Un premier programme spatial entre ambition récente et calendrier exigeant
Les deux dernières décennies ont vu la République de Turquie accéder au rang de puissance aérospatiale émergente. Si elle s’impose désormais sur le marché international de l’armement avec ses drones, la Turquie n’est cependant pas encore à ce jour une puissance spatiale de premier rang, lesquelles doivent disposer, a minima et de manière souveraine, d’un accès à l’espace (un lanceur) et de capacités satellitaires pour les principales applications stratégiques que sont l’observation, les télécommunications ou la géolocalisation.
De telles ambitions sont toutefois clairement inscrites à l’agenda politique du pays, en particulier depuis la création en décembre 2018, par décret du président Recep Tayyip Erdogan, de son agence spatiale nationale, la « Türkiye Uzay Ajansı » (TUA).

Le programme spatial qui en découle, initialement présenté en 2021 par la TUA avec pour objectifs de contribuer au prestige et à l'autonomie stratégique du pays, comporte ainsi des objectifs audacieux, comme l'alunissage maîtrisé d'une sonde, ou le vol d'un lanceur de fabrication nationale avant 2030. Un calendrier extrêmement ambitieux, d'autant plus que la TUA ne se voit octroyer qu'un budget limité, bien qu'en hausse régulière. Une étape aussi symbolique que majeure est néanmoins franchie en janvier 2024, avec la mission du premier astronaute turc, Alper Gezeravci, à bord de la Station spatiale internationale (ISS).
Politique de puissance, recherche de souveraineté et positionnement international
Le programme turc s'inscrivant dans un cadre politique plus global, Ankara mène en parallèle un projet de service régional de navigation par satellite, ainsi que la construction d’un port spatial en Somalie, ce qui traduit la volonté du pays d’établir une diplomatie spatiale dans ses zones d’influence (Moyen Orient, Asie centrale, Afrique de l’Est). Dans le même temps, le pays, qui a lui-même fait de l’exploration, et notamment de la Lune, un objectif de prestige, conserve son indépendance vis-à-vis des grandes puissances, n’étant ni signataire des Accords Artemis américains, ni membre du programme ILRS chinois.

En termes de capacités propres, appliquant une recette industrielle qui a fait son succès dans la défense, la Turquie a réussi à faire des progrès notables dans le domaine satellitaire, elle qui se fournissait traditionnellement auprès des Européens ou des Japonais. Se reposant sur une industrie aérospatiale devenue extrêmement dynamique, elle est depuis peu capable d'assembler ses propres unités, et cela dans chaque grand domaine d'application: imagerie, communication, navigation. Cependant, la Turquie doit encore surmonter des défis technologiques et réglementaires pour atteindre une autonomie stratégique complète tout en étant compétitive sur le marché, et ce alors qu'elle ne dispose pas de capacité autonome d'accès à l'orbite.
Une stratégie industrielle spatiale héritée du secteur de l'armement
Le spatial est d'ores et déjà anticipé en Turquie comme un outil de soft power. Toutefois, en matière de capacités spatiales, il manque encore au pays une pleine autonomie stratégique. Afin de rejoindre ce que les autorités turques nomment...
Retrouvez la suite de cette Actu'analyse Space'ibles en PDF
Actu'analyse Space'ibles La Turquie spatiale.pdf
pdf - 997.43 Ko