Appartenant aux îles du Vent dans l'archipel de la Société, Mo’orea est une île tropicale volcanique élevée de Polynésie française. Son développement actuel se fonde sur le tourisme international et de proximité et, dans une moindre mesure, sur l’agriculture. « Périphérie » proche de Tahiti et de Pape’ete, elle absorbe désormais une partie de la croissance de l’aire urbaine de la capitale de la Polynésie française, saturée. Le détroit qui les sépare est en effet dorénavant aisément franchi du fait du raccourcissement des temps de navigation. Désormais île satellite de « l’ île sœur », Tahiti, les recompositions spatiales récentes peuvent s’inscrire dans un modèle centre / périphérie, voire espace dominant / espace dominé, et témoignent de différentes dynamiques d’intégration fonctionnant à plusieurs échelles. Elles sont assorties de politiques de protection de l’écosystème, qui s’efforcent de concilier croissance et durabilité, mais nourrissent également l’émergence de conflits d’usage et de formes de rejets des logiques à l’œuvre, l’aménagement de l’île révélant - voire participant de la reproduction d’inégalités.
Légende de l’image
Cette image de l'île de Moʻoreʻa, au nord-ouest de Tahiti, a été prise par le satellite Sentinel-2B le 21 juin 2021. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
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Repères géographiques
L’île et la commune de Moorea dans les îles du Vent de l’archipel de la Société
Présentation de l’image globale
Les dynamiques d’intégration d’une périphérie insulaire tropicale
1. Une île tropicale haute des îles du Vent, entre atouts et contraintes
Mo’orea (17°30'S 149°50'W) est une île tropicale volcanique du Pacifique sud de 133 km2. Elle fait partie des îles du Vent, dans l'archipel de la Société, en Polynésie française. Elle est située à seulement 17 km au nord-ouest de Tahiti, son « île-sœur », et à proximité de la zone urbaine de Pape’ete.
L’étude géographique des système archipélagiques du Pacifique distingue îles hautes/îles basses ou atolls. Mo’orea fait partie des îles dites « hautes » de l’archipel de la Société, à l’instar de Tahiti, ce qui lui confère des caractéristiques géographiques particulières :
Une île volcanique aux fortes contraintes. Elle offre des paysages de vallées luxuriantes, entre des sommets et des pics volcaniques élancés, difficilement accessibles. Une ligne de crêtes en demi-cercle, profondément disséquée par l’érosion et dominée par le Mont Tohiea (1207 m), délimite un vaste amphithéâtre : il s’agit de la caldeira d’effondrement qui s’ouvre au nord sur l’océan. Elle s’étend sur environ 4 km du nord au sud et 6 km d’est en ouest. La partie nord de la caldeira est située sous les baies de Cook et d’Opunohu. Le terrain se relève progressivement vers le sud jusqu’à atteindre 300 m au pied d’une falaise. Ses pentes sont couvertes d’une forêt tropicale humide, tandis que le fond de la caldeira est désormais marqué par l’emprise agricole et les équipements touristiques. Les deux baies sont séparées par le Mont Rotui (900 m), au versant sud très abrupt.
La plaine littorale et le lagon. La plaine littorale qui ceinture l’île, est étroite (200 à 400 m), particulièrement au sud, mais elle s’élargit au débouché des rivières : Île haute, Mo’orea possède un réseau hydrographique permanent. Cette plaine est en grande partie calcaire et s’appuie sur un récif frangeant large d’une quarantaine de mètres. Le récif barrière porte trois petits îlots coralliens - motu Ahi à l’est, et au nord-ouest motu Fareone et Tiahura - sur 61 km de longueur. Il est ouvert sur l'océan Pacifique en 12 passes et délimite un lagon de 5.000 hectares, accessible aux paquebots. La biodiversité terrestre et marine y est remarquable, mais les écosystèmes sont actuellement soumis à de fortes pressions anthropiques.
La commune-îles de Mo’orea-Mai’ao, qui regroupe les îles de Mo’orea et de Mai’ao, distante de 75 km et non visible sur l’image, est peuplée de près de 18 000 habitants, ce qui en fait la 4ème commune la plus peuplée de Polynésie française. Elle présente une densité d’un peu plus de 130 hab./km2. Sa population croît à un rythme modéré : + 0,8% par an entre 2012 et 2017. Elle est composée de six communes associées, implantées, exception faite de Mai’ao, le long d’une route de ceinture de 62 km de long : Afareaitu (environ 3.700 hab.), Teavaro (environ 2.500 hab.) Paopao (environ 4.600 hab.), Papetoai (environ 2.300 hab.), Haapiti (environ 4.250 hab.).
Cette structure annulaire fortement polarisée est historiquement assez récente. En effet, l’évangélisation, puis la colonisation et leur corollaire, l’effondrement démographique consécutif à la « mort importée » qui a suivi les premiers contacts entre les populations polynésiennes et les Européens, ont provoqué l’abandon des nombreuses vallées de l’intérieur de l’île, et une concentration de la population sur le pourtour de l’île, là où les missionnaires ont implanté leurs temples, et dans quelques vallées. L’habitat y est principalement individuel.
2. Une périphérie insulaire en voie d’intégration multifonctionnelle
La Polynésie française comme l’archipel de la société, et au sein de celui-ci les îles du Vent, sont marqués par la macrocéphalie papeetienne et un modèle centre – périphérie très prégnant. Mo’orea est bien connectée à Tahiti, l’île principale, qui dispose d’un aéroport international, et avec laquelle elle entretient des liens quotidiens rendus possibles par des rotations maritimes multiples et régulières entre la gare maritime de Vaiare, à l’est de l’île, et celle de Pape’ete. Elle est ainsi devenue un espace périphérique de Tahiti et de l’aire urbaine de Pape’ete. « Île satellite », elle connait des dynamiques d’intégration à différentes échelles, du local au mondial. Cette intégration croissante peut se lire dans l’espace dévoilé par l’image satellite. Elle vise à répondre – temporairement ? – à une problématique de saturation de l’espace dans la zone urbaine de Pape’ete. Mo’orea est ainsi en voie d’annexion fonctionnelle au pôle dominant que constitue la capitale de la Polynésie française.
Une empreinte agricole persistante sur l’espace, une agriculture qui s’inscrit dans des réseaux locaux
Les héritages des cycles coloniaux. L’activité principale à Mo’orea a longtemps été l’agriculture. Participant d’abord d’une économie de subsistance, avec une production traditionnelle de féculents comme le taro, l’igname, et le fruit de l’arbre à pain ou uru, mais aussi la banane, la canne à sucre et la patate douce, elle est devenue spéculative de type colonial dès la fin du XIXe siècle. De grands domaines fonciers se sont alors constitués tout au long du XIXe et du XXe siècle. On y cultivait le café dans le district caféier d’Afareaitu, le coprah - amande desséchée de la noix de coco, dont on extrait une huile utilisée dans l'alimentation et pour la fabrication de monoï et savon - dans la baie d’Opunohu ou sur le littoral d’Haapiti, le coton et la vanille notamment près de la baie d’Opunohu, produits tous destinés à l’exportation. Les cocoteraies plantées initialement pour l’exploitation du coprah ont souvent subsisté de façon dégradée, produisant un paysage de parc à l’image de celui, public, de Ta’ahiamanu au nord-est de la baie de Cook, où des arbres clairsemés parsèment des étendues plus ou moins herbeuses.
Les fa’a’apu, jardins-vergers personnels. Ils donnent également à l’image ses nuances de vert. Ces plantations familiales sont dédiées à l’autoconsommation et parfois à la vente en bord de route. Ces activités, aujourd’hui marginales, n’en marquent pas moins l’espace littoral et les basses vallées. Les exploitations "traditionnelles" se caractérisent par leur petite taille et une main-d'œuvre surtout familiale, qui travaille souvent à temps partiel. On y produit des cultures vivrières et une ou deux cultures de rente. Caféiers ou cocotiers ont été remplacés à ce titre par des productions adaptées aux conditions et aux besoins locaux : légumes ou fruits, vergers d'avocatiers, de manguiers ou de papayers, bananiers, horticulture avec des plantes ornementales et à parfum comme le tiare tahiti, qui entre dans la composition du monoï et est un ornement floral porté par les Polynésiens ou offert aux visiteurs.
Ces plantations sont concentrées sur le littoral : par tradition, presque tous les Polynésiens possèdent un ou plusieurs pieds de tiare dans leur fa’a’apu, et le tiare s’est propagé avec l’habitat. Le développement de la culture du tiare pour les besoins croissants du tourisme et de la filière monoï commence à élargir les zones de plantation vers les plaines, fonds de vallée et les plateaux de basse altitude située entre 20 et 100 m. d’altitude. L’une de ces plantations est visible sur les sables du lac de Tema’e, au nord-est de Mo’orea.
Répondre aux besoins. Au cours des années 1970, les pouvoirs publics ont essayé de mieux satisfaire la demande intérieure, de limiter les importations par une réorientation des productions, et ont ainsi encouragé la culture intensive de l’ananas à Mo’orea. Celle-ci caractérise désormais les pentes douces de l’intérieur de l’île, au fond de la caldeira, notamment dans le secteur de la « route des ananas », entre les baies de Cook et d’Opunohu. La proximité des marchés de consommation, les îles du Vent concentrant 75 % de la population de la Polynésie française, explique la persistance des exploitations agricoles. Le tourisme constitue aujourd’hui également un des débouchés principaux pour les productions agricoles de Mo’orea.
Un espace rêvé mis en tourisme
« Si les îles du Pacifique ne représentent qu’un millième du tourisme international, celui-ci leur doit beaucoup en termes d’imaginaire et de pratiques. Tahiti et « ses îles » jouissent d’une renommée mondiale liée au pouvoir suggestif élevé des « mers du sud ». Inversement, le tourisme est devenu une activité incontournable pour ces îles » écrit Jean Christophe Gay. La Polynésie diffuse et médiatise une sur-insularité comme argument de vente, alors même que, en ce qui concerne Mo’orea, cette « sur-insularité » est davantage rêvée que réelle.
Le boom touristique. Les paysages grandioses et les nuances de bleu du lagon de Mo’orea, le « géosymbole » des bungalows sur pilotis, dont les emprises sont visibles au nord avec les hôtels-resorts – tels le Sofitel, le Hilton, le Manava, l’Intercontinental - évoquent assurément le mythe des mers du Sud. Mo’orea est la troisième île la plus visitée de Polynésie, derrière Tahiti et Bora Bora. La moitié des touristes présents en Polynésie française - environ 219 000 en 2022 - séjourne à Mo’orea, désormais intégrée aux « antipodes proches ». En effet, la Polynésie est aujourd’hui bien reliée au reste du monde par l’aéroport international de Tahiti-Faa’a. Situé à plus de 15 000 kilomètres de Paris, il est plus proche des foyers émetteurs asiatiques, nord-américains et australo-néo-zélandais. La clientèle était ainsi composée d’environ 40 % de nord-américains contre 30 % de métropolitains avant la crise sanitaire mondiale du Covid-19.
Connection aérienne et maritime. La construction d’équipements portuaires - quai et marina de Vaiare à l’est - et aéroportuaires avec l’aéroport de Tema’e au nord-ouest, et la connectivité au réseau internet ont créé les conditions matérielles du développement contemporain du tourisme. L’aéroport de Tema’e fait actuellement l’objet d’un projet d’extension afin de pouvoir recevoir davantage de jets privés. Il est utilisé principalement par des touristes dans le cadre de circuits impliquant la visite d’autres îles de Polynésie française. Mo’orea bénéficie aujourd’hui de la redistribution de l’activité touristique de Tahiti au profit d’îles secondaires, en raison de la dégradation de la qualité de vie dans l’île principale. Ainsi, se sont implantés à Mo’orea plusieurs hôtels resorts haut de gamme, dont certains sont bien visibles sur l’image satellite à travers les bungalows sur pilotis, qui se dessinent sur le lagon au nord de l’île, d’autres hôtels de moyenne gamme, et de nombreuses pensions de familles, essentiellement situés sur le littoral.
Le marché de la croisière. Il est bien perceptible sur l’image par la présence de navires imposants dans les baies de Cook et d’Opunohu, et pourrait gagner en importance suite à la décision de fermeture du lagon de Bora Bora aux paquebots de plus de 1.500 passagers. Ce marché représente environ 43 000 touristes en 2022 pour l’ensemble de la Polynésie française.
Un marché touristique local. Ces hébergements touristiques variés permettent l’accueil des différentes catégories de touristes internationaux, mais aussi d’une clientèle locale : située à proximité de Pape’ete et bénéficiant de rotations multiples et régulières des compagnies maritimes privées, la commune accueille également sur son territoire des « touristes résidents ». Plusieurs milliers de personnes s’y rendent chaque fin de semaine ou lors des vacances scolaires. Ce sont principalement des urbains de Tahiti.
De nombreuses structures. D’autres aménagements et équipements à vocation touristique marquent l’espace : le golf de Tema’e situé au nord-ouest, dont l’emprise est visible sur l’image satellite, mais également de nombreuses implantations de micro, petites et moyennes entreprises à vocation touristique : restaurants, magasins de souvenirs ou de productions locales, bijouteries, tatoueurs, prestataires d’activités lagonaires (plongée sous-marine, location de bateaux, jet-skis, canoë, sorties pirogue avec nourrissage des raies pastenagues, sorties baleines) ou terrestres (centre culturel « tiki village », quad, acrobranche, équitation…).
Ces structures sont implantées non loin des lieux d’hébergement touristiques, le long de la route de ceinture, avec une concentration au nord, de Vaiare à la baie de Taiamiti. Ainsi le tourisme façonne l’espace et les paysages de Mo’orea. Pourtant, s’il a un poids important dans l'économie locale en contribuant à 8 % du PIB polynésien en 2019, il ne constitue pas l’unique axe de développement économique.
Un front urbain lié à la proximité fonctionnelle avec Pape’ete
Un boom immobilier récent. Le nombre de logements, localisés essentiellement sur la plaine littorale et dans quelques basses vallées, a été multiplié par plus de 4 entre 1983 et 2017, en passant de moins de 2.000 à plus de 7.000, dont 10 % est une résidence secondaire. La proximité du bassin d’emplois de Tahiti favorise les mouvements pendulaires entre les deux îles. Plus d’un actif de Mo’orea sur 6 travaille à Tahiti, essentiellement dans la zone urbaine. S’ajoutent à ces mouvements les multiples mobilités sur Tahiti des habitants de Mo’orea : scolarité pour certains lycéens et les étudiants, rendez-vous médicaux, et les rotations de nombreux véhicules de livraisons.
Les trajets domicile-travail : une « nouvelle banlieue ? ». L’apparition de ferries-catamarans rapides et de navettes-express a en effet rendu Mo’orea accessible aux trajets domicile-travail. La liaison s’opère en une demi-heure environ. Dès lors, les opérations immobilières se sont multipliées sur l’île, à l’image de la construction du lotissement de villas luxueuses Bel air dans les années 2000 sur les hauteurs de la plage de Tema’e, non loin de l’hôtel Sofitel qu’il surplombe, au nord-est. Les nombreux embouteillages qui rythment le quotidien des habitants de Tahiti et le coût du foncier dans la zone urbaine expliquent l’attrait résidentiel de Mo’orea pour des actifs bien rémunérés dans l’agglomération de Pape’ete.
Les axes de l’urbanisation. Elle progresse à partir de l’axe principal de circulation et est basée sur le développement d’un tissu de maisons individuelles, qui mite les territoires ruraux, le littoral et les pentes les plus basses. Le phénomène est par exemple sensible à proximité du port de Vaiare, qui jouxte une zone industrielle abritant quelques entreprises artisanales (garages, locations de véhicules, salles de sport…), où le front urbain gagne progressivement les hauteurs des vallées des rivières Papeare, Vaipohe et Nuuahi. Le développement de l’habitat pavillonnaire, qui se caractérise aussi par un étalement des habitations le long du littoral, limite de plus en plus l’accès traditionnel au lagon.
3. Les défis de Mo’orea entre questions environnementales, inégalités socio-spatiales et conflits d’usage
Si le choix d’un développement par le tourisme encourage la prise en compte de la préservation de l’environnement et la mise en valeur du patrimoine en tant qu’aménités indispensables à la pérennité de l’activité, il n’en reste pas moins que les dynamiques récentes d’intégration et leurs conséquences sur l’espace suscitent difficultés et oppositions. Les projets d’aménagements portés par les autorités et acteurs privés, comme le groupe local Wane, dont le plus emblématique est celui de l’extension de l’hôtel Sofitel au nord-est, suscitent ainsi interrogations et rejets de la part d’une partie de la population.
Vers un tourisme et des aménagements durables ?
Le CRIOBE, Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement, et l’écomusée Te Fare Natura qui permet aux visiteurs de découvrir le monde insulaire et les récifs coralliens, sont implantés à l’entrée de la vallée d’Opunohu. L’installation de ces organismes, de même que l’existence d’un plan général d’aménagement (PGA) et d’un plan de gestion de l’espace maritime (PGEM), témoignent de la prise en compte institutionnelle de la fragilisation des éco-systèmes induite par l’anthropisation croissante et par le réchauffement climatique global. Le PGA sur l’espace terrestre comme le PGEM sur l’espace maritime sont des outils administratifs, qui définissent des zones d’activités permises et interdites : zone urbaine, touristique, activités de pêche autorisées avec ou sans condition, etc.
Les enjeux littoraux. Du point de vue environnemental, l’urbanisation croissante et l’aménagement d’infrastructures touristiques entraînent une érosion importante des sols, l’asphyxie des récifs frangeants, indispensables dans le cycle de reproduction de nombreuses espèces marines, et une hyper-sédimentation des lagons. L’urbanisation du cordon littoral, qui n’est pas concerné par la « loi littoral » française, la Polynésie française étant un territoire autonome, s’accompagne généralement de remblais, souvent sauvages, aux dépens du récif frangeant et des plages.
En fixant le haut de la plage de sable par des enrochements ou des murets, pour protéger des vagues les habitations et infrastructures lors de cyclones ou très grosses houles, ils favorisent un processus de dégraissement des plages pouvant les amener à disparaître. Ce processus pourrait être accéléré par la montée des eaux et la plus grande fréquence des épisodes de submersions marines liées au réchauffement climatique. Par exemple, sur la plage publique de Ta’ahiamanu, des travaux ont été nécessaires en 2019 afin de lutter contre l‘érosion. L’augmentation des usages des ressources marines et lagonaires et les phénomènes de blanchissement du corail liés également au réchauffement climatique global fragilisent aussi les éco-systèmes.
Les enjeux terrestres. En outre, le milieu terrestre est confronté à la destruction ou à la modification des habitats naturels et à l’invasion d’espèces animales ou végétales introduites. Ainsi les forêts sont envahies par le miconia, « cancer vert » de Tahiti. Une érosion sensible de la biodiversité terrestre et marine de l’île est observée depuis les dernières décennies. Dans le cadre du PGA et du PGEM, mis en place par les autorités locales, une surveillance scientifique porte sur les huit aires marines réparties autour de l’île, trois au nord : Tiahura, Pihaena et Aroa, trois à l’est : Nuarei, Ahi et Maatea, et deux à l’ouest : Taotaha et Tetaiuo. L’étude du milieu terrestre tranche sur celle du milieu marin par l’absence d’aires protégées, mais représente une première étape en vue d’une politique de conservation.
Dualisme et inégalités socio-spatiales : des enjeux majeurs
Fragilités socio-économiques et précarité. Mais le PGA, le PGEM et la récente volonté des autorités publiques de les repenser afin de faire de Mo’orea une zone prioritaire d’aménagement et de développement durable (2021) se heurtent à un contexte particulier : la commune présente en effet un environnement socio-économique marqué par la précarité. Un peu moins de la moitié de la population vit dans neuf quartiers prioritaires à Afareaitu, Atiha, Haapiti, Maharepa, Paopao, Papetoai, Teavaro, Urufara, Vaihere, répartis sur l’ensemble de l’île : aucun secteur géographique n’est donc épargné par cette situation de précarité qui prend en compte plusieurs indicateurs, notamment jeunes décrocheurs, non diplômés, monoparentalité, chômage, insalubrité et surpeuplement des logements, et qui touche particulièrement la jeunesse.
Dans le même temps la présence des touristes étrangers mais aussi des résidents, touristes ou résidents secondaires en provenance des zones urbaines de Tahiti, aboutit à la production de lieux contrastés et imbriqués -d’enclaves- qui marquent l’identité de la commune, ce qui peut expliquer les attentes divergentes de la population au regard du développement économique et touristique de l’île. A titre d’exemple, au début des années 2020, un quart de la population de l’île, concentrée au sud, dans les secteurs où l’hôtellerie est peu présente, reste à l’écart du service de distribution d’eau potable et ce, malgré les progrès accomplis. Cela interroge une partie de la population, étant donnée l’importance des subventions publiques, par le biais de politiques de défiscalisation notamment, au bénéfice du secteur du tourisme.
Dualisme socio-spatial et ségrégation en débat. Les enclaves luxueuses des hôtels ou résidences de villas individuelles côtoient donc les quartiers défavorisés. Les formes d’aménagement hôtelier jouent sur le principe du retranchement. Les hôtels se déploient sur le lagon à partir du littoral en implantant des bungalows, dont certains sur pilotis. Les enclaves touristiques et résidentielles de luxe, essentiellement localisées sur la côte nord nord-ouest de l’île de Mo’orea, où on trouve les plages de sable blanc les plus prisées, ne sont pas accessibles aux habitants de Mo’orea les moins fortunés.
L’enclavement des installations hôtelières se matérialise par une clôture interdisant l’accès au domaine « côté montagne », tandis que le « côté mer » reste ouvert sur la plage, afin qu’elle soit accessible à la seule clientèle. Leur présence, couplée à la bétonisation croissante du littoral en lien avec le processus d’urbanisation, aboutit à une forme de confiscation de l’accès, professionnel et récréatif, au lagon, et au foncier littoral. Les mesures de gestion administrative du territoire confortent cette forte ségrégation spatiale : le PGA prévoit peu d’accès au littoral pour les pêcheurs en face des villages, mais privilégie les zones touristiques à proximité des aires marines protégées. La population de Mo’orea, comme les pensions de famille modestes, se plaignent de la rareté des accès à des plages publiques pour des activités récréatives.
Représentations et conflits d’usage
Tissu associatif et jeux d’acteurs. Des associations, par exemple regroupées au sein de la fédération Tāhei 'auti ia Mo'orea, portent une critique sociale, écologiste et culturelle des modes de vie dominants et de la gestion contemporaine de l’espace, qui redouble et prolonge un souci de renouer avec des manières anciennes plaçant au premier plan le respect de l’autorité du Fenua (la terre), et qui seraient donc plus compatibles avec la protection de l’environnement. La fédération organise de grands rassemblements de protestation, notamment sur la plage de Tema’e, l’une des rares plages encore accessibles à la population dans sa partie nord, le sud étant occupé par l’hôtel Sofitel dont le projet d’extension pourrait mettre un terme à cette accessibilité.
L’opposition se cristallise aussi autour de la question du mouillage, jugé excessif, des voiliers de plaisance, que certains dénoncent comme constituant une nuisance. Mais elle porte également en partie sur l’aménagement de nouveaux lotissements, qui concerneraient sept parcelles localisées à Haapiti, Paopao, Teavaro, Afareaitu (plus de 200 logements envisagés), dont trois programmes de logements sociaux portés par l’Office Public de l’Habitat, ce qui témoigne de la complexité des motivations des protestataires.
Patrimoine, identité et culture. L’attention portée aux problématiques environnementales et sociales est indissociable de la question de la mise en valeur du patrimoine et de la culture traditionnelle. Les travaux archéologiques ont dressé des inventaires des lieux culturels et politiques anciens, ce qui a permis leur mise en valeur touristique partielle. Mo’orea est l’une des rares îles polynésiennes à disposer d’un réseau de sentiers de randonnées, balisés, permettant notamment la découverte en autonomie de sites archéologiques aménagés.
Ainsi, dans la vallée d’Opunohu, sur plus de 500 anciennes structures répertoriées, à caractère religieux, civil, agricole, huit ont été restaurés. Ces sites se trouvent dans un bois de mape ou châtaignier tahitien facile d’accès : les vestiges archéologiques, essentiellement des paepae et marae, c’est-à-dire des structures construites le plus souvent en pierres volcaniques ou en corail, où se déroulaient les anciens cultes polynésiens, associés souvent à des cérémonies culturelles, sociales et politiques, sont reliés par le « sentier des ancêtres », tracé à partir de la route du belvédère. Une partie de la population et des associations locales dénoncent l’insuffisance de la mise en valeur des sites, quand d’autres souhaitent maintenir ce patrimoine archéologique soigneusement préservé, à l’écart du « tout tourisme ».
En effet, la perception de la « renaissance culturelle polynésienne » englobant les langues, la spiritualité, les danses, les chants, les parures végétales, l’artisanat, le tatouage, les pratiques festives et les repas traditionnels supposant agriculture et pêche non moins traditionnelles, que le « Tiki village » sur le littoral nord-ouest propose de faire connaître aux visiteurs, est complexe et ambigüe. Cette renaissance s’inscrit dans un discours décolonial de réappropriation de l’identité ma’ohi par les populations autochtones. Mais mise au service du développement touristique, elle peut être perçue comme instrumentalisée et participant de formes de néocolonialisme, marquées par des rapports asymétriques. Elle faciliterait les processus d’exotisation et d’exploitation des périphéries par les acteurs perçus comme centraux que sont les autorités publiques et investisseurs privés de Tahiti, de France hexagonale et désormais étrangers.
Ainsi, un développement volontariste reposant essentiellement sur la poursuite de la mise en tourisme et supposant de nouveaux aménagements suscite -t-il rejets et interrogations. La diversité des perceptions, des pratiques de l’espace et projets d’occupations spatiales et l’intrication voire l’ambivalence des discours portant sur les usages de l’espace au sein de la société polynésienne produisent donc une situation complexe et révèlent un jeu d’acteurs et d’usagers, qui défendent des intérêts souvent contradictoires, et dont tous ne souhaitent pas la poursuite des dynamiques d’intégration de Mo’orea à des ensembles plus vastes, à différentes échelles. Le développement touristique et l’urbanisation, consommateurs d’espace et de ressources, peuvent ainsi engendrer des situations conflictuelles.
Zooms d’étude
Zoom 1. Le nord et le centre de l’île : une petite desakota des mers du sud ?
La notion de desakota, littéralement « ville-village », proposée par Terry G. McGee en 1991, désigne des formes de peuplement observées initialement en Asie, qui présentent une mixité des activités agricoles et non-agricoles dans des espaces densément peuplés, où la mobilité des populations est localement importante. Développée avant tout pour l’Indonésie, la desakota correspond aussi à des formes d’habitat et de vie d’autres lieux. A ce titre, Mo’orea, et notamment son littoral nord visible ici, peuvent être lus au prisme de cette notion. En effet, Mc Gee définit cinq critères pour identifier les desakotas :
Une grande partie de la population est, ou a été, engagée dans l’agriculture, ce qui est visible au sud sud-ouest de l’image. Le parcellaire dédié à la culture de l’ananas est bien identifiable au sud du mont Rotui.
Des activités non agricoles variées : commerce, transport, industrie et, ici, tourisme, se développent dans des zones qui étaient auparavant largement agricoles, ce dont témoignent au nord-ouest les bungalows sur pilotis de l’hôtel Hilton par exemple. On peut relever également que l’expansion de la culture de l’ananas s’est accompagnée, en 1981, de l’ouverture d’une usine de jus de fruit située au pied du mont Rotui, à Piha’ena, au nord-ouest de la baie de Cook. Cette création a été impulsée par la coopérative des planteurs d’ananas de Mo’orea qui a sollicité le gouvernement pour valoriser les récoltes invendues. En 1984, la société Manutea Tahiti spécialisée dans la fabrication de boissons alcoolisées, notamment de rhum agricole fabriqué à base de cannes O’Tahiti cultivées en partie sur les parcelles Hotu Fenua de Mo’orea, derrière l’usine, la reprend. Aujourd’hui, les produits « Rotui » et « Manutea » sont consommés dans l’ensemble de la Polynésie française. La société emploie une quarantaine de personnes et fait vivre près de 100 planteurs et agriculteurs.
Par ailleurs, il y a une quarantaine d’années l’Institut français de recherches pour l'exploitation de la mer (Ifremer), a créé la ferme d’élevage de crevettes de la vallée d’Opunohu. Aujourd’hui en gestion privée, sa vocation est devenue commerciale. Le site d’aquaculture comprend 11 bassins sur une superficie totale de 2 hectares. Il satisfait principalement la population de Mo’orea en approvisionnant régulièrement le marché frais de l’île dans les supermarchés, les magasins, les hôtels, ou en ayant recours à la vente directe.
La coloration agricole de Mo’orea repose également sur l’implantation d’un lycée agricole installé sur le site d'Opunohu depuis le début des années 70. Les élèves y disposent d'une exploitation agricole comme support pédagogique et d’un « Fare vente » pour la valorisation des produits.
La participation des femmes dans la production industrielle et les services. A Mo’orea, les femmes constituent la majeure partie des employées des hôtels, tiennent des pensions de familles. On les trouve aussi à la tête de nombreuses entreprises liées au tourisme ou au commerce.
L’utilisation des sols est imbriquée de façon complexe : agriculture, industrie, commerce, habitat, et ici tourisme, notamment sur le littoral. On pourrait élargir d’ailleurs pour partie ce constat à l’utilisation du lagon (pêche, activités récréatives et de loisirs diverses, activités sportives traditionnelles : pratique du va’a ou pirogue, aires à vocation de protection environnementale, transports).
Une forte mobilité de la population et des biens vers les grands centres urbains, mais aussi au sein de ces zones. Différents lotissements sont ici visibles, sur le littoral, dans les vallées ou s’élançant en direction des pentes, dont certains sont constitués de résidences principales et secondaires appartenant aux urbains de Tahiti, et d’autres de logements sociaux.
Repères géographiques
Images réalisées par un satellite Pleiades le 26 juillet 2019
Contient des informations PLEIADES © CNES 2019, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.
Zoom 2. Le nord-ouest de l’île : une mise en valeur touristique peu consensuelle révélée par les friches hôtelières
Atouts et aménités : des critères très hiérarchiques
C’est le nord-ouest qui présente sans doute les aménités les plus favorables à la mise en tourisme. Camaïeu de bleus du lagon propice ici à la pratique du kitesurf, du canoë et du paddle, fonds marins permettant le snorkeling à la rencontre de tortues et de raies léopards, plages de sable blanc comme celle des Tipaniers, motu que l’imaginaire touristique mondial associe aux robinsonnades, cocoteraies et profusions de plantes fleuries…
On ne s’étonne pas de la présence de différents types d’hébergements touristiques, du camping à l’hôtel 5* avec bungalows sur pilotis, en passant par des pensions de famille et résidences de villas luxueuses, qui sont essentiellement exploitées en tant que résidences secondaires ou locations de tourisme à l’exemple des villas Residence Legends côté montagne, face à l’hôtel Intercontinental. En face de la plage des Tipaniers, dont l’accès a été privatisé par l’hôtel du même nom, un banc de sable situé au-delà du chenal de navigation est dédié au nourrissage des raies pastenagues, l’une des principales attractions touristiques de Mo’orea. La concentration d’excursionnistes et de bateaux loués, dont quelques-uns sont visibles sur l’image satellite, qui déversent leurs lots de touristes dans le lagon, y est sans doute plus spectaculaire que celle des raies et des requins pointe noire évoluant parmi des touristes plus ou moins sereins.
Les structures les plus facilement identifiables sur l’image satellite sont les bungalows sur pilotis qui prolongent le domaine clos de l’hôtel Intercontinental : 11 hectares, 142 unités d’hébergement dont 49 bungalows, ce qui représentait près de la moitié de la capacité hôtelière de Mo’orea en 2020. Ce complexe hôtelier abrite une clinique des tortues marines, gérée par l’association à but non lucratif Te Mana o te Moana, et un bassin à dauphins, qui assuraient en partie sa notoriété. Sa fermeture a été actée par la direction du groupe Pacific Beachcomber en 2020.
La friche touristique du Club Med Anau, qui s’était implanté en 1963 sur un terrain de 15 hectares, appartenant en 2000 à 29 propriétaires, bordé d’une plage d’une longueur de 300 m, en face des motu accessibles à la nage, et qui a fermé en 2005, est beaucoup moins visible : la végétation reprend ses droits rapidement en milieu tropical humide. La relativement longue exploitation du Club Med explique l’implantation de nombreux commerces, restaurants et prestataires de services en bord de route, essentiellement côté montagne.
Dynamiques et friches touristiques
Les travaux de Philippe Bachimon ont bien montré que les friches touristiques sont une forme permanente du paysage des îles touristiques de la Polynésie française. Mo’orea est l’une des principales îles concernées par ce phénomène. Ces friches hôtelières peuvent s’expliquer par le retrait d’investisseurs privés confrontés à des difficultés liées à la location des terrains à de multiples propriétaires, au manque de rentabilité ou à des conflits sociaux récurrents. Ces friches interdisent la fréquentation publique d’espaces considérables, et restreignent l’accès à la mer. Incendies, exactions et démontage-récupération des fare -habitations traditionnelles de Tahiti et par extension nom donné aux bungalows d’hébergements touristiques- en effacent plus ou moins les traces.
Des formes de réappropriation sont visibles : propriétaires qui « squattent » les bungalows laissés sur leur terrain, voire même ré-exploitation des bungalows dans le cadre de pensions de famille, à l’exemple du « Fare club ». Ce phénomène produit un paysage de clairières ouvertes présentant des pelouses entretenues autour de bungalows en assez bon état, entourées de broussailles et de forêts mitées de ruines. Parmi les nombreux propriétaires de la terre, certains choisissent de réoccuper les terrains privatifs pour leurs loisirs, loin de la foule qui fréquente les – rares - plages publiques. En effet les propriétaires de la terre ne sont plus seulement des ruraux vivant de leurs rentes foncières, mais des citadins de Pape’ete à la recherche de loisirs nautiques et balnéaires et de vacances. Leur résidence devient parfois permanente alors que cette forme d’occupation n’est pas autorisée en zone touristique. Sur la friche du Club, le grillage a été décalé sur la plage, aux dépends de l’espace public. Par ailleurs, la plage subissant un « dégraissement », le sable a disparu d’une partie du linéaire côtier, où des murets bétonnés tentent de contenir l’érosion. Le passage des promeneurs ou usagers du lagon en bord de mer ne peut plus s’effectuer que par l’eau. La friche d’Anau gagne progressivement en invisibilité, elle s’enkyste.
Un modèle touristique en débat
Les pouvoirs publics semblent se désintéresser de ces espaces, alors que le discours dominant présente le tourisme comme le moyen privilégié du développement économique. Les choix politiques, quelque-soit l’orientation partisane des décideurs, ont produit un développement touristique erratique, en favorisant les grands projets présentés par des groupes au détriment des réhabilitations de friche (en cela, la réouverture de l’hôtel Cook’s bay situé à Paopao en 2023 constitue une exception notable), en ménageant les propriétaires fonciers plus ou moins squatteurs mais aussi électeurs, ou en proposant des aides aux pensions de famille (labellisation, fourniture de fare clef en main, de panneaux solaires, d’éoliennes…) qui n’ont d’ailleurs pas toujours connu d’exploitation pérenne, ni même, parfois, d’ouverture. La pandémie de Covid 19 a mis en lumière ces fragilités structurelles en entraînant l’effondrement conjoncturel de la fréquentation touristique.
En période faste, les deux secteurs peuvent coexister en complémentarité, les pensions étant davantage tournées vers la clientèle locale ou affinitaire, tandis que l’hôtellerie de luxe l’est vers une clientèle plus internationale. Mais dans les phases de baisse d’activité, notamment lors de la récente crise sanitaire mondiale, les hôtels ont baissé leurs tarifs pour attirer la clientèle locale à fort pouvoir d’achat, tandis que les pensions utilisaient les « salons du tourisme » organisés deux fois par an à Pape’ete pour conserver leurs parts du marché, affaiblissant ainsi la rentabilité et la viabilité économique de l’ensemble… Et aboutissant encore à la fermeture de nouveaux sites d’hébergement touristiques, pour des raisons économiques avérées, ou en offrant un prétexte à des investisseurs qui souhaitaient se désengager. C’est ainsi que l’on a assisté à la fermeture de l’hôtel Intercontinental, dont les bungalows pourraient, d’ici peu, constituer une friche, lagonaire autant que terrestre, supplémentaire.
Ces friches seraient ainsi révélatrices, d’après Philippe Bachimon, d’un refus de la présence du tourisme international comme source principale de revenu pour la Polynésie française. Ce “non-dit, entre d’une part ceux qui reproduisent le modèle touristique pour leur pratique exclusive et ceux qui attachent à la terre une valeur symbolique tendant à la rendre inaliénable et imperméable à des pratiques extérieures”, pourrait être assez consensuel. L’idée que le secteur touristique n’a pas tenu ses promesses en termes d’emplois pour les populations locales, notamment en ce qui concerne les emplois les plus qualifiés, se répand. De lourds conflits sociaux -la fermeture de l’Intercontinental s’inscrit aussi dans ce contexte- l’alimentent. Et “les politiques territoriales pourraient n’être qu’illusion, effet d’annonce, par l’affichage de leur volontarisme et de leur objectif d’indépendance économique, voire politique, qui reposerait sur ce secteur d’activité”.
Repères géographiques
Images réalisées par un satellite Pleiades le 26 juillet 2019
Contient des informations PLEIADES © CNES 2019, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.
Zoom 3. Le nord-est de l’île : de grands aménagements contestés
Le nord-est de l’île concentre les grands aménagements, tels que l’aérodrome et le golf de Tema’e, l’hôtel Sofitel sur la plage de Tema’e, le quai, la gare maritime et la marina de Vaiare. Le secteur de Tema’e cristallise les oppositions à la mise en tourisme. Le projet d’extension de l’hôtel Sofitel, dont les bungalows sur pilotis se dessinent sur le lagon à l’est, est fortement contesté. Ce projet, s’il est mené à terme, pourrait aboutir au doublement du nombre de bungalows et à une quasi privatisation de la plage de Tema’e.
En 2021, le Pays a accordé une dérogation au groupe Wane pour la construction de plusieurs bungalows sur l'eau dans une zone protégée par le plan de gestion de l'espace maritime, en transformant la zone de Tema’e en zone de développement prioritaire. Poursuivi par l'association des habitants de Tema'e Mo’orea, le Pays a été sommé par le tribunal administratif, qui a constaté l’absence de consultation publique, d'annuler l'article du PGEM permettant l’extension lagonaire de l’hôtel en 2022. De multiples bras de fer judiciaires, manifestations populaires, et, selon les opposants au projet, l’approche des élections territoriales d’avril 2023, ont conduit le gouvernement polynésien à annoncer vouloir racheter une partie de la plage, au nom du bien commun, en février 2023. Pour autant, le projet hôtelier n’est pas définitivement abandonné.
L’extension de la capacité d’accueil de la marina de Vaiare suscite également une forme de rejet, d’autant que la fréquentation croissante du lagon par les voiliers de plaisance et embarcations motorisées, accusés d’être à l’origine de pollutions et d’accidents relativement fréquents, est mal perçue par beaucoup.
Repères géographiques
Images réalisées par un satellite Pleiades le 26 juillet 2019
Contient des informations PLEIADES © CNES 2019, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.
Images complémentaires
Image régionale : de forme triangulaire, Mo’orea « l'île sœur » de Tahiti est située à 17 kilomètres au nord-ouest de celle-ci. Elles sont séparées par un profond chenal.
Image prise par un saltellite Sentinel-2 le 21 juin 2021
La côte sud-ouest entre Haapiti et Atiha
Cette image de la côte sud-ouest entre Haapiti et Atiha témoigne des fortes contraintes qui organisent l’occupation et la mise en valeur de l’île : reliefs escarpés, prédominance des systèmes boisés denses, étroitesse de la plaine littorale... L’habitat concentré en bas des pentes est organisé par la route qui fait le tour de l’île.
Le massif du Mont Tohiea
Couvrant le massif du Mont Tohiea, qui culmine à 1207 m d’altitude, et la retombée sur Afareaitu, cette image témoigne de l’étroitesse des crêtes sommitales, de l’étagement de la végétation et de l’importance des dynamiques d’érosion. L’organisation des reliefs détermine clairement la mise en valeur et l’occupation de l’espace. Afareaitu apparait comme une cellule polarisée sur le littoral mais dont le terroir communal est composé de différents finages naturels et agricoles, dessinant ainsi un espace-mosaïque d’échelle locale. Il est organisé par des gradients bien individualisés de mises en valeur.
D’autres ressources
Ressources cartographiques :
- Site Te fenua, https://www.tefenua.gov.pf/
- Site : Plan de zonage et d’aménagement : https://www.service-public.pf/dca/pga-de-moorea/
Introduction et généralités :
-J. BONVALLOT, F. DUPON & E. VIGNERON dir., Atlas de la Polynésie française. ORSTOM, Paris, 1993
- R. JAMET, Les sols de Moorea et des îles Sous-le-Vent : Archipel de la société : Polynésie Française. IRD, Paris, 2000
Agriculture :
-https://www.onfinternational.org/wp-content/uploads/2022/06/Carte-de-ve…
Mise en tourisme :
-Site de l’Institut de la Statistique de Polynésie Française :
https://www.ispf.pf/themes/tourisme
- J-C GAY, « L’outre-mer en marge, les marges de l’outre-mer », Bulletin de l’association de géographes français, 94-3, 2017, 436-452.
-J-C GAY, « Les îles du Pacifique dans le monde du tourisme », Hermès, La Revue, vol. 65, no. 1, 2013, pp. 84-88.
-P. BACHIMON, « Les friches touristiques en Polynésie française – Révélateur d’une crise de la destination et forme de résistance au tourisme international », Viatourism [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 16 mars 2012, URL :http://journals.openedition.org/viatourism/1314 ; DOI : https://doi.org/10.4000/viatourism.1314
-STASZAK Jean-François. « Voyage et circulation des images : du Tahiti de Loti et Gauguin à celui des voyagistes », Sociétés & Représentations, vol. 21, no. 1, 2006, pp. 79-99.
Aspects démographiques et sociaux :
- Le site outremers360.com
- Le site de l’institut de la statistique de Polynésie française : https://www.ispf.pf/fiche-geo/29
Urbanisation :
-O. BON, « L’insoutenable développement urbain de l’île de Tahiti : politique du « tout automobile » et congestion des déplacements urbains », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 230 | Avril-Juin 2005, mis en ligne le 01 avril 2008. URL : http://journals.openedition.org/com/433 ; DOI : 10.4000/com.433
Environnement :
- H. CHEVILLOTTE, J-Y MEYER, T. MELLADO-FORICHON, J. FLORENCE, E. EMMANUELLI, E. AUBERTON-HABERT, R. GALZIN, J. FERRARIS. « Évaluation et suivi de la biodiversité dans l’île de Moorea, Polynésie française : approche méthodologique appliquée aux écosystèmes terrestres et marins. » In: Revue d'Écologie (La Terre et La Vie), tome 69, n°3-4, 2014. pp. 267-284.
Renaissance culturelle :
- S. BERNARD, F. MURY, « Le fenua, entre renouveau culturel et retour à la terre : vers une revalorisation des marges insulaires en Polynésie française ». CIST2020 - Population, temps, territoires, Collège international des sciences territoriales (CIST), Nov 2020, Paris-Aubervilliers, France. pp.39-42. ⟨hal-03114112⟩
Contributrice
Elodie Desbiens-Dervaux, Inspectrice d’académie, Inspectrice pédagogique régionale d’histoire géographie