Les conséquences de la tempête Alex sur le pourtour méditerranéen - octobre 2020

De par leurs caractéristiques de climat et de relief, les départements alpins sont particulièrement soumis au risque inondation. La tempête Alex qui a fortement frappé la zone méditerranéenne franco- italienne, début octobre 2020, a mis en relief les facteurs de risques naturels et liés à l’urbanisation de cette région.

Image du sud-est de la France prise par le satellite Sentinel 2A le 3 octobre 2020. © COPERNICUS SENTINEL 2020
Une tempête qui a lourdement frappé la France et l’Italie



La tempête Alex, la première de la saison 2020, a provoqué de très importantes crues dans le département des Alpes maritimes et côté italien dans la nuit du vendredi 02 au samedi 03 octobre 2020.
Elle a provoqué de nombreux dégâts matériels et des pertes humaines, avec au moins six morts côté français au 08 octobre 2020. En Italie, la tempête a là aussi très lourdement frappé les communes italiennes de Ventimille, débouché de la vallée de la Roya, ainsi que dans le Piémont et la Ligurie.

Cette image Sentinel 2 datée du 03 octobre permet d’observer très nettement les crues dans les vallées, ainsi que les panaches sédimentaires qui se déversent dans la Méditerranée, en aval des cours d’eau chargés de sédiments.
 

Un épisode pluvieux intense


Cette situation correspond à un épisode intense pluvieux méditerranéen. Il se produit souvent au mois de septembre, lorsque les masses d'air chaudes et humides, formées au dessus de la Méditerranée pendant l’été, rencontrent l'air plus frais de l'intérieur des terres. En arrivant sur le relief alpin, ces masses d'air montent en altitude et se refroidissent donc plus rapidement. Dans ce cas précis, c'est une masse d'air froid descendue de l'ouest du pays  vers la Méditerranée qui a plongé vers le sud-est et buté contre une masse d'air chaud et plus humide déjà présent. Cela aurait  provoqué un épisode méditerranéen, renforcé  par l'intensité de la tempête et par la topographie des lieux.

En changeant d'échelle, nous sommes sur un phénomène de plus grande ampleur car Alex, première tempête de la saison, a touché une grande partie de la France dans la nuit du jeudi 1er au vendredi 2 octobre 2020. Après avoir abordé le nord-ouest et l’ouest du pays, elle a déclenché un épisode méditerranéen sans précédent. Cette première tempête de la saison est particulièrement précoce car aucune n’avait été observée avant la mi-octobre au cours des 30 dernières années.


A partir de l’observation de longues périodes, sur ces départements, la valeur décennale des précipitations journalières est d’environ 130 mm, la valeur centennale de 185 mm et la valeur millénale estimée à 240 mm.
A titre d’exemple, le record de pluviométrie a été battu côté italien avec 630 millimètres de pluie en vingt-quatre heures pour la localité de Sambughetto, dans le nord du Piémont.
 

Des reliefs qui jouent le rôle d’accélérateur


Le relief joue un autre rôle dans les dégâts liés à ces pluies violentes. En effet, les contrastes d'altitude sont importants entre les sommets et la côte, bien que proches. Le Mont Agel s'élève à 1148 mètres au dessus de Monaco et la Turbie, alors qu'il n'est situé qu'à 3 kilomètres de la côte.
Ainsi dans cette zone, les cours d’eau qui drainent des bassins-versants intra-montagnards, dominés par des fortes pentes, peuvent connaître une intense activité hydrodynamique (transport, charriage) génératrice de crues brusque et violentes.
Le profil longitudinal des vallées alterne des ombilics, cuvettes où s’accumule l’eau avec des verrous aux pentes fortes où le lit du cours d’eau se rétrécit. Cela génère des dynamiques qui provoquent des accélérations et un gain d’énergie de l’eau, potentiellement destructeur, dans les verrous.
 

Des sols peu absorbants


La capacité des sols à absorber de fortes précipitations constitue également un facteur à prendre en compte dans sa diversité. D’une part la nature morphologique des sols peut affecter le coefficient d’absorption d’eau. Les conditions météorologiques affectent également les sols. Une longue période de sécheresse, comme en fin d’été dans cette région peut durcir les sols, qui deviennent moins absorbants.

Enfin les facteurs humains jouent un rôle premier dans ces régions à l’urbanisation dynamique.  Ils entraînent un recul de la couverture végétale qui contribue à absorber l’excès d’eau. Les mares et bassins, qui jouent le rôle de réservoir naturel disparaissent peu à peu. L’agriculture, par l’ouverture des champs et la surexploitation des sols favorise également les phénomènes de ruissellement.
Enfin l’artificialisation des surfaces, par la construction de routes, d’habitations, empêche l’absorption de l’eau de pluie. Pour les départements du Var et des Alpes-maritimes le taux d’artificialisation des sols est de 19 % contre 6 % pour la moyenne nationale.
 

La gestion du risque


Ces départements étant soumis à des risques inondations et des crues régulières, des plans de prévention des risques inondations (PPRi) ont été mis en place. Ils s’expriment notamment à travers les documents d’urbanisme (PLU).
Ils se fondent sur l’Atlas des zones inondables (AZI), l’étude des crues passées…  Les aménagements prennent en compte ces risques mais, de par la pression foncière dans ces régions, certaines habitations sont construites dans le lit majeur des cours d’eau, voire dans le lit moyen.

 

Au cours des dernières décennies on note une intensification des événements pluvieux extrêmes méditerranéens : +22 % sur les maxima annuels de cumuls quotidiens entre 1961 et 2015.
Des programmes scientifiques travaillent à l’élaboration de modèles climatiques à partir de l'étude de ces phénomènes afin d’obtenir de meilleures projections futures.

 

Le processus des formations des panaches d’alluvions


Sur cette image de très importants panaches d’alluvions, arrachés à la montagne, sont observables. A l’aval du débouché du Var, dont la Vésubie et la Tinée font partie du bassin versant, un panache de 15 kilomètres de long est observable.
Côté italien, à l’aval du débouché de la Roya, la langue alluvionnaire atteint 20 kilomètres pour une surface de 175 kilomètres carré environ.
Ces panaches de matériaux sédimentaires se sont formés selon le processus érosion-transport-accumulation dans la mer Méditerranée. Ils sont ensuite remobilisés par les courants marins qui vont favoriser leur dispersion ou leur stagnation, selon les configurations.

 

Des images Pléiades du CNES pour la gestion de la catastrophe


Dans le cadre de catastrophes, l’image satellite constitue aujourd’hui un outil incontournable, y compris dans une situation d’urgence et pour une utilisation par les secours sur place.
Le CNES a mobilisé deux satellites Pléiades pour obtenir des images dès le 03 octobre et les images du 05 octobre, non nuageuses, ont pu être exploitées. Le CNES a été aidé par le Service National de Traitement d’Image et de Télédétection (SERTIT) basé à Strasbourg. Ils ont construit des cartes des dégâts utilisables par les secours. Ces cartes, très fines, mettent en avant les secteurs inondés, les routes détruites et permettent d’avoir une précision à l’échelle de chaque bâtiment, afin de mesurer avec exactitude s’il a disparu, s’il est endommagé ou possiblement affecté par les crues. Elles permettent également d’accompagner les services de l'Etat et les collectivités pour la reconstruction et accompagner la résilience des sociétés.

 

Documents complémentaires

Sur le site GeoImage

Auteur

Fabien Vergez, inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional histoire-géographie, académie de Toulouse.