Pour l'animateur de l'émission La Terre au Carré sur France Inter, la vulgarisation scientifique passe par une approche concrète et humaine.
Comment a évolué le rapport des jeunes à la science ?
Les jeunes sont aujourd’hui de plus en plus exposés à des contenus scientifiques du fait de l’essor des réseaux sociaux et des chaînes YouTube. C’est quelque chose de formidable parce que ces plateformes rendent la culture scientifique beaucoup plus visible, accessible et attractive grâce à une pédagogie ludique et des formats souvent plus dynamiques, courts et visuels. Tous ces contenus nourrissent la science.
Mais dans cette multitude d'informations, des contenus très fiables côtoient des théories pseudo-scientifiques. De nombreux mouvements platistes, climatosceptiques se propagent largement sur TikTok ou YouTube, des plateformes plébiscitées par les plus jeunes, et certains manquent de recul pour les identifier comme tels. Ces théories représentent un vrai danger.
Autre évolution notable : beaucoup de jeunes s'associent à la science par rapport à des enjeux sociétaux. Cela reflète peut-être un changement dans le lien à la science. Elle n’est plus perçue comme une discipline abstraite, mais comme une solution très concrète pour les défis liés au climat ou à la biodiversité.
Comment toucher les plus éloignés des sciences ?
L'accès à la science à l’école me paraît indispensable. C’est là où tout doit démarrer et se généraliser : l’accès à l’éducation scientifique, à des notions, à une façon d'étudier les méthodes scientifiques, et la compréhension qu'il faut développer un esprit critique.
La science n'exclut pas la discussion, ce n'est pas une vérité figée ; il y a au contraire dans le monde scientifique beaucoup de gens qui se remettent en cause. Tout cela doit infuser dès le plus jeune âge. Il faut donc illustrer la science, pas seulement par des théories, mais par beaucoup de pratique sur le terrain pour la rendre attrayante.
« Transmettre la connaissance, mais sur un mode très ouvert, joyeux, dynamique et en même temps sourcé, fiable »
- Animateur et producteur de radio et de télévision
Quelles sont les clés pour vulgariser la science ?
Pour que les jeunes soient intéressés, captivés, séduits, curieux et qu’ils aient envie de science, il faut de bons vulgarisateurs, suffisamment attractifs et sachant l’expliquer au plus grand nombre. Vulgariser la science repose sur la capacité du médiateur à transmettre la connaissance, mais sur un mode très ouvert, joyeux, dynamique et en même temps sourcé, fiable.
À l’antenne, nous faisons un travail très précautionneux dans le choix des interlocuteurs que nous invitons au micro. Les personnes qui seraient difficiles à comprendre ou pas tellement intéressantes à écouter coupent d’emblée le public de la matière scientifique. C'est la même chose pour faire aimer la science aux jeunes à l’école.
Quel rôle doit jouer le CNES dans cet accès aux sciences ?
Un rôle central. Une institution comme le CNES doit transmettre les fruits de la recherche scientifique au grand public, et particulièrement aux jeunes. Le CNES s’inscrit déjà dans une dynamique d’incarnation d’une science source d’émerveillement, vivante, accessible et séduisante. Il rend ses missions concrètes à travers des ateliers éducatifs sur l’observation de la Terre, des concours scolaires comme CGénial, la fête de la Science, ou des hackathons.
Cela passe également par l’utilisation des nouveaux médias, comme des mini-séries pédagogiques sur YouTube, pour montrer les coulisses du monde de l’espace, les fusées, la vie des astronautes ou les applications des satellites dans le quotidien. Des collaborations avec des influenceurs scientifiques comme Bruce Benamran ou des chaînes comme Scilabus peuvent aussi permettre de toucher beaucoup de monde.
La question environnementale est-elle une porte d’entrée ?
L’environnement est une thématique très fédératrice pour les jeunes. Le CNES peut expliquer comment les satellites surveillent la déforestation en Amazonie, la fonte des calottes glaciaires, et mettre en lumière le rôle des technologies dans la lutte contre le changement climatique. Il y a aussi Copernicus, ce programme de l'Union européenne auquel le CNES contribue qui, avec ses données satellitaires, montre comment on peut prévoir les catastrophes naturelles, ou comment les températures augmentent partout sur la Terre. C’est encore une façon de relier directement la science aux problématiques sociétales concrètes, et le CNES a une part très active là-dedans. Ces applications permettent aux jeunes de comprendre que la science ce n’est pas seulement une théorie, c'est aussi une pratique essentielle à notre vie quotidienne.
« Jules Verne a prouvé que la science peut être une aventure »
Que pensez-vous de la fiction comme outil de transmission ?
La fiction est une passerelle fondamentale pour la culture scientifique. En ce qui me concerne, Jules Verne a été un référent emblématique. Je pense qu’il a inspiré des générations de futurs scientifiques et d'ingénieurs, car il a réussi à mêler les horizons d'exploration à la découverte. Je pourrais aussi parler du cinéma avec Interstellar ou Seul sur Mars. Ces films abordent les trous noirs ou la vie sur Mars, et font l’objet d'une attractivité très forte. À la télévision, la série Cosmos avec l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson a réussi à combiner des récits fictionnels avec des explications scientifiques. Les œuvres de fiction peuvent divertir, éduquer, éveiller un intérêt pour la science, en transformant aussi des concepts parfois un peu austères, en des récits attractifs, fascinants et accessibles. L’imagination, la fiction, c'est un moteur absolument essentiel pour la recherche scientifique. Jules Verne a prouvé que la science peut être une aventure, une source d’émerveillement, qui peut susciter des envies, et peut être même des vocations.
Pour aimer les sciences, faut-il rester un grand enfant ?
Je pense que la curiosité n’a pas d'âge. À 5 ans ou 90 ans, on peut rester émerveillé, curieux, avoir envie de comprendre le monde qui nous entoure. Les questions simples de la science ne sont pas des questions d’enfant, ce sont en réalité les questions que tout le monde se pose quand on n'est pas scientifique soi-même. Je crois qu’il ne faut avoir peur ni de les poser, ni de ne pas les comprendre. Pour cela encore, nous avons besoin de bons vulgarisateurs. Lorsque l’on a nourri des rêves de sciences ou de l’intérêt pour les sciences, je pense que cela ne nous quitte jamais réellement.
Biographie
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2006-aujourd’hui
Animateur de La Tête au carré sur France Inter, puis, à partir de 2019, La Terre au carré.
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2016
Publication du Carnet scientifique.
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2017
Présentateur de Science grand format sur France 5.
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2021
Médaille de la médiation scientifique du CNRS.
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Cette interview est la version longue d'un article paru dans CNESMAG n°96 - L'espace aux jeunes.