Publié le 08 février 2024

1975 : la mission ARAKS expérimente les conditions de propagation des électrons

Bien avant le début de l’ère spatiale les scientifiques avaient pressenti l'influence du Soleil sur l’environnement terrestre sans pour autant en avoir une vue globale. Il faut attendre 1975 et la mission spatiale ARAKS, embarquée à bord de deux fusées-sondes, pour commencer à expérimenter les conditions de propagation des électrons sur la ligne de force du champ magnétique.



50 ANS DE Résultats scientifiques

1975 : la mission ARAKS expérimente les conditions de propagation des électrons.

 Anders Celsius (1701-1744) avait observé les perturbations du champ magnétique liées aux les aurores polaires.

Richard Carrington (1826-1875) avait noté un délai de 24h entre la gigantesque éruption solaire du 1er septembre 1859 et l'apparition d'aurores boréales visibles jusque depuis les zones tropicales.

Kristian Birkeland (1867-1917) avait réalisé des expériences avec une sphère aimantée et des rayons cathodiques, reproduisant les effets observés lors des aurores boréales.

Dès 1957, avec l'apparition des premiers satellites, James Van Allen (1914-2006) et plusieurs autres scientifiques américains firent des propositions pour le lancement d'un satellite scientifique dans le cadre du programme de recherche poursuivi pour l'année géophysique internationale de 1957-1958.

Faisant suite au succès soviétique de Spoutnik 1 et à l'embarrassant échec de la première tentative américaine, le lancement de Explorer 1, l'engin proposé par Van Allen, fut approuvé. Explorer 1 effectua sa mission le 1er février 1958 et rapporta une grande quantité d'importantes données scientifiques qui permirent de montrer que la Terre est entourée d'une ceinture de radiations. Ce fut la première découverte majeure de l'ère spatiale.

Une double ceinture de radiations

On peut, en réalité, considérer que la ceinture de radiations est constituée de deux zones distinctes appelées « ceinture intérieure » et « ceinture extérieure ».

La première, située entre 700 km et 10 000 km d'altitude, est constituée principalement de protons à haute énergie (jusqu'à plusieurs centaines de MeV à des débits de fluence de plusieurs dizaines de milliers de protons par centimètre carré et par seconde dans les zones les plus intenses) provenant du vent solaire et du rayonnement cosmique, piégés par le champ magnétique terrestre

La ceinture extérieure, plus large, se déploie entre 13 000 km et 65 000 km d'altitude ; elle est constituée d'électrons également à haute énergie (< 5 MeV) à des débits de fluence de l'ordre du millier de particules par centimètre carré et par seconde. Les particules des deux ceintures se déplacent en permanence à grande vitesse entre les parties nord et sud de la magnétosphère.

La découverte d’une première ceinture de radiations confirmait les travaux de Carl Störmer (1874-1957) qui avait démontré que sous certaines conditions les particules énergétiques pouvaient être piégées par le champ magnétique terrestre.

La modélisation du mouvement des particules piégées dans ces ceintures exige de connaître les conditions de propagation des électrons le long d’une ligne de force du champ magnétique.

La géométrie exacte des lignes de force du champ magnétique terrestre et le problème de la localisation précise des extrémités conjuguées (le lieu où une particule rebrousse chemin) des extrémités nord et sud d’une même ligne de force et de leur variation en fonction de l’activité magnétique d’origine solaire sont rapidement apparus comme des questions importantes pour la physique magnétosphérique.

Après une période d'études passives de l'environnement terrestre, il est apparu que les phénomènes naturels observés sont souvent difficiles à interpréter car les paramètres de la source qui en contrôlent les mécanismes ne sont généralement pas connus. Une des voies possibles pour pallier cet inconvénient est de réaliser des expériences "actives" dans lesquelles le phénomène étudié est créé artificiellement par une source que l'en peut connaître quantitativement et même commander en faisant varier différentes caractéristiques.

ARAKS ou l'observation active

Le programme ARAKS (ARtificial Aurora between Kerguelen and Sogra), décidé dans le cadre de la coopération franco-soviétique de l’époque, avait pour but d'étudier les conditions de propagation des électrons sur la ligne de force du champ magnétique, en émettant à intervalles rapprochés, des faisceaux d’électrons le long de la trajectoire d’une fusée sonde tirée depuis l’hémisphère sud (îles Kerguelen) et d’en observer les effets depuis la région conjuguée, Sogra, près d’Arkhangelsk à un millier de kilomètres au nord de Moscou.

La campagne ARAKS comprenait le tir de deux fusées sonde ERIDAN depuis les îles Kerguelen respectivement le 26 janvier et le 15 février 1975. Ces fusées portaient un canon à électrons fonctionnant par impulsions.

Les principaux objectifs scientifiques étaient :

  • la localisation de la conjugaison magnétique a l'aide d'effets optiques (aurores artificielles) et radioélectriques,
  • l'étude de la dynamique des particules injectées (rétrodiffusion, réflexion magnétique),
  • la détection et l'analyse des interactions entre un faisceau de particules énergiques et le plasma ionosphérique ainsi que l'étude des ondes engendrées par cette interaction.

C'est en octobre 1974 que le début du déchargement des 200 tonnes de matériel nécessaire à la campagne commence. Le débarquement se fait par transbordement sur un chaland qui joint le port à 500 mètres de l'ancrage du bateau.

Le 26 janvier et le 15 février 1975 deux fusées bi-étages Eridan sont lancées.

La mission ARAKS en images d'époque. Le film, réalisé en 1975, est un résumé des principales étapes de la mission : de l'arrivée des fusées-sondes aux îles Kerguelen jusqu'à l'observation des aurores boréales en Norvège (version russe).

Durée : 8'22

La mission ARAKS a été la dernière effectuée par le CNES dans le cadre de son programme fusées-sondes.

RéférenceS

Numéro spécial sur les résultats des expériences ARAKS, Annales de Géophysique, tome 36, numéro 3, juillet-septembre 1980 édité par Henri Rème

Contacts

  • Responsable scientifique : Henri REME de l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), Toulouse
  • Responsable de la thématique Soleil, Héliosphère, Magnétosphères : Jean-Yves Prado

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