Algérie - Le Grand Alger : une aire urbaine méditerranéenne entre terre et mer

Valorisant un site de grande baie exceptionnelle sur le littoral méditerranéen, le Grand Alger compte plus de trois millions d’habitants. Cette aire urbaine est le principal pôle politique, démographique et économique du pays. S’étendant sur la riche plaine agricole de la Mitidja, coincée entre l’Atlas Blidéen et la Méditerranée, l’aire urbaine est confrontée à de nombreux défis d’avenir : croissance démographique, recompositions urbaines, grignotage de riches terres agricoles par l’urbanisation et la périurbanisation…

 

Légende de l’image

Cette image de la capitale algérienne, sur la côte méditerranéenne, a été prise le 15 mai 2019 par un satellite Sentinel 2 B. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.

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Sur l'image satellite précédente des repères géographiques montre l'organisation générale.

 

 

 

 

Présentation de l’image globale

Le Grand Alger : les dynamiques de la capitale politique et
économique de l’Algérie

L’image présente trois ensembles régionaux bien contrastés. Au nord, la mer Méditerranée, au sud un espace de plateaux et de moyennes montagnes au boisement assez net dans sa partie septentrionale. Entre les deux se déploie une plaine littorale d’orientation sud-ouest/nord-est, dont la largeur se réduit progressivement vers le nord-est. Au nord, le contact littoral terre/mer est franc et direct. Au centre de l’image se déploie une vaste baie largement ouverte vers la mer : c’est la baie d’Alger, métropole dont on aperçoit clairement l’appareil portuaire à l’ouest et la vaste agglomération qui organise une très large partie de l’espace régional couvert par l’image.    

« Nous sommes en Afrique. Ce soleil, cet espace d’azur et d’eau, ces verdures… La mer, la chaine d’Atlas et les monts de Kabylie déploient leurs fastes bleus. La terre est rouge. Les végétations sont de palmiers, d’eucalyptus, de gommiers, de chênes-lièges, d’oliviers et de figuiers de Barbarie ; les parfums, de jasmin et de mimosa. Du premier plan jusqu’aux confins des horizons, la symphonie est immanente ». Le territoire ainsi décrit par l’architecte Le Corbusier en 1950 est celui du Grand Alger, une région urbaine située entre la plaine agricole de la Mitidja au Sud et la mer Méditerranée au Nord, sur laquelle la ville blanche s’ouvre en une vaste et célèbre baie.

La ville d’Alger, chef-lieu de la wilaya du même nom, est la capitale politique, administrative et économique de l’Algérie. Elle est limitrophe des wilayas de Tipaza à l’ouest, de Boumerdes à l’est et de Blida au sud. Le littoral de la wilaya d’Alger s’étend sur un linéaire côtier de 80 km dominé par le Sahel, une ancienne terrasse étroite. L’image satellite couvre un espace allant de Bou Ismail - commune la plus à l’ouest - à Boumerdès - commune la plus à l’est - en passant par Alger, au centre de l’image, et jusqu’aux montagnes de l’Atlas Blidéen au sud. L’image englobe l’ensemble de ces wilayas.

Une ville très ancienne

Forte de 3,1 millions d’habitants - pour une population nationale de plus de 42 millions d’habitants - la wilaya d’Alger s’étend sur un peu plus de 800 km2. Sa densité moyenne est de 3 900 habitants/km2 répartie sur 57 communes. Le nom Alger est une francisation de l’arabe El-Djazaïr signifiant « Les îles ». Il existe plusieurs interprétations étymologiques, la plus géographique d’entre elles fait référence à un ensemble d’îlots autrefois situés à l’entrée de la rade et formant le célèbre Peñon qui protégea Alger des différents assauts qu’elle eut à subir au cours de son histoire, ce après que les frères Barberousse en eussent chassé les Espagnols (XVIe siècle).

Histoire riche que celle de cette ville fondée au IVe siècle avant J-C par les Phéniciens et sur laquelle se sont entremêlées des strates de civilisations berbère, romaine, vandale, byzantine, arabe, espagnole, turque et française, avant que l’Algérie indépendante ne la choisisse comme capitale en 1962. Ses influences culturelles superposées sont synonymes de richesses et de diversité, en particulier sur le plan architectural.

Un site exceptionnel, entre atouts et contraintes

La ville d’Alger est bâtie sur une série de terrasses s’élevant jusqu’au massif de Bouzaréah (407 m) point culminant du Sahel Algérois. Son site escarpé en fait un exemple intéressant d’implantation urbaine méditerranéenne, comparable à Barcelone, Marseille ou Nice, même si la ville s’est étendue suivant des dynamiques propres.

Durant l’Antiquité, le premier site urbain à caractère défensif fut implanté sur l’ensemble d’îlots, aujourd’hui relié à la terre ferme, situé dans la baie. Durant l’époque médiévale, la ville se développa comme une sorte de relais en Méditerranée occidentale entre l’actuelle Tunisie et le détroit de Gibraltar, et fut contrôlée par les Almohades puis par les Almoravides.

C’est surtout à partir du XVIe siècle que la ville s’accrut sous l’impulsion des Ottomans qui firent bâtir une ville fortifiée - la Casbah - surmontée d’une puissante forteresse et l’équipèrent d’un port protégé par une jetée se terminant par un phare. Alger, ville littorale, fut donc protégée pendant des siècles des potentiels assauts par voie maritime.

La ville s’est ensuite progressivement étalée vers l’Ouest et vers l’Est en longeant les rives de la Méditerranée avant de s’étendre en direction de la plaine de la Mitidja au sud, de la fin du XIXe siècle à nos jours. La baie est aujourd’hui entièrement urbanisée, elle s’étend de Bal-el-Oued à l’ouest jusqu’à El-Marsa (le petit port) à l’Est en passant par le front de mer d’Alger, son port à conteneurs, le quartier de services de Bab-Ezzouar.

Trois grands ensembles : l’agglomération d’Alger, l’Atlas blidéen et la Mitidja

Cette photographie satellite laisse apparaitre trois sous-ensembles régionaux : au nord, le littoral méditerranéen au bord duquel se déploie Alger et son aire urbaine, au centre la plaine agricole de la Mitidja et au sud le massif de l’Atlas Blidéen.

L’agglomération du Grand Alger et le littoral de Bou Ismail - et même d’une certaine mesure depuis Tipaza, hors cliché - jusqu’à Boumerdes en passant par Alger. Pour comprendre les dynamiques urbaines et rurales qui se jouent aujourd’hui, il importe d’observer les extensions d’Alger et des villes moyennes qui l’entourent. Le relief escarpé de bord de mer, caractéristique du littoral méditerranéen, permet de saisir assez facilement l’organisation de la ville d’Alger. Elle s’est d’abord développée comme un site défensif profitant des contreforts qui surplombent la baie.

Cette position, appréciée durant des siècles, est devenue en partie contraignante avec les nécessaires modernisations du XXe siècle. La pression démographique, liée à l’exode rural postcolonial puis sécuritaire durant les années 1990, et avec elle le besoin de logements, ont conduit à un étalement urbain le long des plaines littorales en direction de l’ouest et de l’est, et plus récemment vers le sud, participant au mitage de la Mitidja. Métropole moderne, Alger est soucieuse, tout en répondant aux critères de durabilité, de rester compétitive dans le cadre de la mondialisation, c’est pourquoi, elle a engagé une réelle reconquête de son littoral en y développant outre les activités portuaires, des activités tertiaires, industrielles, culturelles et cultuelles.  

Au centre s’étend la vallée de la Mitidja, composée de sols fertiles propices au développement des cultures de primeurs comme en témoigne le vaste parcellaire de couleur vert tendre occupant le mitan de l’image. Cet espace agricole est lentement mais surement mité par l’extension urbaine sud de la capitale algérienne, comme en témoignent les taches grises localisées au sud de la capitale, correspondant aux villes de Baraki, Birtouta ou encore des Eucalyptus.

Au sud, se trouve la ville de Blida, à 50 km d’Alger, sur les contreforts du massif de l’Atlas Blidéen. Celui-ci couvre un tiers de l’image et est bien identifiable grâce au vert foncé de la végétation. Il abrite le Parc National de Chréa, caractérisé par une riche biodiversité, en particulier des cèdres séculaires, et est classé réserve biosphère par l’UNESCO en 2002.

Le poids des régions littorales dans la construction du territoire algérien
 
L’image est au total un bon reflet de l’importance du liseré littoral dans la construction du territoire algérien, coincé entre mer et montagne, occupé par un chapelet de villes (Oran, Bejaia, Skikda, Annaba) et des espaces bien mis en valeur sur le plan agricole.

C’est cette étroite bande littorale (1,7 % du territoire) qui borde la Méditerranée se concentre près de 40 % de la population algérienne (245 hab./km²) et se trouvent les terres agricoles les plus riches, les ressources en eau les plus abondantes et le potentiel forestier. Cette zone est la mieux dotée en infrastructures de transport et de communication (routes, voies ferrées, ports, aéroports) ainsi que de toutes les commodités (eau, électricité, téléphone) nécessaires à l’activité industrielle.

Il n’est par conséquent pas étonnant d’y voir se concentrer l’essentiel des activités industrielles du pays : 91 % des industries sidérurgiques, mécaniques, métallurgiques et électroniques, 90 % des industries des matériaux de construction, 85 % des industries chimiques, 65 % des industries du cuir et 56 % des industries textiles.


 

Zooms d’étude

 



L’Ouest du Grand Alger, les traces de la colonisation agricole

A l’ouest : stations balnéaires et espace résidentiel privilégié

A l’ouest d’Alger, sur le liseré littoral, se situent une série de stations balnéaires proches les unes des autres et reliées entre elles par un dense réseaux routiers allant de Zéralda à l’ouest jusqu’à Aïn-Benian à l’est, en passant par le Club des Pins - luxueuse résidence d’Etat hautement surveillée créée pour abriter et assurer l’hébergement des élites politiques ainsi que des cadres les plus ciblés par le terrorisme dans les années 1990 (voir Atika Benazzouz-Belhai et Nadia Djelal) - et par la plage artificielle de La Madrague.

Cet ensemble de villes est relié à la capitale par un axe autoroutier, la Rocade Sud. Il s’agit d’un espace récréatif prisé des Algérois et doté de nombreuses infrastructures hôtelières. La zone est également occupée par de vastes plantations maraîchères. Directement au sud-est de cet ensemble se trouve la ville de Chéraga, point de départ de la Rocade Ouest qui dessert la capitale. Chéraga faisait partie de la commune de Dely-Brahim, un village colonial bâti dans des années 1840 ; il s’agissait alors d’un village d’encadrement pour l’activité agricole. Elle s’inscrit ainsi dans les nombreuses implantations urbaines coloniales construites avec ce même objectif de contrôle de la production agricole.

Dans le même secteur se situe le port de Sidi Fredj, lieu du débarquement des troupes françaises en 1830 (expédition de Charles X). Chéraga est aujourd’hui principalement un quartier résidentiel qui s’est doté il y a une dizaine d’années d’un centre commercial et d’affaires : Al Qods. Dans la prolongation de Chéraga, on retrouve d’autres villages coloniaux aujourd’hui englobés dans le Grand Alger. Il s’agit des communes de Ouled Fayet - à l’ouest de laquelle a été construit le grand opéra d’Alger Boualem Bessaih, cadeau de la Chine, inauguré en 2018, de Dely Brahim, de Beni Messous - commune populaire dotée d’un centre hospitalier - ou encore de Draria.

On y trouve bon nombre de résidences fermées, comme Urba 2000, située sur la commune d’El Achour, entre Dely Brahim et Draria ; celles-ci ont répondu à la demande de foncier dans les années 1980, puis à l’impératif sécuritaire dans les années 1990 avant de devenir des lieux de l’entre-soi dans les années 2000.

Des dynamiques urbaines bien spécifiques

Entre cet espace de communes, indépendantes sur le plan administratif mais englobées dans le tissu urbain algérois, et le centre de la capitale algérienne, se dressent sur les hauteurs de la ville les communes de Ben Aknoun, El-Biar, Hydra et El-Mouradia. Il s’agit des quartiers aisés de la capitale algérienne, très arborés (voir les nombreuses taches vertes sur l’image) abritant les ministères, le Palais présidentiel, la plupart des représentations diplomatiques, des établissements scolaires internationaux. Des constructions contemporaines – tels que les ministères des finances publiques et de l’énergie, structure complètement vitrée pour l’un, et dotée d’une haute tour néo-mauresque pour l’autre - avoisinent des constructions plus anciennes, notamment des villas coloniales rénovées.

La pression démographique des années 1960-1970 eut pour résultat le développement - dans les années 1980 - de cités résidentielles dans ces mêmes quartiers (logements de classes moyenne et supérieure, ex. la cité des Asphodèles à Ben Aknoun). Dans les années 1990, marquées par le terrorisme qui engendra un exode rural à caractère sécuritaire sans précédent depuis la décolonisation, se sont accélérés les implantations d’habitats et de commerces illégaux, progressivement détruits par les autorités dans les années 2000-2010, au profit de relogement dans des cités périurbaines.

 

 



Alger la Blanche : entre port et collines

Le quartier de Bab-el-Oued et la Casbah d’Alger

Sur les pentes descendant en direction de la mer, à l’ouest de l’image, se situent les quartiers de Bab-el-Oued, dominé par la colline sur laquelle est construite la cathédrale Notre-Dame d’Afrique et le cimetière de Bologhine, de la Casbah et d’Alger-Centre. Ce sont aujourd’hui de quartiers populaires qui offrent des vues plongeantes spectaculaires sur la baie d’Alger.

Le quartier de Bab-el-Oued s’est développé durant la période coloniale, hébergeant alors une population européenne de classe moyenne voire modeste. La Casbah renferme quant à elle de somptueux palais ottomans (Palais des Pachas). Elle est classée au patrimoine mondial de l’humanité depuis décembre 1992 et bénéficie d’un projet de réhabilitation.

Haut lieu de la guerre d’indépendance, et plus spécifiquement de la bataille d’Alger, la Casbah abrite aujourd’hui des activités artisanales (travail du bois, du cuir, du cuivre) et une population modeste souvent implantée dans ce quartier depuis plusieurs générations (avec plus de 60 000 habitants sur 36 ha, le quartier connait une pression anthropique importante).

Le centre-ville : un lieu d’intense expérimentation urbanistique

Jouxtant la Casbah, le centre-ville est marqué par l’architecture européenne des XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle : « Construisant leur Casbah, les Turcs avaient atteint au chef-d’œuvre d’architecture et d’urbanisme. Mais les dernières cinquante années de colonisation européenne, ont aboli les richesses naturelles avoisinantes et pétrifiées sans remord en un désert de pierrailles la ville neuve dont les maisons serrées se penchent sur des rues bruyantes » (Le Corbusier).

La rue Didouche Mourad, principale artère de la capitale est bordée d’immeubles de type haussmanien dont bons nombres ont été ravalés (processus toujours en cours). En passant par la place Audin, la rue Didouche Mourad débouche sur la place de la Grande Poste, bâtiment de style néo-mauresque, hyper-centre de la capitale.

Le coeur d’Alger fut un lieu d’intense expérimentation urbanistique dans la première moitié du XXème siècle et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En témoignent les bâtiments de l’aéro-habitat (1955), sorte de Cité Radieuse algéroise conçue par des élèves de Le Corbusier, tout comme la très contemporaine cathédrale du Sacré Cœur (1956). Ces quartiers de centre-ville permettent de rejoindre le front de mer et sa célèbre enfilade d’arcades (longue de 1500m) desservant des lieux de pouvoirs tels que le siège de l’Assemblée Nationale Populaire, le siège de la Wilaya ou encore de la mairie d’Alger.

L’espace portuaire : trois grands ensembles fonctionnels spécialisés

Le port est clairement identifiable sur l’image. Il est situé au nord-ouest de la baie d’Alger entre la jetée de Kheir-eddine au nord et le brise-lame Est de Mustapha. Il est composé de trois bassins : le bassin du vieux port, le bassin de l’Agha et le bassin Mustapha.

Chacun d’entre eux correspond à une zone spécifique : la zone nord avec la pêcherie et la capitainerie (abrite l’arsenal, le port de pêche et des quais destinés aux navires de croisière), la zone centre avec le terminal à conteneurs, et la zone sud allant du terminal à conteneurs jusqu’au brise-lame est.

Le port d’Alger dispose d’une surface d’entreposage de 282 000 m² (232 000 m² de terrepleins et 50 000 m² répartis en 12 magasins). Le port peut accueillir 120 000 tonnes de marchandises, le volume mensuel moyen actuel dépassant largement ce stockage puisqu’il atteint les 800 000 tonnes).

 

 



L’Est du Grand Alger, une ville à la reconquête de son littoral

Les nouvelles opérations urbaines des dernières décennies

Le port à conteneurs se termine au niveau du jardin botanique du Hamma (jardin d’Essai), rectangle vert en bord de mer particulièrement visible sur l’image, surmonté du quartier d’El Madania qui héberge le site du Maqam-el-Chahid (le Monument au Martyr), mémorial de la guerre d’indépendance algérienne édifié en 1982. Cet espace récréatif est composé à la fois de musées (musée aux Martyrs, musée des Beaux-Arts), d’un centre culturel et commercial (Riad-el-Fath) et d’un grand parc abritant une ménagerie (les 40 ha du jardin d’Essai crée en 1832).

Plus à l’est, au-delà du jardin d’Essai, et entre celui-ci et la Méditerranée, on localise sur l’image une autoroute urbaine (la N11) de plusieurs dizaines de kilomètre qui relie le centre d’Alger à son extension Est, jusqu’à l’aéroport Houari Boumédiène (sur la commune de Dar el Beida) et au nouvel aérogare international (ouvert fin avril 2019).

Sur la partie nord de cette autoroute a été développé depuis 2014 un vaste espace récréatif portant le nom de Parc des Sablettes : il s’agit d’une longue promenade piétonne, agrémentée d’un Luna Park, d’espaces verts en cours d’élaboration, et de mobiliers urbains. Le promeneur peut y embrasser du regard la ville d’Alger. L’objectif de cet aménagement est d’apporter aux Algérois un espace récréatif au cœur de la capitale et de leur permettre de se réapproprier le bord de mer (des parcs urbains ont également été crées au sud de la ville : le parc de Oued Smar aux confins ouest des pistes de l’aéroport, le parc Dounia au sud de Dély Brahim de part et d’autre de la rocade, projet de réhabilitation du parc zoologique de Ben Aknoun). Cet espace est accessible via des modes de transport doux (tram, métro).

Les nouveaux fronts d’urbanisation

Au sud de l’autoroute, on distingue clairement sur le cliché l’hippodrome du Caroubier. Sur la rive droite de l’oued El Harrach, qui se jette dans la Méditerranée au niveau des Sablettes, dans le quartier de Mohammadia, on trouve de nombreuses activités tertiaires : un grand centre commercial (Ardis), le palais des expositions d’Alger (qui héberge régulièrement des foires internationales), l’hôtel Hilton, ainsi que des établissements universitaires (ex. L’école supérieure algérienne des affaires au niveau du quartier Pins Maritimes); activités qui se sont développées au milieu de nombreuses cités datant des années 1970-1980 et qui étaient destinées à loger principalement des fonctionnaires (ex. Cité des 225 logements, cité Zerhouni Mokhtar, etc.).

C’est également dans cette zone que s’élève la nouvelle grande mosquée d’Alger, vaste espace plus clair sur l’image qui correspond à un chantier sur lequel sont employés près de 2000 travailleurs chinois. Commandé à un cabinet allemand, ce projet presque terminé est supervisé par des sociétés de conseil algériennes, canadiennes et françaises, ce qui permet de nuancer le concept de Chinafrique (Thierry Pairault). La mosquée dont le minaret d’une hauteur de 265m est l’un des plus hauts au monde.

Entre l’aéroport d’Alger et ce nouvel espace abritant des activités de services, cultuelles et culturelles se situent le quartier de commerce, des affaires et universitaire de Bab Ezzouar où, au début des années 1980, a été édifiée la cité dite des « 498 logements » destinées à loger les fonctionnaires, notamment des professeurs. C’est aujourd’hui une cité fermée censée préserver le cadre de vie de ses habitants lors même qu’elle jouxte un espace d’habitat illégal développé dans les années 1990-2000. La N5 – la rocade sud, autrement dénommée 1ere rocade - entre Bab Ezzouar et l’aéroport d’Alger est une grande autoroute urbaine reliant la capitale d’Est en Ouest, tout en desservant les quartiers situés sur les hauteurs : Birkadhem, Hydra, Ben Aknoun, etc.

Cette autoroute est bordée de part et d’autre de constructions, notamment le futur stade Abdelhamid Kermali (tâche claire le long de la N5 correspondant au chantier), le marché de gros près de l’aéroport, des concessionnaires automobiles (ex. Peugeot), la faculté de droit. La face nord de l’aéroport est également entièrement bâtie, l’aéroport d’Alger est donc progressivement englobé par la ville comme en témoigne la photographie. Néanmoins, au sud de l’aéroport, entre les pistes et la commune de Hammedi (wilaya de Blida), on trouve encore de vastes champs ouverts.

La grande zone industrielle de Rouiba-Réghaïa

Enfin, à l’extrême Est de la capitale, on retrouve la zone industrielle de Rouiba-Réghaïa, d’une superficie de 1.000 ha, celle-ci accueille plus de 200 unités de productions qui emploient entre 30 et 40 000 travailleurs dans les domaines de l’industrie mécanique, chimique, alimentaire (avec la présence de grands groupes comme Mittal Steel, Henkel, Danone).

Plus au nord, limitrophe de l’implantation urbaine d’El-Marsa, le quartier de villégiature d’Aïn-Taya est à l’instar des quartiers situés à l’extrême ouest du Grand Alger un lieu récréatif appréciés des Algérois.

Enfin, plus à l’est, à l’extrémité de l’image, se trouve la ville de Boumerdès située à 50 km d’Alger. Comptant plus de 30 000 habitants, elle est une sorte de ville-nouvelle créée au début des années 1960 et devenue chef-lieu de wilaya en 1984, elle a eu pour objectif d’attirer une partie des populations de l’Est algérois. Force est constater que cet objectif n’est que partiellement rempli car la zone industrielle de Rouiba-Réghaia qui est équidistante d’Alger-Centre et de Boumerdès attire bien davantage les habitants de la première comme en témoignent les mouvements pendulaires.

 

 



Au Sud du Grand Alger, la plaine de la Mitidja et les montagnes de l’Atlas Blidéen : la reconfiguration des rapports rural-urbain

Un très riche espace agricole grignoté par l’urbanisation

Le sud du Grand Alger est depuis la période coloniale le premier espace agricole du pays. La plaine de la Mitidja, qui s’étend sur 1 400 km2, était au lendemain de l’indépendance de l’Algérie un archétype de l’agriculture coloniale axée autour de deux cultures principales : le vignoble et les agrumes, surtout après la Seconde Guerre mondiale pour cette deuxième catégorie.

Cet espace est toujours cultivé comme en témoigne le parcellaire bien visible sur l’image satellite, de même que les infrastructures permettant d’irriguer cette plaine agricole : le barrage de Douera est par exemple clairement identifiable au sud-ouest du Grand Alger. On y trouve principalement des cultures maraichères et des agrumes, qui ne suffisent plus à nourrir les habitants du Grand Alger. La principale dynamique observée dans le Sahel et la Mitidja est le mitage urbain, en particulier le long de l’axe Blida-Alger.

Blida, ville la plus au sud-ouest de l’image, est une implantation urbaine datant du XVIe siècle, comme Alger. Carrefour entre le Sud et l’Ouest du pays, la ville se développe à l’ombre de la capitale ; elle est néanmoins largement ouverte sur la Mitidja. Cette région agricole est en proie à une double influence urbaine : celle des villes petites et moyennes (Blida, Boufarik) et celle de la capitale, qui ne cesse de s’étendre vers le sud.

Urbanisation périphérique, exode rural et informalité

Des terres à hauts rendements agricoles sont menacées par des constructions illégales. Ce phénomène s’est accentué sous la pression de l’exode rural intensifié dans les années 1990, ce en dépit du dispositif législatif mis en place pour canaliser l’urbanisation.

Un exemple intéressant est celui de la commune des Eucalyptus, et plus spécifiquement du territoire de Cherarba (70 000 habitants dans la moitié Est des Eucalyptus), au sud de laquelle se déroule clairement la 2ème rocade d’Alger, qui passe plus à l’ouest au sud de Baraki, Birtouta, et Ouled Fayed, à une vingtaine de kilomètres au sud-est du centre d’Alger. Le tissu urbain de Cherarba a une forme « découpée », avec encore la présence d’enclaves agricoles en friche. Son réseau viaire prend naissance sur la route nationale 61 (RN61) qui en constitue la colonne vertébrale et en porte la centralité (commerces, services, artisanat, les lignes de bus, etc.). Les équipements implantés au nord, depuis 2000, semblent configurer un deuxième pôle de centralité.

Cherarba s’est développé essentiellement de façon informelle à partir des années 1970 et a accueilli des ménages aux revenus plutôt modestes ou moyens, provenant surtout des quartiers centraux ou péricentraux d’Alger, en situation de desserrement et d’affranchissement par rapport à la famille élargie, explique ainsi Nora Semmoud.

L’Atlas Blidéen est quant à lui doté du parc national de Chréa depuis 1983, classé depuis 2003 : 26 000 ha y sont consacrés à la sylviculture, mais aussi aux sports d’hiver, à la randonnée. On aperçoit sur le cliché au sud-ouest de Blida en direction de Médéa, les gorges de la Chiffa, site aux paysages incroyables et réserves de primates.

 

Image complémentaire

 

Vue générale de la région :
Cette image d'environ 190 km de large a été prise par le satellite Sentinel-2B, le 15 mai 2019. Les images de ce dossier en sont des extraits.

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Références ou compléments

Saïd BELGUIDOUM, et Najet MOUAZIZ. « L'urbain informel et les paradoxes de la ville algérienne : politiques urbaines et légitimité sociale », Espaces et sociétés, vol. 143, no. 3, 2010, pp. 101-116.

Atika BENAZZOUZ-BELHAI et Nadia DJELAL, « Les résidences fermées dans les périphéries d’Alger, produits d’un impératif sécuritaire et des disparités sociales », Cybergeo : European Jour-nal of Geography, Space, Society, Territory, document 839, 2018.

Ibid, « Les effets de la périurbanisation sur le réaménagement de l'aire métropolitaine d'Alger », dans Baouni T. (dir.), La ville algérienne 50 ans après : Bilan et visions d’avenir, Alger, Al-Djazair,  2014, pp. 135-145.

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Mohamed HOCINE, « Impact de la mobilité spatiale sur la durabilité de l’urbanisation au sud de la Méditerranée : cas de l’agglomération algéroise et de sa région », Revue d’Economie Régionale et Urbaine, 2014, pp. 739-762.

Kamel KATEB, « Population et organisation de l’espace en Algérie », L’Espace Géographique, 2003, t.32, pp.311-331.

LE CORBUSIER, Poésie sur Alger, Fondation Le Corbusier, Paris, 1950.

Thierry PAIRAULT, « Quelle présence chinoise en Afrique ? », Les cafés géographiques, 2018.

Thierry PERRET, Les Algériens si méconnus!, Paris, Ateliers Henry Dougier, 2016. (plusieurs en-tretiens consacrés à divers quartiers du Grand Alger : la Casbah pp.44-48, Rouiba pp.92-97).

Claudine PIATON, Juliette HUEBER et alii, Alger, Ville & Architecture 1830-1940, Paris, Honoré Clair, 2016.

Nora SEMMOUD, « Marginalisation et informalité : d’une domination à une autre. Cherarba au Sud-Est de la périphérie d’Alger », Annales de Géographie, 2014, n°699, pp.1146-1167.

Bouziane SEMMOUD et Abdelhamid LADHEM, « L’agriculture périurbaine face aux vulnérabilités foncières en Algérie », Territoire en mouvement. Revue de Géographie et d’Aménagement, 2015.

Taoufik SOUALMI, « Aménager et gouverner Alger », Métropoles en Méditerranée, Presses de Sciences Po, 2017, pp. 151-206.

Contributeur

Fabrice CHARTON, Lycée international Alexandre Dumas (Alger)