dont Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, n°1 mondial. Rattrapés par le succès, Taiwan et TSMC se retrouvent aujourd’hui pris dans les soubresauts de la rivalité États-Unis/Chine. La ville de Hsinchu est ainsi devenue l'un des points les plus « chauds » de la planète technologique, tant aujourd’hui innovation, technologie et rivalités de puissance sont liées.

 

Légende de l’image

 

Cette image a été prise par le satellite Sentinel-2 le 16 mars 2021. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Hsinchu : un pôle mondial de l’innovation, entre conquête de marchés et tensions géopolitiques sino-étasuniennes

La côte occidentale de Taiwan : littoralisation, urbanisation et métropolisation

Nous sommes dans l’ouest de l’île chinoise de Taiwan qui couvre 36 197 km² et à une forme d’amande avec ses 394 km de long sur 145 km de large. Elle est peuplée de 23,5 millions d’habitants et présente des densités moyennes de 650 hab./km². La mer correspond au détroit de Taiwan qui sépare l’île de la Chine continentale, qui se trouve à seulement 180 km plus à l’ouest.

Comme le montrent les images générales, la structure de l’île - dont la taille est inférieure à la Région Centre-Val de Loire - est profondément dissymétrique et les contraintes nombreuses. A l’est, la côte tombe dans la mer. Au centre se déploie une vaste chaîne de montagnes très élevées, qui culmine au Yu Shan à 3952 m, et dont les collines boisées à l’est de l’image correspondent au piémont final. Enfin, à l’ouest par contre se déploie une petite plaine littorale discontinue qui accueille l’essentiel de la population et des activités économiques sur un espace plan restreint. Elle est constituée d’une succession de cellules régionales - Keelung, Taipei la capitale, Hsinchu, Chunan… - dont les fortes densités finissent par constituer un chapelet métropolitain. La côte occidentale de Taïwan symbolise par ses dynamiques la puissance du processus à la fois de métropolisation et de littoralisation des hommes et des activités productives que l’on retrouve dans une large partie de l’Asie de l’Est et du Sud-Est.

Appartenant à la « ceinture de feu du Pacifique » dans le prolongement de l’archipel du Japon, comme y témoignent volcanisme et séismes, l’île est à cheval sur le Tropique du Cancer. Son climat - tropical maritime ou subtropical - se caractérise globalement par des températures élevées (été : 30°), d’importantes précipitations moyennes (2600 mm) - liées en particulier aux moussons de mai-juin et une forte humidité ; alors que les typhons sont souvent nombreux entre mai/septembre. Pour autant, comme en témoigne l’absence de typhons en 2021, les irrégularités interannuelles de précipitations peuvent entrainer de lourdes conséquences (cf. pénurie d’eau pour les usines de composants à Hsinchu en 2021 ravitaillées par camions-citernes). Sur l’image, les rivières ou petits fleuves côtiers qui dévalent des hauteurs voient leurs cours endigués afin de limiter les inondations alors que certaines portions du littoral portent parfois encore de rares mangroves.  

Hsinchu : une ville littorale en forte croissance démographique et économique dopée par l’innovation

Sur l’image, l’espace est partagé en trois ensembles bien identifiables. A l’est se trouvent des collines encore bien boisées, mais qui sont déjà densément occupées et bien mises en valeur. Au nord-ouest se déploie une plaine littorale aux fonctions agricoles dominantes (riziculture inondée) ; mais elle aussi de plus en plus urbanisée autour du pôle urbain d’Hukou.

Au milieu enfin, l’image est centrée sur le petit delta de la rivière Touqian et de ses affluents qui est constitué de plusieurs bras. Sur celui-ci, au sud en rive gauche du bras principal, se trouve le vieux centre historique de la ville d’Hsinchu, posé à l’abri des crues sur un site insubmersible. Comme en témoigne l’image, la région est densément occupée, bien mise en valeur et très urbanisée. Se développant vers la mer (aéroport), le nord et le sud-ouest, Hsinchu constitue une agglomération de 450 000 habitants, avec des densités de 4300 hab./km². Elle est entourée par le comté d’Hsinchu qui regroupe 560 000 habitants avec des densités de 390 hab./km². Comme on peut le voir très clairement, la plaine agricole et les collines boisées sont des espaces soumis à une forte pression urbaine et démographique. Au total, cet espace est particulièrement dynamique puisque la population y augmente de + 43 % en trente ans

La région connait en effet de profondes mutations. Les campagnes et les espaces forestiers sont bouleversés par la densification du bâti existant, l’essor de la périurbanisation (pavillons, collectifs, zones d’activités, golfs…) et la multiplication des grandes infrastructures (cf. aéroport, grandes autoroutes). On assiste surtout, en dehors du noyau historique, à l’essor relativement récent de trois grands pôles urbains : la vaste zone industrielle d’Hukou au nord, la zone intermédiaire mixte habitat/activités de Zhubei entre les deux rivières au centre et, enfin, le sud-ouest de l’agglomération autour du fameux Hsinchu Science Park lancé dans les années 1980.  

L’insertion de Taïwan dans la mondialisation : montée en qualité et compétence

Pour comprendre ce spectaculaire essor littoral, il convient de s’intéresser aux modalités d’insertion de Taiwan dans la mondialisation contemporaine. Intégrée à l’Empire japonais en 1895 à la suite du Traité de Shimonoseki qui met fin à la 1er guerre sino-japonaise, Taiwan est transformée en colonie agricole et connait donc une modernisation, dominée mais réelle. En 1945, l’île revient sous souveraineté de la Chine, qui bascule dans la guerre civile. Celle-ci débouche en 1949 sur la proclamation sur le continent de la République populaire de Chine par Mao Tse Toung alors que le gouvernement de Tchang Kaï-chek et les troupes du Guomindang se réfugient dans l’île et y fondent la République de Chine. Entre 1949 et 1987, le Guomindang y instaure un régime très autoritaire étroitement lié durant la Guerre froide aux États-Unis dans le cadre de leur stratégie d’endiguement de la Chine communiste, qui s’appuie aussi sur la Thaïlande, Singapour, la Corée du Sud et le Japon. Ce lien géostratégique demeure encore actuellement central face à la Chine populaire alors que les tensions sont nombreuses.  

Ce processus géopolitique va être complété au plan géoéconomique par l’adoption d’un modèle d’industrialisation fondé sur les exportations manufacturières, d’abord de produits simples puis de plus en plus sophistiqués par remontée de filière. Ainsi, des 1964, l’étatsunien General Instrument installe à Kaoshsiung, dans le sud-est de l’ile, une usine d’assemblage d’équipements électroniques. Loin d’être un miracle, l’essor économique et industriel de l’île, qui atteint aujourd’hui un niveau de pays développé, repose sur un certain nombre de piliers : aide étatsunienne multiforme, réforme agraire et modernisation de l’agriculture et des campagnes, surexploitation mais aussi formation et qualification de la main d’oeuvre, développement des infrastructures, attraction des capitaux étrangers, forte intervention publique (aménagement du territoire, plans sectoriels, financement de l’innovation…) d’un Etat-développeur…

Le Hsinchu Science Park/HSP et le groupe TMC : le tournant stratégique des années 1980

Mais à la fin des années 1970, le modèle s’essouffle alors qu’un séisme géopolitique intervient en 1971 : en effet la République de Chine perd son siège de membre de l’ONU au profit de la République populaire de Chine, donc Pékin, avec l’accord de Washington. Ces choix conduisent progressivement à son isolement diplomatique puisque le pays n’est plus en 2021 reconnu que par 15 membres de l’ONU. C’est dans ce contexte que va s’opérer au tournant des années 1980/1985 le virage systémique vers la haute technologie. Il repose sur plusieurs piliers essentiels faisant système.

Premièrement, le gouvernement taïwanais décide d’une nouvelle politique industrielle novatrice en créant une industrie autonome de microélectronique dans les composants. Sun Yun-suan, Premier ministre de Taiwan est l'un des concepteurs de cette véritable métamorphose. Le pays abandonne aux pays d’Asie du Sud-Est les productions bas de gamme (textile, jouets, électronique grand public bas de gamme…) pour se spécialiser dans l’électronique et l’informatique à haute valeur ajoutée alors que la révolution informatique est lancée par la Côte Est des États-Unis avec la création de Microsoft à Seattle en 1975 et d’Apple dans la Silicon Valley en 1976.

Deuxièmement, dans la science, la technologie et l’innovation, l’État renforce ou se dote de puissants leviers de pilotage et d’intervention : Ministère de la Science et de la Technologie, Industrial Technology Research Institute (ITRI), National Applied Research Laboratories (NARL) avec en particulier le Taiwan Semiconductor Research Institut (TSRI)… Il va aussi faire appel à de nombreux ingénieurs taïwanais travaillant aux États-Unis, réalisant en quelque sorte un brain drain à l’envers afin de bénéficier de nouvelles compétences.

Troisièmement, la puissance publique va créer un écosystème territorial permettant de porter et de concrétiser ses nouvelles ambitions : le Hsinchu Science Park/HSP. L’idée en est lancée dès 1976 par Shu Shien-Siu, Ministre des Sciences et Technologies et ancien Président de l’université National Tsing Hua sur le modèle de la Silicon Valley. Les travaux débutent en 1980. Comme en témoigne l’image, l’HSP joue aujourd’hui un rôle majeur dans l’organisation urbaine, économique et sociale de l’agglomération.

S’étendant sur 1375 ha., le site compte aujourd’hui 150 000 salariés, dont 82 % ont un niveau de formation du supérieur, qui travaillant dans 560 entreprises dans les circuits intégrés, l’optoélectronique, l’informatique, les télécommunications, les équipements ou les biotechnologies. On y relève la présence de grandes agences publiques ou de grands équipements comme les laboratoires de l’Agence spatiale taïwanaise (NSPO), le Centre national de haute compétence en informatique des NARL, le National Synchrotron Radiation Research Center (NSRRC) créé en 1993… On y trouve aussi de nombreux départements universitaires et de Grandes Écoles articulant formation et recherche.

Quatrièmement enfin, l’État favorise l’émergence puis le développement de grands champions industriels et technologiques nationaux, dont une partie est organisée par la Taiwan Semiconductor Industry association (TSIA). Ainsi, le groupe UMC - United Microelectronics Corp. est issue en 1980 d’une opération d’essaimage de l’ITRI. C’est aujourd’hui un important acteur mondial dans les semi-conducteurs avec 19.500 salariés dans 12 usines : six à Hsinchu, une à Tainan, en Chine (Xiamen), à Singapour dans le Singapore’s Pasir Ris Wafer Park et au Japon. Pour sa part, Morris Chang, vice-président des semi-conducteurs chez Texas Instruments, vient à Hsinchu prendre la direction de l’ITRI, cet incubateur d’État créé en 1973. A la demande du gouvernement, il lance en 1987 le groupe TSMC qui va devenir un géant mondial.  

Géopolitique et technologie : TSMC et Hsinchu pris dans les soubresauts de la rivalité États-Unis/Chine

Du fait de sa position incontournable dans la chaîne de valeur et de son avance technologique, Taïwan est devenu un enjeu stratégique d’autant plus important dans la guerre technologique que se livrent Washington et Pékin qu’elle fournit un tiers des 300 milliards de dollars annuels d’importations chinoises de puces, en particulier dans le haut de gamme dans lequel n’existe pas de fournisseurs chinois. Suivant le chemin de Taïwan, Pékin a d’ailleurs créé en 2000 son champion national dans la fonderie : Semiconductor Manufacturing International Corp (SMIC). Mais malgré tous les efforts réalisés, il demeure encore loin derrière la qualité des prestations taïwanaises.

 Dans ce contexte général, le groupe TSMC et le pôle industriel et technologique d’Hsinchu est pris en tenaille entre deux puissances mondiales avec lesquelles il réalise 84 % de ses ventes. En effet, depuis septembre 2020, TSMC est interdit de commerce avec les firmes chinoises du fait de sanctions américaines. Car comme fondeur, TSMC est très impacté par les logiques d’extraterritorialités adoptées par Washington qui interdit en particulier à Huawei, le géant de Shenzhen qui représente 10 % des ventes mondiales de TSMC, d’acheter des semi-conducteurs réalisés à partir des technologies américaines, même lorsque les composants ont été assemblés hors des États-Unis. Enfin, afin de répondre aux insistantes demandes étasuniennes, TSMC annonce la création en 2022 d’une nouvelle usine à Phoenix dans l’Arizona d’un coût de 12 milliards de dollars.

Dans ce contexte, l’île de Taiwan est confrontée à une forte montée des tensions géopolitiques dans son espace maritime immédiat, en particulier dans le Détroit de Taïwan et dans la mer de Chine méridionale présente sur l’image. Accueillant une base aérienne, l’agglomération d’Hsinchu n’est qu’à 130 km des premières iles de la République populaire de Chine, alors que les iles Pescadores au sud-ouest cristallisent les tensions. Indispensable au dynamisme économique insulaire et au développement d’Hsinchu, la liberté de circulation maritime est devenue un enjeu majeur pour tous les États riverains et les puissances mondiales.



 

Zoom d’étude

 

Le groupe TSMC à Hsinchu : un des points les plus « chauds » de la planète technologique et industrielle

Le territoire du premier « fondeur » mondial au cœur de la division internationale du travail

Dans l’industrie des semi-conducteurs qui est une activité très cyclique et très capitalistique, les mutations économiques et techniques des dernières décennies ont progressivement conduit à une forte spécialisation fonctionnelle des activités productives autour de deux grands métiers. On trouve d’un côté les firmes qui conçoivent et vendent sous leur marque les puces comme Qualcomm, Intel ou Braodcom ; de l’autre les firmes - les fondeurs - qui prennent en charge la fabrication et l’assemblage des puces pour le compte d’autres firmes spécialisées dans leur conception.

Ce processus de segmentation économique, technique et fonctionnelle est bien sur aussi territorial, et participe donc de la division internationale du travail qui tend à spécialiser chaque pays ou région. Il aboutit ainsi à un bouleversement de la géographie mondiale de l’industrie des semi-conducteurs. Face aux énormes investissements nécessaires, de nombreuses firmes occidentales ont abandonné la production de puces pour se concentrer sur d’autres fonctions ou secteurs : ainsi, l’étasunien IBM - tout en gardant une fonction de conception - se recentre ces quinze dernières d’années sur le logiciel, le cloud et la mégadonnée. Les effets de ces stratégies de désengagement sont considérables : en trente ans, la part de l'Amérique du Nord dans la production mondiale des puces tombe de 37 % en 1990 à 12 % aujourd'hui.

A l’inverse, l’Asie de l’Est - en particulier la Corée du Sud et Taïwan - se sont emparer de ces nouvelles opportunités pour en devenir des champions mondiaux. Ce processus a abouti aujourd’hui à un duo-pôle géographique Corée/Taïwan et à un oligopole technologique et industriel, le nombre de fondeurs pouvant produire des puces toujours plus fines, plus puissantes et donc plus chères étant très limité.

Aujourd'hui, Taiwan est installé sur l'ensemble de la chaîne de valeur de la filière, avec des firmes de rang mondial à chaque étape de la production, ce qui lui confère un rôle stratégique. L’île compte ainsi 15 fondeurs, dont cinq sont dans le Top10 mondial, réalisant au total 76 % de la production mondiale. Elle polarise 57 % des opérations mondiales de tests et d’emballage des puces, grâce en particulier à la firme ASE, n°1 mondial. Dans la fourniture des plaques de silicium, ou wafers, sur lesquelles sont gravés les circuits intégrés, le taïwanais GlobalWafers devient le n°1 mondial ex-aequo avec le japonais Shin-Etsu (30 %) après le rachat pour quatre milliards de dollars de l’allemand Siltronic en 2020. Au total, l’ensemble de la filière - design, conception, production/assemblage, emballage et test des puces - représente 8,5 % du PIB et 31 % des exportations de Taiwan.

Né en 1987, le taïwanais TSMC est aujourd’hui le n°1 mondial de l'assemblage des semi-conducteurs : il réalise 56 % de la production mondiale devant le sud-coréen Samsung (15 %), l'américain Global Foundries et le taiwanais UMC (7 %). TSMC compte parmi ses 510 clients les plus grandes firmes mondiales : Advanced Micro Devices, Broadcom, Huawei, Intel, Medi Tek, NVIDIA, NXP Semiconductors, Qualcomm, STMicroelectronics, Xilink…

Le groupe TSMC à Hsinchu : un territoire au cœur d’un réseau productif mondial

Sur l’image de l’Hsinchu Science Park se trouvent le siège social, les laboratoires de recherche et huit des principales usines mondiales du groupe TSMC. Il produit 13 millions de disques de silicium par an et emploie 57 800 salariés dans le monde, dont 51 300 à Taiwan même (89 %).

Dans l’île, le pôle d’Hsinchu occupe une place déterminante par ses fonctions et ses emplois avec 45 % du total mondial. Mais face à la saturation progressive de cette région urbaine, le groupe a du progressivement essaimer hors de son bassin historique en organisant vers le sud de la Côte Ouest trois pôles productifs complémentaires : Miaoli, Taichung et Tainan.

Le potentiel technologique et industriel d’Hsinshu est au cœur d’un réseau mondial : la firme réalise en effet 12 000 produits différents - dont 90 % sont destinés à l’exportation. L’Amérique du Nord en capte 62 %, devant la Chine (17 %), le reste de l’Asie (11 %), le Japon (5 %) et l’Europe (5 %).

TSMC : les semi-conducteurs, un marché stratégique en plein boom

En 2020, les puces pour smartphones représentent 48 % des activités de TSMC du fait du boom de la téléphonie, devant l’informatique (33 %), l’internet (8 %) et l’automobile (3 %). Alors que le marché mondial des semi-conducteurs est évalué à 433 milliards de dollars, 80 % des produits sont fabriqués en Asie, contre seulement 12 % aux États-Unis et 7% en Europe. Ce marché est stratégique puisque les puces électroniques sont indispensables à l’essor de l’économie digitale et numérique dans une myriade de secteurs et de produits : téléphones 4G et 5G et smartphones, ordinateurs, serveurs centres de données ou data centers, intelligence artificielle, automobile et objets connectés…

Ainsi, chaque téléphone contient en moyenne vingt-deux puces. Chaque nouvelle génération de téléphonie mobile dope les activités de TSMC car ils contiennent toujours plus de puces sophistiquées. De même, on trouve aujourd’hui environ 1000 puces dans une automobile, beaucoup plus demain dans la voiture autonome et des puces à plus haute valeur ajoutée. Les volumes de production réalisés à Hsinchu sont donc énormes puisque 85 millions de voiture et plus d’un milliard de téléphones sont vendus chaque année dans le monde. Au printemps 2021, la pénurie mondiale de puces, en particulier dans le secteur automobile, a paralysé de nombreuses usines aux États-Unis, au Japon, en France ou en Allemagne par exemple.

TSMC - Hsinchu : des cathédrales technologiques et techniques de rang mondial

Dans les semi-conducteurs, la finesse de gravure entre deux transistors est déterminante puisqu’elle conditionne la densité, les potentialités et le rendement énergétique. Elle est mesurée en nanomètres/nm, c’est-à-dire en millionième de millimètre. Pour TSMC, ces exigences extrêmes explique un taux de recherche-développement très élevé de 8,2 % des ventes et d’énormes investissements dans la production. La course à l’intégration et à la miniaturisation des composants mobilise de 25 à 28 milliards de dollars en 2021, deux fois plus qu'en 2020. Les usines présentent sur l’image sont donc des cathédrales technologiques et techniques parmi les plus avancées au monde.   

Pour mesurer le chemin parcouru, il est nécessaire de rappeler qu’un an après sa naissance, TSMC développait ses premières puces de 1,5 micromètre pour atteindre les 0,18 micromètre en 1999. Nous sommes passés aujourd’hui au nanomètre. Maîtrisant parfaitement la génération des puces en 7 nm contrairement à la firme étasunienne Intel, TSMC a été le premier fondeur à lancer en 2020 en grande série la production d'une puce de 5 nanomètres, qui équipe en particulier l'iPhone 12 d'Apple. Comme prochaine étape, il annonce la mise en production de puces de 3 nanomètres en 2022, les plus fines jamais conçues à ce stade, puis de 2 nanomètres en 2025. Il est vrai qu’en 2021le centre de recherche spécialisé de New York d’IBM a dévoilé le premier prototype d'une puce gravée avec une finesse de 2 nanomètres.

Afin de répondre à ces immenses défis techniques et technologiques, l’usine de fabrication - souvent dénommée ou « fab. », pour fabrication plant - est organisée autour de salles blanches, dans lesquelles l’environnement est extrêmement contrôlé et l’air filtré afin d’éviter toute micro-poussière ou micro-vibration pouvant endommager les puces. C’est pourquoi ces usines sont dotées d’immenses système de climatisation et d’aération et sont très consommatrices d’électricité. A partir de tranches de silicium de semi-conducteurs, les wafers, la fab. va en effet produire un circuit intégré en réalisant une succession d’étapes, très délicates et complexe : photolithographie, gravure, dopage, diffusion, métallisation… Pour ce faire, les usines de TSMC accueillent les équipements lithographiques de la firme hollandaise ASML, ancienne filiale du groupe Philips de 28 000 salariés, qui peuvent peser jusqu’à 180 tonnes et être aussi hautes que des bus à double étage.    

Ce processus spécifique explique localement l’existence d’un vaste tissu productif. Il est composé à l’amont d’un important réseau de fournisseurs hautement spécialisés : fabrication de substrats, abrasifs pour les galettes de silicium, gaz industriels et oxygène, câblages ultra-fins, matériels de lithographie… Il est composé à l’aval d’autres usines - les back-end plants - dédiées à l’assemblage des circuits intégrés sortants de la fab. et qui réalisent le découpage et le sciage du wafer puis la mise en boîtiers plastiques ou céramiques.  

 


Repères géographiques

 

 

Images complémentaires

 

 

 

La côte ouest et la ville de Taipei. Une plaine littorale limitée confrontée à de fortes contraintes et largement urbanisée.

 


Repères géographiques

 

 

 

 

 

Tout le nord de l’île de Taiwan

 

D’autres ressources

Ouvrages

Laurent Carroué : Atlas de la mondialisation. Une terre, des hommes, Autrement, coll. Atlas, 2em édition, 2020.

Laurent Carroué : Géographie de la mondialisation. Crises et basculement du monde, collection U, Armand Colin, 2019

Ressources en ligne sur les territoires mondiaux de l’innovation

Site Géoimage du CNES

Laurent Carroué : Boston : une métropole étasunienne et mondiale de l’innovation avec Harvard et le MIT
 /geoimage/boston-une-metropole-etatsunienne-et-mondiale-de-linnovation-avec-harvard-et-mit

Laurent Carroué : Californie. La Silicon Valley : un pôle mondial et étasunien de l’innovation
/californie-la-silicon-valley-un-pole-mondial-et-etasunien-de-linnovation

Site Géoconfluences de l’ENS de Lyon

Laurent Carroué : La Silicon Valley : un territoire productif au cœur de l’innovation mondiale et un levier de la puissance étatsunienne, Site Géoconfluences, ENS de Lyon.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/silicon-valley-territoire-productif-innovation
`
Laurent Carroué : Paris-Saclay, une Silicon Valley à la française ?,  Site Géoconfluences, ENS de Lyon.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/paris-saclay

Contributeur

Proposition : Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Éducation nationale, du sport et de la recherche, et directeur de recherche à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII)