Publié le 24 janvier 2025

BepiColombo : six survols et des observations fructueuses de Mercure

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Le vaisseau européen a effectué son dernier survol avec succès le 8 janvier. Prochaine étape : sa mise en orbite autour de la petite planète rocheuse.

Le nord de Mercure éclairé par le soleil, vu par M-CAM 1.
© ESA/BepiColombo/MTM, 2025

Il n’est pas des plus aisés d’envoyer une sonde spatiale sur Mercure, la planète la plus proche du Soleil. Il faut en effet réussir à se placer dans l’orbite de cette petite planète rocheuse sans se faire happer par l’attraction de notre étoile ! La mission européo-japonaise BepiColombo est toutefois en passe d’y parvenir.

Le vaisseau développé par l’ESA, qui emporte avec lui une sonde européenne et une sonde japonaise (lire encadré), a réalisé ce 8 janvier son sixième et dernier survol de Mercure. Cette manœuvre a eu pour but de réduire sa vitesse et de modifier une dernière fois sa trajectoire, afin de lui permettre d’entrer dans la zone d’influence de la planète et de s’insérer lui-même en orbite autour de Mercure. Son arrivée est prévue pour la fin 2026. 

16 instruments sous maîtrise d’ouvrage du CNES

La mission BepiColombo emporte avec elle deux sondes. La première, la sonde européenne MPO (Mercury Planetary Orbiter), est chargée de cartographier Mercure, d’étudier sa structure interne et la composition de sa surface. La seconde, la japonaise Mio, a pour objectif d’analyser le champ magnétique et la magnétosphère de la planète. Sous la maîtrise d’ouvrage du CNES, six laboratoires français ont contribué aux 16 instruments européens.

Un voyage truffé de découvertes

Lancé en octobre 2018, BepiColombo a déjà effectué 9 survols différents : un de la Terre, deux de Vénus et six de Mercure. Des survols qui ont permis à la communauté scientifique de faire d’importantes découvertes. Parmi elles ? Diverses caractéristiques du champ magnétique de Mercure et la redécouverte d’électrons provoquant des aurores boréales sur la petite planète. Grâce aux instruments de la sonde Mio, BepiColombo a également détecté les premières ondes électromagnétiques haute-fréquence dans l’environnement de Mercure. Et à l’occasion du survol de Vénus en 2020 et 2021, la sonde a observé de l’oxygène et du carbone ionisés s’échappant de l’atmosphère de cette planète. 

Tout vient à point à qui sait attendre

Le transit entre la Terre et Mercure dure un peu plus de sept ans, pour 9 milliards de kilomètres parcourus par le vaisseau. Pourquoi un si long voyage, alors que dans les années 1970, la sonde de la NASA Mariner 10 avait atteint Mercure en moins de 5 mois ? Tout simplement parce que leurs trajectoires diffèrent totalement. Mariner 10 a simplement survolé Mercure à grande vitesse à trois reprises. BepiColombo a besoin de ralentir considérablement afin de se mettre en orbite autour de la planète, ce qui augmente la durée de la croisière, mais permet aussi de nous donner tous les détails de sa surface et de son champ magnétique. La gestion d’une anomalie courante dans le système de propulsion, ayant entraîné une modification de trajectoire de la sonde, a également décalé son arrivée sur Mercure de quelques mois.

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Mercure comme on ne l’a jamais vue

Les différents survols de Mercure ont également permis à BepiColombo d’observer la planète sous toutes ses coutures. Une opportunité d’autant plus précieuse que cette mission n’est que la troisième à étudier Mercure de toute l’histoire spatiale ! Seules les Américaines Mariner 10, en 1974-1975, et Messenger, lancée en 2004, ont déjà approché la planète de près.

Lors du cinquième survol de BepiColombo, le 1er décembre dernier, l’instrument MERTIS a été allumé et l’aspect de la planète a pu être observé dans les longueurs d’onde de l’infrarouge moyen (7-14 micromètres). Ces données révéleront les types de minéraux dont est composée la surface de la planète, l’un des principaux mystères de Mercure que BepiColombo est censé élucider. ​Et lors de son sixième et dernier survol, au cours duquel le vaisseau s’est approché à 295 km de la planète, BepiColombo a eu l’occasion de photographier son objet d’étude, donnant lieu à de superbes clichés.

Le pôle Nord ensoleillé de Mercure vu par M-CAM 1.
La Planète Mercure avec sa surface grise, marquée et couverte de cratères. © ESA/BepiColombo/MTM

Exploration des pôles glacés

Au cours de ce sixième et dernier survol, ​BepiColombo est arrivé côté nuit de la planète Mercure, à l'opposé du Soleil. Le vaisseau s’est ainsi retrouvé à l’abri de la lumière solaire directe pour la première fois pendant plus de 23 minutes et n’a pu compter que sur ses batteries. Les opérateurs de l'ESA avaient « rechargé » le satellite en amont et l’avaient réchauffé, dès la veille du survol, afin qu’il ne perde pas en température. 

La trajectoire de BepiColombo l'a ensuite amené à survoler le pôle nord de Mercure. Cela a permis à la sonde d’observer des cratères dont l’intérieur n’est jamais touché par le Soleil. Ainsi, bien que les températures atteignent 450 °C sur la surface ensoleillée de Mercure, les pôles, régions d'ombre permanentes, sont littéralement glacés. 

Durant ce survol, la caméra 1 (M-CAM 1) a pu prendre quelques clichés des cratères Prokofiev, Kandinsky et Tolkien, ainsi que les cratères profonds Stieglitz et Gaudí, puis le plus grand cratère d'impact de Mercure (le bassin Caloris, d'une largeur de plus de 1 500 km) et les vastes plaines septentrionales connues sous le nom de Borealis Planitia.  

La limite entre le jour et la nuit divise Mercure en deux. On aperçoit les bords ensoleillés des cratères Prokofiev, Kandinsky, Tolkien et Gordimer. © ESA/BepiColombo/MTM, 2025

Au pôle Nord, dans les régions appelées « cuspides »*, les lignes du champ magnétique de la planète canalisent les particules provenant du Soleil vers la surface de Mercure. L’occasion était unique, puisque le vaisseau spatial ne repassera pas par ces régions au cours de son périple.

*Cusp se traduit par « cornet polaire ». Il s'agit d'une topologie particulière des lignes de champ magnétique d’une planète : au niveau des pôles magnétiques, les lignes du champ magnétique d’une planète magnétisée convergent et forment des entonnoirs, les cornets polaires.

Le son capté par BepiColombo lors de son sixième survol de Mercure

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