D'après une publication de la Nasa datée de 2015, une grande partie de l'atmosphère de Mars aurait disparu à cause du Soleil. En 2001 et 2005, il aurait provoqué la perte de plusieurs satellites de télécommunication. En 1989, le Canada subissait un black out monumental après que les transformateurs électriques du pays aient sauté sous l'effet d'une tempête solaire. Plus couramment, ces tempêtes peuvent perturber le champ magnétique et l’ionosphère terrestre au point de retarder ou perdre le signal GPS reçu par un avion. Comprendre la cyclicité et l'intensité des colères de ce tempétueux roi du système solaire permettrait d'anticiper leurs effets. C'est tout l'objet d'un domaine de recherche apparu dans les années 1990, la météorologie de l'espace. "Actuellement, notre niveau de connaissance en météorologie spatiale correspond à celui de la météorologie terrestre il y a cent ans", compare Iannis Dandouras, directeur de recherches au CNRS et responsable de l'expérience CIS (Cluster Ion Spectrometry) au sein de la mission Cluster.
Un ralentissement en amont du champ magnétique
Dans cette simulation, la magnétosphère est en bleu profond (à gauche), avec en son centre, la Terre. Elle est circonscrite par une fine couche brillante, la magnétopause, elle-même recouverte d'une magnétogaine que délimite un arc de cercle appelé le choc d'étrave. Le vent solaire bute contre le choc d'étrave, ce qui forme une zone perturbée hors de la magnétogaine, représentée par des formes hélicoïdales.
Crédits : Vlasiator team, University of Helsinki
Depuis son lancement en 2000, la mission Cluster observe les interactions entre notre magnétosphère et le vent solaire. Composé d'ions et d'électrons expulsés par le Soleil, ce vent de plasma s'éloigne de l'astre à la vitesse de 400 km/s en moyenne, ce qui lui permet d'atteindre la Terre en moins de 3 jours. Lors d'une tempête solaire, l'étoile "bouillonnante" éjecte cette matière chaude en abondance avec pour résultat l'intensification du champ magnétique du vent solaire et l'augmentation de la densité de ses particules de haute énergie.
De tels orages sont assez fréquents mais la Terre s'en protège grâce au bouclier formé par son propre champ magnétique. Lorsque les ondes orageuses arrivent au voisinage de la Terre, elles sont ralenties bien en amont de la magnétosphère car celle-ci agit sur son voisinage. C'est dans cette zone, en amont de la magnétosphère, de la magnétopause, de la magnétogaine et du choc d'étrave qui est un peu le garde-frontière, que les satellites Cluster ont observé les effets de 4 tempêtes solaires survenant entre 2001 et 2004.
Quand les ions perturbés nous parlent d'une réaction en chaîne
Afin de caractériser les particules ioniques se trouvant dans cette zone de ralentissement, l'Institut de recherches en astrophysique et en planétologie (IRAP) de Toulouse a développé un spectromètre avec le soutien du CNES. Ce spectromètre appelé CIS est à bord des 4 satellites qui forment la mission Cluster avec 10 autres instruments. "Il nous renseigne sur la composition chimique des ions, leur densité, leur vitesse de déplacement, leur température, ... et leur évolution en fonction de l'activité du soleil, souligne Iannis Dandouras. Nous avons mis en évidence qu'au cours d'un orage solaire, le vent solaire était plus dense, les populations d'ions changeaient fortement de caractéristiques et les ondes générées dans cette zone se complexifiaient. Ce résultat est la première observation confirmant que les orages solaires modifient profondément l'environnement spatial en amont de la magnétosphère".
À gauche, représentation du vent solaire percutant le choc d'étrave par temps calme. À droite, représentation du vent solaire percutant le choc d'étrave lors des tempêtes solaires.
Crédits : Vlasiator team, University of Helsinki (lien vers la vidéo)
En aval du choc d'étrave, le champ magnétique terrestre entre en résonnance avec les ondes complexes engendrées par le passage de la tempête de plasma. Bien que ces phénomènes se situent à plus de 90 000 km (14 rayons terrestres), cela prend moins de 10 minutes pour que l'énergie générée par ces turbulences parvienne à terre. Ces réactions physiques en chaîne nécessitent d'être mieux appréhendées pour limiter leurs incidences à terre, mais aussi développer l'exploration spatiale en toute sécurité. Comprendre comment se propagent ces orages au-delà de l'environnement spatial de la Terre, c'est précisément l'objet de la mission européenne Solar Orbiter dont le lancement est prévu en mars 2020.
Pour aller plus loin
L. Turc et al, First observations of the disruption of the Earth’s foreshock wave field during magnetic clouds, Geophysical Research Letters
Contact
Iannis Dandouras
Responsable du CIS à l'Institut de recherches en astronomie et planétologie de Toulouse (IRAP)
Tel : 05 61 55 83 20
Mail : idandouras at irap.omp.eu