Découverte en 1493 et prise par les britanniques en 1632, Montserrat est aujourd’hui un territoire d’outre- mer britannique des petites Antilles situé entre la Guadeloupe et Antigua. L’île est à l’image des petites Antilles de par son caractère volcanique, ses aménités paysagères - forêts tropicales, plages de sable noir, massif volcaniques … - et touristiques, sa forte exiguïté (102 km2) et la confrontation aux risques, tant telluriques que climatiques (cyclones). Ces éléments sont décisifs pour comprendre les dynamiques environnementales à l’œuvre et prendre en compte l’état et l’évolution de son organisation territoriale. Ainsi, les éruptions survenues entre 1995 et 1997 ont fortement touché le sud de l’île, impactant sa population, ses activités et son organisation par une reterritorialisation au Nord de l’île et le développement d’une nouvelle forme de tourisme.
Légende de l’image
Cette image Montserrat située dans l'arc formé par les Petites Antilles a été prise par le satellite Sentinel-2B le 21 avril 2020.
Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m. Ci-contre, la même image satelitte présente des repères géographiques de la région.
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Localisation
Organisation territoriale
Présentation de l’image globale
Montserrat : un environnement insulaire contraignant, entre exiguïté, volcanisme et cyclones
Montserrat : l’île Emeraude, une organisation spatiale conventionnelle des petites Antilles avant 1995
Cette image présente l’île de Montserrat, île volcanique traversée en son centre par un massif propre aux îles de l’arc des Petites Antilles ; comme sur l’île de la Basse-Terre en Guadeloupe ou en Martinique par exemple. Celui-ci, recouvert de sa forêt tropicale, a participé à faire de Montserrat l’« ’île émeraude de la Caraïbe » ; surnom donné aussi en lien avec l’héritage né de l’arrivée des premiers Irlandais en 1632. Au sud de l’image, nous pouvons apercevoir le volcan de la Soufrière de par le nuage qui en ressort, lieu privilégié des randonneurs avant 1995. Des plages de sable noir - et une seule plage de sable blanc au nord - visibles tout autour de l’île attirent les baigneurs et plongeurs. Ainsi tous ces éléments sont un des fondements de l’attractivité touristique de cette île avant 1995 et perdurent dans une moindre mesure aujourd’hui ; tourisme journalier par les excursions depuis les îles voisines mais aussi de plus longue durée avec des résidences touristiques de luxe.
L’image témoigne des profonds déséquilibres existants dans l’organisation de l’île ; les principales infrastructures, habitations et activités se concentrant à l’ouest sur la côte sous le vent. Cette organisation typique des petites Antilles s’explique par la forte confrontation au risque cyclonique et l’exposition des côtes au vent qui bordent l’Océan Atlantique. Ainsi, en 1989 le passage du cyclone Hugo a ravagé une partie de l’île tandis que les houles cycloniques accroissent l’effet de l’érosion des plages orientales de l’île.
Toutefois, l’intérêt de cette image est aussi dans ce que l’on ne voit pas du fait des coulées de lave car les principales infrastructures portuaires ainsi que l’ancienne capitale Plymouth autrefois situées au Sud-Ouest de l’île ont aujourd’hui disparu avec les éruptions volcaniques tout comme l’ancien aéroport international situé à l’Est. D’ailleurs les coulées de lave ont eu pour conséquence d’accroître le trait de côte sur la mer à l’est et au sud de l’île.
Une île largement bouleversée par les catastrophes volcaniques : de l’ « île Emeraude » à la « Pompéi des Antilles »
En effet, l’organisation et le tourisme de Montserrat ont été transformés par les effets des catastrophes volcaniques des années 1990.
Comme nous pouvons le voir sur l’image, de vastes coulées de lave s’étendent depuis le volcan jusqu’aux littoraux du Sud et de l’Est.
Ainsi, les différentes éruptions survenues entre 1995 et 1997, surtout, ont détruit définitivement la capitale Plymouth, les principales infrastructures et rendu inhabitable plus de 60 % de l’île alors que le Sud concentrait jusqu’alors la majeure partie des 11 000 habitants de l’île. Celle-ci s’est donc déplacée vers le Nord autour de Salem et Brades alors que 8000 habitants environ préféraient quitte Montserrat pour partir soit vers les îles britanniques voisines, soit vers le Royaume-Uni. Si on assiste au retour d’environ 2000 habitants ces vingt dernières années, la population actuelle de l’île demeure inférieure de moitié à ce qu’elle était en 1995.
A plus long terme, ces éruptions ont entraîné une reconversion des territoires et des activités de Montserrat. Ainsi, le centre politique et économique de l’île s’est déplacé vers le Nord avec, par exemple, le déplacement au nord-ouest de l’administration dans la ville de Brades, et des activités portuaires sur le port de Little Bay; un projet d’une nouvelle capitale entre Brades et le port de Little Bay est d’ailleurs en cours. Un nouvel aéroport construit en 2005 accompagne ce développement avec une densification de l’habitat aux alentours et notamment vers l’Est de l’île. Port et aéroport permettent ainsi de relier Montserrat aux îles voisines et de renouveler son attractivité touristique auprès de leurs ressortissants. L’agriculture s’est elle aussi déplacée au nord autour des communes de Salem et Dick Hills.
Le tourisme est un élément important de l’activité de l’île en plus des activités bancaires offshores. Ainsi, si le sud est considéré comme zone interdite pour l’habitation et les activités permanentes, des carrières de sable et autres agrégats y sont localisées mais c’est aussi un territoire propice à une nouvelle forme de tourisme que l’on pourrait qualifiée de « dark tourism ». Les agences locales de tourisme et des îles voisines font de ces territoires ensevelis et de l’histoire de la catastrophe un objet d’attraction touristique. Ainsi, Plymouth est intitulée la « Pompéi des Antilles » et peut être visitée auprès de guides locaux lorsque le risque est peu élevé, tandis que différents points de vue donnent sur les coulées de lave. Une hausse conséquente du tourisme a permis d’accueillir 20 000 visiteurs en 2019 (dont 10 000 touristes, 2000 excursionnistes à la journée et 7000 croisiéristes) en provenance majoritairement des îles de la Caraïbe mais aussi des Etats-Unis et du Royaume-Uni (moitié des touristes et excursionnistes pour les deux pays). Toutefois, la petitesse des infrastructures portuaires et aéroportuaires actuelles ne permet pas une arrivée plus massive de touristes notamment par les airs (piste trop petite pour accueillir des longs courriers) et limite ainsi l’impact financier de l’activité touristique pour l’île. Les projets d’agrandissement sont donc au cœur des enjeux de l’île, qui après avoir fermé ses frontières face à la crise sanitaire en 2020, s’est ré-ouverte progressivement depuis 2021.
Le nord de l’île, nouveau centre de Montserrat
Nous pouvons apercevoir le projet de nouvelle capitale liant les localités de Bardes et de Little Bay, signe de la reterritorialisation des activités et des infrastructures au Nord-Ouest de l’île après les éruptions de 1995-1997. En effet, différents éléments justifient ce lieu comme nouvelle capitale : assez éloigné du volcan, il bénéficie d’un espace propice à son développement de par son replat dominant la mer des Caraïbes et sa proximité avec le port de Little Bay, lui permettant d’être relié ainsi aux îles voisines.
Au bas de l’image, les constructions concentrées sur le replat situé sur le versant ouest du massif de l’île et tournées vers la mer, composent la nouvelle capitale « de facto » (Plymouth restant pour l’instant la capitale « de jure ») à savoir Brades. En haut de l’image, d’autres constructions composent le port de Little Bay avec notamment son ponton, construit dans l’urgence en 1997 suite à la destruction du port de Plymouth, pour permettre d’accueillir actuellement les ferry des iles voisines et pour commercer. Un projet de développement du port est en cours avec la réalisation d’un nouveau débarcadère permettant l’arrivée de navires de croisières, ferry et yachts plus importants.
Ces deux espaces sont connectés par des infrastructures routières qui contournent le littoral par l’intérieur des terres. L’espace contourné reliant les localités actuelles de Brades et Little Bay, est le cœur du projet de nouvelle capitale depuis 2008. Les principales constructions se situent dans cet espace (1) et nous pouvons déjà apercevoir le projet de stade (2). Sur le littoral, un port de plaisance (3) est aussi prévu ainsi qu’un débarcadère de plus grande capacité (4) pour renforcer l’attractivité touristique de l’île. Enfin, la connexion actuelle par les axes routiers de Brades et Little Bay vers la ville de Salem au Sud et l’intérieur de l’île, notamment l’aéroport, doit être renforcée avec le projet de nouvelles routes reliant la future capitale à ces lieux. La connexion à l’aéroport est importante et en fait un axe principal du développement de l’île avec notamment la densification de l’habitat à l’Est avec le village de Lookout, qui constitue la plus récente communauté créée et déjà l’une des plus importantes avec en 2012, le statut de commune la plus peuplée (670 personnes) devant Brades et les autres communes du nord de l’île et plus de 300 habitations aujourd’hui.
Images complémentaires
Le sud de l’ile de Montserrat en 2019, trois décennies après l’éruption majeure de 1995/1997 et zoom sur Richmond Hill et Old Town
Repères géographiques
Éléments de bibliographie et sitographie
Moullet, D., Saffache, P., (2014). "Montserrat : une île à risques" in Cruse & Rhiney (Eds.), Caribbean Atlas, http://www.caribbean-atlas.com/fr/thematiques/geographie-physique-et-re….
Serge Bourgeat et Catherine Bras, « Montserrat ou l’impossibilité d’une île ? Les difficultés de la résilience en milieu insulaire », Géoconfluences, septembre 2020.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-t…
Projet de la nouvelle capitale : https://sites.google.com/site/designcollaborativeuk/masterplanning/urba…
Projet du développement portuaire de Little Bay : « Montserrat port devlopment project », Stantec Consulting International for Government of Montserrat, 15 septembre 2021
Statistiques du gouvernement de Montserrat sur la période 2015-2019 (2020) : « Environmental Statistics Compendium 2015-2019 », Statistics Department Montserrat, Govermnment of Montserrat, 2020
Contributeur
Jonathan Fieschi, professeur, Lycée Jardin d’Essai, Les Abymes.