Chili - Rapa Nui - île de Pâques : de la station d’élevage au parc national, concentration et mise à l’écart des populations autochtones

Régulièrement présentée comme « l’île la plus isolée du monde », connue pour ses fameux moai - statues anthropomorphes caractéristiques de l’île qui ont attiré de 2015 à 2019 plus de 100 000 touristes par an, Rapa Nui - ou « Île de Pâques » - a longtemps été considérée en Occident comme un mystère à percer. Si la théorie de l’écocide, associant l’acheminement des moai à l’abattage systématique des arbres durant l’époque précoloniale, est aujourd’hui délégitimée (Peiser, 2005), elle a fait écran à la connaissance des modalités et des conséquences de la colonisation européenne à partir du XVIIIe siècle puis de l’annexion de ce territoire par le Chili en 1888. C’est donc une approche de type géohistoire qui sera ici privilégiée afin d’analyser les images satellites sélectionnées, de rendre compte de l’organisation et des dynamiques territoriales actuelles que l’on trouve dans cette île peuplée de 7750 habitants, située dans le Pacifique à plus de 4500 km des côtes chiliennes.

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Légende de l'image générale

Cette image de l'Île de Pâques - Rapa Nui - dans l'océan Pacifique, a été prise par un satellite Sentinel-2 le 6 juin 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Présentation de l'image générale

Du cantonnement colonial à la préservation du patrimoine, continuité et reproduction d’une même organisation spatiale à Rapa Nui

Les traces d’un peuplement précolonial diffus

Pour se faire une première idée de l’organisation de Rapa Nui, on remarque que la forme de l’île peut être assimilée à un triangle, un triangle, dont la base mesure une vingtaine de kilomètres et présente à chaque sommet un volcan (Poike, Rano Kau et Terevaka), ou plus précisément un ensemble de cratères volcaniques inactifs. La répartition des ahu - plateformes de pierre sur lesquelles se dressent les alignements de moai - sur le pourtour littoral de l’île atteste d’une occupation humaine autrefois beaucoup plus dispersée qu’aujourd’hui. En effet, bien que l’on puisse identifier des formes de diffusion de l’urbanisation à partir d’Hanga Roa, cette agglomération concentre encore la quasi-totalité du peuplement de l’île.

Dans la partie occidentale de l’île, à Orongo, on trouve des ensembles architecturaux qui témoignent quant à eux d’une évolution tardive des croyances des Rapa Nui ; après l’abandon du culte des moai, vraisemblablement au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, sans doute à la suite des premières rencontres coloniales. On trouve des infrastructures dévolues au culte du dieu Make Make et à la compétition qui avait lieu chaque année aux abords de ce cratère, à Orongo. Celle-ci opposait les deux confédérations de clans de l’île - Otu iti et Tu’u, l’objectif étant pour les jeunes hommes choisis dans chaque confédération de rejoindre l’îlot voisin de Motu Nui où nidifiaient les « manutara » - identifiés parfois aux frégates ou aux albatros - afin de rapporter le premier œuf pondu (Muñoz, 2017). De l’issue de cette compétition dépendait alors la répartition des ressources, le chef de la confédération gagnante disposant de multiples prérogatives sur celles-ci.

On retrouve aujourd’hui ce principe d’opposition entre deux groupes dans le festival culturel qui a lieu chaque année à Rapa Nui au tournant des mois de février-mars : le fameux Tapati. C’est notamment dans le cadre de cet événement que se donne à voir le renouveau que connaissent la danse, la musique, la sculpture, les arts culinaires, etc.. La gestion des ressources est aujourd’hui déconnectée des résultats du Tapati, le festival étant désormais considéré comme un événement purement culturel ; ce qui ne signifie pas que les protagonistes qui s’y illustrent n’en retirent aucun prestige.

Exploitation coloniale : cantonnement des populations et érosion des sols

Le complexe architectural édifié à Orongo pour le culte du dieu Make Make atteste donc de l’émergence tardive d’une centralité religieuse située dans l’extrémité nord-ouest de l’île. Mais ce sont les pouvoirs coloniaux qui ont organisé la concentration, le cantonnement des Rapa Nui à Hanga Roa dans un contexte où le choc microbien et les multiples vagues de déportation de main d’œuvre (blackbirding) rendaient cette population exsangue (Muñoz, 2017). Les Rapa Nui ont donc été dépossédé.e.s du reste de l’île en plus d’être souvent contraint.e.s de travailler pour la « Compagnie d’Exploitation de l’île de Pâques Williamson & Balfour » (CEDIP, compagnie écossaise).

En effet, la colonisation de l’île s’est traduite au tournant des XIXe et XXe siècle par la concentration des Rapanui dans un espace entouré de murs de pierre et de barbelés et par l’accaparement des terres, à des fins d’oviculture intensive (station d’élevage ovin). Il y a eu jusqu’à 50.000 moutons à Rapa Nui (Paskoff, 1978). Or cette activité a motivé la coupe des arbres et des brûlis effrénés dans le but de maintenir une végétation basse, empêchant de fait la reconstitution de la flore graminée et favorisant une érosion accélérée. La crise environnementale induite par cette activité est particulièrement visible depuis plusieurs décennies dans la partie sud-est de l’île, à Poike (sol nu et oxydation).

Préservationnisme et colonialisme vert : une gouvernance centralisée aujourd’hui remise en cause

Si le gouvernement chilien a tardivement mis un terme, en 1953, aux prérogatives dont jouissait la CEDIP, la rétrocession des droits fonciers en faveur des Rapa Nui n’a pas été organisée ; ce qui explique aussi que la concentration des populations se soit maintenue jusqu’à aujourd’hui. C’est la logique préservationniste qui s’est imposée progressivement vis-à-vis d’un patrimoine culturel mais aussi par rapport à un patrimoine naturel dont la dégradation a été imputée, au moins en partie, aux Rapanui (thèse de l’écocide, cf. chapô).  

L’État chilien est resté propriétaire de la majorité des terres, soit près de 80 %. Elles ont été en grande partie intégrées dans un « monument historique national », voté en 1935 (Grenier, 2019 : 75), puis dans un parc national effectif à partir de 1966 et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1995. On retrouve ici une logique identifiée dans différents contextes coloniaux (Afrique du Sud, Amérique) : le colonialisme vert (Blanc, 2020), consistant à sanctuariser de vastes espaces considérés comme « naturels » en excluant les populations autochtones de leur gouvernance et de leur pratique. La protection du patrimoine naturel ou culturel élude tout questionnement relatif à une éventuelle restitution des terres.

D’ailleurs l’expulsion de la CEDIP en 1953 et l’administration militaire qui s’en est suivie n’avaient pas complètement mis un terme à l’enfermement des Rapanui à Hanga Roa puisque l’accès à la majorité des terres de l’île restait limité de fait ; sans compter bien sur l’impossibilité de sortir de l’île. Cette situation fut dénoncée par plusieurs Rapanui dans une lettre qui fit grand bruit. Écrite en 1964, elle fut publiée dans le New York Times en 1966 (Grenier, 2019 : 74). Même après 1966 et l’accès à la citoyenneté des Rapanui, la gouvernance du parc a continué à faire l’objet de multiples critiques. Ce n’est qu’en 2018 (Muñoz, 2018 : 2) que la gestion de celui-ci a été entièrement transférée à la Communauté Autochtone Polynésienne Ma‘u Henua, après une co-administration associant la communauté à la Corporation Nationale Forestière (CONAF).

Concernant justement la protection de l’environnement, les héritages coloniaux en matière de dégradation des sols et de la végétation constituent donc des défis majeurs. L’action du parc a jusqu’ici essentiellement consisté en la mise en défend d’une large partie de Rapa Nui, et le reboisement de la zone centrale de l’île, le Fundo Vaitea. Depuis peu, cette logique préservationniste - protection de l’environnement excluant les pratiques humaines non contemplatives - a été partiellement remise en cause, à la faveur du développement d’une politique foncière de redistribution des terres situées dans l’uta – terme qui désigne l’espace non habité de l’île - concernant à peine 3 % de la population, notamment les iorgo, ces jeunes hommes qui revendiquent un mode de vie à la fois traditionnel et autosuffisant (Muñoz, 2017 : 134).

L’organisation des activités touristiques selon une logique de sites, la concentration des populations à Hanga Roa et la faible emprise spatiale de l’agriculture et des forêts laissent de vastes espaces en friche, caractérisés par une végétation basse. Ceux-ci sont le domaine des chevaux dits « sauvages » mais aussi des rapaces qui se nourrissent souvent des carcasses de ces derniers, conférant à ces paysages une atmosphère de désolation.

Toujours selon une logique préservationniste, l’idée d’un encadrement des flux touristiques s’impose de plus en plus aujourd’hui à la faveur du développement de la notion de « charge maximale », dont la mise en œuvre n’est cependant pas encore effective. Il est à ce titre parlant de rappeler que la « charge maximale » fixée en 2002 à 100 000 touristes a été atteinte plusieurs années de suite - avant la pandémie de COVID-19 - sans que des mesures ne soient prises pour limiter les arrivées.

L’orientation « tout tourisme » du parc pourrait donc être reconsidérée. La notion de charge maximale, si elle permet de penser la pression anthropique exercée sur l’environnement et le patrimoine de l’île, dans une logique assez malthusienne malgré tout, consistant à termes à limiter les flux touristiques), favorise aussi la conscientisation d’un autre rapport de force, numérique cette fois, entre continentales.aux et Rapa Nui. En effet, l’attractivité touristique de l’île a aussi entraîné une augmentation des migrations en provenance du Chili, les populations rapanui étant aujourd’hui minoritaires dans l’île (Muñoz, 2018 : 2).

Face à cet état de fait, le gouvernement chilien a engagé en 2007 une modification de la Constitution conférant à Rapa Nui le statut de « territoire spécial », doté de lois qui lui sont propres ; telles celle de 2018 (loi n°21.070) qui établit que les « Chiliens du continent et les touristes - nationaux et étrangers - ne pourront, sauf exceptions, séjourner plus de 30 jours à l’île de Pâques ».

L’isolement de Rapa Nui : une construction géohistorique

Au total, La prise en compte de l’histoire coloniale de l’île permet de montrer comment l’occupation diffuse de Rapa Nui, son autonomie alimentaire mais aussi les circulations que ses populations avaient pu mettre en œuvre - avant la rencontre coloniale et en dehors des périodes d’isolement relatif, notamment en direction des autres îles de Polynésie, ont été remises en cause à la faveur du développement d’une station d’élevage ovin, de la concentration des populations à Hanga Roa et de leur enfermement, sans possibilité de quitter l’île.

L’isolement de Rapa Nui n’est donc pas un donné que l’éloignement du continent et des autres îles d’Océanie suffiraient à caractériser, c’est une construction géohistorique que les narratifs touristiques continuent d’alimenter selon une rhétorique bien connue qui fait de l’île la promesse du retranchement organisé, associé ici à l’idée du voyage dans le temps à travers la découverte d’une culture précoloniale auréolée de mystères.

De même, la concentration des populations et des infrastructures à Hanga Roa permet de maintenir, selon une logique préservationniste, une nette distinction entre deux espaces. D’une part, les lieux de résidence et de consommation ; ces espaces ayant connu d’importantes transformations depuis les années 1960 et la construction de l’aéroport. Et, d’autre part, les espaces protégés et autres sites archéologiques, dont l’aménagement est orienté vers la contemplation du passé ou d’un paysage balnéaire attendu, typique du Pacifique.

La continuité ainsi identifiée entre un dispositif d’enfermement des populations rapanui à Hanga Roa, associé à l’époque de la station d’élevage, et, l’essor touristique actuel de l’île, à travers le développement de son parc national depuis 1966, apparaît ici comme l’une des conditions de la reproduction de structures spatiales héritées de la colonisation dans ce territoire.

Dans un contexte où la décolonisation est loin d’être aboutie, l’attractivité de l’île vis-à-vis de ménages chiliens et le fait que les populations indigènes Rapa Nui soient depuis peu minoritaires soulèvent des inquiétudes chez une partie de ces dernières. Se pose également la question d’intégrer dans l’expérience proposée aux touristes l’histoire coloniale de l’île afin de couper court aux mythes qui font encore trop souvent de ce territoire un mystère synonyme d’écocide, alimentant malgré tout des formes d’invisibilisation et de déconsidération des populations et de la culture indigènes actuelles de l’île.

La participation et le transfert de certains pouvoirs des instances continentales vers des représentant.e.s autochtones constituent la réponse actuellement expérimentée pour sortir de cette inertie coloniale. Celle-ci concerne notamment la gestion du parc national mais n’implique pas cependant un quelconque processus d’autodétermination, une redéfinition des droits fonciers ou une remise en cause de l’organisation spatiale héritée.  

Zooms d'étude

Zoom 1. Quand l’aéroport et le tourisme transforment Hanga Roa

L’aéroport, au plus près d’Hanga Roa : l’une des plus longues pistes du Pacifique

L’aéroport occupe une place qui peut sembler démesurée étant donnée la taille de l’île et sa population, ceci n’est pas qu’un effet de contexte. Il s’agit bien de l’une des plus longues pistes d’atterrissage du Pacifique (3400 m), construite à l’origine, en 1967, dans le contexte de l’intégration administrative de l’île au reste du Chili. Son agrandissement a été financé en 1986 par le gouvernement des Etats-Unis, officiellement pour permettre un atterrissage d’urgence pour les navettes de la NASA. Cet aménagement a ensuite constitué, bien sûr, le fondement de la mise en tourisme du territoire.

Alors qu’une partie des biens consommés à Rapa Nui mais aussi des touristes arrivent également par bateau, dans le port de Hanga Piko notamment, l’emprise spatiale de l’aéroport est révélatrice de l’actuelle dépendance de l’île vis-à-vis des flux extérieurs. Seule une portion congrue de l’alimentation des ménages et des touristes de l’île est couverte par l’agriculture locale. Les jardins d’Hanga Roa qui constituaient une réserve non négligeable de nourritures du temps de la station d’élevage sont de plus en plus dévolus aux plantes ornementales (Muñoz, 2017 : 122), une transformation elle aussi révélatrice de l’intense mise en tourisme de la ville.  

L’aéroport, au plus près d’Hanga Roa : une porte ouverte sur l’Océanie, refermée depuis le début de la pandémie de COVID-19

L’aéroport ne symbolise pas seulement la dépendance de Rapa Nui. Dans une île où les populations indigènes ont expérimenté un long cantonnement sans possibilité de quitter l’île - certains essayant malgré tout, et souvent au prix de leur vie, de monter sur les bateaux de passage ou de partir sur des embarcations de fortune ; l’aéroport est aussi un symbole d’ouverture, de reconnexion régionale, et ce même si le coût des déplacements aériens reste élevé.

Et de fait, il existe dans ce domaine une véritable dynamique régionale visant à réaffirmer la filiation polynésienne, voire océanienne des Rapanui. Rapa Nui, dont l’occupation humaine remonterait au XIe siècle (Muñoz, 2017 : 47), constitue en effet l’une des extrémités du vaste système de peuplement austronésien qui a permis à des populations parties d’Asie orientale aux alentours de -3500 de couvrir progressivement un espace aussi vaste et aussi insulaire que l’Océanie tout en conservant une filiation linguistique et culturelle (Kirch, 2017 [2000]).

C’est ainsi que l’île dispose de sa propre délégation au Festival des Arts du Pacifique (FestPac), une manifestation culturelle rassemblant tous les quatre ans depuis 1972 les délégations venant des États et territoires océaniens. De même, la présence d’une communauté rapanui à Tahiti et la desserte directe de cet espace au départ d’Hanga Roa a favorisé les liens entre la Polynésie française et l’île. En 2019, alors qu’il n’y avait aucune autre délégation « étrangère » au Matavaa des Marquises (Festival des Arts des Marquises) à Ua Pou, un petit groupe de danseur.euse.s rapanui s’est produit plusieurs fois au cours de l’événement (Mury, 2022). En l’absence de prise en charge par les organisateur.euse.s du Matavaa, ce sont les ventes de plats préparés et de boissons à Hanga Roa qui ont permis de financer le déplacement par avion de la troupe. La fermeture de la liaison entre Tahiti et Rapa Nui depuis 2020 et la pandémie de COVID-19 remet directement en cause cette dynamique d’intégration régionale.        

L’aéroport, au plus près d’Hanga Roa : concentration des infrastructures de tourisme

La concentration des hébergements touristiques à Hanga Roa reproduit partiellement une logique de cantonnement tout en engendrant de nouvelles concurrences pour l’espace. En effet, les opportunités foncières sont rares, notamment en ce qui concerne les grands terrains,  et le statut de la terre, sa dimension aliénable ou non, n’a pas été clarifiée.

C’est ainsi qu’entre 2009 et 2020, l’hôtel de luxe Hangaroa Eco Village and Spa, développé par la famille chilienne – continentale - Schliess a fait l’objet d’un intense conflit foncier, le clan rapanui Hitorangi revendiquant la propriété des sept hectares de terres en question. La construction de cet hôtel, décidée par l’État chilien dès 1974 (avant sa privatisation), est aussi associée dans les mentalités à l’arrivée d’un important contingent d’ouvriers venus du continent, restés ensuite s’installer sur l’île.  

C’est ainsi qu’à Hanga Roa on trouve la quasi-totalité des hébergements de tourisme mais aussi des activités dédiées : magasins d’alimentation, de souvenirs, boutiques de location de véhicules (deux-roues et motorisés), de réservation de visite, cafés, bars, restaurants, dîners-spectacles, etc. Cette organisation de l’activité touristique favorise aussi l’encadrement des déambulations touristiques, de larges parties de l’île restant en friche, non balisées et non intégrées aux circuits touristiques. 

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Sud-ouest de l'île

Zoom 2. À l’est, la mise en tourisme de sites naturels et historiques circonscrits

Le site de Rano Raraku. Il constitue l’un des haut-lieux du tourisme de l’île, 95 % des moai s’y concentrent (Van Tilburg, 2003) et l’on peut observer, dans cette carrière, différents stades d’achèvement dans la fabrication des statues. La visite de ce site constitue donc une étape-clef dans le parcours des touristes qui se rendent à Rapa Nui. L’attrait de cette carrière ainsi que des autres sites archéologiques est aussi révélatrice de la manière dont l’activité touristique valorise le passé de l’île, invisibilisant de fait le caractère bien vivant de la culture et des populations Rapa Nui (Muñoz, 2018 : 186). Il s’agit là encore d’un phénomène très répandu dans les contextes (post)coloniaux : c’est ainsi que les Maya du Mexique performent leur propre ethnicité dans les « shows » des parcs à thème tels Xcaret sur la Riviera maya, sans que les touristes ne sachent toujours que les Maya existent, qu’il ne s’agit pas d’un peuple disparu (Jouault, 2020).

Le versant nord du volcan Rana Raraku. C’est l’un des rares espaces - en dehors du Fundo Vaitea, dans la zone centrale de l’île - ayant fait l’objet d’un reboisement, bien visible sur l’image. Dans un contexte insulaire fortement exposé aux vents et où aucun écoulement superficiel (aucun cours d’eau) ne peut permettre de contenir aisément les flammes, le choix de ce site a pu être questionné lors des incendies de 2022, qui en plus de brûler cette petite forêt ont endommagé plusieurs dizaines de moai de la carrière, rappelant, s’il le fallait, la vulnérabilité de ce patrimoine.

Quelques activités balnéaires. La mise en tourisme de l’île repose donc sur la valorisation de son patrimoine monumental historique - les ahu, les Moai et le site d’Orongo - mais aussi, secondairement, sur un petit nombre d’activités balnéaires comme la plongée et, surtout, la baignade, les plages étant rares et situées à l’extrémité opposée de Hanga Roa (Nord-Est). La plage d’Anakena, permettant d’associer contemplation des moai et baignade, a fait l’objet d’un soigneux aménagement. On y trouve l’un des rares restaurants situés en dehors d’Hanga Roa, un camping et plusieurs rangées de cocotiers assurant in extremis l’insertion de cet espace dans l’imaginaire balnéaire mondial associé aux fameuses plages des îles des mers du (Pacifique) Sud.

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Est de l'île

Ressources complémentaires

Bibliographie

Guillaume Blanc, L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain, Flammarion, 2020.

Christophe Grenier, « Survivre aux fins d’un monde », Norois [En ligne], n°251, P. 65-80, 2019.

Samuel Jouault, « ¿Dónde están los mayas ? Le tourisme communautaire comme revendication identitaire dans le Yucatán », Espace populations sociétés [En ligne], n°1-2, 2020.

Patrick V. KIRCH, On the road of the winds : an archaeological history of the Pacific Islands before European contact, Berkeley : University of California Press, 408 p., 2017 [2000].

Diego Muñoz, Diaspora Rapanui (1871-2015), l’île de Pâques, le Chili continental et la Polynésie française, une ethnographie historique de la mobilité dans une société transnationale, thèse de doctorat, EHESS, 768 p., 2017.

Diego Muñoz, « Le réveil des Aringa Ora : le renouveau culture Rapa Nui », dans, collectif,  l’Île de Pâques, Actes Sud, Musée Champollion, p. 184-194, 2018.

Diego Muñoz, Rapa Nui en 2018 [En ligne], GITPA Groupe International de Travail pour les Peuples Autochtones, Le Monde Autochtone 2019, 2019.

Florence Mury, Les échelles des renaissances culturelles en Polynésie française, thèse de doctorat, Université de Limoges, 499 p., 2022.

Roland Paskoff, « Aspects géomorphologiques de l'île de Pâques », Bulletin de l'Association de géographes français, n°452, vol. 55, p. 147-157, 1978.

Benny Peiser, « From Genocide to Ecocide: The Rape of Rapa Nui”, Energy & Environment vol. 16, no 3-4, p. 513-539, 2005.  

Jo Anne Van Tilburg, Among Stone Giants: The Life of Katherine Routledge and Her Remarkable Expedition to Easter Island, Scribner, New York, 351 p., 2003.

Autrice

Florence Mury, docteure et agrégée de géographie, postdoctorante CNRS – MSH-P