Au sud de l’Alaska, la chaine des Monts Chugach - qui culmine au Mt Marcus Baker (3 991 m) et s’étend sur 480 km d’est en ouest – appartient à la puissance chaine des Pacific Coast Ranges qui s’étend sur des milliers de kilomètres. Elle porte un important appareil glaciaire qui connaît ces dernières décennies un important recul lié au changement climatique. Bien étudié par les scientifiques, le puissant glacier Columbia est devenu emblématique des effets du changement climatique dans ces hautes latitudes montagnardes.
Légende de l’image satellite
Le satellite Copernicus Sentinel-2B a capturé cette image du glacier Columbia, dans les montagnes Chugach du sud-est de l'Alaska, le 5 août 2017. C'est une image dite "infrarouge fausse couleur". Dans cette composition colorée on a affecté aux trois couleurs primaires (rouge, vert, bleu) trois images acquises dans des longueurs d’onde différentes . Ici la couleur rouge est associé à la bandes spectrales infra-rouge (8), la couleur verte à la la bande spectrale rouge (4) et la couleur bleue à la bande spectrale verte (3).
Cette combinaison, dite 'infrarouge fausses couleurs' est très utilisée en télédétection car elle est tout à fait adaptée à l'étude de la végétation (couleur rouge) - [source]
Accéder à l'image en "vraies couleurs" prise 29 septembre 2018 par le satellite Sentinel 2B
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Présentation de l'image globale
Les appareils glaciaires des Monts Chugach confrontés
au réchauffement climatique
Une chaîne de hautes montagnes littorales valorisée par le tourisme
Cette image traitée en fausses couleurs afin de bien faire ressortir les appareils glaciaires est centrée sur la chaine des Monts Chugach. En position littorale, elle se déploie sur 480 km d’est en ouest et 97 km du sud au nord. Cette chaine appartient à l’importante chaine de montagne qui ourle tout le littoral sud de l’Alaska et au-delà, les Pacific Coast Ranges.
Nous sommes ici déjà dans le Grand Nord à 61°10’ de latitude nord. Les effets sur la durée journalière des jours et des nuits sont sensibles : au solstice d’hiver, la durée du jour est de seulement 6 heures ; au solstice d’été elle est par contre de presque 19 heures (18H43). La chaine culmine au Mont Marcus Baker (3 991 m) situé au centre ouest de l’image entre le Markus Glacier à l’ouest et le Harward Glacier à l’est. Elle comprend un certain nombre de grands sommets, dont onze dépassent les 3 000 m. d’altitude, comme le Mont Thor (3 698 m), le Mont Valhalla (3 612 m), le Mont Goode (3 165 m) ou le Mont Gannet (2 900 m).
Située à l’est de la grande ville d’Anchorage (hors image), c’est un espace touristique important pour les sports de nature (randonnée, pêche…), l’alpinisme, la découverte de la faune sauvage (élans, ours, loups, …) ou les croisières littorales. Pour autant, si le développement touristique est important, les effectifs totaux demeurent relativement réduits et concernent au total quelques centaines de milliers de personnes par an. La zone de montagne est couverte par le Chugash State Park (2 000 km2) de l’Etat fédéré de l’Alaska créé en 1970 et par le Chugach National Forest (27 958 km2) sur la zone littorale.
Un important appareil glaciaire en voie de retrait
Des hauteurs centrales couvertes par une importante calotte glaciaire partent des dizaines de glaciers. Au nord, ils se dirigent vers le haut plateau central : d’est en ouest se trouvent en particulier les glaciers Tazlina, Nelchina, Powel et Matanuska. Au sud, les glaciers rejoignent la mer par une belle côte à fjords, terme désignant des anciennes vallées glaciaires envahies par la mer (cf. puissant College Fjord au sud-ouest). D’est en ouest se distinguent particulièrement les glaciers Skoup, Columbia, Yale et Harvard.
Les témoignages du processus de retrait des glaciers sont nombreux sur l’image, comme l’illustre la forme des terminaisons des langues glaciaires (Matanuska, Nelchina, Tazlina…). De même, dans le coin nord-est de l’image se déploie une puissante vallée d’origine glaciaire occupée pour partie par un très grand lac dû à un barrage morainique à la suite du retrait puis de la fonte complète du glacier qui l’occupait. Enfin, dans la partie méridionale de l’image, les appareils glaciaires n’occupent plus sur les plus hauts sommets que des surfaces réduites.
En position littorale, la chaine des Monts Chugach est bien arrosée avec environ 1 500 cm. de précipitations par an. Elle est alimentée par les effets conjugués des courants marins et des dépressions venant de l’océan. Mais à la différence des chaines de montagnes situées plus à l’est qui sont beaucoup plus élevées (Mont Logan, 5 959 m, point culminant du Canada, Mont St-Elias, second point culminant des Etats-Unis) et donc dotées d’une calotte glaciaire beaucoup plus vaste (Seward Glacier, Malaspina…), la chaine des Monts Chugach est topographiquement beaucoup moins élevée.
Son élévation est au total assez moyenne (1 220 m), ce qui explique sa plus forte sensibilité au changement climatique. Avec le réchauffement structurel des températures régionales, la zone d’accumulation où les précipitations sous forme de neige s’accumulent pour ce transformer progressivement en glace est de plus en plus réduite. De moins en moins bien alimentés en neige et en glace, le bilan glaciaire – qui traduit l’équilibre entre alimentation et ablation des glaciers – s’affaiblit sensiblement.
Le recul glaciaire : l’exemple des glaciers Columbia et Shoup
Au centre de l’image se déploie le glacier Columbia qui est alimenté par trois émissaires principaux et s’achève dans un fjord par un très large front de glace. Du fait de son accès relativement facile, le glacier Columbia a été depuis plusieurs décennies bien étudié par les scientifiques. Et son processus de retrait est donc méthodologiquement bien documenté par le recours systématique aux images satellites, aux photos aériennes et aux données de terrain (études, sondages…).
Ce suivi de longue durée permet de calculer qu’en 30 ans, la langue terminale du glacier Columbia a reculé de plus de 20 km. De même, le glacier Shoup, qui se déploie entre le glacier Columbia et Valdez, a vu sa langue terminale reculer de 1,9 km entre 1985 et 2016. Sa ligne terminale remonte de 1200 m à 1250 m d’altitude (- 50 m) entre 2002 et 2016. Au recul de la langue terminale répond la réduction des volumes globaux de glace et des transformations morphologiques importantes à l’échelle locale (crevasses…).
Valdez : petite ville, axe stratégique et terminal portuaire pétrolier
Enfin, dans l’angle sud-ouest de l’image se déploie Port Valdez, qui correspond à la terminaison d’un puissant et large fjord qui rejoint, hors image, le Prince William Sound. Port Valdez est alimenté par une large vallée d’orientation ouest/est, la Lowe River, longue de 45 km qui traverse le Keystone Canyon, qui culmine à 94 m d’altitude. Ce site dispose d’un atout exceptionnel : c’est un site portuaire libre de glace toute l’année.
Cet axe topographique de vallée joue un rôle stratégique dans l’organisation régionale de cet espace montagnard. Il est utilisé par la Richardson Highway qui connecte sur 562 km la ville de Valdez à Fairbanks, c’est-à-dire au bassin intérieur central de l’Etat d’Alaska, puis au delà soit vers le Canada, soit vers le Grand Nord arctique de l’Alaska.
Ouvert pour des raisons stratégiques par l’US Army en 1898, cet axe a été depuis largement modernisé, mais est parfois coupé – encore récemment - par de puissantes avalanches. En plus de la route, Valdez est surtout desservie par un très important oléoduc - le Trans-Alaska pipeline (TAPS), construit entre 1975 et 1977 sur 1 300 km. Il transporte les hydrocarbures extraits dans la région de Prudhoe Bay dans le Grand Nord arctique alsakaïen vers ce terminal portuaire méridional. Le TAPS est l’un des plus importants employeurs de la ville.
Petite ville de 3 800 habitants, Valdez est en effet le seul établissement humain d’importance sur l’image. C’est aujourd’hui un important port de pêche, un terminal de fret et un terminal pétrolier. En 1964, la ville subit un tremblement de terre catastrophique (tsunami de 9 m de haut), rappelant ainsi l’importance des dynamiques tectoniques de toute la région.
Valdez et Port Valdez sont surtout tristement connus pour la catastrophe de l’Exxon Valdez, un pétrolier de la compagnie Exxon, qui provoque une marée noire exceptionnelle en 1989. Le scandale provoqué par cette marée noire dans un espace naturel considéré comme un sanctuaire va mobiliser une large opinion publique et participé à une profonde évolution des réglementations encadrant les activités maritimes aux Etats-Unis. En 2008/2009, après de nombreuses controverses juridiques, la firme Exxon est condamnée à payer environ 680 millions de dollars de dommages et intérêts.
Documents complémentaires
Site Géoimage, études de territoires voisins :
Alaska. Petersburg : un littoral de montagnes, de fjords et de glaciers des hautes latitudes froides dopé par la grande pêche.
Alaska. Le glacier littoral Malaspina et la chaine transfrontalière des Monts St-Elias confrontés au changement climatique.
Yukon. Whitehorse. Un nœud névralgique du Grand Nord canadien et alaskaïen
Etats-Unis - Alaska - Anchorage : la métropole du Grand Nord entre mer et terre, à la croisée entre Amérique du Nord, Russie et Asie de l’Est
Contributeur
Laurent Carroué, Inspecteur Général de l’Education nationale