Birmanie - Yangon, une « métropole émergente » en pleines mutations démographiques et urbaines

Ancienne capitale politique, remplacée par Naypyidaw en 2007, et première ville de Birmanie, Yangon (6,3 millions hab.) a connu d’importantes transformations depuis l’ouverture économique et démocratique du pays à partir de 2011. Gonflée par l’exode rural, la ville est en plein boom démographique. Mais comme de nombreuses villes des Suds, elle est confrontée à de nombreux défis urbains, sociaux et d’aménagement (inégalités, sous-équipement pour l’eau potable, l’électricité ou l’assainissement, prix du foncier, saturation des voiries, pollutions…).

 

Légende de l’image satellite

Image de la plus grande ville du Myanmar (ex-Birmanie), Yangon (anciennement nommé Rangoun). Cette image a été prise par le satellite Sentinel 2B le 28 avril 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Présentaion de l'image globale


Yangon, une « métropole émergente »

Un développement sur un site de confluence

Comme le montre l’image, Rangoun, officiellement renommée Yangon en 1989, est construite sur un site de hautes terrasses insubmersibles à la confluence de deux axes fluviaux avec à l’ouest la rivière Hlaing et à l’est la rivière Bago. Elles donnent naissance à la Rivière Yangoon qui rejoint par un vaste estuaire le golfe du Martaban. A l’échelle régionale, la ville se situe dans la partie orientale du delta de l’Irrawaddy, le grand fleuve dont la vallée sert de colonne vertébrale à toute la Birmanie.

Elle est la capitale politique de la Birmanie de 1853 à 2007, avant que le 26 mars 2007 la junte militaire alors au pouvoir déplace sa capitale à l'intérieur du pays, à Naypyidaw. Pour autant, elle demeure de loin la capitale économique et la plus grande ville du pays. Entre 2011 et aujourd’hui, elle connaît une croissance démographique exponentielle en passant de 4,5 à plus de 6,5 millions d’habitants, soit un gain de 2 millions d’habitants (+ 44 %). Si dans la zone centrale la densité peut atteindre 16 000 à 80 000 habitants au km2, elle tombe rapidement à 0/4 000 habitants dans les périphéries rurales sitées ) plus de 10 km du centre.

Le défi de la croissance urbaine de Yangon

Depuis 2011 et la démocratisation du pays, associée à la libéralisation de son économie et à l’ouverture du pays aux capitaux étrangers, la ville de Yangon connaît donc une croissance exponentielle. Celle-ci est alimentée à la fois par la croissance naturelle de la population urbaine résidente, mais surtout par les flux migratoires liés à important exode rural. Ces populations issues des campagnes viennent trouver du travail à Yangon ou fuir les zones de conflits actifs qui existent dans les marges septentrionales du pays. Enfin, dans le cadre de l’ouverture du pays et de son insertion dans la mondialisation, les autorités ont prévu le développement ou la création de 15 zones industrielles ou d’activités.

La très rapide transformation de la ville pose un grand nombre de questions en termes de développement et d’inégalités socio-économiques et urbaines. Les défis urbains sont considérables dans de nombreux domaines : déficience de la distribution en eau et en électricité, développement du réseau routier, accès aux services… On assiste en particulier à une explosion de l’habitat informel, qui concerne les catégories socio-économiques les plus fragiles alors que le prix moyen des logements y est paradoxalement parmi les plus élevés d’Asie. Dans ces conditions, beaucoup de ménages sont contraints de se loger en périphérie pour accéder à des loyers plus modérés.

Aujourd’hui, la population dans son ensemble n’a pas accès à une eau potable, hormis de l’eau distillée vendue en bonbonne ; de nombreuses coupures d’électricité obligent ceux qui en ont les moyens à se doter d’un groupe électrogène, comme c’est le cas de nombreuses résidences d’habitation et de commerces. Enfin, l’essor des déplacements pendulaires « périphéries-centre » et la multiplication des voitures particulières, notamment des très nombreux taxis, sont responsables de la congestion du trafic routier. D’autant, que les transports publics sont lents et insuffisants : ce sont essentiellement des bus vétustes et une ligne de chemin de fer circulaire mal adaptée aux déplacements intra-urbains de Yangon.

Des projets ambitieux pour répondre à une croissance urbaine désordonnée

Yangon fait pourtant figure de porte d’entrée dans le pays et de vitrine nationale. Elle possède le principal aéroport international et le port national le plus important. Mais le paysage urbain évolue au gré des investissements de manière plus ou moins anarchique. Les projets urbains sont en effet nombreux et hétérogènes, sans plan d’urbanisme préétabli.

Depuis 2018 néanmoins, l’agence japonaise JICA (Japan International Cooperation Agency), secondée par le programme des Nations-Unies pour les établissements humains, prépare un plan d’urbanisme qui s’étalera sur une durée de 30 ans. Il se focalise sur quatre enjeux prioritaires :
- l’amélioration du réseau ferroviaire intra-urbain et du réseau routier (élargissement des artères principales et fluidité de la circulation)
- L’amélioration du réseau électrique (production proportionnelle aux besoins humains et industriels et des solutions face aux pertes dues à la vétusté des installations
- Le développement d’un véritable système d’assainissement digne de ce nom.
- La préservation du patrimoine historique.

Ainsi, en mai 2019, le gouvernement birman a annoncé la construction d’une autoroute surélevée en 2023. La première phase de construction devrait débuter en juillet 2020. Présentée comme une solution au trafic congestionné de la capitale économique du pays, la Yangon Elevated Expressway (YEX), issue d’un partenariat privé-public, possèdera quatre voies de circulation sur 47,5 kilomètres, entre le sud de Yangon, son port et la Zone Economique Spéciale de Thilawa, et le nord, où se trouvent l’aéroport international, le parc industriel de Mingaladon et la voie rapide Yangon-Mandalay.

Dans ce contexte, l’urbanisation semble aujourd’hui possible dans trois directions : au nord de l’agglomération (Shwe Pyi Thar et au-delà), au sud, autour du port en eaux profondes de Thilawa ; les deux ponts au-dessus de la rivière Bago permetten en effet un développement des quartiers de Thanlyin à Kyauktan. Enfin, au nord-ouest, les ponts au-dessus de la rivière Hlaing permettent l’apparition de nouveaux quartiers résidentiels (tel que FMI city) et de vastes zones industrielles (Shwe Lin Ban Industry Zone par exemple). A l’ouest et au sud-ouest de Yangon, vers Dala, le seul moyen de passer sur l’autre rive est le taxiboat ou depuis 2017 le water bus. L’étalement de la ville y est donc plus difficile.

 

Zooms d’étude

 

Yangon « downtown »

Situé eu bord du fleuve, le centre historique de Yangon présente un plan quadrillé hérité de la colonisation britannique. Suite à son isolement pendant la dictature militaire, ces quartiers coloniaux (« down town ») rassemblent la plus grande collection d’architecture coloniale de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle en Asie du Sud-Est.

Malheureusement, de nombreux bâtiments, détériorés par une longue négligence, ont été détruits au profit d’immeubles modernes. Cependant le gouvernement birman a entrepris à partir de 2015 de promouvoir la conservation et l’investissement dans le patrimoine. Certains bâtiments ont été rénovés pour remplir de nouvelles fonctions, économique ou administrative. Le restaurant House of Memories ou dernièrement le Secrétariat - tous deux liés à l’histoire du Général Aung Sang, héros de l’indépendance du pays - sont des exemples réussis de rénovation respectueuse.

Des associations, dont la plus active est certainement Yangon Heritage Trust militent aujourd’hui pour la mise en valeur de ce patrimoine en soulignant l’intérêt économique de cette préservation : Yangon est une des rares ville d’Asie du Sud-Est en mesure d’offrir aux touristes cette plongée dans l’histoire grâce à son important patrimoine.

 


Yangon

 

 

 

Le parc national de Hlawga

Yangon possède de nombreux espaces verts, malgré une diminution importante et continu de 40 % ces 25 dernières années. Un des plus importants se situe en périphérie nord de la ville : le parc de Hlawga.

Créé en 1982, il couvre 623 hectares, dont la moitié est consacrée à un parc animalier. Selon une étude réalisée en 1992, le parc abritait au moins 21 espèces de mammifères, 145 espèces d'oiseaux et 8 espèces de reptiles. C’est un lieu apprécié par les habitants de Yangon, notamment pour ses aires de pique-nique et de promenade, loin de l’effervescence de la ville.

Un écotourisme s’y développe également, même s’il demeure encore confidentiel. On voit nettement sur l’image que ce parc, à l’extérieur de Yangon à sa création, est aujourd’hui largement rattrapé par l’étalement urbain.

 


Hlawga

 

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Documents complémentaires

Marion Sabrié : « Le développement urbain actuel de Yangon », Bulletin de l’Association des Géographes Français – BAGF, n°91-4/2014 (Les dynamiques urbaines en Asie du Sud-Est)

 

Image complémentaire
Image prise par le satellite Sentinel-2B, le 28 avril 2019 : vue générale de la région

 


Métropole Rangoun

 

 

Contributeurs

Nadège Mantion, Professeur au Lycée français de Rangoun