États-Unis. Nebraska. Lexington et la vallée de la Platte River : agriculture irriguée des Hautes Plaines et gestion de la crise de la ressource hydrique

Dans les « Hautes Plaines », la région de Lexington et la vallée de la Platte River ont été, comme celle de Garden City au Kansas, bouleversées à partir des années 1950 par l’essor de l’irrigation. Cette oasis agricole intensive s’est spécialisée dans la production de viande bovine. Cette-ci repose sur le complexe maïs/blé/soja OGM et les grands feedlots qui engraissent le bétail pour le livrer aux abattoirs des grands groupes agroindustriel comme Tyson Food, n°2 mondial. Dans ces marges arides, ce système repose sur la surexploitation des eaux, en particulier celles de l’aquifère d’Ogallala. La pression inconsidérée sur les ressources en eau a finalement contraint les acteurs économiques et politiques à restreindre les abus les plus criants, tout en se lançant dans une course à l’innovation pour dépasser les contradictions accumulées. Pour autant, la question d’une nécessaire changement de modèle vers un développement plus équilibré, sobre et durable est de plus en plus posée.


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Légende de l’image

 

Cette image de la région de Lexington, dans le sud du Nebraska, sur les rives de la rivière Platte, a été prise par le satellite Sentinel-2B le 9 juillet 2021. Il s'agit d'une image en couleur naturelle et la résolution est de 10m  

Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2021, tous droits réservés.

 


Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Lexington et la vallée de la Platte River dans les Hautes Plaines : système maïs/bovin, irrigation et crise de la ressource hydrique 

La vallée de Platte River : un vieil axe de pénétration Est/ouest 

Nous sommes ici dans le sud du Nebraska dans la région des « Hautes Plaines », qui constituent la partie orientale des Grandes Plaines. Cette zone est en position intermédiaire entre les Grandes Plaines proprement dites, à l’est, et les Rocheuses, à l’ouest. Constituant un immense glacis monotone de grands plateaux découpés par les vallées, cet espace s’étage par gradins successifs d’est en ouest de 550 m à 2.130 m. La ville de Lexington au centre de l’image se trouve à 729 m. d’altitude. A l’échelle des États-Unis, nous sommes au cœur géographique du Mainland, dans la région du MidWest, qui se trouve précisément à Lebanon à seulement 130 km au sud-est dans le Kansas voisin.

Un axe stratégique. Ce couloir topographique constitue historiquement un grand axe de pénétration Est/Ouest dès la colonisation : c’est la « Great Platte River Road ». Ce corridor joue un rôle majeur dans l’histoire du pays puisqu’il accueille de grands itinéraires de conquête : Mormon Trail, California Trail, Pony Express… Le Mormon Trail est ainsi une piste de 2.100 km reliant l’Illinois à l’Utah. C’est surtout un axe militaire stratégique de 1.300 km qui va de Fort Leavenworth ou Fort Kearny, fondé par l’US Army en 1848 et fermé en 1871, vers le fameux Fort Laramie. L’ouverture de l’Ouest à la colonisation après 1850 se heurte en effet à la vive résistance des Cheyennes et des Sioux, qui seront au final balayés et largement exterminés. Cet axe continental voit ainsi passer plus de 250.000 migrants lors de la Conquête de l’Ouest entre 1841 et 1866.

Sans cesse renforcé. Il est ensuite utilisé pour le déploiement d’un axe ferroviaire de premier plan : la grande ligne de l’Union Pacific Railroad construite entre 1863 et 1869 sur 3.077 km d’Omaha sur le Missouri à San Francisco en Californie et dont les travaux à travers le Nebraska débutent en 1865. C’est enfin un axe routier majeur avec le tracé de l’autoroute A80 bien visible sur l’image. Ce facteur logistique va être un atout majeur pour le développement de toute la région puisqu’elle va être facilement connectée aux grands foyers de consommation de l’Est, puis de l’ouest, du pays. 

La Platte River : un axe hydrographique traversant une zone aride au cœur du Mainland

L’image est centrée sur la vallée de la Platte River, qui se jette dans le Missouri plus à l’est. Longue de 1.400 km, elle est composée à l’ouest dans les Rocheuses, où elle prend sa source, par deux branches : la North Platte River et la South Platte River. Ces deux branches confluent près de la ville de North Platte, située à 707 m. d’altitude à proximité de la ville d’Ogallala pour former la Platte River. Cette dernière cité est bien connue puisqu’elle donne son nom au grand aquifère des Hautes Plaines, le High Plains Aquifer - HPA.  

Le bassin de la Platte River de 230.000 km2 est partagé par trois États fédérés : le Wyoming, le Colorado et le Nebraska. Du fait d’une forte continentalité, car nous sommes bien loin des côtes, les précipitations sont très médiocres. Le 100em Ouest méridien - qui marque la limite avec les plaines arides à l’ouest - passe près de la ville de Cozad, qui se situe sur la Platte River à quelques kilomètres à l’ouest de l’image. 

De fortes contraintes. Le régime hydrique de la Platte River présente par conséquent de fortes inégalités interannuelles et saisonnières, comme en témoignent le cycle de sécheresse de 2000/2001 dans tout le MidWest, la sécheresse historique exceptionnelle de 2012 ou au contraire les très fortes pluies et inondations de 2019/2020 qui frappent toute la région. Dans ce contexte, le débit annuel peut varier de 1 à 3, par exemple entre 2010 et 2013. Comme le montrent bien la morphologie de son lit en ce début juillet, le fleuve s’écoule par un chenal anastomosé encombré d’îles et de dépôts. 

Les types de dépôts - plaines de dépôts fluvio-glaciaires d’argiles, sables et graviers ; plaines de lœss vallonnées - donnent des sols fragiles et friables très sensibles à l’érosion. Au total, la faiblesse et l’irrégularité des précipitations et l’importance de l’évaporation estivale imposent à l’agriculture deux systèmes de mise en valeur, bien présents sur l’image : des techniques de cultures sèches sans labour profond avec souvent des jachères biannuelle, cultures intensives irriguées lorsque les nappes sont accessibles et suffisantes.   

Au nord de l’image apparait la bordure des Sand Hills, les « collines de sable ». Cette région est en effet composée de dépôts sableux quaternaires d’origine éolienne qui peuvent dépasser les 100 m. d’épaisseur dans une zone classée en climat continental semi-aride. Ces zones de prairies et de savanes aux sols très fragiles face à l’érosion couvrent une large partie du Nebraska et sont quasi-désertiques en dehors de quelques petites vallées. Au nord-ouest, le Comté de Cherry (hors image) présente ainsi des densités de seulement 0,37 hab./km2.

Barrages, canaux et puits. Le bassin a été équipé de nombreux barrages et lacs-réservoirs, comme le barrage de C.W. McConaughy ouvert en 1941 (hors image), ou le lac bien repérable à l’ouest de l’image. Ceux-ci alimentent de nombreux canaux desservant les grandes régions agricoles irriguées en détournant les eaux des fleuves. Deux sont bien visibles sur l’image : au nord, le Dawson County Canal sert de claire limite entre la zone cultivée au sud et les zones sèches au nord ; au sud, le Phelps County Canal, au tracé bien net, traverse toute la zone agricole au centre-sud de l’image. 

A ceci s’ajoute bien sur la multiplication des puits de forage pour l’agriculture irriguée qui prélèvent une part importante de l’eau des nappes de surface ou des aquifères plus profonds. Les pratiques agricoles particulièrement intensives s’y traduisent par une sensible montée des enjeux environnementaux et de santé publique, notamment avec la forte contamination des eaux de surface et souterraines par les engrais, les pesticides et les rejets ou les déchets des feedlots qui concentrent des milliers de têtes de bétail dans des enclos de taille limitée.

Les Hautes Plaines : un espace aride et sous-peuplé

L’« intérieur périphérique ». Nous sommes ici dans ce que le géographe Gérard Dorel, grand spécialiste des États-Unis, appelle l’« intérieur périphérique », cette immense diagonale intérieure qui prend cet État-continent en écharpe. La véritable « périphérie » des États-Unis se situe donc au centre même du pays, alors que les façades littorales - atlantique, caraïbe puis pacifique - jouent un rôle structurant dans la découverte puis la mise en valeur du pays et accumulent toujours aujourd’hui populations et richesses. 

Dans cet Ancien Nouveau Monde, et comme au Canada ou au Brésil, la mise en valeur s’est organisée des littoraux, les « centres » fonctionnels, vers l’intérieur. Cet intérieur périphérique se caractérise par le poids de ses activités agricoles, l’absence d’un réseau urbain fortement hiérarchisé et un peuplement médiocre souvent desservi par une démographie atone. 

Un peuplement médiocre et fort inégal. Les cinq comtés couverts par l’image (cf. image régionale complémentaire) sont en effet peuplés de seulement 89.000 habitants pour 9.110 km2, soit une densité moyenne de 9,7 hab./km2. De 1890 à 1960, la population régionale passe de 56.000 à 64.500 habitants, soit un gain de + 8.500 habitants ou + 15 % en 70 ans. De 1970 à aujourd’hui, elle passe à nouveau de 69.500 à 89.000, soit un gain de + 19.500, + 28 %. Les effets de la modernisation agricole lancée dans les décennies 1960/1970 sont donc considérables sur la région. 

Cependant, dès que l’on quitte la vallée, le peuplement devient rare : le comté de Phelps, avec Holdrege comme chef-lieu au sud de l’image, tombe à 7 hab./km2, celui de Kearney, avec Minden, à 5 hab./km2 et celui de Goosper, avec Elwood au sud-ouest de l’image, à seulement 2 hab./km2. L’habitat rural est donc limité et très dispersé du fait des contraintes du milieu, de l’histoire de la mise en valeur et du faible peuplement induit par une agriculture très mécanisée nécessitant au total peu de main d’œuvre.   

Un encadrement urbain limité. Dans ce contexte, la structure urbaine de la région est organisée par un chapelet de gros bourgs ou de petites villes polarisés par la vallée de la Platte River. Kearney, la capitale régionale, nait ainsi de la création en 1848 d’un fort de l’US Army sur l’axe de la Great Platte River Road avant d’être consolidée par l’arrivée de l’Union Pacific en 1866. Cette petite ville de 34.000 habitants rayonne du fait de ses fonctions de services et industrielles sur la région.

Viennent ensuite vers l’ouest Lexington avec 10.000 habitants (cf. zoom), Cozad avec 4.000 habitants et Gothenburg avec 3.500 habitants. Au total, Kearney et Lexington polarisent la moitié de la population régionale. Le reste de la région est quadrillé par des bourgs - Holdrege avec 5.400 habitants, Wood River avec 1.300 habitants - ou de petits villages comme Loomis avec 380 habitants ou Elwood avec 680 habitants. Le reste du peuplement est composé d’exploitations agricoles peu nombreuses, très dispersées et noyées dans leurs champs.    

Ces campagnes se caractérisent de plus par leur peuplement blanc à 90/95 %, un taux d’activité élevé, un faible chômage, un taux de pauvreté limité et des revenus assez élevés, bien qu’inégaux, mais avec un niveau de formation et de qualification assez médiocre. Dans les villages, les taux de pauvreté sont très variables - de 4 % à 28 % - selon les profils résidentiels et les activités présentes. 

Une région organisée par un modèle agricole intensif basé sur le couple viande aux hormones/maïs-soja OGM

La révolution des décennies 1950/1970. A l’articulation entre innovations techniques et dynamiques des marchés, la région des Grandes Plaines est profondément bouleversée au tournant des décennies 1950/1960 par l’émergence d’un modèle agricole intensif de production de masse fondé sur le couple viande/maïs-soja qui va progressivement s’étendre. Il repose premièrement sur la généralisation d’une innovation technique inventée dans le Colorado en 1940 : l’irrigation par pivot central - dont on distingue bien les cercles par centaines sur l’image - des parcelles agricoles mobilisant l’eau pompée dans la nappe phréatique ou les aquifères plus profonds. Il s’appuie deuxièmement dans l’élevage sur la diffusion depuis le début des années 1960 du modèle des « Meat Packers » comme en témoigne la création en 1961 de l’Iowa Beef Packers à Denison dans le Nebraska, racheté en 2001 par le géant Tyson Foods, lui-même fondé en 1935 à Springdale en Arkansas. 

Le complexe maïs-soja OGM. Comme en témoigne bien l’image, les espaces semi-arides du Sud-Ouest du Nebraska et l’axe de la Platte River ont été transformés en une véritable oasis grâce à l’essor des cultures irriguées dont la productivité est au moins double des cultures sèches soumises au stress hydrique saisonnier. Entre 1959 et aujourd’hui, la superficie agricole irriguée du Nebraska est multipliée par 4,2 en passant de 0,8 à 3,4 millions d'hectares. Avec 13,5 % des surfaces irriguées des États-Unis, le Nebraska se place au 2em rang en superficies derrière la Californie et devant l’Arkansas et le Texas.

A elle seule, l’agriculture mobilise 94 % de la consommation d’eau, largement devant les usages domestiques (4 %) ou les autres activités (2 %) comme l’élevage, l’industrie ou les mines. Dans l’agriculture irriguée, le système maïs-soja OGM joue un rôle central avec respectivement 49 % et 27 % de la surface totale récoltée, largement devant le foin (14 %) et le blé d’hiver (6 %). En conséquence, 65 % de la production totale de maïs et 55 % de la production totale de soja proviennent de l'agriculture irriguée. 

L’essor de l’éthanol. A côté du couple maïs/soja pour alimenter l’élevage des bovins, les producteurs se sont lancés dans la recherche de débouchés complémentaires pour leurs productions. On assiste en particulier à l’essor de la production d’éthanol, un alcool tiré de la distillerie du maïs et utilisé comme complément dans un carburant, présenté au plan marketing comme un « bio-carburant » ou un « carburant vert ». De 1985 à aujourd’hui, le Nebraska est devenu le 2e État producteur d'éthanol des États-Unis en passant d’une à 25 usines d’éthanol. Celles-ci utilisent 25,5 millions de m3 de maïs par an. 

Les drêches de distillerie, un ingrédient alimentaire à haute teneur en protéines, sont ensuite réutilisées dans l’alimentation pour le bétail. Du fait de sa position géographique, de sa production abondante et d’axes ferroviaires compétitifs, le Nebraska dessert largement les marchés de l'Ouest des États-Unis, en particulier bien sur la Californie. Au sud-est de Lexington se trouve ainsi une usine d’éthanol qui transforme une partie du maïs cultivé sur l’image.  

 

La course à la technologie comme réponses aux contradictions accumulées. Mais l’essor de ce modèle intensif repose durant des décennies sur une explosion de la consommation d’eau qui est devenue progressivement intenable. C’est pourquoi les acteurs du complexe agro-industriel se sont lancés dans une course à la technologie afin de tenter de surmonter les contradictions accumulées. Ces 25 dernières années, cette spécialisation s’est accompagnée en effet d’une profonde mutation scientifique et technologique permettant une hausse considérable des rendements : introduction de plantes génétiquement modifiées (OGM) avec en particulier des hybrides améliorés à haut rendement tolérants à la sécheresse et au stress hydrique, densités de plantation accrues, meilleure gestion des sols et du contrôle des mauvaises herbes, amélioration de l’usage des engrais... Le site du CPNRD – Central Platte Nat. Ressources District met ainsi à disposition des agriculteurs un logiciel d’images satellites à la parcelle afin de permettre un pilotage le plus fin possible de leurs activités.

De même, la limitation réglementaires des pompages souterrains a contraint les agriculteurs à adopter de nouvelles technologies d'irrigation et de gestion afin d’économiser l’eau : gestion fine de l'humidité des sols des parcelles, planification de l'irrigation par mobilisation de prévisions météorologiques plus précises, passage d’une irrigation de surface par gravité/sillon à une irrigation par aspersion à pivot central ou au goutte-à-goutte dont témoigne bien l’image, réduction du lessivage des engrais et des produits chimiques, agriculture sans labour profond... 

Pilotage de l’agriculture et hautes technologies satellites

 

 

 

Le rôle central de la filière viande et des feedlots. En regardant l’image, on remarque rapidement la présence de rectangles marrons ou bruns au milieu des cultures : ce sont des feedlots, des parcs d’engraissement des bovins avant leur vente à l’abattoir. La région de la South Central Platte River, dont une partie est couverte par l’image, compte 49 feedlots, représentant un potentiel de production de 550.000 bovins par an. La moyenne de 11.200 bêtes par exploitation masque cependant d’importantes disparités, puisqu’on va de 700 à 800 têtes pour les plus petits à 62.000 têtes pour le plus important des feedlots. On peut ainsi repérer environ 17 unités importantes sur l’image. Au nord-ouest de Lexington, le Darr Feedlot produit 48.500 bêtes par an et au nord-ouest la Roberts Cattle Compagny 12.000. Au sud-est, le Phelps County Feeders produit 42.000 bêtes par an et le South Central 18.000 bêtes. 

Au total, les feedlots de plus de 1.000 têtes détiennent aujourd’hui 2,5 millions de bovins au Nebraska dans 1.740 exploitations, contre 2,91 millions au Texas, n°1 national, et 2,52 millions au Kansas n°2 national. Mais la concentration technique et économique y est très sensible comme on le voit sur l’image : seulement 236 feedlots, soit 13,5 % des exploitations, fournissent 80 % du bétail. Au total, le Nebraska vient au 1er rang national pour la production de viande rouge et au 2em rang pour la taille de son cheptel bovin. Au total, l’élevage - bovins, porcs, volaille - représente 54 % de la valeur agricole de l’État. 

La course à la technologie. Comme pour l’irrigation, la course à la technologie débouche sur des résultats spectaculaires en termes d’intensification. La sélection des troupeaux, l’amélioration de l’alimentation et le recours massif aux hormones et aux antibiotiques permettent d’augmenter de + 46 % la production de viande par tête de bovin entre 1960 et aujourd’hui. 

Dans ce cadre, on doit signaler la présence à Hastings (hors image), à 60 km de Kearnay, du gigantesque US Animal Meat Research Center de l’Agricultural Research Service de l’US Department of Agriculture qui travaille sur la génétique, la santé et la nutrition du bétail en lien étroit avec les agriculteurs de la région. Sa présence au cœur de ce vaste bassin productif spécialisé témoigne des liens très étroits tissés entre acteurs publics et privés pour faire des États-Unis un des principaux greniers agricoles du monde. 

Le poids des géants agro-industriels. Le système agricole du Nebraska est au total largement dominé par les grandes groupes agro-industriels qui y emploient 47.500 salariés dans 285 usines. L’ouest de l’État compte ainsi 78 établissements, largement spécialisés dans la production de viande. Ce dispositif est complété par les silos et postes de chargement des grains des grands groupes du négoce pour la fourniture du marché national et l’exportation, pour beaucoup polarisés par les grands axes ferroviaires. Le géant Cargill détient ainsi une dizaine de sites dans le Nebraska, Continental Grain quatre sites, Bunge une dizaine de sites, dont un précisément à Lexington. 

En particulier, toute la production de viande bovine et de porc de la région est dominée par quatre grands groupes agro-industriels dont les abattoirs géants transforment le bétail. Dans les bovins, Tyson Fresh Meats est localisé à Dakota City (4.000 sal.) et - sur l’image - à Lexington (2.300 sal.), Cargill Meat Solution est à Schuyler (2.200 sal.) et JBS Beef à Grand Island (3.500 sal.). Dans le porc, Smithfield Farmland est à Crete (2.150 sal.). Ces grands abattoirs sont le principal débouché de la production bovine des feedlots présents dans chaque bassin agricole régional.    

Explosion des prélèvements et épuisement de l’aquifère des Hautes Plaines -HPA 

Le High Plains Aquifer. Par rapport à d’autres territoires des Hautes Plaines, le Nebraska et la région centrale de la Platte River bénéficient d’un véritable privilège hydrique : la présence d'abondantes ressources en eaux souterraines du fait de la présence de l'aquifère des Hautes Plaines - HPA, dit d’Ogallala. Celui-ci couvre 450.000 km2 sur huit États fédérés : le Colorado, le Kansas, le Nebraska, le Nouveau-Mexique, l'Oklahoma, le Dakota du Sud, le Texas et le Wyoming. L’exploitation des eaux de l’HPA est devenue depuis les décennies 1960/1970 un levier fondamental de la révolution agricole étasunienne en réalisant au total 1/6 de la production céréalière mondiale. 

Mais les taux de prélèvement pour l'irrigation sont tels qu’ils ont dépassé le taux de recharge de l'aquifère, entraînant une baisse sensible ces dernières décennies du niveau des nappes de l'aquifère selon les études de l’USGS - U.S. Geological Survey. Cette gestion non durable de l’aquifère est particulièrement sensible dans le nord-ouest du Texas, dans l’est du Nouveau Mexique ou dans l’ouest du Kansas, une région où le niveau de la nappe a baissé de 60 %.  Selon le cri d’alarme lancé par la Kansas State University l'aquifère sera épuisé à 70 % d'ici 2060 si les pratiques d'irrigation ne changent pas.

 

L’HPA : le grand privilège du Nebraska. Cependant dans ce panorama général le Nebraska dispose face à ses concurrents de deux atouts majeurs. Premièrement, il est incontournable puisqu’il contrôle à lui seul 36 % de la surface totale de l’aquifère, qui s’étend en retour sur 84 % de sa superficie. Deuxièmement surtout, avec « seulement » 36 % de la surface de l’aquifère, le Nebraska en contrôle 69 % du volume totale des eaux stockées ; car c’est sous son territoire que l’aquifère est géologiquement le plus large et le plus épais - de 100 à 300 m. 

Au total, le Nebraska dispose donc des ressources en eau les plus considérables. La région centrale de la Platte River bénéficie donc d’eaux souterraines abondantes, faciles d’accès car peu profondes et bon marché grâce à la présence d’un aquifère alluvial et d’un aquifère profond. 

Les aquifères : une micro-géographie. Au total, les eaux souterraines apportent 80 % de l’eau publique potable et 91 % des eaux de l’agriculture irriguée, contre seulement 9 % pour les eaux de surface. Sur 3.975 puits d’irrigation enregistrés au Nebraska, 529 se trouvent dans les comtés couverts par l’image. Cependant, la géographie n’est pas partout identique et ces questions de gestion des eaux doivent être déclinées dans des emboitements d’échelle qui vont de la parcelle à l’HPA dans son ensemble. Dans de nombreux comtés de l’ouest de l’État en effet, comme ceux de Box Butte au nord ou de Dundy au sud, le niveau des nappes des puits peut passer entre 1965 et aujourd’hui de - 18 à - 32 m. ou de - 26 à - 44 m. de profondeur ; la nappe phréatique en déclin s’ajustant au stress hydrologique. 

Géographie des surfaces irriguées aux États-Unis en 2017.pptx

 

 

Nebraska : le boom de l’irrigation, la pression sur les ressources

 

Ressources et conflits hydrogéopolitiques nationaux, régionaux et locaux

La gestion de l’eau aux États-Unis : un système spécifique. Dans cet État fédéral que sont les États-Unis, les droits sur l’eau sont du ressort de chaque État fédéré, ce qui explique des législations et des réalités fort contrastées selon les territoires. Pour autant, l’existence de systèmes et de bassins interétatiques explique que les conflits géopolitiques pour le partage des ressources en eau doivent être arbitrés en cas de conflit soit par un pacte direct entre États fédérés, soit par une action devant la Cour suprême ou une loi du Congrès. Dans l’Ouest, les accords interétatiques - créés et favorisés par la loi fédérale - sont d’autant plus nombreux que la pression sur les ressources et les conflits sont importants. Pour autant, certains litiges doivent être portés devant la Cour suprême, comme dans le cas du décret définissant la répartition des eaux de la North Platte River entre le Colorado, le Nebraska et le Wyoming. 

Dans les cas de l’High Plains Aquifer - HPA, il est à noter que l’USGS a été chargé comme organisme scientifique fédéral d’évaluer et de suivre - via la publication de rapports périodiques - les évolutions de cet immense aquifère à la demande du Congrès et en accord et coopération avec les entités fédérées et locales concernées. Au total, l’épuisement de l’aquifère a été jugé suffisamment grave pour justifier l’intervention du gouvernement fédéral. C’est ainsi que le « Republican River Compact » a été imposé par la Cour suprême en 2002 au Colorado et au Nebraska, deux États fédérés de l’amont, sur plainte du Kansas, situé à l’aval. Ce compact organise un partage équilibré de la ressource hydrique du bassin de la Republic River, qui est alimenté par l’aquifère de l’Ogallala. Cet accord a aussi débouché en 2007 sur le Platte River Recovery Implementation Program - PRRIP visant à mieux coordonner l’action des trois États fédérés pour réduire la pression sur les ressources en eaux dans un bassin peuplé de cinq millions de personnes.  

L’impact du Republican River Compact a été considérable car il a obligé les autorités du Nebraska à adopter une loi sur la gestion et la protection des eaux souterraines ; elle permet au gouvernement de l'État fédéré de limiter les allocations d'eau des irrigants et de mettre en œuvre des programmes tels que la rotation des permis d'eau. Cette politique s’est traduite par une réduction des prélèvements en eaux souterraines dans la région de la Platte River, le bassin de la Republic River se trouvant juste au sud. Une large partie des exploitations présentes sur l’image sont dorénavant contraintes par ces décisions. 

 

La gestion de l’eau par le Nebraska. Face au large laissez-faire du Texas ou du Kansas, le Nebraska est devenu un des États fédérés les plus « interventionnistes » afin d’engager une gestion plus raisonnée et plus durable des ressources en eaux, dans les nettes limites cependant d’une conception très libérale du marché prédominante aux États-Unis. Ainsi, 20 comtés de l’ouest de l’État sont définis comme « zone critique d'eau souterraine ». On assiste à la création de 23 « districts de ressources naturelles » (NRD) prenant en charge une gestion locale décentralisée, ils sont pilotés par un conseil élu localement. Ils aident aussi financièrement les collectivités locales ou les propriétaires fonciers à replanter des centaines de milliers d’arbres par an - restauration d’un brise-vent... - face au recul de 18 % du couvert forestier ces vingt dernières années du fait d’événements météorologiques extrêmes, des maladies ou des insectes invasifs. Ces NRD mettent en place une allocation d’eau par production pour un temps donné et contrôlent les quantités d’eaux totales pompées en imposant l’enregistrement des puits. 

Carte des mesures de contrôle et de restriction sur l’usage des eaux sous-terraines d’irrigation dans l’Arkansas : l’ouest et la Platte River au premiers plans

 

 

 

A l’échelle de la partie centrale du bassin, le CPNRD prend ainsi en charge la gestion de l’espace de la Central Platte River couverte par l’image. On y trouve au total 4.165 km2 de terres irriguées, dont 3.794 km2 - soit 91 % des surfaces - uniquement par des eaux souterraines alors que seulement 1,4 % des surfaces est irrigué par des eaux de surfaces. On doit en particulier souligner que des « Programme d'Incitation à la Qualité Environnementale » aident au financement d’installations de systèmes d’irrigation par pivots - omniprésents sur l’image - ou de goutte à goutte afin d’économiser l’eau. 

Au total, cette mobilisation de capital, de techniques et de technologies aboutit à des progressions spectaculaires : en 20 ans, les exploitants arrivent avec la même quantité d’eau à produire 75 % de maïs ou de soja en plus.  Si la pression inconsidérée sur les ressources en eau a finalement contraint les acteurs économiques et politiques à restreindre les abus les plus criants, ceux-ci se sont lancer dans une course à l’innovation afin de tenter de dépasser les contradictions accumulées. Réalisme ou nouvelle fuite en avant ? Si la question d’une nécessaire changement de modèle vers un développement plus équilibré, sobre et durable semble une issue raisonnable à la crise, elle demeure évitée.

 

Zooms d’étude

 

Zoom 1. Le comté de Lexington : un des espaces agricoles les plus riches de la région

S’étendant sur une large partie de l’image, le comté de Dawson, dont Lexington est le chef-lieu, couvre 2.640 km2 et est peuplé de 23.700 habitants, soit seulement 9 hab/km2. A elle seule la ville de Lexington polarise 42,5 % de la population totale. Trois milieux naturels bien différenciés sont juxtaposés : la basse vallée de la Platte River ; les hautes terrasses qui s’étendent de la A80 au sud au Dawson Country Canal au nord ; les terres vides et dégradées des Sand Hills.

La région est clairement organisée par une succession d’axes est/ouest : vallée de la Platte River, autoroute A80, voie ferrée. Le chemin de fer a joué historiquement un rôle majeur dans le développement agricole de la région. Aujourd’hui, les énormes silos de la gare de Lexington au bord des voies ferrées stockent les produits agricoles qui sont ensuite transportés par d’impressionnants convois ferroviaires vers les grands ports fluviaux branchés sur le bassin du Mississippi et la Nouvelle-Orléans. Vers l’est de l’image, Omaha est ainsi le port situé à la confluence de la Platte River avec le Missouri qui rejoint le Mississippi à Saint-Louis. Par contre, la viande produite par l’abattoir est largement transportée par la route.

Comme en témoigne l’image, la basse vallée de la Platte River est densément mise en valeur par une agriculture intensive irriguée orientée largement vers le maïs et le soja. Le comté compte 690 exploitations d’une taille moyenne de 360 ha., ce qui est considérable, dont 25 de plus de 400 ha. Cet espace agricole est l’un des plus riches de toute la région de la Platte River en dégageant quelques 750 millions de dollars de vente par an, dont 77 % viennent des productions animales.  

Dans le comté de Dawson, 146 puits de pompage des eaux souterraines sont en activité. Sur l’image, le complexe maïs-soja OGM irrigué/feedlots apparait dans toute sa cohérence géographique, technique et économique. Noyés dans les champs verts de maïs et de soja, on peut facilement repérer environ 16 feedlots. Si nombreux sont ceux de taille petite ou moyenne, on distingue quelques géants. Au nord-ouest de Lexington, le Darr Feedlot North Lot produit 48.500 bêtes par an et au nord-ouest la Roberts Cattle Compagny 12.000 bêtes.

 


Le comté de Lexington

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 2. Le nord-est : la différenciation culture sèche/ culture irriguée

Cette image est centrée sur les villages d’Overton et Elm Creek, fondés par l’arrivée de la ligne de l’Union Pacific Rail Way en 1870/1873 et peuplés aujourd’hui respectivement de 567 et 950 habitants. La disponibilité en eaux apparait bien comme le facteur géographique déterminant de la mise en valeur agricole et du peuplement. A ce titre, la limite nord/sud marquée par le Dawson County Canal à l’ouest de l’image est d’une grande clarté.

Au nord et nord-est se déploie toute une gamme de situations locales variées en bordure des Sand Hills. Cet espace intermédiaire aux marges du système dominant dépend de nombreux facteurs en interaction : modèles de précipitations locales, programmes de pompage variables selon les ressources disponibles, changements dans l'utilisation des terres, rotation des cultures d'un puits à l'autre...

 


Overton et Elm Creek

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 3. La rive sud de la vallée : la petite ville d’Holdrege dans un océan de maïs

L’image est centrée sur la rive gauche, ou sud, de la Central Platte River dans le comté de Phelps dont la petite ville d’Holdrege est le chef-lieu en polarisant 60 % des 9.000 habitants. Si cet espace apparait très bien organisé et densément mis en valeur, il convient de souligner que la densité moyenne n’y est que de 6,5 hab/km2, avec des zones rurales à seulement 3 hab./km2.

Le comté de Phelps compte 113 puits en activité. Comme le montre cette marée verte, les terres agricoles irriguées occupent une place prépondérante en occupant 65 % des 1.400 km2 du canton. Les 371 exploitations agricoles présentent une taille moyenne 372 ha., alors que les productions animales représentent 70 % des ventes. A lui seul, le complexe maïs-soja occupe 72,5 % des surfaces totale du comté, dont 47 % pour le maïs et 25,5% pour le soja. Là aussi, 23 feedlots sont visibles sur l’image, de taille fort variable. Fondé en 2002, le Phelps County Feeders produit ainsi 42.000 têtes de bétail par an et le South Central 18.000 bêtes.


 


Holdrege

 

 


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Zoom 4. La région de Lexington : une petite cité typique de l’Ancien Nouveau Monde

Un espace typique de l’Ancien Nouveau Monde

Cette image Pléiade permet de disposer d’une vue très détaillée de l’organisation de l’espace de la ville de Lexington et de ses environs. Dans cet Ancien Nouveau Monde, le caractère géométrique de la mise en valeur apparait dans toute sa clarté, d’autant que l’espace est ici plan et sans relief en dehors de la vallée au sud. Dans l’espace agricole, on trouve un quadrillage de grands damiers de forme carrée de 1,6 km de côté, eux-mêmes subdivisés en quatre parcelles de 800 m. de côté. C’est dans celles-ci que s’inscrivent les pivots aux bras articulés qui dessinent de grands cercles irrigués bien visibles de l’espace. Dans l’espace urbain, la déclinaison en parcelles géométriques continue au niveau des îlots et des lots.  

L’axe de la Platte River donne l’orientation aux trois grandes infrastructures parallèles qui drainent et organisent la région : la voie ferrée de l’Union Pacific Railway, la route nationale qui lui est parallèle puis l’autoroute qui vient doubler ces deux premiers équipements. Le seul axe perpendiculaire est celui nord/sud qui relie le centre-ville à l’autoroute : on y trouve l’abattoir, puis les zones artisanales et le grand centre commercial qui en fait organise une large partie de l’activité de la communauté locale en polarisant l’essentiel des achats de grande consommation.

La création et l’essor de cette petite ville de l’Ouest doit tout à la conquête puis à la mise en valeur de ces territoires. En 1860, un poste du fameux Pony Express y est créé qui est ensuite détruit durant les guerres indiennes. Afin de sécuriser cet axe Est/Ouest, l’US Army y fonde un fort en 1864 qui par agglomération progressive d’activités et de populations va déboucher sur la fondation de la bourgade en 1871.

Les images présentées dans ce zoom ont été prises par un stallite Pleiades le 28 mars 2021. Il s’agit d’une image en couleur naturelle, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. En savoir plus

(C) Contient des informations PLEIADES © CNES2021, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.

 


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La ville de Lexington : une nette hiérarchie sociale et fonctionnelle (zoom 4.1)

La distance à l’autoroute et à la voie ferrée, et à leurs nuisances, structure une nette hiérarchie sociale et fonctionnelle dans l’espace de la petite ville. Au sud, l’espace compris entre l’autoroute et la voie ferrée est dévalorisé : il accueille les populations les plus défavorisées et les activités répulsives comme l’abattoir, les zones artisanales ou les zones commerciales. On peut supposer que les quartiers dégradés abritent en particulier les migrants latino-américains qui fournissent une grande partie de la main d’œuvre ouvrière de l’abattoir voisin. On y trouve aussi des activités récréatives attractives, mais bruyantes, comme le circuit automobile de la Dawson County Raceway.

A l’opposé, plus on monte vers le nord plus l’habitat devient lâche, ouvert et verdoyant. La voie ferrée est un facteur majeur de coupure urbaine et de ségrégation socio-spatiale. Il convient cependant de souligner que toute la ville vit avec les odeurs et le bruit des dizaines de milliers de bovins élevés dans les feedlots voisins puis menés à l’abattoir.  

Enfin, le tracé lui-même des parcelles dans la ville de Lexington repose sur un quadrillage du parcellaire urbain lui aussi bien régulier. Les îlots de base de forme carré font 100 m de côté. Selon la richesse de la population résidente, on trouve sur chaque parcelle de quatre à 14 unités d’habitation avec maison principale, garage et parfois petits bâtiments annexes.

Malgré une agriculture dynamique, cette petite ville de 10.000 habitants est ces vingt dernières années en stagnation démographique. En particulier, la fermeture en 1986 de l’usine de matériels agricoles de la firme Sperry-New Holland employant 2.000 salariés a constitué un grave choc socio-économique. Aujourd’hui, la ville est étroitement dépendante des emplois de l’abattoir de 2.700 salariés de Tyson Foods.

 


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La Platte River, l’espace agricole et les feedlots (zoom 4.2 et zoom 4.3)

Sur cette image zoom, la vallée de la Platte River est bien visible. En cette fin du mois de mars, le débit du fleuve est limité et le cours principal peu profond, encombré d’îlots et d’îles ou d’étendues de sable nues. Face à la faible taille du lit mineur dans lequel coule l’eau sur l’image, on est frappé par la largeur du lit majeur dans lequel on distingue bien d’anciens chenaux et qui est en partie colonisé par des buissons. Cette différence entre lit mineur et lit majeur s’explique par le régime irrégulier du fleuve et la puissance considérable de certaines crues. Sur le bord se trouvent des gravières dans lesquelles on vient prélever des matériaux de construction. En un siècle, 70 % du débit du fleuve a été prélevé ou détourné, affaiblissant d’autant celui-ci. Le fond de la rivière apparait parfois vert du fait des algues qui s’y développent en lien avec la pollution agricole des eaux.

Au-delà se trouve l’autoroute A80 qui sert de limite au plateau et sur laquelle les poids-lourds sont bien visibles. Ils nous rappellent l’importance majeure du transport routier aux États-Unis. Puis plus au nord se déploient les espaces agricoles irrigués. Dans la campagne, la structure agricole est organisée par les grands damiers de rang 1 - qui font 1.600 m de côté - qui quadrillent le parcellaire, qui sont eux-mêmes coupés en quatre parcelles égales par un damier de rang 2. Les pivots d’irrigation - en général de 370 m de long - s’adaptent parfaitement à la taille des parcelles ainsi isolées. On peut même parfois repérer les traces laissées au sol par les roues portant ces longs axes d’arrosage alimentés par un moteur central.    

Ces images permettent aussi de bien identifier l’organisation spatiale des feedlots, dont la taille et l’importance économique peuvent être très variables, en allant de plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers de têtes. Se développant dans les décennies 1960/1980, ces parcs d’engraissement - feedyard ou feedlot - sont une réponse technique et économique à l’explosion d’une demande de masse liée à l’essor du niveau de vie ; les Étatsuniens étant aujourd’hui parmi les plus gros consommateurs de viande par habitant. L’objectif est donc de produire de la viande en masse, mais à bas coûts. Pour faire des économies d’investissement en infrastructures, les jeunes bovins sont laissés à l’air libre dans des enclos de stabulation qui sont nettoyés et dont le sol est raclé une ou deux fois par an. Ces enclos sont séparés par des chemins permettant de circuler dans l’exploitation afin de soigner et d’alimenter le bétail. Pour accélérer leur croissance et leur prise de poids, le recours aux hormones et aux antibiotiques est généralisé. Enfin, comme en témoigne bien l’image, ces feedlots sont entourés de champs produisant l’alimentation en grain nécessaire à leur finition. Ces tâches très mécanisées nécessitent peu d’emplois, selon la taille de l’exploitation entre quelques dizaines et une centaine de salariés.

 


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L’abattoir Tyson Fresh Meats de Lexington

Sur l’axe nord/sud reliant le centre de Lexington à la zone commerciale et à l’autoroute se trouve l’abattoir. Cet ensemble industriel est techniquement intégré. On distingue le petit bâtiment noir de l’administration, le parking des salariés, les enclos dans lesquels sont parqués les bovins qui viennent d’être livrés par les feedlots. Dans les immenses bâtiments blancs et marrons se trouvent les ateliers d’abattage des bêtes à la chaine, de découpe des carcasses puis de préparation des colis sous vide aux clients (côtes, longes, viande hachée...). On distingue très bien à droite l’embranchement ferroviaire et les wagons en attente et, surtout, les dizaines de poids-lourds avec leurs immenses remorques qui vont partir livrer la marchandise tout en assurant la chaîne du froid afin que la viande ne s’abime pas durant le transport.   

Ouvert en 1990, cet établissement agro-industriel est de loin le 1er employeur de la ville et de la région avec 2.700 salariés et une masse salariale annuelle de 86 millions de dollars. En 2014, il a réalisé pour 2,2 milliards de dollars d’achat de bétail afin d'approvisionner l'usine. L’abattoir est alimenté par les feedlots voisins avec lesquels il a passé des contrats d’approvisionnement conclus plusieurs mois à l’avance. En effet, aux États-Unis, 70 à 80 % de la commercialisation du bétail sur pied sont réalisés sous cette forme. L’image est donc le reflet de la forte intégration économique, financière, technique et géographique de la filière viande sous l’impulsion des puissants groupes agroalimentaires verrouillant l’amont et l’aval des filières de production. En effet, aujourd’hui 80 % de l’abattage et de la découpe de la filière bovine sont assurés par seulement quatre entreprises : Tyson Foods, JBS, National Beef et Cargill.

L’abattoir Tyson Fresh Meats de Lexington est un des établissements du département Bœuf et Porc de Tyson Foods Inc., qui emploie près de 9.000 personnes au Nebraska. En plus de Lexington, la société possède en effet également des installations à Dakota City, Madison et Omaha. Créée en 1935 et ayant toujours son siège mondial à Springdale dans l’Arkansas voisin, la firme Tyson Food est un des emblèmes de la mondialisation des géants étasuniens de l’agroalimentaire en employant 140.000 salariés dans plus de 400 établissements répartis dans 130 pays. 

 


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Image complémentaire

 

Lexington à l’échelle régionale

 


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Ressources complémentaires

Sites

Site GeoImage

États-Unis. Kansas : Garden City, l’usine à viande des Hautes Plaines arides confrontée à la surexploitation des ressources hydrauliques
États-Unis. Kansas : Garden City, l’usine à viande des Hautes Plaines arides confrontée à la surexploitation des ressources hydrauliques

Activités agroalimentaires et agricoles


Site du Nebraska CornBoard
https://nebraskacorn.gov/

 Gestion de l’eau et enjeux environnementaux

USGS: High Plains Aquifer Groundwater Levels Continue to Decline/ 2017
https://www.usgs.gov/news/technical-announcement/usgs-high-plains-aquifer-groundwater-levels-continue-decline

Site de l’USDA / US Dept. of Agriculture / Landscape Initiative. Carte de l’Ogallala Aquifère Initiative : https://www.nrcs.usda.gov/wps/portal/nrcs/detail/national/programs/initiatives/?cid=nrcseprd413952

Site d’accès statistique sur le débit de la Platte River
https://platteriverprogram.org/flow-data

High Plaines Regional Climate Center
https://hprcc.unl.edu/

Site OgallalaWater.org
https://www.ogallalawater.org/project-scope/

Nebraska Water Center. Carte du système hydraulique régional sur le site
https://watercenter.unl.edu/resources/publications/WaterPosterPDF.pdf

Carte des restrictions sur l’irrigation par eaux souterraines
https://plattebasintimelapse.com/2015/12/trading-groundwater-to-help-farmers-and-wildlife/

Central Platte Natural Ressources District
https://www.cpnrd.org/

Bibliographie générale

Gérard Dorel : Les États-Unis, in volume États-Unis, Canada, Géographie universelle, Hachette Reclus, Montpellier, 1992.

Laurent Carroué : Atlas de la mondialisation. Une seule terre, des mondes. Coll. Atlas, Autrement, Paris, 2020.   

Laurent Carroué : Géographie de la mondialisation. Crises et basculements du monde, coll. U, Armand Colin. 2019.

Contributeur

Proposition : Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Éducation nationale, du sport et de la recherche, directeur de recherche à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII)