Colombie. Medellin : modernisation d’une métropole andine

Nichée dans la cordillère centrale des Andes Colombiennes, l’agglomération de Medellin, deuxième de Colombie, a entamé un processus de transformation urbaine significatif depuis les années 1990. Réflexions sur les aménagements urbains, les mobilités et participation citoyenne ont permis de transformer une des villes les plus dangereuses du monde dans les années 1990 en un exemple de développement urbain pour les métropoles émergentes.

 

Légende de l’image

Dans la vallée de l'Aburrá entre les cordillères Occidentale et Centrale, l'image de la ville de Medellín (deuxième ville la plus peuplée de Colombie) a été prise prise par le satellite SPOT 6, le 1er janvier 2016. La résolution est de 15m

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Présentation de l’image globale

Medellin. Modernisation d’une métropole andine : de la ville fragmentée à la ville concertée ?

L’image représente l'aire urbaine de Medellin, la deuxième de Colombie après Bogota, qui s’étire sur une superficie de près de 1 150 km² (382 km² pour la ville de Medellin même) dans la vallée de l’Aburra au centre du département de l’Antoquia. Deuxième centre économique du pays, l’aire urbaine de Medellin compte environ 3,5 millions d’habitants, soit environ 7,3 % de la population Colombienne, elle-même estimée à 48,5 millions d’habitants en 2018. C’est donc le deuxième centre urbain du pays derrière l’aire urbaine de Bogota et ses 12 millions d’habitants mais devant Cali et Barranquilla.

Un étalement urbain le long de la vallée de l’Aburra

A environ 250 km à vol d’oiseau de Bogota, la capitale du pays, l’agglomération s’étire le long d’une rivière, le rio Medellin, au sein de cette vallée de l’Aburra, qui est l’une des vallées importantes de la cordillère centrale. En effet, au sud de la Colombie, la chaîne des Andes se divise en trois cordillères séparées par de larges vallées. Medellin se situe dans la cordillère centrale à une altitude allant de 1 500 m à 1 800 m du sud vers le nord.

Cette altitude lui permet de bénéficier d’un climat agréable et relativement humide tout au long de l’année, avec une température moyenne annuelle de 24°. Ceci lui confère le surnom de Ciudad de la Eterna Primavera, la ville du printemps éternel. Le Rio Medellin rejoint ensuite le Rio Magdelana, fleuve majeur de Colombie qui se jette dans la mer Caraïbe.

L’image montre l’occupation urbaine centrée sur la rivière. Elle couvre une quinzaine de kilomètre au plus large de la vallée sur 30 à 35 km pour l’axe nord/sud. La ville des Andes a en effet connu un étalement urbain récent. Fondée vers 1670 par des familles bourgeoises venant du pays basque espagnol, Medellin est le cœur d’une région où se développe activités minières et grandes haciendas (canne à sucre).

Le second pôle économique et industriel du pays

Mais c’est réellement le boom de la caféiculture au XIXè siècle qui amorce le processus d’urbanisation de cette ville-carrefour. En 1826, elle devient capitale de l’Antioquia détrônant la ville Santa Fe, moins accessible. En Colombie, Medellin est donc  contrairement à ses voisines Bogota ou Cali beaucoup plus ancienne - une ville relativement récente. La croissance urbaine, guidée par les reliefs, est sensible à partir de la moitié du XIXe siècle avec le développement de la caféiculture, en particulier vers le sud de la région de l’Antioquia (processus de colonisation de la région par les paisas).

Le développement des activités industrielles est visible sur l’image au nord et au sud de l’agglomération : les usines et entrepôts s’installent à proximité de la rivière et des grandes infrastructures routières sur des terrains plats. Medellin est le 2ème centre industriel de Colombie derrière Bogota. L’industrie textile est la plus performante de Colombie, la construction, le secteur médical ou encore les télécommunications en font aujourd’hui une métropole à l’économie diversifiée. La participation de l’agglomération au PIB national s’élèverait environ à 15 % en 2018.

Crises géopolitiques, exode rural et croissance urbaine

Si le dynamisme économique a participé à attirer les populations des campagnes (exode rural) qui ont trouvé à ce loger sur les flancs des montagnes visibles sur cette image, cet exode rural fut aussi souvent contraint par les conflits internes récurrents que connaît le pays.

En effet, à la Violencia, guerre civile qui touche le pays de 1948 à 1960 suite à l’assassinat du leader libéral Jorge Eliecer Gaitan, succède la période des guérillas marxistes (FARCS, ELN ou M19) qui déstabilisent les campagnes. La population de Medellin, comme des autres villes, explose avec ces migrants forcés, les Desplazados¸ réfugiés dans leur propre pays.

Puis, la période qui s’ouvre des années 1980 aux années 2000 est marquée par l’action supplémentaire des groupes de narcotrafiquants dont le célèbre cartel de Medellin de Pablo Escobar qui restera durablement associé à cette ville.

Les quartiers informels des invasiones à la conquête des flancs de montagnes

Entre 1950 et 2018, la population de l’agglomération est donc multipliée par 10 pour atteindre 3,5 millions d’habitants, plus de la moitié de cette croissance se fait dans ces quartiers informels. L’installation de ces populations se fait dans les espaces restés libres, sur les flancs de montagnes et de manière informelle : ce sont les invasiones.

Certaines sont proches du centre-ville de Medellin comme Moravia, mais d’autres plus lointaines sont construites sur des terrains en pente présentant des risques de glissement de terrain important et des problèmes d’aménagement, entre autre pour les infrastructures routières.

L’habitat y est en grande partie informel : construction de maisons de briques et de tôles comprenant un étage au maximum le plus souvent. On parle d’urbanisation pirate (urbanización pirata)

Les recompositions spatiales actuelles : étalement, verticalisation, ségrégation

La croissance démographique laisse aujourd’hui apparaître deux tendances transformant une ville fortement contrainte par son site. En effet, la vallée encaissée ne permet pas un développement est/ouest facile. Celui-ci reposant sur la conquête des terrains en pente est aujourd’hui plus limité à défaut d’être totalement contrôlé. La municipalité de la ville a donc développé des programmes d’aménagement urbain dans plusieurs quartiers de la ville : reconnaissance des titres de propriétés, aménagement des infrastructures de transports, développement de l’éducation, en particulier primaire, et mise en place de budgets participatifs. Les quartiers populaires à flanc de montagne connaissent certes toujours pauvreté, précarité et économie informelle, mais ils sont aujourd’hui davantage pris en compte au sein de l’agglomération.

Au-delà des montagnes, le développement principal de la ville, bien visible sur l’image, se fait donc au sein de la vallée vers le sud (communes d’Envigado ou Itagui) ou vers le nord (commune de Bello).

Enfin, la tendance la plus nette, bien visible dans les quartiers planifiés, est la verticalisation de l’habitat. Cette tendance n’est pas nouvelle : dès le milieu du XXe siècle apparaissent des gratte-ciels corporatistes et résidentiels. Cet urbanisme s’appuie sur l’émergence d’une classe moyenne et participe à renforcer la fragmentation spatiale de la ville en excluant les familles pauvres vers les périphéries et les zones informelles. Comme d’autres villes d’Amérique latine, Medellin voit la ségrégation socio-spatiale se renforcer entre un sud-est aisé et une partie nord et ouest plus pauvre.  

Une expansion accompagnée par un réseau de transport original

L’agglomération de Medellin a développé une politique de transport unique au monde visant à désenclaver les quartiers les plus pauvres, entre autres situés à flanc de montagne. En effet, l’inauguration du métro en 1995 (aujourd’hui, 32km de lignes sont en fonction) structure l’axe majeur de la ville Nord/Sud le long de la rivière.

Mais c’est surtout la connexion de ce métro avec les lignes de télécabine, le métrocable, qui caractérise la ville et permet de desservir les quartiers populaires à flanc de montagne et même le parc naturel d’Arvi, vaste espace naturel situé à l’est de la ville. Enfin, en 2015, un tramway est mis en service pour relier le centre-ville et l’est de la vallée. Il complète ainsi une offre de transport unique en Amérique latine.

 

 

Zooms d’étude

 



Santo Domingo et le nord populaire de l’agglomération



Ce zoom nous montre le nord de l’agglomération de Medellin autour des quartiers Francia (proche de la rivière) et San Domingo (plus à l’est, sur les flancs de montagne) qui sont des quartiers populaires. La trame urbaine n’est pas toujours clairement visible et, en particulier lorsque la pente augmente, l’habitat est informel : brique et tôle principalement.

Ces quartiers des flancs de montagne ont longtemps été enclavés et, du fait du peu de perspectives économiques, touchés par un chômage élevé et une délinquance forte. Comme celui de San Janvier (Communa 13) plus à l’ouest, ces quartiers ont été pendant les années noires du cartel de Medellin dirigé par Pablo Escobar (années 1980/1990) le lieu de recrutement des sicarios, ces tueurs à gage qui ont fait de Medellin la ville la plus dangereuse du monde à cette période.

Toutefois, c’est aussi dans cette zone de Santo Domino qu’a été développée une ligne de télécabine, le métrocable, désenclavant la zone et amenant même des touristes surpris par cet aménagement mais aussi par le panorama que ce quartier offre sur la ville. Infrastructure légère, seules les stations sont visibles au centre de l’image. Cette ligne permet également en quittant les quartiers, de découvrir le parc Arvi, vaste zone naturelle montagneuse visible à l’est de l’image. Le bilan de cet aménagement qui a permis d’intégrer ces quartiers à la ville est reconnu comme positif.

 

 



Le centre-ville entre touristification et paupérisation


Comme le montre l’image, le centre-ville de Medellin s’est développé à proximité de la rivière. Plusieurs éléments sont visibles : en bas de l’image, le parc Cerro Nutiraba se détache tout comme le parc Cerro El Volador un peu plus au nord.

Le centre-ville moins visible sur l’image est situé entre ces deux zones. Il témoigne d’un mélange architectural relativement récent, comprenant des bâtiments du début de siècle mais aussi quelques tours (La Torre Coltejer culmine à 175 m). Aucun quartier réellement ancien ne se détache.

Le métro dessert ce centre où se trouve quelques centres d’intérêts touristiques comme le musée d’Antioquia ou la place Botero abritant les statues de l’artiste originaire de la région. Les abords de ce centre-ville sont par contre constitués de zones paupérisées.

 

 

 



El Poblado, quartier aisé du sud-est

Ce zoom nous montre la partie sud-est de l’agglomération, entre la rivière Rio Medellin et la montagne, principalement occupé par un quartier nommé Poblado. Zone de peuplement aisée, la verticalisation de la ville y est particulièrement visible. L’empreinte au sol des constructions y est moins forte que dans les quartiers populaires, mais la hauteur plus forte.

L’aspect végétalisé de cette zone ressort donc alors qu’elle n’en est pas moins une zone densément peuplée. Prisée des grandes entreprises, la zone abrite aussi les hôtels des grandes chaînes internationales, des centres commerciaux modernes et attire les touristes découvrant dans la région.

 

 



Montagne de l’est, région de Santa Helena et ses fleurs

Ce zoom nous permet de découvrir la région montagneuse située à l’est de Medellin à une altitude allant de 2 200 m à 2 800 m. La forêt qui sépare les parcelles cultivées de l’agglomération s’étant sur les flancs de montagne.

Au-delà, débute une campagne à vocation agricole basée sur la polyculture (approvisionnement du marché urbain), l’élevage laitier et la floriculture. La proximité de l’aéroport de l’agglomération de Medellin encore plus à l’est permet par exemple d’exporter les fleurs coupées dont la Colombie est le 2ème producteur mondial.

La zone de Santa Elena, visible sur le zoom, est une grande zone floricole, d’où les producteurs descendent pour aller à Medellin chaque été lors de la fête des fleurs, évènement majeur de la région.

 

 

D’autres ressources

Traduction

     [Accéder à la traduction de ce dossier en espagnol]

Références ou compléments


-    V.GOUESET et E. MESCLIER Villes et sociétés en mutation, Lectures croisées sur la Colombie, Anthropos/Collection Villes, 2004.

-    P. RENAULT Monographie de la ville de Medellín, Colombie, institut français d’Urbanisme, Paris, 2012.

-    J.M BLANQUER, La Colombie, Que Sais-je, PUF, Paris, 2017.


Sitographie

Site d'information institutionnelle DANE

Portail d'information sur la Medellin

Site d'inforamtion sur Medellin

Région métropolitaine de la vallée d'Abura 

Métro de Medellin


Contributeurs

Alexandre DUCHESNE, Lycée Louis Pasteur de Bogota