L'année a été fructueuse pour TELEO ! Le CNES, Airbus Defence and Space et la start-up OGS Technologies ont conclu avec succès une année d’opérations de ce démonstrateur « made in France ».
La démonstration TELEO avait pour objectif de valider en vol la capacité de l’écosystème industriel français à réaliser des communications par laser très haut débit depuis et vers l’orbite géostationnaire (36 000 km d’altitude). De la classe multi-gigabits par seconde, ces liens de télécommunication offrent des débits 10 à 100 fois plus élevés que les solutions de connectivités actuelles (systèmes spatiaux utilisant des technologies radiofréquences).
Les communications laser, une précision sans pareille
Après les satellites électriques et numériques, le CNES développe avec et pour l’industrie de nouvelles briques technologiques, dont les liaisons optiques. Entre autres atouts ? Le faisceau optique est très directif et, de fait, très peu sensible aux interférences et au brouillage. Émis depuis l’orbite géostationnaire à 36 000 km d’altitude, un laser infrarouge « illumine » au sol une zone de quelques centaines de mètres, contre des dizaines à des milliers de kilomètres avec les solutions traditionnelles radiofréquences !
Dans l’espace : la charge utile, conçue et opérée par Airbus France, lancée en mai 2023 à bord du satellite de télécommunications ARABSAT BADR8. Au sol : FrOGS, la station optique du CNES située à l’Observatoire de la Côte d’Azur, conçue et réalisée pour le CNES par un consortium industriel 100% français (OGS Technologies, Safran Data Systems, Bertin ALPAO, et Airbus).
Le succès de la démonstration TELEO, développée et exécutée en un temps record, est le symbole de la coopération réussie entre l’agence spatiale française, le CNES, un maître d’œuvre, Airbus et une start-up, OGS Technologies.
Après une première phase de six mois visant à vérifier la bonne santé en orbite de la charge utile et son aptitude à réaliser les premiers liens laser très haut débit avec la station, les six mois suivants ont été mis à profit pour accumuler des résultats uniques en leur genre. Les liaisons optiques entre la charge utile de TELEO et la station FrOGS ont permis :
- de démontrer la capacité de la charge utile de TELEO à détecter et à pointer finement la station sol et réciproquement (équivalent à viser un ballon de rugby à plus de 100 km !),
- de démontrer la fiabilité et la robustesse des liaisons TELEO-FrOGS dans un large éventail de conditions opérationnelles : de jour comme de nuit, à proximité du soleil, sous multiples conditions de vent et d’atmosphère…,
- de démontrer les capacités des liens optiques à assurer des transmissions bidirectionnelles à très haut débit (jusqu’à 9 Gbps testés dans le cadre de la démonstration), grâce notamment aux techniques d’optique adaptative robustes et industrielles introduites dans FrOGS (technique empruntée à l’astronomie, classiquement utilisée pour compenser les distorsions des images causées par la turbulence de l’atmosphère terrestre),
- de constituer une archive unique de données expérimentales, ne se limitant pas aux seuls essais de transmission de données, mais qui viendra aussi alimenter des projets de R&D industriels et scientifiques.
TELEO et FrOGS en quelques chiffres clefs
- 1ère démonstration mondiale d’un lien optique Terre-Espace avec un satellite géostationnaire, permettant des communications bidirectionnelles modulées à 10 GigaBauds avec débit utile descendant paramétrable entre 750 Mbps et 9 Gbps,
- 22 jours cumulés de démonstration mettant en jeu TELEO et FrOGS,
- Plus de 66 heures d’expérimentation entre TELEO et FrOGS, dont près de 60 heures en communication active,
- 500 paramètres mesurés en continu à bord du satellite et 50 paramètres en provenance de la station-sol FrOGS rapatriés de manière périodique au centre de contrôle.
Vers une nouvelle génération de télécommunications spatiales
Introduite dès 2020 dans notre feuille de route, puis préparée par un avant-projet mené par son initiateur et maître d’œuvre Airbus, cette démonstration était l’occasion pour l’écosystème industriel français de confirmer sa maîtrise de cette technologie de rupture. Cette étape s’inscrit dans la continuité des activités de R&D supportées par le CNES sur les technologies radiofréquences et qui ont permis la mise en service en 2023 du satellite Konnect VHTS, doté d’une capacité de 500 Gigabits par seconde (Eutelsat).
Les liens optiques entre le sol et l’orbite géostationnaire vont permettre à l’écosystème industriel français de franchir une nouvelle étape en termes de très haut débit par satellite. La démonstration TELEO, ainsi que les activités de développement technologiques menées en parallèle sous notre conduite, favoriseront en effet des systèmes dotés de capacités de la classe Térabit par seconde et de nouvelles solutions de connectivité très haut débit entre deux sites isolés, non desservis par la fibre optique terrestre.
Grâce au succès de la démonstration, la crédibilité de ces technologies optiques spatiales est confirmée. Cette réussite devrait inciter des opérateurs SatCom à les introduire dans la future génération de satellites qui profiteront au grand public, particulier ou professionnel.
Grâce à cette réussite et aux projets de développements technologiques en cours d’achèvement sous la supervision du CNES, l’écosystème industriel français est désormais prêt à proposer des applications spatiales de rupture pour les liens optiques. L’augmentation d’un facteur 1000 de la bande passante des communications Terre-Espace sans risque de brouillage, ou des liaisons de plusieurs dizaines de gigabits par secondes entre deux infrastructures sol isolées sont désormais à portée de main. Cette démonstration a planté les graines d’une possible révolution future comparable à l’introduction de la fibre optique dans les réseaux terrestres !
Plusieurs projets pour une révolution
Diverses activités, menées sous notre supervision, ont favorisé l’émergence d’applications pour les liaisons laser.
D’un côté, la démonstration TELEO a été développée et réalisée dans le but de faciliter l’introduction de cette technologie de rupture, sous la responsabilité d’Airbus et dans le cadre de notre projet DYSCO.
La station FrOGS, quant à elle, a été conçue sous la responsabilité d’OGS Technologies pour de multiples usages (lire encadré). Pour sa configuration dédiée à TELEO, elle a bénéficié des premières briques technologiques prototypées dans le cadre du projet « France Relance » CO-OP (COmmunication Optique), que nous pilotons, et constitué d’un consortium de 17 partenaires coordonnés par Airbus.
FrOGS, une station multifonctions
FrOGS (French Optical Ground Station), la station utilisée pour la démonstration TELEO, est le fruit d’un partenariat entre le CNES et plusieurs industriels français dont OGS Technologies, une start-up fondée en 2020. Celle-ci a fourni le design de la station et piloté sa réalisation et sa validation. La station se veut un outil multifonctions permettant des liens avec des satellites géostationnaires comme pour TELEO, mais aussi avec des satellites défilant en orbite basse pour de la transmission de données, de la mesure de distance ou du partage de clefs quantique (QKD). À ce titre, le projet Airbus France/CNES LASIN sur un des satellites CO3D permettra, à l'été 2025, d'offrir les premiers liens de communication laser en orbite basse avec cette station, dans une configuration dédiée à cette application dite « Direct-to-Earth ». La version spécifiquement adaptée à TELEO préfigure les futures stations sol optiques « TeraBit » commerciales proposées par une nouvelle filière industrielle française.
Je suis très fier de la jeune équipe de OGS Technologies qui a fourni au CNES une nouvelle station optique sol dans des temps très courts pour répondre au besoin de la démonstration TELEO. Les performances réalisées par cette station pour les télécoms optiques sont au meilleur niveau mondial, avec une robustesse des liens optiques très prometteuse pour les futurs services commerciaux qui seront basés sur cette technologie émergente. OGS Technologies se positionne ainsi aujourd'hui comme un leader pour le déploiement de stations optiques sol.
À travers FrOGS, le CNES illustre sa capacité à innover et à déployer une expertise technique de pointe tout en travaillant main dans la main avec un écosystème industriel pluriel et dynamique sur le sujet des transmissions optiques. Cette collaboration place la France dans les premiers rangs des nations engagées dans les communications du futur.
Le projet CO-OP a pour objectif de préparer le consortium français qui le compose à proposer de futurs systèmes opérationnels de télécommunications optiques bidirectionnelles avec des satellites en orbite géostationnaire. Il devrait directement bénéficier des données expérimentales collectées dans le cadre de la démonstration TELEO.
