Légende de l’image
Cette image de Wissembourg, dans le Bas-Rhin, a été prise par le satellite Sentinel-2A le 14 mai 2022. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
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Wissembourg est une bourgade du Rhin supérieur, à la frontière entre l’Alsace et le Palatinat, dans un espace longtemps disputé entre la France et l’Allemagne, et désormais au cœur de l’Eurodistrict Pamina. Wissembourg est tout à la fois au centre d’un espace rural exploité de manière intensive, densément peuplé, entre Rhin et Vosges du Nord, et en périphérie du territoire alsacien et français, et se trouve davantage dans l’aire d’influence économique de Karlsruhe que de Strasbourg. Wissembourg est au cœur d’un espace transfrontalier dynamique, qui illustre les succès mais aussi certaines limites de la coopération franco-allemande et de l’intégration européenne.
Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Wissembourg : un espace transfrontalier dynamique
entre Alsace et Palatinat
Wissembourg : une bourgade frontalière dans une campagne dense
L’image présente un espace d’environ 23 km Nord-Sud entre la commune de Dahn, en Allemagne, et Woerth, sur 25 km Est-Ouest, entre les communes de Mothern, au bord du Rhin, et de Woerth. La commune de Lauterbourg, située le long du Rhin à l’Est de cette image, constitue le coin Nord-Est de «l’hexagone », étant frontalier des Länder de Rhénanie-Palatinat au Nord et de Bade-Wurtemberg à l’Est, et dispose d’un port qui constitue l’extension nord du Port Autonome de Strasbourg, deuxième port fluvial français, situé à une soixantaine de kilomètres en amont.
L’espace représenté est partagé entre la plaine du Rhin à l’Est, à une centaine de mètres d’altitude, et le piémont vosgien à l’Ouest, qui culmine à environ 500 m d’altitude. Une partie des versants orientaux du piémont sont plantés de vignes, principalement situées du côté palatin. Cet espace est dominé par un paysage agricole d’openfield, parsemé d’un réseau relativement dense de communes de part et d’autre de la frontière, et des massifs forestiers de la Bienwald à l’Est et des Vosges du Nord à l’Ouest. L’habitat de cet espace rural densément peuplé est essentiellement composé de villages-rues, à l’image de Schleithal, au Sud de la forêt du Bienwald, qui s’étend sur près de 4 km et jouit du titre de « village le plus long d’Alsace ».
Au centre de l’image, au carrefour entre la forêt de la Bienwald à l’Est et le piémont vosgien à l’Ouest, et le long de l’axe Nord-Sud qui relie Strasbourg et Haguenau aux villes palatines comme Landau, se situe Wissembourg. On distingue le centre historique de cette bourgade de 7500 habitants, avec le tracé sinueux de ruelles médiévales enserrées par des fortifications en partie conservées par une ceinture verte consacrée aux activités récréatives (zoom 2). Par-delà s’étendent différentes générations de lotissements, essentiellement pavillonnaires, ainsi que différentes zones d’activités industrielles, dans lesquelles se sont notamment implantées des entreprises allemandes. Le centre hospitalier à l’Ouest de la ville et le lycée Stanislas à l’Est, qui accueille près de 1500 élèves, rappellent la part prépondérante – 35 % des emplois salariés – de l’administration publique, de la santé et de l’enseignement dans les quelques 5000 postes salariés à l’échelle de l’aire d’attraction de Wissembourg, dont 4200 pour la seule commune de Wissembourg.
Si Wissembourg constitue un pôle d’emploi local important pour l’Alsace du Nord, l’ensemble de l’espace représenté se situe par ailleurs dans l’aire d’attraction de Karlsruhe, métropole badoise située à une vingtaine de kilomètres au Nord-Est de Lauterbourg, le long du Rhin. Près du tiers des 22 000 travailleurs frontaliers bas-rhinois vivent dans la zone d’emploi de Wissembourg mais effectuent des migrations pendulaires transfrontalières quotidiennes. Les constructeurs et équipementiers automobiles allemands, notamment l’usine de fabrication de poids-lourds de Mercedes-Benz de Wörth, à une dizaine de kilomètres au Nord de Lauterbourg, qui emploie près de 10 000 salariés, dont 20% de frontaliers, font partie des principaux employeurs de travailleurs frontaliers. Ce sont souvent près d’un tiers des actifs des communes situées autour de Wissembourg et le long de la bande rhénane qui travaillent dans le Bade-Wurtemberg ou dans le Palatinat.
L’activité viticole est particulièrement importante dans la partie palatine du piémont des Vosges du Nord. On trouve dans le village de Schweigen-Rechtenbach, situé à quelques centaines de mètres au Nord de Wissembourg, la « porte des vins », le « Deutsches Weintor », point de départ de la route des vins du Sud, la « Südliche Weinstrasse », qui se prolonge vers le Nord sur près de 80 km, jusqu’à la commune de Bockenheim. Au Sud-Ouest de Wissembourg se trouve le vignoble de Cleebourg, qui s’étend sur 200 hectares, sur le ban des communes de Cleebourg, Rott, Oberhoffen-les-Wissembourg, Steinseltz et Riedseltz. Il est géré par une coopérative viticole. On a ici un exemple intéressant d’effet frontière en termes de marketing territorial avec une sorte de « no man’s land » viticole. En effet, le vignoble situé à Wissembourg et à Cleebourg constitue de fait la partie méridionale de la « Südliche Weinstrasse » et est bien souvent ignoré dans les représentations de la route des vins d’Alsace, qui débute traditionnellement à Marlenheim, 60 km plus au Sud.
Une région transfrontalière sans frontière naturelle ?
Si quelques centaines de mètres de cours du Rhin apparaissent dans le coin Sud-Est de l’image, la frontière entre le Nord de l’Alsace et le Sud du Palatinat est difficilement identifiable. Cette dernière suit en partie le cours de la rivière Lauter, qui se jette dans le Rhin au niveau de la commune de Lauterbourg, qui constitue le coin Nord-Est de l’hexagone. La route départementale qui relie Lauterbourg à Wissembourg suit en partie le cours de la rivière, dans la partie méridionale de la forêt de la Bienwald. L’espace représenté ici se situe donc essentiellement « outre-Rhin ».
Sur le plan culturel, si on constate comme à l’échelle de l’Alsace dans son ensemble, un recul de la pratique dialectale, cette dernière reste encore relativement présente et valorisée dans différentes manifestations folkloriques, telles les festivités de la Pentecôte à Wissembourg. Surtout, les communes d’Alsace du Nord présentes sur l’image se situent dans ce qui est appelé l’Outre-Forêt, en référence à la forêt de Haguenau, plus au Sud. On y pratique le francique palatin tandis que c’est le bas-alémanique qui domine à l’échelle de l’Alsace.
La localisation frontalière de Wissembourg, siège d’une sous-préfecture jusqu’en 2015, avant que ses services ne fusionnent avec ceux de Haguenau, peut surprendre. Le département du Bas-Rhin s’étendait en effet jusqu’au premier traité de Paris, en 1814, jusqu’à la ville palatine de Landau, et la plus grande partie de l’espace visible sur la photographie dépendait donc administrativement de Wissembourg. C’est le second traité de Paris, négocié en 1815 dans le cadre du Congrès de Vienne, après l’épisode napoléonien des Cent-Jours, qui impose la Lauter comme frontière internationale.
La frontière est donc bien présente, notamment dans la partie Est de l'image. D’une part la Lauter sépare la commune alsacienne de Scheibenhard de la commune allemande de Scheibenhardt. D’autre part, on peut distinguer l’ancienne plateforme douanière, la « Porte de France », située entre Scheibenhard et Lauterbourg, et qui constitue une des extrémités de l’autoroute A35. Celle-ci ne se prolonge pas dans la Bienwald, suite au refus allemand d’entreprendre des travaux d’élargissement de la route existante, pour rejoindre l’autoroute A65. On a ici, à une échelle très locale et dans un espace pourtant situé dans la dorsale européenne, un exemple de la limite de l’intégration des réseaux de transport européen.
Un héritage militaire reconverti en pôles locaux d’attractivité touristique
A l’Ouest de l’image se situent différents vestiges d’une frontière longtemps militarisée entre la France et l’Allemagne, sur un territoire qui a vu se jouer les premiers affrontements de la guerre de 1870-1871. Différents mémoriaux entretiennent la mémoire de ce conflit, ainsi sur la colline du Geisberg, au Sud de Wissembourg, où subsistent des monuments allemands et français, ou encore à Woerth.
On compte par ailleurs de nombreux ouvrages de la ligne Maginot, dont ceux de Schoenenbourg et de Lembach, qui constituent de pôles locaux de tourisme mémoriel.
L’ancienne base aérienne 901 de Drachenbronn, située à l’Ouest de l’image, servait à la surveillance de l’espace aérien de l’Est de la France mais a été progressivement démantelée entre 2015 et 2018. La reconversion du site a été rendue par possible par l’action conjuguée des collectivités publiques et d’un investisseur privé, allemand, pour créer le Chemin des cimes. Il s’agit d’un parcours de plus d’un kilomètre, avec une tour d’observation de 23 mètres de hauteur, offrant une vue panoramique sur les Vosges du Nord, la plaine du Rhin et la Forêt-Noire.
Un espace de coopération transfrontalière précoce et dynamique
Si Wissembourg occupe une place importante mais souvent méconnue dans l’histoire des relations franco-allemandes, il en va de même pour sa contribution à la construction européenne. En effet, le 6 août 1950, plusieurs centaines d’étudiants européens fédéralistes ont démonté pacifiquement la barrière entre Sankt Germanshof, dans le Palatinat, et Weiler, à la périphérie Ouest de Wissembourg, en réclamant l’ouverture des frontières et la construction d’une Europe unie. Un monument érigé sur l’ancien poste frontière commémore cet épisode.
L’espace présent sur cette image appartient au groupement européen de coopération territoriale ou GECT Eurodistrict PAMINA, qui promeut la coopération à la frontière franco-allemande entre le PAlatinat, le MIttlerer Oberrhein et le Nord-Alsace, un territoire de 6500 km², qui compte 1.7 millions d’habitants, parmi lesquels 16 000 travailleurs frontaliers. Les bureaux de PAMINA se situent à Lauterbourg, dans les bâtiments rénovés de l’ancienne douane, à proximité immédiate de la frontière avec Neulauterburg. Une partie de l’activité des services de ce GETC consiste à renseigner les habitants de ce territoire sur les démarches administratives spécifiques de part et d’autre de la frontière. Parmi les nombreux projets à l’étude ou mis en œuvre, on peut citer l’amélioration des réseaux de transports en commun transfrontaliers, la promotion du bilinguisme et celui du développement de la coopération inter-hospitalière entre les établissements publics de Wissembourg et Bad Bergzabern, situé à 10 km au Nord de Wissembourg.
Zooms d’étude
Wissembourg : un petit pôle urbain frontalier entre Vosges, vignoble et riches terres agricoles
Comme le montre bien l’image, l’espace est organisé par trois grands milieux organisés en bandes parallèles : le massif vosgien couvert de forêt à l’ouest, la riche plaine du fossé rhénan à l’est et en contact un piémont largement occupé par le vignoble. Au débouché d’une rivière à l’abri des crues et sur le site de passage nord/sud entre les deux espaces forestiers se trouve le site de la ville qui contrôle la trouée.
La ville de Wissembourg se développe à partir du VIIème siècle, autour d’une abbaye qui est l’une des plus importante de la région à l’époque médiévale et qui accueille, au IXème siècle, le moine Otfried, considéré comme le premier poète de langue germanique. La ceinture de remparts, en partie conservée, tout comme le tracé sinueux des ruelles du centre-ville rappellent cet héritage du Moyen-Âge, période durant laquelle Wissembourg rejoint la Ligue des Villes rhénanes puis la Décapole, cette alliance des dix villes libres alsaciennes du Saint-Empire romain germanique. Passée sous souveraineté française à l’issue des traités de Westphalie, Wissembourg accueille pendant plusieurs années le roi de Pologne en exil, Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV. Wissembourg a été de la période napoléonienne à 2015 siège d’une sous-préfecture, avant la fusion et le transfert de ses services à Haguenau. Cette perte de fonctions reflète la lente décroissance démographique observée depuis le début du XXIème siècle, la ville comptant près de 7500 habitants en 2020.
D’un point de vue économique, Wissembourg est marquée par le poids du secteur de l’administration publique, de la santé et de l’enseignement dans les quelques 5 000 postes salariés à l’échelle de l’aire d’attraction de Wissembourg, dont 4 200 pour la seule commune de Wissembourg. En témoignent l’hôpital à l’Ouest de la ville et le lycée polyvalent Stanislas, à l’Est, qui est le seul lycée de l’Outre-Forêt avec plus de 1 500 élèves et apprentis. De nombreux commerces et restaurateurs dépendent par ailleurs des flux touristiques, souvent transfrontaliers, générés par la conservation et la valorisation du patrimoine architectural et gastronomique local. Différentes zones industrielles – les industries offrent 30% des postes salariés – et commerciales ont été implantées aux différentes entrées de la ville. Une petite zone commerciale a été créée sur la frontière, côté allemand, sur la route menant à Schweigen-Rechtenbach, permettant aux consommateurs wissembourgeois de profiter des avantages comparatifs de la frontière pour un certain nombre de produits de consommation courante.
Wissembourg
Wissembourg
Image complémentaire
Wissembourg et la vallée du Rhin : vue régionale
Wissembourg est une petite ville située dans la partie aval du Rhin supérieur, au pied des Vosges du Nord, à une trentaine de kilomètres au Nord de Haguenau et à une quarantaine de kilomètres à l’Ouest de Karlsruhe, qui polarise économiquement le Nord de l’Alsace, et se situe sur l’axe routier Nord-Sud qui relie Strasbourg à une partie des villes palatines, dont Landau. Entre les deux massifs forestiers se déploie le vaste bassin agricole de la région de l’outre-forêt. Au nord, le « trouée » de Wissembourg et son rôle stratégique est bien visible.
Au fil des vicissitudes de l’histoire et tout particulièrement des relations franco-allemandes, Wissembourg s’est retrouvée séparée de son arrière-pays septentrional par une frontière internationale. La Lauter, affluent gauche du Rhin, qui prend sa source en Allemagne, ne marque la frontière qu’à la sortie de Wissembourg, qu’elle traverse par ailleurs. La construction européenne contribue désormais à placer cette ville, située en périphérie du territoire national et régional, au cœur d’un espace dynamique de coopération transfrontalière.
Vue régionale
Repères géographiques
D’autres ressources
Cartes et plans de Wissembourg et de sa région
https://www.geoportail.gouv.fr
Site de la ville de Wissembourg
https://www.ville-wissembourg.eu/
Site de la Communauté de communes du Pays de Wissembourg
https://www.cc-pays-wissembourg.fr/
Site de la Communauté de communes de la Plaine du Rhin
https://cc-plaine-rhin.fr/
Site de l’Eurodistrict PAMINA
https://www.eurodistrict-pamina.eu/
Contributeur
Thomas JOERGER, professeur agrégé en chaire de section binationale au lycée Stanislas de Wissembourg