République démocratique du Congo - Kolwesi : une ville au cœur des concessions minières, enjeux géopolitiques et de développement

Situé dans l'arc cuprifère de l’ancien Katanga qui se prolonge en Zambie, Kolwezi est une grande ville minière dont le développement est intimement lié au cuivre et à ses dérivés, cobalt, or, uranium et radium. La ville fut d’ailleurs créée en 1938 pour abriter le siège des Mines de l'Ouest de la société belge de l’Union Minière du Haut Katanga (UMHK), aujourd’hui la GECAMINES. Tout le territoire urbanisé est ainsi marqué par l’exploitation minière (carrières à ciel ouvert parfois envahies d’eaux bleutées, immenses zones de déchets ayant souvent envahi les vallées des rivières, usines de concentration ou de traitement des minerais …) qui cohabite intimement avec les zones d’habitat, beaucoup de cités minières ayant été localisées près des zones d’extraction. L’organisation spatiale exprime aussi les fortes ségrégations spatiales et sociales en vigueur lors de la construction de la ville et une urbanisation souvent peu contrôlée suite à la très importante croissance de la population depuis 20 à 30 ans.


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Légende de l’image

Cette image de Kolwezi , ville minière située au sud-est de la capitale de la République démocratique du Congo (Kinshasala),  a été prise par le satellite Sentinel-2A, le 22 mars 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.
Coordonnées de la ville : latitude de 10° 43’ sud et longitude de 25°28’

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Présentation des images

 


Kolwezi : une ville minière née du cuivre et où espace urbain
et zones minières se côtoient

 

Le plateau de Manika : un espace de savane conquit par l’homme

La région où s’est développé Kolwezi – une ville située à 341 km au nord-ouest de Lubumbashi et à 426 km de Dilolo, à la frontière angolaise - est une zone de moyens plateaux situés entre 1.200 et 1.400 m d’altitude. Ceux-ci sont occupés par les affluents de la rivière Luilu, elle-même affluent du Lualaba, qui y ont créé des vallées relativement encaissées et localement marécageuses.  

Le réseau hydrographique est dominé par le Lualaba, nom local du fleuve Congo, qui s’étend en arc de cercle sur plus de 15 km autour de Kolwezi, dans le coin supérieur droit de l’image générale. Le Lualaba prend le nom de Congo à Kisangani. Deux barrages ont été aménagés sur ce fleuve, ce qui explique l’existence de deux lacs : ceux de Marinel, ou Nseke, et de Delcommune, ou Nzilo, visible sur l’image. Un troisième est prévu à Busanga, à 50 km de Kolwezi. Les barrages permettent non seulement la production d’électricité mais encore la constitution de réserves d’eau très utiles pendant la saison sèche.

En effet, le climat de la région est caractérisé par l’alternance de deux saisons bien marquées : une saison sèche de mai à septembre et une saison humide d’octobre à avril. Les écarts thermiques annuels et surtout diurnes sont considérables : la température la plus chaude est enregistrée en octobre - novembre (32°C) et la plus basse en juin - juillet (6°C).

La végétation originelle, bien visible sur l’image à l’est de Kolwezi, correspond à une savane herbeuse avec des marais, des forêts-galeries et surtout des savanes boisées. Il faut aussi signaler la présence dans le paysage de termitières géantes, de 3 à 5 à l’hectare, cependant non visibles sur les images.

Kolwezi : une ville minière mais aussi un centre administratif

Kolwezi est le plus grand centre minier de la RDC (République démocratique du Congo) où on exploite du cuivre et ses dérivés, cobalt, or, uranium et radium. A côté de l’exploitation minière industrielle, il existe une exploitation artisanale et différentes activités de sous-traitance minière (construction industrielle, minière, transport…). Par contre, comme dans beaucoup de régions minières, il y a peu d’industries. La ville dépend donc fortement du secteur minier : selon certaines sources, elle représente 35 % des emplois et plus de 80 % des exportations pour le cuivre et le cobalt. C’est encore un centre de commerces, de services privés (banques, hôtels…) et surtout de services publics (enseignement, santé) (cf. image zoom 2). En outre, les activités informelles sont très développées, comme partout en RDC.   

C’est le chef-lieu de la province de Lualaba, une des 26 provinces du pays ; cette province a été créée en 2015 à la suite de l'éclatement de l’ancienne province du Katanga en quatre provinces : le Haut-Katanga au sud-est (capitale : Lubumbashi), le Lualaba au sud, le Haut-Lomami au nord de ces deux autres provinces (capitale : Kamina) et le Tanganyika au nord-est le long des rives du lac Tanganyika (capitale : Kalemie).

Constituée au départ de deux communes - Manika à l’est et Dilala à l’ouest - totalisant 213 km², c’est aujourd’hui une entité urbano-rurale suite au rattachement de deux territoires (Lubudi et Mutshatsha), portant la superficie à 36 933 km².

D’après les sources officielles, la ville – soit les deux communes à l’origine - comptait 572 942 habitants en 2015. Mais ce chiffre est vraisemblablement très sous-estimé car, dans une interview de 2011 (Jeune Afrique, 08-02-2011), Charlotte Cime, maire de la Ville, parlait d’un afflux de migrants venus d’autres districts du Katanga, des provinces voisines (Kasaï et Maniema), voire des pays limitrophes et citait le chiffre de 1,5 à 2 millions d’habitants. Elle évoquait parallèlement les problèmes d’aménagement et des services urbains (logement, assainissement, eau, électricité…) ainsi que le civisme, la sécurité ou même l’alimentation… découlant de cette forte croissance.

En termes de communications, les transports par route dominent car la voie ferrée est dans un état d’impraticabilité très avancé. La ville possède aussi un aéroport national qui est dans un état assez acceptable mais exigerait une modernisation afin que cette infrastructure aéroportuaire accède au rang d’aéroport international.  

Kolwezi est encore le terminal d'une des plus longues lignes électriques à haute-tension au monde, la ligne Inga-Shaba. Cette ligne a été mise en service en 1982, reliant sur 1.700 km le barrage d'Inga (Matadi) aux régions minières du Katanga (dénommé Shaba entre 1971 et 1997). Prévue à l’origine pour transporter 560 MW sous une tension de ± 500 kV, sa puissance vient d’être doublée à 1 120 MW mais elle n’est pas encore opérationnelle, ce qui conduit à acheter de l’électricité à la Zambie voisine. Toutefois, cette ligne voulue par l’Etat central a fortement retardé l’aménagement de centrales hydroélectriques locales qui auraient sans doute suffi à l’alimentation en électricité de la région.

 

Une création et un développement intimement liés aux exploitations minières

C’est la découverte en 1903 d’un important gisement aurifère à Ruwe, aujourd’hui Mutoshi (n° 13 sur l’image zoom 2) qui marqua le début des premières exploitations minières industrielles dans la région. De 1906 à 1929, les sites de Mutoshi et Musonoie (n° 12 sur l’image zoom 1) connaissent un développement spectaculaire.

La naissance proprement dite de la ville de Kolwezi remonte à 1938. Le Comité Spécial du Katanga (CSK), l’Union Minière du Haut-Katanga (UMHK) et la compagnie Foncière du Katanga, intéressés par la création d’un centre européen à Kolwezi, fixent leur choix sur le plateau de Manika qu’ils estimaient être plus proche des camps indigènes des travailleurs de l’UMHK. La nouvelle ville dépend alors administrativement du District de Jadoville, l’actuelle Likasi, situé à 180 km vers le sud.

Comme cela se passait dans les autres villes du Haut-Katanga, la gestion du patrimoine foncier était en effet du ressort du Comité Spécial du Katanga, créé en 1900 et auquel fut concédé un large pouvoir en matière d’administration, de gestion et d’aliénation des terres urbaines, suburbaines et rurales. La colonie, le BCK (Chemin de fer du Bas-Congo au Katanga) et l’UMHK avaient le droit d’occuper, en toute priorité et de manière gratuite, les terrains nécessaires à leur établissement et pour le logement de leurs travailleurs. A Kolwezi, l’UMHK se tailla la part du lion avec plus des ¾ du territoire municipal. Même les communes de Manika et de Dilala se trouvaient de plein pied dans la concession de l’Union Minière qui y avait ses carrières, ses terrils et ses cités ouvrières.

La COFOKA - Compagnie Foncière du Katanga - créée en 1923 avait pour mission principale de s’occuper du logement du personnel européen des entreprises ayant participé à sa création, parmi lesquelles l’UMHK occupait une place primordiale. A Kolwezi, la COFOKA construisit le quartier résidentiel et commercial du centre-ville sur la concession de l’Union Minière (n° 2 sur l’image zoom 2), à l’est de la première cité ouvrière de l’UMHK, actuelle cité Kolwezi, établie en 1937 (n° 1 sur l’image zoom 2). Ainsi, les maisons des cadres blancs et celles des travailleurs n’étaient pas éloignées du concentrateur de Kolwezi (n°5 sur l’image zoom 1) ainsi que des carrières de Musonoie et de Kolwezi (n° 2 sur l’image zoom 1).

Le plan géométrique de la ville blanche fut tracé en deux périodes : de 1939 à 1946 pour la partie ouest, qui inclut le centre-ville, et de 1947 à 1951 pour la partie est.

L’Union Minière créa à Kolwezi plusieurs quartiers d’habitation pour ses travailleurs : les cités ouvrières de Kolwezi créées en 1937 et étendues sur 102 ha ; Musonoie créée en 1945 avec ses 189 ha (n° 10 sur l’image zoom 1), UZK sur 34 ha en 1953 (n° 7 sur l’image zoom 1) ; au nord-ouest, Luilu sur 110 ha en 1956 (n°2 sur l’image zoom 1) et, au nord-est, Ruwe sur 32 ha en 1956 (n°12 sur l’image zoom 2).
Ces quartiers étaient situés à proximité des mines et des usines dont ils logeaient la main-d’œuvre. Un tel choix s’est maintenu après l’indépendance du pays en 1960, puisque la cité Kapata créée en 1962 (n° 28 sur l’image zoom 1), sur 90 ha se trouvait non loin des carrières de Dikuluwe (n° 26 sur l’image zoom 1), Mashamba Ouest (n° 25 sur l’image zoom 1) et Kamoto (n° 22 sur l’image zoom 1).
Bien au-delà des différents types de maisons d’habitation poussèrent des églises, des cliniques et hôpitaux, des foyers sociaux, des centres sportifs, des installations de divertissement et de loisirs.  

La colonie reçut pour sa part du CSK les terrains du plateau de Manika au sud-est du centre-ville pour y établir la cité indigène où les populations africaines y construisirent leurs propres maisons sous l’orientation d’artisans « qualifiés ». Etablie un peu plus au sud, aux marges de la ville européenne, la cité indigène de Manika (n°5 sur l’image zoom 2) fut construite à partir de 1941. La préoccupation majeure de l’administration coloniale était d’y établir la population africaine qui ne dépendait pas, soit directement ou indirectement, de l’Union Minière. Les premiers lotissements de la cité furent attribués aux entreprises pour y établir leurs travailleurs ainsi qu’aux missions religieuses. A partir de 1948, des terrains plus petits (300 m2) furent attribués aux particuliers. L’expansion de la cité fut vertigineuse et impressionnante. Etendue sur 175 ha, de 5 500 habitants en 1950, elle en comptait près de 16 500 en 1955, soit le triple en cinq ans seulement. En 1952, la cité de Manika avait acquis le statut de Centre Extra-Coutumier et regroupait la majorité de la population de la ville.

Kolwezi se développa ainsi sous forme de quartiers dévolus à des populations spécifiques et séparées les uns des autres, comme dans de nombreuses villes de l’Afrique australe coloniale : un centre décisionnel et résidentiel pour les cadres européens, au sud-est le Centre coutumier pour la population locale et plusieurs cités planifiées pour la population ouvrière proche des carrières et usines de l'UMHK. La configuration spatiale de la ville traduit ainsi de forts contrastes - fruits de ces ségrégations - entre les quartiers souvent séparés les uns des autres par des infrastructures de transport ou des collines. Cependant aujourd’hui, en raison de l’important développement de la population, on retrouve des constructions un peu partout et les délimitations spatiales sont moins nettes que dans le passé.

Une ville minière dans un environnement minier

Comme dit en introduction, Kolwezi est situé dans l'arc cuprifère de l’ancien Katanga, riche également en cobalt et en uranium dont les principaux centres miniers sont d’ouest en est : Kolwezi (Cu-Co), Kambove (Cu-Co), Shinkolobwe (U), Likasi (Cu) et Lubumbashi (Cu), sans négliger la mine de Kipushi située au nord-est de Lubumbashi exploitée pour le zinc, le cuivre et le germanium. La zone d’exploitation s’étend sur 350 km, soit plus que la distance Paris-Bruxelles …

Cet arc se prolonge en Zambie. D’un point de vue géologique, le Katanga est plus attractif que la Zambie car son minerai contient, en plus du cuivre, énormément de cobalt. Actuellement, le pays détient ainsi, d’après l’United States Geological Survey (USGS), près de 50 % des réserves mondiales de ce composant chimique très demandé, en particulier pour les alliages et la fabrication de batteries. Malgré ce potentiel, le Katanga séduit pourtant moins les investisseurs que son voisin du sud. En cause, l’attitude des autorités vis-à-vis des groupes miniers, une réglementation changeante et des problèmes d’infrastructures et de disponibilité en électricité. Ajoutons qu’en matière de cuivre, les réserves de la RDC sont très proches de celles de la Zambie, un peu plus de 2,5 % des réserves mondiales, le pays le mieux doté en ce domaine étant le Chili (plus de 20 % des réserves mondiales). Un autre handicap est l’éloignement des ports : le cuivre congolais passe majoritairement par la Zambie pour rejoindre le port de Dar-es-Salaam, en Tanzanie situé à plus de 2 100 km où il est envoyé, au port de Lobito en Angola situé à près de 1 600 km.

Les richesses minières ne sont sans doute pas étrangères aux différents conflits qui ont opposé la province à l’Etat central, et ce dès juillet 1960 un peu après l’indépendance du pays : le Katanga proclama son indépendance sous l'impulsion de Moïse Tshombe et des milieux d'affaires pro-occidentaux. Le conflit contre les troupes de Joseph Mobutu, qui avait pris le pouvoir en août 1960, mais aussi et surtout contre les troupes des Nations unies dès la fin de l'année 1960, dura jusqu'à la fin de la sécession, en janvier 1963.  Par la suite, des rebelles ont, à plusieurs reprises, tenté de s'émanciper de l'autorité de l'État central du Congo. Une deuxième guerre intervint : c’est « la bataille de Kolwezi », une opération aéroportée baptisée « Opération Bonite », menée le 13 mai 1978 par une unité de la Légion étrangère française, le 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP), ainsi que par des troupes belges et zaïroises pour délivrer des otages européens retenus dans la ville par des rebelles katangais. Si l’opération réussit à libérer des otages avec des pertes militaires légères, elle ne put empêcher le massacre de 700 Africains et de 170 Européens commencé avant le déclenchement de celle-ci.

Un espace profondément marqué par l’exploitation minière

A Kolwezi, à l’exception de la mine de Kamoto (n° 22 sur l’image zoom 1) qui est souterraine, les autres exploitations se font à ciel ouvert (open-pit mines), dans de véritables carrières qui peuvent atteindre 200 m de profondeur et parfois plus de 2,5 km de large comme les gisements de Kov (n° 13 sur l’image zoom 1) et de Dikuluwe (n° 26 sur l’image zoom 1) ; l’exploitation consistant à créer une fosse en gradins correspondant à des paliers successifs. Cela impose l’évacuation de grandes quantités de stériles par rapport au tonnage de minerais extraits. Tous les matériaux stériles sont évacués hors de la fosse et stockés en remblais (pour éventuellement être remblayés).

Pour des raisons de stabilité, les parois de la fosse doivent présenter une pente qui est fonction de la nature des terrains et de la durée à assurer dans le temps à l’exploitation. Les carrières sont agrandies progressivement en partant de leur sommet afin de pouvoir rejoindre en profondeur le profil du gisement (c’est « la mise à limite »). Quand l’exploitation n’est plus rentable (ratio entre le volume en m³ de découverture et les tonnes de minerais récupérables), l’exploitation en carrière est abandonnée au profit éventuel d’une future phase d’exploitation en souterrain. Si cependant l’exploitation est abandonnée, elle est inexorablement envahie par l’eau.

L’extraction se fait à l’aide de pelles excavatrices sur chenilles et de bennes de grande capacité (150 tonnes). Vu les profondeurs atteintes et en vue de limiter la longueur du trajet des bennes chargées d’évacuer les stériles, il est parfois choisi de concasser directement le minerai dans la carrière (in pit crusher) et d’évacuer les stériles par des bandes transporteuses jusqu’aux zones d’épandage (remblais). C’est bien visible au niveau de la carrière de Kov (n°13 sur l’image zoom 1) où les différentes bandes transporteuses conduisent les stériles vers le nord (n°14 sur l’image zoom 1). Le minerai reste évacué par bennes.

Une fois extrait et vu ses faibles teneurs, le minerai doit être concentré. Cette opération se déroule dans des concentrateurs. Il y en a deux : celui de Kolwezi (n° 5 sur l’image zoom 1) et celui de Kamoto (n° 21 sur l’image zoom 1). Ces deux entités utilisent la même méthode de concentration par flottation (apport de réactifs), ce qui permet d’obtenir des concentrés à plus fortes teneurs (cuivre et cobalt). Le concentrateur de Kolwezi opère depuis 1941. Les sections 1 & 2 du concentrateur de Kamoto opèrent elles depuis 1968 et 1972 et ont été modernisées dans les années 1980.

Les concentrés obtenus (oxydés ou sulfurés) sont traités dans différentes usines soit par procédés hydrométallurgiques comme sur place à Luilu (n° 17 sur l’image zoom 2), soit par traitement thermique comme à Lubumbashi.

Les cathodes de cuivre produites à Luilu et Likasi - à 175 km de Kolwezi, donc hors image - seront ensuite raffinées aux usines de Shituru de Likasi et coulées en wirebars d’environ 130 kg destinés, jusqu’il y a quelques années, aux acheteurs tréfileurs. Actuellement dans le monde, le cuivre destiné aux tréfileurs est commercialisé directement sous la forme de fils. Les usines de Lubumbashi quant à elles ont produit notamment un cuivre blister qui nécessite d’être ensuite raffiné en Europe.

L’usine à zinc de Kolwezi (en abrégé USK) (n°1 sur l’image générale) traite pour sa part le concentré de zinc produit à Kipushi, situé à près de 330 km de Kolwezi, concentré préalablement grillé dans des fours à Likasi pour éliminer le soufre présent. L’usine produit du zinc et du cadmium par électrolyse.

Le volume de terrains déplacés par an atteignait dans les années 1980 les 30 millions de m³. L’exploitation du cuivre a engendré de la sorte un profond remaniement de la surface du sol (fosses et remblais) et a généré notamment des zones de stockage par décantation des rejets des concentrateurs et usines métallurgiques. Vu les teneurs résiduelles en cuivre et cobalt de ces rejets, il existe différents projets pour les recycler dont certains ont été mis en activité.

A Kolwezi, l’exploitation largement industrielle des minerais de cuivre et de cobalt cohabite avec des poches d’exploitation artisanale que l’on reconnaît facilement aux remaniements du sol liés à l’absence de superstructures d’exploitation : c’est le domaine des « creuseurs » dont l’activité avait été légalisée par le Code minier de 2002. Cependant le Cadastre Minier de la République (CAMI) omit de réserver à cet effet des concessions bien spécifiques pour cette activité, de sorte que les creuseurs, faute d’emplacements réservés, envahissent régulièrement les concessions déjà attribuées ou occupées, légalement ou non. Gageons que le nouveau code minier de 2018 qui reconnaît à son tour l’exploitation artisanale mais la limite aux détenteurs d’une carte d’exploitant artisanal et à des zones d’exploitation artisanale (ZEA), n’aboutisse pas aux mêmes résultats : des conflits conduisant à des affrontements avec des militaires ou des policiers ainsi que des actions en justice concernant ces occupations illégales sans oublier les accidents résultant des risques pris par les creuseurs (absence de sécurité du travail).

La production journalière de ces creuseurs - estimés aujourd’hui à 2 millions pour l’ensemble de la RDC - est achetée sur place au travers de comptoirs d’achat tenus par des ressortissants étrangers, essentiellement maintenant Chinois et Libanais, qui se chargeront de son écoulement.  Quand cette forme d’activité se développe, on voit naître une réelle économie informelle locale se traduisant par exemple par des constructions plus élaborées (avec toits en tôle) qui hébergent des commerces, des bars et/ou un habitat de meilleure qualité comme il est possible de le constater près de Kisanfu à une soixantaine de km à l’est de Kolwezi.

Image zoom 1 : Exploitation minière

 

 







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Image zoom 2 : la ville de Kolwesi

 

 



 

 

Des ressources très convoitées par de nombreux opérateurs étrangers

La Gécamines (Générale des Carrières et Mines) tire son origine de l’Union Minière du Haut Katanga (UMHK), une compagnie créée en 1906 et nationalisée en 1967 par l’Etat Congolais. L’UMHK deviendra d’abord GECOMIN au 1ier Janvier 1967 et subira par la suite plusieurs changements d’appellation.

Cet opérateur historique a été durant longtemps la principale source de revenus de la RDC, en termes d’apports fiscaux (impôts, taxes et droits divers) et d’investissements de toutes natures dans la Province du Katanga. A noter que, depuis 1976, l’Etat ne rétrocédait à la Gécamines que 45 % de ses recettes nettes de commercialisation, ce qui ne permettait que d’assurer la survie de l’entreprise et non le maintien de son outil ainsi que de sa compétitivité.

Le record de production a été atteint en 1986, avec 476 000 tonnes de cuivre, 14 500 tonnes de cobalt et 64 000 tonnes de zinc lingots, niveau de production obtenu en épuisant les remblais de minerais et les stocks de produits métallurgiques constitués précédemment. En effet, depuis le début de la décennie 1970, s’était installé un déséquilibre notoire entre la capacité d’exploitation minière et celle de traitement des usines métallurgiques restée elle supérieure.

Les heures que l’on serait tenté de considérer comme « fastes » de la Gécamines ont duré jusqu’en 1987, la production de cuivre passant rapidement de 439 474 t en 1988 à 222 100 t en 1991. En 1993, elle n’était déjà plus que de 45 900 t. Depuis le début des années 1990, la compagnie a effectivement sombré progressivement entre crises du secteur minier, pillages, guerres larvées et autres évènements jusqu’à la chute du Président Mobutu et la prise du pouvoir en 1997 par le Président Kabila.

Depuis 2010, elle a été transformée en une société commerciale de droit privé dont l’État congolais est l’unique actionnaire. Elle assure les intérêts publics en concluant des partenariats avec des groupes étrangers, il y en aurait 17. Avant et après cette transformation, elle a essayé plusieurs fois de se relancer, mais semble échouer chaque fois avec accumulation de dettes. La société est souvent critiquée par des ONG internationales et différents observateurs qui évoquent la corruption, des détournements de fonds, une mauvaise gestion… La compagnie congolaise a réfuté régulièrement les accusations, estimant que c’est « le Code Minier de 2002 et le système mis en place par les sociétés multinationales du secteur minier, qui a conduit à priver l’État et la Gécamines des bénéfices attendus » (Ecofin Hebdo, 15-03-2019).

A noter que ce Code de 2002 avait réaffirmé la propriété de l’Etat sur les substances minérales, prônait le désistement de l’Etat de l’activité minière - son rôle se limitant dorénavant à la promotion et à la régulation de ce secteur - et faisait appel à l’initiative privée pour la mise en valeur des substances minérales. Mais, peu de temps après, l’Etat a conclu avec un Consortium chinois un contrat ne répondant plus aux critères de base du nouveau Code. Entre autres divergences, les accords intervenus envisageaient notamment dans l’immédiat le troc de constructions d’infrastructures pour le pays à compenser par les futurs impôts et taxes qui deviendraient à charge de l’Entreprise chinoise lorsque celle-ci se serait remboursée de son investissement ainsi que des 32 % de parts sociales concédées au Gouvernement mais à charge de celui-ci.

En fait, les ressources ont attiré de nombreuses firmes étrangères : pour l’ensemble de la RDC, ce nombre est passé de 35 entreprises minières en 2002 à 482 sociétés détentrices de droit minier et de carrière fin 2016 (A. Smyth, 2019, p. 2). Dans la région de Kolwezi, il s’agit par exemple de Glencore, qui est une importante entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et d'extraction de matières premières, d’Eurasian Natural Resources Corp. (ENRC), une société kazakhe et plusieurs sociétés chinoises comme la Sicomines, Hong Kong Mining Investments, China Molybdenum, COVEC (China Overseas Engineering Co.), CNMC (China Nonferrous Metal Mining Group) …  

Ces trois dernières années, la production annuelle moyenne propre de Gécamines est tombée à 15 000 tonnes pour le cuivre et 250 tonnes pour le cobalt. Mais la société cherche actuellement à se redéployer en lançant de nouveaux projets et en renégociant ses partenariats avec les groupes étrangers. Toutefois, en permettant des rediscutions de contrats au cas par cas, le nouveau code minier de mars 2018, qui vise notamment à protéger davantage les populations locales et l’environnement, risque d’autoriser une diversité de contrats aux conditions très différentes propres à chaque société et, au final, ne pas permettre la nouvelle répartition de la redevance minière : 50 % au pouvoir central, 25 % à l’administration de la province, 15 % à l’entité territoriale décentralisée (ETD) où a lieu l’exploitation et 10 % à un fonds minier pour les générations futures (A. Smyth, 2019, p. 4-5). Il faut toutefois espérer que les réformes annoncées, fortement voulues par la société civile, puissent aboutir et permettre de sortir du cercle vicieux de « la malédiction des matières premières ».

 


Remerciements à Paul Franssen, Ancien Directeur de Directions à la Gécamines, Ancien Administrateur-Secrétaire Général de George Forrest International Afrique, Ancien Vice-Président de la Commission Nationale des Mines de la Fédération des Entreprises du Congo, pour les multiples informations qu’il nous a données et pour son aide dans l’identification des principales composantes des images analysées.

D'autres ressources

Ressources en ligne
CAID (Centre d’Analyse des Indicateurs de Développement) : Ville de Kolwezi https://www.caid.cd/index.php/donnees-par-villes/ville-de-kolwezi/?doma…
Congo Autrement, Présentation de la ville de Kolwezi (Nouvelle Province de Lualaba), 07-01-2018 https://www.congo-autrement.com/page/les-villes-de-la-rd-congo/presenta…
Devey Malu-Malu M., Katanga : Kolwezi en pleine croissance, Jeune Afrique, 08-02-2011 https://www.jeuneafrique.com/31810/economie/katanga-kolwezi-en-pleine-c…
GECAMINES SA, Notre histoire https://www.gecamines.cd/histoire.html
Kansoun L.-N., Gécamines, le bon timing pour un nouveau départ , Ecofin Hebdo, 86, 15-03-2019 https://www.agenceecofin.com/la-une-de-lhebdo/1503-64692-gecamines-le-b…
Smyth A., Code minier en RD Congo : les enjeux de la réforme, Justice et Paix, 19-07-2019 http://www.justicepaix.be/Code-minier-en-RD-Congo-les-enjeux-de-la-refo…
USGS, Mineral Commodity Summaries 2019 https://www.usgs.gov/centers/nmic/mineral-commodity-summaries
Ville de Kolwezi http://kolwezi.e-monsite.com/pages/a-propos.html#vZdlPZEXFiCff4sD.99

Ouvrages
Bernadette Mérenne-Schoumaker : Energies et minerais. Des ressources sous tension, coll.  documentation photographique, n° 8098, Edition de La documentation Française, Paris, 2014.
Bernadette Mérenne-Schoumaker : Atlas mondial des matières premières. Des ressources stratégiques, coll. Atlas, Edition Autrement, Paris, 2015, 2e édition.

Sur le site Géoimage du CNES
B. Merenne : Chili. L’exploitation du lithium dans le désert d’Atacama : nouvelles ressources stratégiques et bouleversement technologique mondial


Contributeur

Bernadette Mérenne-Schoumaker - Professeur ordinaire honoraire - Université de Liège, Belgique