Les Seychelles, un archipel touristique dans l’Océan Indien

Depuis 1971 et l'ouverture de l'aéroport international, Les Seychelles sont devenues une destination touristique reconnue à l'échelle mondiale. Pour autant, si l'attractivité de cet archipel repose sur l'image paradisiaque des îles tropicales, sa fréquentation est restée pendant très longtemps limitée et réservée à des populations aisées. Sans atteindre les chiffres d'arrivées de ses principales voisines - et concurrentes- telles l’Île Maurice, les Seychelles avec plus de 300 milles visiteurs annuels connaissent une fréquentation croissante. Cette activité concentre aujourd'hui 30% de la main d'oeuvre employée et procure au pays le 1/4 de son PIB. L'image satellitaire permet de dégager les étapes de la conquête du territoire par l'activité touristique et les évolutions actuelles dans l'artificialisation du littoral.

 

Légende de l'image

Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 31/08/2014. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

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Présentation de l'image globale

Un archipel de l'Océan Indien
A quelques 1800 kilomètres au large des côtes de Tanzanie et du Kenya, Mahé constitue l'île la plus grande et la plus peuplée de l'archipel des Seychelles. Mahé, Praslin et La Digue sont des îles d'origine granitique et sont appelées les îles intérieures ou les îles du Nord. Elles couvrent un peu plus de 50% de la superficie de l'archipel (244km² sur 455km²) mais regroupent plus de 97% des 95 000 habitants des Seychelles. Les autres îles sont d'origine corallienne et la plus éloignée, Aldabra, se trouve à 1200km de Mahé. Elles constituent le groupe des îles extérieures et ne sont quasiment pas habitées. La ville de Victoria est sise au Nord-Est de l'île de Mahé et, si elle est la ville la plus peuplée du pays (une peu plus de 30 000 habitants), elle n'en demeure pas moins une des plus petites capitales des îles de l'Océan Indien.

Un passé colonial
L'histoire des Seychelles a été marquée par la colonisation puisque l'on ne trouve pas de traces de passage ou d'occupation humaine antérieurs au XVIème siècle (malgré quelques lignes dans des manuscrits arabes). Le premier récit occidental à mentionner leur existence est réalisé par Vasco de Gama en 1502. Il nomme cet archipel les îles Amirantes. Dans les années 1740, des expéditions françaises menées depuis les Mascareignes sous l'impulsion du gouverneur Mahé de la Bourdonnais commencent à véritablement s'intéresser aux Seychelles et à en envisager l'exploitation. Cette mise en valeur sera poursuivie dans la décennie suivante et ce groupe d'îles y gagnera son nom, donné en l'honneur du Contrôleur Général des Finances de Louis XV, Jean-Moreau de Séchelles. Exploitées pour le bois puis pour les épices, les Seychelles deviendront colonies britanniques à la fin de l'aventure napoléonienne (elles sont cédées officiellement en 1814). En 1976, le pays accède à l'indépendance et se lance dans une économie d'inspiration socialiste menée par un descendant de colons français, France-Albert René, à la suite de sa prise de pouvoir par un coup d'Etat. 

Le tourisme pilier du développement
A la fin des années 1960, un tiers de la population travaille dans les plantations agricoles et l'exploitation de la cannelle ou du coprah (noix de coco). Pour autant, la taille des îles, leur aspect granitique, la présence d'îles "voisines" largement mieux pourvues en atouts et en structures agricoles ne permettent pas d'assurer la pérennité d'une activité agricole de premier ordre. Le coup de grâce de cette activité est donné par l'ouverture de l'aéroport international sur l'île de Mahé en 1971 : cette nouvelle infrastructure rompt en partie la tendance à l'isolement des Seychelles et annonce le développement touristique du territoire (voir la fiche "Les Seychelles, une île ouverte au tourisme"), une activité qui sera d'autant plus valorisée et essentielle qu'elle accompagnera les premiers pas de l'indépendance politique du pays.

Une étude en 4 thématiques
L'image satellitaire Pléiades (31/08/2014) étudiée dans cette série de 4 fiches permet donc d'étudier comment l'espace insulaire de Mahé s'organise autour de l'activité touristique : les enjeux sont regroupés en 4 séries de thématiques : la réalité de l'activité touristique des Seychelles, la nécessaire ouverture dans le cadre de la mondialisation que génère cette activité, les conséquences spatiales de la littoralisation dans un contexte de saturation des espaces côtiers, la gestion environnementale de l'activité récréative à la fois essentielle pour des enjeux écologiques et de durabilité de l'attractivité touristique.

Zooms d'étude

 

Anse des Pins et Beau-Vallon, les 2 premiers espaces de l’ouverture touristique

 

Anse des pins

Les années 1970 marquent l’émergence de l’activité touristique aux Seychelles. Cette affirmation marche de pair avec l’accession à l’indépendance de l’archipel.  La fin de l’administration britannique ainsi que les représentants  du nouvel Etat (1976) voient dans cette activité le moyen le plus efficace pour sortir des difficultés économiques. Cette croissance exponentielle fera passer le nombre de visiteurs de 1600 en 1970 à presque 80 000 en 1979. Ce développement est essentiel pour le jeune Etat puisqu’il doit permettre d’apporter des solutions à la crise des activités traditionnelles. En effet, l’effondrement des ressources de guano (en particulier dans les îles du Sud) s’accompagnent du développement de maladies importantes dans les cocoteraies, ce qui pénalise la production de coprah (issu des noix de coco). Enfin, la production de cannelle est en difficulté puisqu’en 1975, 52 des 55 distilleries d’essence de cannelle ont fermé (J. Ch. GAY, 2004).

L’image présente la zone de l’Anse de Pins qui a été la première choisie pour accueillir les premières installations touristiques. Le Reef Hotel voit le jour en 1972 à quelques centaines de mètres des pistes de l’aéroport dont une des extrémités est visible au nord de l’image. Le Reef ou récif corallien est d’ailleurs bien mis en valeur par les différentes teintes de bleu de l’Océan Indien sur cette image. Cette localisation témoigne de l’importance du désenclavement aérien dans la montée en puissance de l’activité touristique aux Seychelles. L’île de Mahé qui regroupe aujourd’hui 89% de la population du pays sur 35% de sa superficie, accueillait la quasi-totalité des touristes des Seychelles. Aujourd’hui cette proportion est tombée à 60%. Pourquoi une telle évolution ?

 



Beau-vallon

Cette seconde image présente le 2ème territoire de l’extension touristique à Mahé. Située plus au Nord, il s’agit de l’Anse de l’Anse de Beau Vallon. Dès 1972 avec le Coral Strand Hotel et 1974 avec le Beau Vallon Bay Hotel, l’activité touristique sort de ses foyers initiaux et se diffuse sur les littoraux de Mahé. Cette croissance de l’activité génère une partie des difficultés que va connaître le tourisme seychellois au tournant des 1990. En effet, l’image montre comment les plages vont devenir le lieu d’une artificialisation majeure provoquant parfois une impression de saturation du littoral. Cette dimension paysagère rompt avec l’une des images caractéristiques du tourisme insulaire basé sur l’isolement et le caractère sauvage. A ce premier problème, il faut rajouter le fait que les infrastructures seychelloises ont  été conçues dans une optique de luxe, à destination de populations privilégiées. Très vite, les grands hôtels de première génération de Mahé vont connaître un vieillissement qui ne s’accompagnera pas de politiques tarifaires en conséquence. Ce rapport qualité/prix défavorable aux Seychelles a été souligné dans un rapport du FMI de 2000 qui mentionnait qu’à prestations égales un séjour aux Seychelles revenait 20 à 40% plus cher qu’à l’Île Maurice (J. Ch. GAY, 2004).

C’est dans cette optique que les autorités vont promouvoir un tourisme vers d’autres îles granitiques (Praslin et la Digue), vers les îles coralliennes également. On peut signaler l’existence aux Seychelles de 7 îles-hôtels, largement privatisées et accueillant des populations  fortunées. En effet, le trajet ne peut s’effectuer à partir de Mahé qu’en avions privés ou en hélicoptères. Il coute entre 800 et 1500 euros l’aller-retour auxquels il faut rajouter le prix de l’hôtel (entre 500 et 1600 euros). La recherche de la surinsularité témoigne de l’engouement  des touristes pour les espace isolés et confère à Mahé un statut paradoxal puisque cette île capitale longtemps isolée est aujourd’hui pénalisée par rapport à des ilots de l’archipel encore plus inaccessibles.

 

 

Eden Island, une marina destinée au tourisme de luxe

 

L'île d'eden island

Pour résoudre ce problème de vieillissement de son offre touristique, l’île de Mahé peut compter sur le développement de structures nouvelles, modernes et cherchant à répondre aux envies de touristes aux moyens conséquents. Ainsi, cette image met en valeur le développement de l’île artificielle d’Eden island, organisée autour de sa marina. Pour un montant de 350 millions de dollars, porté par un consortium d’investisseurs immobiliers sud-africains, ce projet constitue un exemple d’aménagement touristique insulaire caractéristique dans la mesure où, à l’insularité première des Seychelles, il promeut une 2ème forme d’insularité, à l’égard de l’île principale. Ce type d’aménagement permet donc à Mahé de retrouver une partie de son lustre passé et de se repositionner dans le secteur du tourimse de luxe.

 



l'artificialisation de la marina

L'exemple ci-contre d’artificialisation est assez récurrent aux Seychelles puisque l’agrandissement du port de Victoria, la création de l’aéroport international, une voie rapide ont été réalisés sur des terre-pleins et des zones de remblai. Cette obligation s’explique en grande partie par l’étroitesse des espaces littoraux (voir la fiche Le tourisme et la pression foncière). Par contre, il est assez marquant de constater qu’il constitue une rupture dans l’histoire touristique des Seychelles. En effet, juste après le coup d’Etat et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement d’inspiration socialiste, des investissements comme ceux à l’origine d’Eden Island semblaient difficiles à mener.  La progressive orientation de l’économie sur le tourisme et la libéralisation économique des années 200/2010 ont permis cette évolution. Il est d’ailleurs tout à fait paradoxal de noter que les premiers projets de développement économique portés par le nouveau pouvoir dans les années 80 avaient mis l’accent sur la pêche, l’agriculture vivrière (Land Acquisition Act), l’éducation et le logement… Le tourisme en était exclu (le nombre de touristes était d’ailleurs passé de 80 000 à un peu moins de 50 000 entre 1978 et 1982)… Les difficultés économiques (balance commerciale déficitaire en particulier) et les perspectives de croissance liées aux activités de loisirs ont ainsi largement contribué à faire évoluer les choix économiques.

 

D'autres fiches Geoimage sur les Seychelles

Les Seychelles, une île ouverte au tourisme
Les Seychelles, une île face à la pression foncière touristique
Les enjeux environnemetaux du tourisme aux Seychelles

Ressources complémentaires

Gay Jean-Christophe, « Tourisme, politique et environnement aux Seychelles », Revue Tiers Monde, 2004/2 (n° 178), p. 319-339. DOI : 10.3917/rtm.178.0319. URL : https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2004-2-page-319.htm

Contributeur

Vincent DOUMERC, professeur agrégé de géographie, Lycées Saint-Sernin et Fermat (Toulouse)