Située en bordure de la Mer du Nord, la Randstad Holland – dont on ne voit sur l’image que le versant septentrional - est une région urbaine polycentrique de 8,1 millions d’habitants, particulièrement dynamique. Polarisant sur 20 % du territoire 42 % de la population et la moitié de l’économie du pays, elle est la quatrième agglomération de l’Union européenne par son poids économique après Londres, Paris et la région Rhin-Ruhr. Se développant dans un milieu très contraint, c’est un territoire littoral, agricole et urbain très aménagé.
Légende de l'image générale
Cette image a été prise par un satellite Sentinel-2 le 16/03/2017. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 10m.
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Repères géographiques
Conquête et maîtrise des milieux : un enjeu majeur d’aménagement
Une situation contrainte entre mer intérieure et cordon dunaire littoral
Comme le montre l’image, à l’ouest le contact avec la mer repose sur un cordon dunaire relativement étroit et particulièrement fragile face aux courants et tempêtes. Il est donc étroitement surveillé et protégé aux échelles régionales et locales malgré la présence du port d’Ijmuiden et de la station touristique de Zandvoort. A l’est se déploie un vaste plan d’eau intérieur : le Markermeer, qui appartient lui même à un vaste plan d’eau douce qui organise largement l’intérieure du pays, l’Ijsselmeer.
Au milieu de l’image, le Noordzee Kanal, d’orientation est/ouest, relie le Markermeer à l’est au port d’Ijmuiden à l’ouest. Il borde la ville d’Amsterdam à l’est, bien visible du fait de la forme semi-concentrique de son noyau historique parcouru par de nombreux canaux. Il dessert ensuite toute une série de ports fluviaux dont les embranchements et les darses sont bien visibles.
Les zones amphibies et les polders de la zone centrale
Au centre de l’image se déploie en position intermédiaire une vaste zone basse constituée de zones amphibies ou de polders, un terme qui définit les terrains sous le niveau de la mer progressivement gagnés sur les eaux grâce à d’incessants travaux d’aménagement de grandes ampleurs engagés dès le Moyen-Age. Mais c'est surtout au XVIIème siècle que débute réellement l'assèchement des premiers grands lacs, dont le fameux Haarlemmermeer qui s’étend au sud-ouest d'Amsterdam. On utilise alors l’énergie éolienne (paysage célèbre des moulins à vent) qui sera remplacée par les pompes à vapeur au XIXème siècle. Les termes de Pays-Bas, ou Nederland (basses terres), et de Hollande - ou Hol-Land (pays creux) - symbolisent ces fortes contraintes du milieu (cf. Alexanderpolder : - 6,7 m).
Au total, un tiers des Pays-Bas est sous le niveau de la mer et toute la moitié ouest du pays sous la cote des 5 m d'altitude, en dehors du cordon littoral. Les défis à relever sont donc considérables : 60 % de la population vit dans les 30 % du pays qui sont sous le niveau de la mer alors que les densités sont parmi les plus fortes d'Europe occidentale. D’autant que le climat océanique tempéré (+ 4,5°C l'hiver et 18,1°C l'été) apporte 750 mm d'eau par an, qu'il faut évacuer par pompages.
Cette précoce et permanente maîtrise des eaux n'est possible que grâce à un travail acharné, des investissements considérables et des progrès techniques et technologiques constants. Ce processus explique aussi un sens aigu des intérêts de la collectivité qui s’épanouit dans un cadre politique et administratif traditionnellement décentralisé.
Ces stratégies d’aménagement produisent un paysage spécifique comme en témoignent le parcellaire très régulier des campagnes au centre-sud du document ou les alignements de maisons le long des routes au nord du document dans le Noord-Holland. L’image témoigne aussi des nombreux lacs et étangs et de la densité des rivières et des canaux.
L’urbanisation et la mise en valeur des territoires
Un espace très fortement urbanisé
Sur l’image, un tiers à la moitié de l’espace est urbanisé. Le Grand Amsterdam se déploie largement à partir de son noyau historique vers le sud-est (Amsterdam Zuidost), le sud (Amstelveen et Aalsmeer), l’ouest et le nord où la tâche urbaine rejoint Zaanstad. Au centre-sud de l’image se trouve l’aéroport international de Schiphol, qui est un des grands hubs aériens d’Europe occidentale. A l’ouest se trouve Hoofddorp de forme carré (ouest de Schiphol) et surtout la vielle ville d’Harlem qui de développe au pied de l’espace dunaire.
Cette croissance urbaine répond à la fois à la hausse démographique (1986/2016 : + 1 million hab.) et au dynamisme des activités économiques. Dans cet espace rare et restreint, les prix fonciers sont très élevés et expliquent une urbanisation périphérique ou une périurbanisation croissante. La Randstad occupe en effet une situation privilégiée sur une des mers les plus fréquentées du monde, la Mer du Nord, en étant au débouché du système rhénan, un des axes majeurs de l'économie européenne. Les Pays Bas sont en fait la fenêtre maritime et le relais commercial, logistique et industriel d'un très vaste hinterland, essentiellement germanique.
La dynamique urbaine est au coeur de l'organisation du dispositif régional avec un réseau urbain dense très précoce en Europe puisque les positions acquises dès le XVIIème siècle demeurent encore aujourd'hui. Cette puissante tradition urbaine lègue un patrimoine architectural et artistique (Rijksmuseum, Musée Van Gogh...) dense, cohérent et de haute qualité qui explique l'attrait touristique de la région : vieilles villes avec places, cathédrales et beffrois, cités fortifiées, quartiers résidentiels typiques et cossus, châteaux...
La défense du « cœur vert », le « Groene Hart », et des fonctions agricoles
Face à la forte pression urbaine, les politiques d’aménagement tentent de préserver au sud du document un « cœur vert » et plus généralement sur tout le document les espaces et fonctions agricoles.
Pour autant, cet espace rural a peu à voir avec certaines campagnes d’autres pays européens. Comme le montre l’image, il est très densément mis en valeur par un système productif agricole parmi les plus intensifs au monde (élevages de bovins et de porcs ; laits, beurre et fromages ; légumes et fruits, fleurs…). Car malgré sa faible taille et des sols médiocres, les Pays-Bas sont un des principaux exportateurs mondiaux de produits agricoles grâce à de longues traditions coopératives (1886) et une intensification (engrais, serres, élevages hors-sols) gourmande en capitaux et technologies et encore très polluante.
Dans les espaces agricoles longeant le cordon dunaire se développe en particulier un vaste liséré d’horticulture, traditionnelle depuis 1594, en plein développement. Il regroupe deux productions différentes : les cultures maraîchères (laitues, concombres, tomates…) sous serres et les fleurs qui occupent une place à part. La production de fleurs (oignons et fleurs coupées : jacinthes, dahlias, lis, glaïeuls, crocus…) est une des grandes spécialités de la région et une spécialisation du pays dans la mondialisation.
Cette réussite tient à la fois de traditions anciennes, d'une mobilisation de capitaux et d'acteurs exceptionnels et d'une capacité à organiser les réseaux commerciaux de collecte, traitement et exportation. Les premiers marchés au cadran, mis en place à la fin du XIXème siècle et largement concentrés, ont un monopole des ventes sur une production organisée en trois grands marchés (Centre, Nord, Sud Est). La culture des tulipes, symbole du pays, génèrent d’ailleurs un fort tourisme international.
Un ensemble régional polynucléaire bien équipé
La Randstad Holland : une vaste conurbation polynucléaire
Comme en témoigne l’image, la Randstad est une vaste conurbation polynucléaire associant de nombreuses villes regroupées autour de quatre grands pôles urbains : Amsterdam et Utrecht, La Haye et Rotterdam plus au sud (hors cadre). Ces villes sont intensément reliées entre elles par une infrastructure de circulation dense et complexe (denses réseaux autoroutiers et ferroviaires), souvent saturée.
Chaque pôle dispose d’une personnalité économique et sociale bien affirmée : La Haye est la capitale politique et administrative, Rotterdam (hors cadre) sur le delta du Rhin est le premier port d’Europe et Utrecht (hors cadre) est un des centres directeurs des administrations nationales et un des centres de gestion des flux nationaux et internationaux. Siège de l'archevêché de l'Eglise Catholique, la ville dispose d'un grand patrimoine architectural (vaste place du Vredenburg, Domtoren, ancienne cathédrale…).
Amsterdam : une ville d’exception
Amsterdam (la digue – Am - sur l'Amstel) est sans conteste la capitale historique, économique et culturelle du Royaume. Au confluent de l'Amstel et de l'Ij, ce vieux port hanséatique connaît une forte croissance urbaine grâce au commerce avec les colonies.
Historiquement, son influence ne cesse de s'étendre vers le nord (Zaanstad), l'ouest (Haarlem et station balnéaire de Zanvoort) et l'est (Almere sur les polders du Flevoland qui devient une banlieue résidentielle). En bordure du Zuiderzee, la création du Canal de la Mer du Nord en 1876 entraîne l'industrialisation d'un axe vers Ijmuiden, le second port du pays qui développe une vaste zone industrialo-portuaire.
A partir du vieux noyau du XVem siècle centré sur le Nieuwe Mark et organisé par les fameux canaux circulaires (gracht) qui en font pour les touristes la "Venise du Nord", se développe la ville du XVIIem siècle où les fonctions économiques dominantes chasse aujourd’hui la population résidente. La ville industrielle du XIXem siècle s'agrandit avec de puissants quartiers ouvriers vers le nord (Buiksloot, Tuindorp). Mais c'est surtout dans les décennies 1950/1960 qu'une vaste banlieue se met en place, qui ne cesse depuis de s’étendre comme le montre l’image.
Le centre-ville (Centraal Station et canaux historiques) devient un hyper-centre pour les administrations publiques et les activités intellectuelles, les services et le tourisme autour de la bourse, des banques, des sièges sociaux et directions commerciales, avec en particulier la réhabilitation des immeubles historiques. On assiste par contre au transfert des activités productives et artisanales vers le péri-centre sud et la périphérie ou l'accessibilité et les espaces disponibles sont meilleurs et moins chers.
En particulier, les axes de communications ferroviaires et autoroutières (ring et transversales) deviennent des pôles nouveaux d'activités alors que l'aéroport de Schiphol doit faire face à de difficiles problèmes de développement dans un espace déjà dense. D’autant que le projet des années 1980/1990 de nouvel aéroport dans le futur polder du Markerwaard est abandonné pour des raisons économiques et environnementales et le Markerwaard laissé en eau.
Documents complémentaires
Servane Gueben-Venière, « De l’équipement à la gestion du littoral, ou comment vivre avec les aléas météo-marins aux Pays-Bas ? », Géoconfluences, décembre 2015.
Contributeur
Laurent Carroué, Inspecteur Général de l’Education nationale