Publié le 29 janvier 2021
C’est un article qui fera date. Pour la 1ère fois, les débris spatiaux en orbite basse (situés à une altitude inférieure à 2 000 km) sont classés en fonction de leur dangerosité pour les satellites opérationnels par une équipe qui comprend notamment des experts de Chine, des États-Unis et de la Russie. La France via le CNES fait partie des signataires de ce papier historique publié le 22 janvier 2021 par Acta Astronautica et dont les résultats avaient déjà été présentés, en octobre 2020, lors du 71e Congrès international d’astronautique (IAC2020).
L'impact factor des débris spatiaux
Ce Top 50 des débris statistiquement les plus préoccupants repose sur l'agrégation des listes établies par 11 méthodes différentes. Ces 11 méthodes ont estimé le risque de génération de nouveaux débris à partir de formules prenant en compte la masse de l’objet en orbite, sa probabilité de collision avec un autre débris ou un satellite opérationnel et la persistance des nouveaux débris générés. L’une de ces méthodes est estampillée CNES et intègre plus de 40 années de travail, notamment sur le calcul de fragmentation en cas de collision. Elle a été utilisée et perfectionnée par Juan-Carlos Dolado-Perez et Vincent Ruch, ingénieurs au CNES et co-auteurs de l'article scientifique.
« Pour la 1ère fois, on a un papier signé par des Chinois, des Russes et des Américains listant les 50 débris les plus dangereux en orbite basse. C’est un travail remarquable » souligne Christophe Bonnal, expert des débris spatiaux à la direction des lanceurs du CNES.
« Ce Top 50 ne veut pas dire qu’il n’y a que 50 débris dangereux, les n°51 et 52 sont tout autant menaçants que le débris n°50. On dénombre plus de 5 000 objets entiers – et donc particulièrement problématiques – en orbite basse. »
Quels sont les 50 débris les plus préoccupants ?
En grande majorité, les objets les plus préoccupants sont des étages de fusées : ils sont 39 dans ce Top 50 — les 11 autres étant des satellites hors service. Quarante ont été placés en orbite avant les années 2000. Quarante-trois sont d’origine soviétique ou russe, 4 objets sont japonais, 2 objets sont européens et un objet est chinois.
« Les 20 premiers débris sont d’anciens étages de lanceurs soviétiques, notamment les énormes étages de fusées Zenit de 9 tonnes et 9 m de long. Chaque mois, 2 étages de Zenit passent à moins de 100 m l’un de l’autre ! S’ils se percutent de face, on double la population de débris en orbite » précise l’expert du CNES. À noter qu’aucun débris américain n’est présent dans ce Top 50.
« Nous travaillons actuellement au niveau européen pour bâtir notre propre catalogue des objets en orbite dans le cadre du programme EU SST, présidé par le CNES. La France est leader en Europe sur la surveillance de l'Espace avec des dispositifs tels que le radar GRAVES et le Centre d'orbitographie opérationnelle à Toulouse. »
Nettoyer L'espace
Pour les auteurs de l'article, ce Top 50 doit servir de base pour déterminer quels débris doivent être retirés en priorité. « Si on retire 5 à 10 débris par an, on pourrait arriver à stabiliser la population de débris en orbite basse. Des solutions techniques existent. En décembre 2020, l’Agence spatiale européenne a commandé le 1er désorbitage d’un débris en orbite à la startup suisse ClearSpace dans le cadre du projet Adrios de l'ESA, afin d'aller chercher en 2025 un élément d’un lanceur Vega de 2 m x 2 m et de 110 kg. » Chaque année, une dizaine de satellites sont mis hors service, victimes d'un débris.
Mais le nettoyage des orbites terrestres fait face à des problèmes d’ordre juridique et surtout financier. Retirer un gros débris coûte entre 10 et 30 millions d’euros. Pour Christophe Bonnal, plus que l’idée d’un partage des coûts entre opérateurs internationaux, de taxes, de contribution via des assurances (peu souscrites), la voie la plus prometteuse est celle de l’essor des services commerciaux en orbite, en anglais « in-orbit services », et de satellites inspecteurs-réparateurs. « On pourrait imaginer qu’à la fin de leur vie, ces satellites « couteau-suisse » récupèrent les débris pour nettoyer les orbites basses. » La pérennité des activités spatiales en dépendra.