Alaska : le delta du Yukon et le Yukon Delta National Wildlife Refuge, la mise sous cloche de la wilderness

Dans le nord de l’Alaska, le Yukon - 5e plus grand fleuve arctique - se jette dans la Mer de Béring en construisant un delta de 129 500 km², l’un des plus grands deltas du monde. Ce territoire est un espace désertique (0,2 hab/km²), aux très fortes contraintes, instable, mouvant et amphibie - comme en témoignent historiquement les déplacements de sites villageois - et confronté au changement climatique. Pour autant, en position littorale, il présente des milieux naturels d’une qualité et d’une richesse exceptionnelles. Il est couvert par le Yukon Delta National Wildlife Refuge - YDNWR, une grande réserve naturelle protégée de statut fédéral administrée par l’US Fish and Wildlife Service. Symbolisant la conception de la wilderness, la grande nature sauvage, prévalant aux États-Unis étasunienne et sa mise sous cloche, il doit pourtant composer avec les populations Autochtones.

 

Légende de l’image

 

L'image ci-dessus du delta du Yukon sur la côte ouest de l'Alaska a été prise par un satellite Sentinel-3. Il s'agit d'une composition en couleur naturelle.

Les images de ce dossiers sont issues d'images prises par un des satellites Sentinel-2. La composition est réalisée à partir d'images de juillet 2019-2020
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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Alaska : le delta du Yukon

Le Yukon : le 5e plus grand fleuve arctique

A l’est apparait un fleuve qui traverse toute l’image d’est en ouest. Il se jette dans la mer par un vaste delta en traversant un espace marqué par l’importance de l’eau, des rivières et des lacs et la grande faiblesse de toute présence humaine. Nous sommes ici dans l’ouest de l’Alaska, sur la Mer de Béring dans la région du grand delta du Yukon. Cette image ne couvre que la partie septentrionale du delta du Yukon-Kuskokwim, constitué par la jonction dans un même ensemble régional du Yukon et de la Kuskokwim, cette dernière étant située plus au sud (hors image).

Couvrant quelques 129 500 km², c’est l’un des plus grands deltas arctiques (Lena, Mackenzie...) et du monde. Ce delta est en effet construit par un grand fleuve arctique : le Yukon. Celui-ci livre un volume 208 km³ d’eau par an à l’océan, ce qui en fait le 5em fleuve arctique, derrière le Ienisseï, la Léna, l’Ob, et le Mackenzie, et le 22e fleuve mondial.

Né en Colombie britannique au Canada, il traverse tout le bassin central de l’Alaska avant de se jeter dans le Mer de Béring. Il parcoure pour cela 3190 km, ce qui en fait le 5e plus long fleuve d’Amérique du Nord. Mais prenant sa source à seulement 669 m. d’altitude, la pente de son bassin est trés faible ; ce qui explique un cours sinueux et une vallée très marécageuse, ses eaux ayant souvent bien du mal à s’évacuer.

Le Yukon draine en effet un très vaste bassin de 854 700 km² (1,5 fois la taille de la France métropolitaine). Du fait de sa position et de son orientation, il fut autrefois un axe majeur de communication. La vallée du Yukon fut ainsi explorée par les Russes dès 1831 puis servit lors de la fameuse Ruée vers l’Or du Klondike de 1896/1903 d’axe logistique à une partie des chercheurs d’or, comme le rappelle sur l’image le nom du village de Russian Mission. Aujourd’hui cependant son rôle est assez marginal dans l’organisation régionale de l’Alaska du fait de flux dominants d’orientation nord/sud sur l’axe Anchorage/Fairbanks.  

Comme grand fleuve arctique, le Yukon présente de nettes spécificités qui permettent d’expliquer la structure et les dynamiques de son delta. A la station hydrologique de Pilot Station - qui se situe à l’entrée est de l’image et encore à 225 km de son embouchure - son débit moyen interannuel - ou module - est de 6.428 m³/s., pour un bassin drainé de 831.390 km2 Mais cette moyenne masque de très fortes variations du débit. A Pilot Station, on passe ainsi brutalement de 1297 m³/s. en avril à 7235 m³/s. en mai et surtout 16 535 m³/S. en juin. En deux mois, le débit des eaux est multiplié par 13.    

Ces fortes différences sont liées au régime hydrologique dit nival de ce fleuve arctique. Son module est en effet étroitement lié à la fonte des neiges de son bassin-versant. Ceci est renforcé par un coefficient d’écoulement élevé : 65 % des précipitations reçues dans le bassin sont directement restituées à l’océan. Ce haut coefficient d’écoulement s’explique par le gel du sous-sol - présence de pergélisol - qui est donc imperméable, par la faible évaporation liée aux basses températures moyennes et, enfin, par la maigreur de la végétation dont les prélèvements en eaux sont donc limités.

La période hivernale, où le gel domine, explique la période d’étiage - ou de basses eaux - entre les mois de décembre et avril. L’arrivée du printemps et le dégel expliquent la période de hautes eaux de mai à septembre, avec en particulier le maximum de juin. Sur l’image, le grand delta du Yukon voit donc brutalement déboucher en juin, juillet et aout une énorme masse d’eau qui cherche à s’écouler vers la mer et qui va donc submerger les basses terres d’un delta plat, mal drainé et marécageux.

 

Un espace désertique aux fortes contraintes confronté au changement climatique

La surface de l’image satellite couvre environ 47 000 km², mais n’est peuplée que de seulement 9300 habitants, soit une densité très faible de 0,2 hab/km². Nous sommes bien là dans un espace désertique du fait des très fortes contraintes liées à son climat subarctique (grands lacs de thermokarst...).

L’importance du froid se traduit par la brièveté de la saison végétative et donc l’adaptation de la végétation, avec en particulier une forte extension de la toundra plus ou moins arborée selon les lieux. On doit aussi relever l’importance du pergélisol, un sol gelé en profondeur plus de deux ans de suite. S’il est globalement discontinu dans la région, une nette césure ouest/est apparait : il couvre 50 à 90 % des surfaces dans l’intérieur des terres à l’est mais devient sporadique dans la zone côtière en ne couvrant plus que 10 à 50 % des surfaces.

Le changement climatique se traduit par une fonte du pergélisol, la montée des températures estivales, voire - parfois - le développement l’été de feux de toundra, comme en 2015. On assiste en particulier le long du littoral ou dans certaines basses vallées fluviales à un sensible recul de la couche superficielle du pergélisol sous les effets du changement climatique et de l’érosion. Ce processus cumulatif aboutit à fragiliser les assises de certains sites villageois posés à fleur d’eau dans des zones amphibies

Dans la région du delta de la Kuskokwim par exemple, située plus au sud (hors image), le dégel du pergélisol et les processus d’érosion de la côte ou des rives fluviales conjuguent ainsi leurs effets sur les villages les plus proches des eaux comme Napakiak, Quinhagak, Network... Ceux-ci doivent donc être relocalisés et transférés vers des sites d’abri plus élevés afin d’être mieux protégés. Le village de Newtok de 350 habitants, entouré par les fleuves Ninglik et Newtok, est ainsi transféré au sud-est à 15 km de distance sur l’île Nelson dans le nouveau village de Mertarvik situé sur un piton volcanique stable.

 


Répartition de la population

 

 


Le pergisol

 

 

Ces petites communautés villageoises ont parfois été présentées dans la presse et par certaines ONG ces dernières années comme les « premiers déplacés environnementaux ». Dans ce contexte, il convient de souligner que la question du déplacement du village de Newtok était déjà posée depuis plus de quinze ans et que certains villages ont déjà été déplacés dans les années 1940. L’actuel village d’Emmonak, à 7 m. d’altitude, remplace ainsi en 1964 le vieux village de Kwiguk qui était installé 1,5 mile plus au sud qui fut endommagé par une crue.

Dans bien des cas, ces transferts de quelques kilomètres sont largement négociés avec les communautés concernées, largement subventionnés par les autorités publiques fédérales ou d’Alaska, et permettent une large rénovation et mise à niveau du bâti, des infrastructures (aérodrome, centre communautaire, école, énergie, eau potable, tout-à-l’égout, traitement des déchets et des eaux usées...) et des services offerts.  

De plus, il convient aussi de souligner que le froid garde toujours une très large emprise considérable sur tout ce territoire. Paradoxalement, dans une région où les pistes et routes sont quasi-absentes et où les canots à moteur ou les avions légers assurent l’essentiel des liaisons, l’hiver et le gel favorisent certaines mobilités. Ainsi, le Yukon et ses affluents gelés sont utilisés comme des axes privilégiés de transport durant les mois les plus froids, entre novembre et avril, alors que les cartes indiquent en général les pistes des « ice roads » ou des « winter trail » hivernaux.  

La construction d’un très vaste delta arctique par accumulation

Dans ce contexte la topographie et la morphologie, terme qui désigne les formes des reliefs et des paysages, jouent un rôle majeur à l’échelle régionale et locale dans l’organisation de l’espace du delta, comme l’indiquent les différentes couleurs des images zooms.

 

Au nord et à l’est se trouvent des moyennes montagnes et des zones de collines (cf. Nulato Hills) dont certaines s’étagent de 300 à 900 m d’altitude. Elles sont complétées par des pointements isolés ou des petites chaînes littorales (cf. Askinuk Mountains), parfois d’origine volcanique. Le reste de l’image est composé de basses terres relativement planes. Sur les images zooms (cf. zooms 1, 2, 3 et 5), le contraste de couleur - et donc de végétation - est saisissant entre les hauts plateaux (Upland) d’un côté, et les basses vallées fluviales (Riverine, Lowland) et la plaine côtière (Coastal, Coastal Plain) de l’autre.

 


Physionomie des paysages

 

 

Les basses terres sont des espaces amphibies dans lesquels s’étalent très largement les systèmes fluviaux, principaux ou secondaires ; alors que les hautes terres sont des plateaux certes mal drainés mais qui sont hors de portée de la recomposition permanente des eaux fluviales. Dans la tête active du delta actuel, la césure est nette et bien visible dans la région de Kotlik (zoom 2). Parfois, les pointements montagneux qui arrivent à percer l’importante couche de dépôt servent de point de repère dans ces immensités très planes (cf. Kusilvak Mnt. à 683 m., zoom 5).  

Comme nous l’avons vu, 208 km³ d’eau par an débouchent à l’entrée droite de l’image pour rejoindre la mer, pour l’essentiel en juin, juillet et aout.  Dans cette plaine côtière - 70 % de l’image se trouve à moins de 30 m. d’altitude - le Yukon charrie d’immenses quantités de sédiments, comme en témoignent la couleur marron sable de son cours, la masse en suspension en mer le long du littoral ou la construction au sud d’îles ou de flèches littorales par ces sédiments remobilisés par les courants marins. Le phénomène et brutal et spectaculaire : 95 % de la charge sédimentaire transportée par an l’est entre les mois de mai et de septembre. Celle-ci croît ces dernières décennies du fait du changement climatique, de la fonte et du recul du permafrost dans le bassin du fleuve libérant des masses considérables de matériaux sédimentaires.
 
Les structures morphologiques, topographiques, hydrologiques et paysagères du delta sont donc très instables et dynamiques du fait de la vivacité des processus d’érosion et d’accumulation, qui expliquent l’importance des dépôts maritimes, fluviaux et éolien (lœss). Les études montrent que de grandes transformations affectent 16% du système littoral en six décennies. Le fleuve lui-même se ramifie en de nombreux bras qui serpentent à travers les basses terres. Les hommes et leurs habitats doivent donc d’adapter en permanence à ces structures, largement instables et souvent temporaires.  

Un territoire éclaté organisé en systèmes d’isolats

Comme nous l’avons vu, la surface de l’image couvre environ 47 000 km² et est peuplée de seulement 9300 habitants, soit une densité très faible de 0,2 hab./km². En fait, l’espace du delta est polarisé par la petite capitale régionale de Bethel, peuplée de 6600 habitants, qui se trouve plus au sud (hors image) sur le cours de la puissante Kuskokwim River. Reconnue administrativement dès 1957, elle accueille les services de base nécessaires aux communautés dispersées dans le delta ; ce qui y explique en particulier la relative faiblesse (62 %) de sa population autochtone. La population autochtone - classée comme « Alaska Natives » - est dans cet espace essentiellement constituée de Yupiks, qui regroupe environ 34 000 individus et dont Bethel est en quelque sorte la « capitale ».  

 

Les 9300 habitants de l’image sont regroupés dans 15 communes, en général organisées par un gros village, quelques hameaux et un habitat très dispersé. La population de ces unités présente plusieurs caractéristiques démographiques et socio-économiques spécifiques. Les Autochtones y sont totalement dominants, puisque partout ils représentent plus de 90 % de la population résidente. Le delta connait une sensible croissance démographique ces dernières décennies - + 165% entre 1960 et 2020 - du fait en particulier de l’amélioration des conditions sanitaires et sociales, ce qui se traduit par une population très jeune : les moins de 18 ans représentent entre 40% et 56% de la population totale selon les villages. Nous sommes là dans un territoire en pleine transition démographique. Les revenus monétaires sont limités du fait de la faiblesse des ressources et le niveau de pauvreté est souvent sensiblement plus élevé que la moyenne des États-Unis.  

Comme les montrent bien les images zooms, à l’échelle du delta, le système de peuplement est organisé sous forme d’isolats plus ou moins intégrés et interconnectés. La rudesse du climat, les distances, l’absence de pistes, le coût des transports (...) se traduisent par un puissant phénomène de cloisonnement et d’isolement. Dans de nombreux cas, la piste d’un petit aérodrome, souvent bien repérable sur les images - témoigne du rôle névralgique de l’avion dans les liaisons économiques et humaines.    

 


Statut des territoires

 

 

Avec un tiers de la population de l’image, soit 3000 personnes, et six villages, qui s’étalent de Russian Mission à l’amont à Mountain Village à l’aval, la vallée intérieure du Yukon joue un rôle majeur et se structure comme un chapelet de villages. Entre Mountain Village et Saint Mary’s se déploie d’ailleurs une des rares pistes de la région. Avec presque 900 habitants et l’accueil du district scolaire du Bas Yukon, Mountain Village fait presque figure de petite capitale locale (zoom 1).   

A l’opposé, les deux tiers de la population se répartissent dans des structures littorales ou proches du littorales organisées en quatre sous-ensembles. Au sud, le pôle Scammon Bay - Hooper Bay - Chevak - qui semble déjà tourné vers Bethel - polarise 31% de la population. Sur le delta même, le pôle Nunam Iqua - Alakanuk - Emmonak accueille 19 % de la population. Bien isolé, Kotlik est peuplé de 640 habitants, alors qu’au nord le duo Stebbins - St Michael accueille 10% de la population régionale.

La stratégie de protection de la nature : de la gestion durable du saumon à l’YDNWR

Du fait de sa position et de ses caractéristiques, le delta du Yukon constitue un site d’une grande diversité et d’une grande richesse avec une faune sauvage importante. C’est un des grands sites arctiques de migration et de nidification pour les oiseaux. La pêche, la chasse et la trappe (Saumons, beluga, morses...) sont des ressources traditionnelles majeures des communautés autochtones. Et le développement de l’éco-tourisme est souvent présenté comme un relais de diversification des économies locales.      

 

Mais comme l’illustre le cas du saumon, ces ressources naturelles demeurent fragiles et doivent s’inscrire dans une mise en valeur durable et contrôlée. Le delta du Yukon est en effet l’un des principaux sites mondiaux de ponte des saumons - Chinook, coho, chum... - qui remontent le fleuve et ses affluents. Pilot Station est d’ailleurs équipée d’un sonar qui évalue chaque année le nombre de saumons remontant le Yukon. L’effondrement du nombre de saumons adulte revenant à la mer dans les décennies 1980/2000 a conduit l’US Department of Commerce à promouvoir une Federal Disaster Declaration en 2008/2009 débouchant avec l’arrêt complet mais temporaire de la pêche. En 1990 est créée une Yukon River Drainage Fisheries Association afin de mieux associer dans une logique systémique de bonne gestion des ressources représentants des villages de pêcheurs, responsables des pêcheries et autorités publiques.  En 2001, les gouvernements canadien et étasunien signent le Yukon River Salmon Agreement afin de mieux coordonnée une gestion internationale de l’exploitation de la ressource dans ce bassin fluvial transfrontalier.  Au total, tout un système de gestion et de suivi est mis en place qui repose sur une logique fine de territorialisation des espaces du delta.

Mais surtout, dans le delta du Yukon, la stratégie de gestion de la protection de la nature repose sur la constitution emblématique du YDNWR dès le début du XXe siècle. Couvrant 77 551 km², soit plus un territoire plus important que la superficie de la Région Occitanie française, le refuge faunique national du delta du Yukon - ou Yukon Delta National Wildlife Refuge - YDNWR - est une grande réserve naturelle protégée. De statut fédéral, elle est aujourd’hui administrée par une agence fédérale, l’US Fish and Wildlife Service. Créée en 1909 sous la Présidence de Theodore Roosevelt, il est intégré par le Président Jimmy Carter à l’Alaska National Interest Lands Conservation Act.

 


Découpe spatiale

 

 


Le delta du Yukon

 

 

Cette région côtière du fait de ces caractéristiques naturelles présente comme nous l’avons vu une faune importante et diversifiée : canards, oies sauvages, grues, morses, phoques, belugas, caribous... Comme le montre la carte, ce processus aboutit à la création d’un vaste espace bien délimité et hiérarchisé qui organise des gradients différenciés de protection sur un espace il est vrai désertique et sur lequel la pression anthropique demeure d’autant plus limitée que - contrairement au rivage de la Mer de Beaufort - il ne semble pas y avoir de ressources énergétiques à exploiter (cf. région des champs de Prodhoe Bay).

 

Zooms d’étude

 

Zoom 1.  La haute vallée du Yukon

Cette image couvre la haute vallée du Yukon lors de son entrée dans l’image. Entre la retombée des Nulato Hills au nord et les plateaux élevés au sud, le passage est relativement restreint avant de s’élargir à nouveau vers l’ouest. L’énergie dégagée par les crues du fleuve est alors considérable.  

On trouve dans cet espace six villages qui polarisent 3000 habitants, soit un tiers de la population régionale. Ils sont « incorporés », c’est-à-dire reconnus comme entité entre 1967 et 1970. A l’est, Russian Mission (350 hab.) - hors image zoom, mais visible sur l’image générale - doit son nom à l’installation d’un poste de traite par les négociants russes de la Russian-American Compagny en 1842. Ce village ne prend cependant le nom de Russian Mission qu’au début du XXe siècle alors que la Russie a vendu l’Alaska aux États-Unis en 1867.
Le fleuve et sa vallée fonctionnent comme un chapelet de petites unités, dont on peut parfois identifier la piste de l’aérodrome.  Si Marshal (460 hab.) et Pilot Station (625 hab.) se trouvent bien isolés, le seul ruban de piste terrestre de l’image se déploie sur le triptyque constitué par Saint Mary’s (568 hab.), Pikas Point (125 hab.) et Mountain Village (877 hab.). Ancrés sur la rive droite du Yukon, ces trois sites bénéficient de la retombée des hautes terres sur le fleuve, alors qu’à l’opposé la rive droite du fleuve est très basse et souvent remaniée par les crues.

 


Vallée du Yukon

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 2. Le delta actuel du Yukon et Kotlik

Sur cette image, le Yukon étale largement en forme d’éventail son immense delta le plus récent qui s’avance sur l’océan par une multitude de bras et d’îles. On y trouve ainsi une multitude de « pass » ou de « slough », plus ou moins hiérarchisés. Au large, les eaux marines sont largement colorées par les sédiments apportés par le fleuve. La différence entre la zone amphibie du delta en vert et des hautes terres de l’est, en blanc, témoigne du rôle des reliefs dans l’organisation de l’espace.

La seule présence humaine apparente est le village de Kotlik, situé tout à l’est sur un des bras les plus extérieurs du delta ; on en repère bien de l’espace la piste de son aérodrome.
Incorporé en 1970, la commune est composée du village principal Kotlik et de pôles secondaires comme Hamilton, Bill Moores ou Choolunawick. Cet ensemble est peuplé de seulement 640 habitants, à 94 % Autochtones, soit 7 % de la population régionale.

 


Delta du Yukon

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 3. Le versant sud du delta : le trio Emmonak, Alakanuk et Nunam Iqua

Cette image couvre le cours du bras principal du Yukon, Kwikluak Pass, alors que le grand bras secondaire de Kwilpak Pass continue vers le nord. Là encore l’opposition géographique entre basse plaine, plaine côtières et hautes terres intérieures est bien lisible.

La région est peuplée par trois villages : Emmonak, Alakanuk et Nunam Iqua qui forment un petit ensemble régional plus ou moins intégré. Incorporés entre 1964 et 1974, ces trois villages polarisent 1.800 habitants, soit 19 % de la population régionale, avec Emmonak comme pôle principal (819 hab.), devant Alakanuk (774 hab. ; 56 % moins de 18 ans) et Nunam Iqua (200 hab.). Rappelons pour mémoire qu’Emmonak, situé à 7 m. d’altitude sur la rive droite de la Kwiquk Pass, remplace en 1964 le vieux village de Kwiguk qui était installé 2,5 km plus au sud et qui fut endommagé par une crue.

 


Emmonak, Alakanuk et Nunam Iqua

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 4. La region Nord : l’isolat Stebbins/Saint Michael

Nous sommes ici au nord de la grande Pastol Bay, au-delà du delta en allant vers le Norton Sound. Les basses terres laissent ici la place aux plateaux qui occupent la partie centrale et vers l’est aux petites chaînes de montagne. Chaque milieu présente ses propres caractéristiques ; cette juxtaposition souligne la grande diversité de la mosaïque arctique.
 
Les hommes se réfugient ici au bord de la mer, dans la presqu’île de Michael Island, qui précède Stuart Island. Les héritages volcaniques sont bien présents. Redoubt St Michael est fondée en 1833 par des marchands de la Russian American Compagny qui y installent un poste de traite avec les Autochtones. St Michael connait son heure de gloire lorsqu’il est transformé en poste militaire en 1897 afin de mieux contrôler la Ruée vers l’Or qui balaye alors la basse vallée du Yukon. Tous les deux sont incorporés en 1969 ; Stebbins est un village de 575 habitants et St. Michael de 414 habitants, à 94 % peuplés d’Autochtones. Il représente un petit pôle septentrional qui rassemble 10 % de la population régionale.

 


Stebbins et Saint Michael

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 5. Le versant Sud : Scammon et Hopper Bay

Dans la région méridionale, l’espace demeure profondément marqué lui aussi par la morphologie deltaïque, même si le Yukon repart vers le nord en abandonnant la région à deux de ses rivières secondaires, dont la Kashunuk River. Mal drainée par des rivières secondaires dont le lit est instable, encombré et sinueux, cette plateforme progressivement conquise sur la mer témoigne bien au nord de l’avancée progressive vers le large du delta avec ses bourrelets aux formes concaves. De la masse des dépôts émerge les Kusilvak Mountains qui culminent à 683 m. Par contre à leur pied s’étend la vaste cuvette du Nunavakanuk Lake, qui à -1,2 m est le point le plus bas de l’Alaska.

Le littoral est encombré de dépôts alluvionnaires livrés par le Yukon et remobilisés par les courants marins qui vont construire au large de Scammon Bay une succession de basses îles, les Sand Islands. Plus au sud, les baies de Kokechik et Hopper voient se créer des flèches littorales qui témoignent d’un vaste processus de régularisation du littoral par les courants marins qui longent la côte.  

Là encore, dans cet ensemble, l’homme est rare et se réfugie en bord de mer. Ce petit pôle de 2.800 habitants regroupe pour autant 31 % du total régional. Il s’organise autour des villages de Scammon Bay (534 hab.), Hooper Bay (1200 hab.) et Chevak (1000 hab.).

 


Baies de Scammon et Hooper

 

 


Repères géographiques

 

 

D’autres ressources

Sur le site CNES Géoimage : quelques dossiers sur le Grand Nord Arctique

Camille Escudé-Joffre : Le détroit de Béring : fenêtre, frontière et interface géostratégiques entre Océans glacial arctique et Océan pacifique, entre Russie et Etats-Unis
/geoimage/le-detroit-de-bering-fenetre-frontiere-et-interface-geostrategiques-entre-oceans-glacial

Antoine Séjourné : Russie. Péninsule de Yamal : le dégel du pergélisol dû au réchauffement climatique et ses conséquences sur le climat
/geoimage/russie-peninsule-de-yamal-le-degel-du-pergelisol-du-au-rechauffement-climatique-et-ses

Andréa poiret : Groenland - Ilulissat et la baie de Disko : le tourisme international dans un Grand Nord patrimonialisé
/geoimage/groenland-ilulissat-et-la-baie-de-disko-le-tourisme-international-dans-un-grand-nord

Cara Loizzo : Russie - Yamal : le front pionnier énergétique russe dans un espace extrême de l’Arctique sibérien
/geoimage/russie-yamal-le-front-pionnier-energetique-russe-dans-un-espace-extreme-de-larctique

Stéphane Dubois : Russie - Sibérie. Le delta de la Léna : un laboratoire des changements multiformes du Grand Nord Arctique
/geoimage/russie-siberie-le-delta-de-la-lena-un-laboratoire-des-changements-multiformes-du-grand-nord

Aude Monnet : Russie - Norilsk : la ville du nickel, un pilier arctique et sibérien de la puissance russe
/geoimage/russie-norilsk-la-ville-du-nickel-un-pilier-arctique-et-siberien-de-la-puissance-russe

Sites spécialisés

Yukon Delta NWR : accès aux cartes topographiques détaillées du delta
https://www.fws.gov/r7/nwr/Realty/data/GeoPDFPortal/YKD-Index.pdf

Alaska. Carte en ligne sur le statut juridique et administratif du foncier
https://fws.maps.arcgis.com/apps/webappviewer/index.html?id=3eed8d6b30ea443dafe4380d70d0fa5e
 
Alaska. YDNWR. Carte de synthèse des statuts fonciers
https://www.fws.gov/uploadedFiles/Guide%20Use%20Area%20Map%20YKD(1).pdf

Permafrost Laboratory, University of Faibanks, Alaska
Carte du permafrost en accès libre et téléchargement, date de 2008
https://permafrost.gi.alaska.edu/sites/default/files/AlaskaPermafrostMap_Front_Dec2008_Jorgenson_etal_2008.pdf

Le site du NSF Arctic data Center
https://arcticdata.io/

Le site de l’US National Snow and Ice Data Center
https://nsidc.org/
Site du parc national du Yukon et du National Wildlife Refuge System
https://www.fws.gov/refuge/yukon_delta/

Carte du parc national
https://www.fws.gov/refuges/find-a-wildlife-refuge/?refuge=Yukon+Delta+National+Wildlife+Refuge

Cartes en ligne
https://www.fws.gov/r7/nwr/Realty/data/GeoPDFPortal/YKD-Index.pdf

Site de la Yukon River Drainage Fisheries Association
https://yukonsalmon.org/

La gestion durable du saumon : les données de la station de Pilot Station sur le Yukon (site de l’Alaska Dept. of Fish en Game)
https://www.adfg.alaska.gov/index.cfm?adfg=commercialbyareayukon.salmon_escapement

Bibliographie de l’auteur

Laurent Carroué : Atlas de la mondialisation. Une seule terre, des mondes. Coll. Atlas, Autrement, Paris, 2020.   

Laurent Carroué : Géographie de la mondialisation. Crises et basculements du monde, coll. U, Armand Colin. 2019.

Contributeur

Proposition : Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Éducation nationale, du sport et de la recherche, et directeur de recherche à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII)