« Quand j’étais en poste au CNES, pour gérer les risques de collision de plusieurs centaines de satellites en orbite, on utilisait 90 % de données d’origine américaine », se souvient Juan Carlos Dolado Pérez, ancien chef du service surveillance spatiale.
Face à ce manque d’autonomie stratégique française et européenne, il cofonde en 2022 avec le général Michel Friedling, ancien commandant de l’Espace, la société Look Up Space, spécialisée dans la surveillance et la sécurité des opérations spatiales civiles et militaires. « Notre mission est de développer une solution souveraine 360° qui va de l’observation jusqu’à l’action », résume-t-il.
Un réseau de radars permet de scruter en permanence les objets sur chaque orbite. Une plateforme numérique multi-source offre une capacité de traitement des données ainsi collectées en temps réel. Le premier capteur a été développé en moins de deux ans. Basé en Lozère, il entrera en service à l’été 2025. Un deuxième radar financé à 45% par la commission européenne est en construction en Polynésie française. Cinq autres capteurs seront déployés dans les territoires ultra-marins d’ici la fin de la décennie.
« Le CNES nous aide à développer nos systèmes grâce à son expertise »
La start-up, fruit d’un essaimage du CNES, est aussi soutenue par le volet spatial de France 2030. « Le CNES nous aide à développer nos systèmes grâce à son expertise. Son regard critique mais bienveillant, à chaque étape de nos projets, est clé pour nous. »
L’ingénieur franco-espagnol a un long historique avec le CNES. Fraîchement sorti de l’ISAE-Supaero, il y entre en stage en 2008 au service Manœuvres orbitales. Embauché au service Exploration de l’univers, il vient deux ans plus tard renforcer l’orbitographie. Entre 2010 et 2022, il supervise les équipes dédiées à la surveillance de l’espace. « Nous étions deux quand j’ai débuté, 50 quand j’ai quitté le CNES », pointe-t-il pour illustrer la prise en compte croissante des contraintes induites par les risques de collision sur les satellites. Un sujet stratégique pour la conduite des missions opérationnelles militaires. « J’ai travaillé sur tous les aspects en lien avec l’observation : le traitement des données radar, télescope et laser, pour construire une station spatiale en ayant une connaissance de l’environnement spatial la plus précise possible », explicite-t-il.
Notre challenge, c’est de répondre aux enjeux de sécurité et de souveraineté tant pour des besoins civils que militaires, renforçant ainsi la capacité du CNES et du ministère des Armées à faire leurs missions avec plus de précision, de réactivité et d’autonomie.

Il prend part aux essais missiles réalisés depuis Biscarrosse et les sous-marins. « Je suis très fier d’avoir participé au programme de dissuasion et contribué à cette mission militaire tout en étant civil. » À bord du Monge, Juan Carlos Dolado monte une campagne de calibration des radars impliqués dans la surveillance de l’espace. Une coopération marquante pour lui comme pour l’équipage. « Les marins avaient créé un groupe de rock appelé Les Débris spatiaux », s’amuse l’ingénieur.
Il collabore aussi avec ses homologues militaires pour l’intégration d’officiers du Commandement de l’Espace au sein de son service. C’est d’ailleurs là qu’il fait la connaissance de son futur associé, le général Friedling. « Notre challenge, c’est de répondre aux enjeux de sécurité et de souveraineté tant pour des besoins civils que militaires, renforçant ainsi la capacité du CNES et du ministère des Armées à faire leurs missions avec plus de précision, de réactivité et d’autonomie », résume-t-il.
Et l’actualité lui donne raison : fin janvier 2025, les données américaines n’ont plus été délivrées pendant près d’une semaine. « Dans le contexte géopolitique actuel, cet événement montre l’importance d’arriver à traiter ce sujet stratégique de façon autonome et ne fait que renforcer notre mission. »
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