Les chutes d’Iguaçu : entre développement touristique et industriel, et coopération transfrontalière

À la triple frontière de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay, les chutes d’Iguaçu sont l’épicentre d’une des zones les plus touristiques de l’Amérique latine. Ce territoire connait depuis plusieurs décennies des mutations économiques et urbaines considérable, largement à la faveur du géant brésilien qui étend sa puissance d’attraction sur ces régions frontalières.


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L’une des sept merveilles naturelles du monde à la triple frontière, de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay

Les chutes d’Iguaçu (Cataratas do Iguaçu) sont un ensemble de 275 chutes d’eau, constituant un système en forme d’amphithéâtre de 2,7 km. Situé sur le Rio Iguaçu à une vingtaine de kilomètres de la confluence avec le Rio Paraná, ce territoire se situe entre le Parc national d’Iguaçu dans l’État du Paraná au Brésil et le Parc National d’Iguazú, dans la région de Misiones, en Argentine.

Fondés à partir de 1939, ces deux espaces représentent 250 000 hectares de forêt tropicale. Ces réserves naturelles regroupent de nombreuses espèces de la faune et flore de l’Amérique latine, dont certaines sont en voies d’extinction. Considéré comme l’une des sept merveilles du monde, il est le premier territoire du Brésil classé au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.

Outre le tourisme, c’est également une zone de développement industriel. À partir de 1974, une nouvelle étape commence pour Foz do Iguaçu. Elle est marquée par l’implantation du barrage de Itaipu Binacional. La deuxième plus grande usine hydroélectrique du globe par la quantité d’énergie créée se trouve sur le Rio Paraná à la frontière entre les villes jumelles Ciudad del Este au Paraguay et Foz do Iguaçu au Brésil. Elle dispose de 20 générateurs qui peuvent produire jusqu’à 14 000 Watts. En 2015, cela représentait 19,3 % de l’énergie consommée au Brésil et 89 % de celle du Paraguay.

La construction de l’ouvrage implique la déviation du fleuve Paraná. 5000 personnes sont déplacées. Les eaux, qui ont cru de 100 mètres, inondent une vaste étendue de forêt tropicale. Elles anéantissent les espaces de vie de la faune et de la flore locale. De nombreux animaux meurent ou migrent malgré le déplacement de certaines espèces engagé dans le cadre des mesures compensatoires. Le 5 novembre 1982, après 8 de travaux, le barrage est inauguré.

Un développement touristique et industriel croissant

À partir des années 1980, le développement économique de la zone s’accélère. Des circuits touristiques sont aménagés. Un réseau de sentiers est organisé et un système de passerelles offre l’accès aux cascades les plus spectaculaires, et notamment à la Garganta del Diablo. Un écomusée est inauguré en 1987. Il possède un arboretum abritant les principales essences de la région, ainsi que plusieurs centres d’étude de la flore et de la faune.

Les infrastructures de transports se multiplient. Chacune des trois villes jumelles dispose de son aéroport international : aéroport international de Foz do Iguaçu, aéroport international Guarani à Ciudad del Este et l’aéroport international Cataratas del Iguazú à Puerto del Iguazú.

L’amplification des installations routières et l’ouverture de deux ponts transfrontaliers connectent les trois pays. Les flux de personnes, de marchandises et d’information s’intensifient. Depuis 1991, la création du Marché commun du Sud (Mercosul) facilite ces échanges.

À partir de 2005, la croissance du nombre de touristes est constante. Elle passe d’environ 900 000 visiteurs par an à 1 500 000 au Brésil et 1 200 000 en Argentine. Bien que la crise économique et politique commencée en 2013 mette un coup d’arrêt à ce dynamisme, ils sont encore 1 642 093 voyageurs de 172 nationalités différentes en 2015. Près d’un tiers (29 %) sont argentins.

Selon l’observatoire brésilien des frontières, ce tourisme génère 1,6 milliard de dollars. Ils bénéficient notamment à l’industrie hôtelière et commerciale. Du côté brésilien, les boutiques d’artisanat et les grands magasins se multiplient, les restaurants et les bars également.

La transformation du paysage à la suite de la construction du barrage d’Itaipu engendre une diversification des activités. Des stations balnéaires naissent au bord du lac. L’agriculture et la pêche s’intensifient du fait de la croissance démographique . La production électrique générée par le barrage favorise l’installation d’industries. Le barrage représente la première source de richesse pour Foz do Iguaçu, devant le tourisme.

En guise de dédommagement, Itaipu Binacional finance, sous forme de royalties, les nouvelles infrastructures urbaines. Ces royalties sont proportionnelles aux aires submergées et à la quantité d’énergie gérée mensuellement. La ville avait déjà reçu environ 330 000 000 de dollars depuis 1985.

Le rôle centralisateur de Foz do Iguaçu : l’enjeu d’une coopération transfrontalière intégrée

Les infrastructures urbaines et industrielles participent largement au développement de la région. Mais elle se concentre surtout dans la ville brésilienne au détriment de ses voisines paraguayenne et argentine.

Au croisement des deux villes, Foz do Iguaçu bénéficie autant des Cascades que des activités générées par la station hydroélectrique. Ces importantes ressources fiscales permettent aux pouvoirs publics de maintenir une offre de services publics de qualité, participant à l’attraction des habitants des pays voisins, des capitaux, mais aussi les flux touristiques. Ainsi, Foz do Iguaçu dispose des meilleurs indicateurs en éducation, santé, emploi et salaires dans le Paraná. Néanmoins, face à l’urbanisation croissante, la ville atteint les limites de son territoire communal.

Contrairement à sa jumelle brésilienne, Ciudad del Este, n’exploite que peu de la station hydroélectrique. Le marché de consommation paraguayen est faible. Le gouvernement a essayé d’implanter des industries, mais elles étaient souvent surdimensionnées. L’État a donc financé un ouvrage qui lui bénéficie relativement peu.

Les inégalités économiques entre les deux pays et le développement d’une zone franche dans la ville paraguayenne ont favorisé le développement d’une économie informelle. Chaque jour, une cinquantaine d’autobus traverse la frontière pour revendre les produits brésiliens. Côté argentin, Puerto Del Iguazú ne profite que très peu des retombées du tourisme. Les infrastructures hôtelières et commerciales se situent au Brésil alors que l’accès aux Cataratas est bien plus intéressant sur l’autre rive.

Les dynamiques de ces trois territoires contigus s’inscrivent des dynamiques sociales, économiques, culturelles et urbaines distinctes. Les aménités naturelles et artificielles ont façonné chacun de ces territoires, mais en bénéficiant pour l’instant surtout au géant Brésil. Même si les relations entre les pays sont relativement faibles, leur proximité géographique et le partage de certaines ressources imposent que les choix d’une commune impactent directement ses voisines.

Ces interdépendances nécessitent une planification plus large au-delà des frontières nationales. Le développement touristique et industriel, jusqu’à maintenant traité de manière individuelle, devra être géré à un niveau supranational. Néanmoins, cela implique un degré d’institutionnalisation et de coopération plus important et donc de dépasser certaines querelles historiques.

Documents complémentaires

 

 

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Sur le site Géonfluences :
Pour une approche plus large du Brésil



Contributeur

Romain Gallard, Doctorant - Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Equipe Mosaïques - UMR LAVUE 7218 CNRS