L’île de Lombok est pendant longtemps restée dans l’ombre de sa célèbre voisine, Bali. Disposant d’une variété d’atouts touristiques, elle s’est dotée ces dix dernières années d’infrastructures permettant d’accueillir un nombre croissant de visiteurs. Ses plages de sable blanc, ses forêts luxuriantes et l’imposant volcan Rinjani, deuxième plus haut volcan d’Indonésie (3.726 m.), suscitent un vif intérêt chez les promoteurs touristiques. Néanmoins, ce développement doit aussi prendre en considération la forte exposition aux risques naturels de ce territoire insulaire, marqué notamment par une violente série de séismes en juillet et août 2018.
Légende l'image globale
Cette image de Lombok, île indonesienne a été prise le 17 juin 2018 par le satellite Sentinel 2A. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.
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L'image ci-contre indique quelques repères géographiques de l'ile de Lombok en Indonésie.
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Présentation de l'image globale
Lombok : une île volcanique au développement sous contrainte,
à l’image des défis de la croissance indonésienne
Un milieu insulaire diversifié mais dominé par le puissant volcan du Mont Rinjani
Lombok est une des 17.000 îles du vaste archipel indonésien. Elle est située à l’est de Bali et à l’ouest de Sumbawa et appartient ainsi aux Petites îles de la Sonde. S’étendant sur 4 739 km2, elle est peuplée de 3,1 millions d’habitants, et présente donc une forte densité (668 hab./km2)
Lombok est reliée par des liaisons maritimes quotidiennes à Bali par le port de Lembar au sud-ouest et à Sumbawa par le port de Tanjung Luar au sud-est. Depuis 2011 elle dispose également d’un aéroport international situé à Praya.
Sa topographie est marquée par deux chaînes de montagnes parallèles. Celle du sud est formée de plateaux calcaires de faible altitude tombant en falaises sur tout le sud-ouest de l’île. Alors que celle du nord est issue d’une puissante formation volcanique : en effet, le Mont Rinjani, qui est le deuxième plus haut volcan d’Indonésie, y culmine à 3 726 mètres. Sur l’image, on distingue nettement le lac Segara Anak situé à 2.800 mètres dans la puissante caldeira dominée par le Mont Rinjani.
La partie nord de l’île apparaît sur l’image bien plus verte que le reste du territoire insulaire. Les populations locales y ont effet su profiter de la fertilité des sols volcaniques pour développer les cultures de café, ou encore de riz, sans oublier le fameux piment qui a donné son nom à l’île. Fondé en 1997, le Parc National du Mont Rinjani couvre 41.330 hectares et occupe ainsi une très large partie du nord de l’île.
La plupart des habitants de l’île se concentre dans la large dépression qui s’épanouie entre les deux chaînes de montagnes. Elle est composée de vastes plaines agricoles où l’on cultive le riz, le maïs, le tabac mais aussi le coton. Le chef-lieu de Lombok, Mataram – dont l’agglomération est been visible sur l’image, est situé dans la partie occidentale de l’île et abrite 402.000 habitants.
Une île indonésienne des Petites îles de la Sonde face au développement touristique
Depuis quelques décennies, l’île de Lombok a connu un processus de touristification, pour partie porté par ses acteurs locaux et régionaux, visant à diversifier l’économie insulaire en valorisant ses nombreux atouts naturels, culturels, patrimoniaux et humains.
Le littoral au nord de Mataram a en effet connu les prémices d’un développement touristique de l’île dans les années 1990. A Sengigi, les complexes hôteliers se sont peu à peu multipliés le long des plages et ils attirent aujourd’hui des touristes venus profiter des longues étendues de sable blanc.
Le sud de l’île, plus aride, tire lui aussi une partie de ses ressources du tourisme qui s’est développé notamment dans la zone de Kuta. Malgré la sécheresse qui touche régulièrement la région, notamment au sud-est comme nous pouvons le remarquer sur l’image dans la péninsule d’Ekas, cette zone attire des touristes qui viennent profiter de spots de surf de plus en plus populaires.
Mais Lombok ce sont aussi les Gili - « île » dans la langue locale sasak-, ces petites îles paradisiaques ayant connu un formidable essor touristique. Même si le trio des îles du nord-ouest reste le plus visité, les Gili du sud-ouest et même du nord-est attirent peu à peu un nombre croissant de touristes.
Culture traditionnelle, développement économique et tourisme halal
Surnommée « l’île des mille mosquées », la culture de Lombok se distingue de sa célébrissime voisine balinaise par la religion de la majorité de ses habitants. La plupart d’entre eux sont des Sasak, musulmans d’origine malaise, ayant leur propre langue. Les coutumes sasak relèvent de la foi wetu telu (« trois temps » de prières) mêlant islam, hindouisme, bouddhisme et animisme. Bien qu’un islam plus orthodoxe se soit peu à peu imposé parmi la population sasak, les rites et cérémonies locales persistent dans certains villages et clans. La culture sasak est devenue par ailleurs un argument touristique avec la mise en valeur de villages traditionnels où les savoir-faire comme le tissage sont mis en avant.
Par ailleurs, Lombok a connu de nombreux flux migratoires internes, notamment avec les affrontements entre diverses populations indonésiennes avant et pendant la colonisation, ce qui explique par exemple la présence de minorités balinaises hindoues ou encore chinoises. Aujourd’hui, le développement économique de l’île attire travailleurs Javanais ou encore Balinais en provenance d’autres îles de la péninsule indonésienne.
La présence d’une importante population musulmane combinée à un fort potentiel touristique a permis à l’île de Lombok d’être désignée en 2015 « Meilleure destination de tourisme halal au monde » lors du Sommet mondial du tourisme halal à Abu Dhabi. Avec un nombre croissant de voyageurs musulmans, notamment en provenance des pays du Golfe, les destinations dites de tourisme halal se sont en effet multipliées. Le tourisme halal assure le respect des valeurs de l’islam en permettant aux voyageurs d’exercer pleinement leur foi. Une nourriture halal disponible, un accès facilité à la mosquée, une ségrégation gendrée (piscines pour hommes et pour femmes par exemple) ou encore l’absence de boissons alcoolisées doivent être garantis dans les destinations halal.
« L’île des mille mosquées » a commencé à attirer l’attention des investisseurs du Moyen-Orient dans les années 1990. Le Svarga Resort à Senggigi est un des premiers hôtels de Lombok basé sur le respect des valeurs islamiques. D’autres hôtels ont par la suite vu le jour et la désignation de Lombok comme meilleure destination du tourisme halal est vécue par le gouvernement comme une opportunité pour développer ce secteur sur l’île. Ce titre permet ainsi d’attirer voyageurs musulmans régionaux mais également internationaux et de favoriser l’insertion de Lombok dans les réseaux du tourisme mondial.
Une résilience insulaire face aux risques sismique et volcanique
L’Indonésie est située sur la Ceinture de feu du pacifique et les habitants de Lombok doivent ainsi régulièrement faire face aux risques naturels. La menace de séismes, de tsunamis ou encore d’éruptions volcaniques fait de Lombok un milieu contraignant.
Tout d’abord, le Rinjani est un volcan en activité qui peut à tout moment se réveiller. Sa dernière éruption remonte au 27 septembre 2016. La propagation des cendres volcaniques avait entraîné la fermeture du Parc National du Mont Rinjani ainsi que l’évacuation des randonneurs qui tentaient son ascension. L’aéroport de Bali avait par ailleurs été momentanément fermé.
Les risques sismiques sont également récurrents. En juillet et août 2018 une série de tremblements de terre destructeurs secoue l’île. Les deux plus puissants de cette série sont de magnitude 6,4 le 29 juillet et de magnitude 7 le 5 août. Habitations, mosquées, mais aussi hôpitaux sont fortement dégradés voir totalement détruits. Le bilan humain fait état d’au moins 555 morts et environ 1.500 blessés. L’évacuation médiatisée des touristes étrangers, notamment des îles Gili, impacte fortement le tourisme sur l’île.
Les versants du Mont Rinjani, fragilisés par des éboulements, sont devenus inaccessibles ce qui entraîne la fermeture du Parc National pendant plusieurs mois, privant de ressources financières les travailleurs du secteur touristique de la région. Les Gili et le secteur de Senggigi sont désertés et les reconstructions d’hôtels et restaurants demandent des semaines. Les reconstructions sont lentes et l’aide apportée aux sinistrés est quant à elle souvent insuffisante, nombre d’entre eux devant se contenter de vivre dans de modestes tentes dans les mois qui suivent.
Néanmoins la capacité de résilience de la société indonésienne, fréquemment confrontée aux catastrophes naturelles, permet un retour progressif des touristes dans l’île. Ainsi, la région de Senggigi et les îles Gili voient de nouveau les visiteurs affluer lors de la haute saison l’été suivant. Cependant aujourd’hui encore les stigmates des séismes sont visibles dans le nord de l’île. Des gravas jonchent encore les routes, des habitations et écoles attendent toujours d’être reconstruites.
Zooms d'étude
Le Parc National du Mont Rinjani : la mise en valeur d’une zone à risque
En partie recouvert de nuages sur l’image satellite, le Mont Rinjani est devenu une des principales attractions touristiques de Lombok. Les autorités indonésiennes ont en effet réussi à valoriser cette zone pourtant soumises aux risques naturels. Visible sur l’image, une immense caldeira d’une cinquantaine de kilomètres carrés abrite un lac de cratère, le Danau Segara Anak, ainsi qu’un cône volcanique toujours actif, le Barujari. Le point culminant du volcan (3 726 m) se situe sur le rebord oriental de la caldeira.
L’impact mondial de la gigantesque explosion de 1257
Les scientifiques estiment que cette caldeira fût formée suite à une explosion volcanique gigantesque du stratovolcan Samalas en 1257 et de son effondrement. Un panache volcanique s’éleva à plus de quarante kilomètres dans la stratosphère et les roches et cendres ensevelirent les pentes du volcan dans un rayon de vingt-cinq kilomètres.
Cette catastrophe entraina la disparition du Royaume de Lombok, dont les vestiges seraient à dix kilomètres sous la surface actuelle. L’éruption eut un impact planétaire en provoquant un refroidissement climatique notamment en Europe. Elle serait ainsi à l’origine de famines dévastatrices à Londres en 1258.
Le Mont Rinjani : un pôle de premier plan pour le tourisme de randonnée et le trekking
Malgré les risques de nouvelles éruptions, le Mont Rinjani est devenu une attraction incontournable pour les visiteurs de l’île. Les treks de plusieurs jours pour atteindre le sommet attirent les randonneurs étrangers, séduits par les paysages mis en avant par les promoteurs touristiques.
Ces treks sont ainsi une source de revenus non seulement pour les habitants de la région mais aussi pour le gouvernement grâce au droit d’entrée au parc. Les autorités travaillent par ailleurs avec les communautés locales pour la mise en valeur du site tout en délivrant les autorisations officielles des guides. Enfin, faune et flore sont protégées dans les limites du Parc national.
Les îles Gili : des territoires convoités mais également menacés
Longues plages de sable blanc, récifs coralliens peuplés de tortues, requins et autres poissons multicolores, hôtels chics et romantiques… La carte postale semble parfaite et répondre aux goûts en matière de farniente et de plongée des touristes du monde entier. Elles sont reliées quotidiennement par voie maritime aux ports de Bali et de Lombok et sont bien souvent une étape lors d’un voyage sur l’île balinaise voisine. Les fameuses îles Gili attirent chaque année toujours plus de visiteurs et doivent faire à la gestion du tourisme dans un territoire insulaire restreint.
Spécialisation fonctionnelle de l’espace et dualisme sociospatial
Gili Trawangan, l’île la plus à l’ouest, accueille le plus grand nombre de touristes et est réputée pour ses fêtes en plein air. Les hôtels se sont multipliés sur les côtes, le littoral offrant une concentration d’activités touristiques au milieu desquelles les embarcations de pêcheurs se font rares. Gili Air, l’île la plus à l’est, est également devenue très prisée et les côtes ont elles aussi été grignotées par les hôtels, restaurants et clubs de plongée. Gili Meno, au centre, reste la plus préservée des trois îles même si elle connaît elle aussi un flux continu de visiteurs.
L’organisation spatiale de ces îles révèle une spécialisation des territoires en fonction des activités menées. Ainsi, aux littoraux destinés en grande partie aux activités touristiques s’oppose un arrière-pays plus rural mais progressivement grignoté par les hôtels. Cette division de l’espace est aussi révélatrice d’une fragmentation sociale. Tandis que les populations locales vivent à l’intérieur des terres dans des conditions parfois précaires (manque d’accès à l’eau potable, à l’électricité…), les luxueux complexes hôteliers apportent un maximum de confort à leur clientèle (piscines, climatisations…). La gestion de l’eau et son accès, notamment lors de la saison sèche, est très variable selon les utilisateurs.
Convoitises, protection des milieux coralliens et défis de la gestion des déchets
Les Gili sont sources de nombreuses convoitises, ce qui n’est pas sans conséquences environnementales. Les récifs coralliens, visibles en bleu turquoise sur l’image, subissent en effet divers facteurs de dégradation, d’origine naturelle ou humaine. De nombreux coraux ont été fortement dégradés suite au phénomène El Niño en 1997-1998 et les études menées ont permis l’installation de structures Biorock (structures permettant la croissance accélérée des coraux) depuis 2006.
La valeur patrimoniale et la plus-value touristique des récifs coralliens ont conduit des associations locales à mener divers projets de sensibilisation et de protection. Ainsi, des accords ont été trouvés avec les pêcheurs locaux pour délimiter des zones de pêches illégales mais également pour interdire la pêche au cyanure et à la dynamite, responsable d’une importante destruction des récifs.
La gestion des déchets est un véritable défi sur les Gili. Un tourisme florissant et des infrastructures de gestion des déchets très limités ont des conséquences directes sur la pollution des mers. Certaines espèces marines sont ainsi menacées par la présence de plastique dans les océans. Ainsi, des campagnes de sensibilisation sont menées par des associations locales pour limiter l’usage du plastique sur les îles.
Mais l’afflux touristique est tel qu’il est impossible d’éviter tout impact sur l’environnement. La ponte des tortues marines sur les plages est par exemple perturbée par les lumières artificielles et la foule de fêtards de Gili Trawangan. Ces îles illustrent le paradoxe d’une nature valorisée mais dans le même temps menacée par le tourisme.
Kuta et le projet Mandalika : un territoire en profonde mutation
La petite ville de Kuta n’a longtemps proposé que des guesthouses et warungs (restaurants locaux) pour les routards et surfeurs de passage. Depuis quelques années les hôtels et restaurants ont fleuri le long de la route principale et Kuta devient presque un passage obligé pour les visiteurs de l’île. Sa région offre en effet de longues plages de sable blanc ainsi que des vagues rêvées pour les surfeurs, visibles sur l’image.
Le projet Mandalika : un vaste projet national et international
Mais un projet d’aménagement pharaonique va prochainement bouleverser le paysage de la région. Le projet Mandalika, du nom d’une des plages à l’est de Kuta, désigne une vaste ZES (Zone Economique Spéciale) de 131 hectares destinée à abriter des infrastructures de tourisme et de loisirs. La Société de développement du tourisme indonésien (ITDC) a confié au groupe français Vinci l’aménagement de cette zone dont le coût s’élève à un milliard de dollars.
Cette station balnéaire proposera 1.900 chambres d’hôtels parmi lesquels le Pullman ou encore le Club Med et une variété d’infrastructures de loisirs (terrain de golf, salle de concert, parcs…). Mais elle inclut également un circuit de MotoGP dont la première course du Grand prix d’Indonésie doit avoir lieu en 2021 et pourra accueillir 150.000 spectateurs. Les premiers aménagements de ce projet titanesque sont déjà visibles sur l’image. La longue plage de Tanjung Aan qui accueille pour l’instant quelques touristes locaux et internationaux semble vivre ses derniers instants de tranquillité.
Un projet gouvernemental face à de nombreuses critiques
Le gouvernement indonésien est vivement impliqué dans ce projet qu’il voit comme une opportunité pour développer l’île et attirer les investisseurs étrangers. Le projet Mandalika est présenté par l’ITDC comme éco-responsable avec l’installation de panneaux solaire et de plus de 51% de l’espace dédié aux espaces verts.
Néanmoins les menaces que représente un tel projet sur l’écosystème et les populations locales suscitent des critiques de la part des habitants. De plus, le souvenir des séismes de l’été 2018 rendent certains organisateurs des courses de MotoGP dubitatifs sur le choix de la localisation du circuit. Les constructions s’élèvent néanmoins peu à peu et les transformations de l’économie régionale seront étudiées de près par le gouvernement indonésien.
Ressources complémentaires
Saputri Sapta et Akhmad Faqih : « Geospatial Approach for Ecosystem Change Study Influence of Climate Change », Procedia Environmental Sciences, 25/dec. 2015.
Surf-Forecast.com. Site spécialisé dans les spots de surf. La côte ouest de Lombok
Siti Daulah Khoiriati, I Made Krisnajaya, Dedi Dinarto : « Debating Halal Tourism Between Values and Branding: A Case Study of Lombok, Indonesia », The 1st ICSEAS, 2016
Contributeur
Charlotte Beaudouin, Professeure d’Histoire-Géographie au Lycée Louis Antoine de Bougainville, Bali, Indonésie