Bien avant le développement de l'activité touristique de masse, les Seychelles ont été confrontées à des problèmes de gestion environnementale. Face à l'attitude des colons, les décrets de 1778 (Décrets Malavois) interdisent les massacres de tortues et l'exploitation incontrôlée de la noix de coco. Quelques 200 ans plus tard, l'atoll d'Aldabra est classé au patrimoine marin de l'UNESCO en tant que lieu d'habitat privilégié des tortues géantes. Entre forêt tropicale, sable blanc, mer bleue, récifs coralliens, faune et flores luxuriantes les Seychelles présentent tous les atouts environnementaux des îles paradisiaques de rêve... dont la mise en exploitation ne doit pas tourner au cauchemar. Pour autant, la mise en avant de la protection environnementale ne constitue-t-elle pas un enjeu politique et n'est-elle pas pour les autorités seychelloises un moyen permettant de justifier les fragilités touristiques structurelles de l'île?
Légende de l'image
Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 31/08/2014. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m
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Présentation de l'image globale
Un archipel de l'Océan Indien
A quelques 1800 kilomètres au large des côtes de Tanzanie et du Kenya, Mahé constitue l'île la plus grande et la plus peuplée de l'archipel des Seychelles. Mahé, Praslin et La Digue sont des îles d'origine granitique et sont appelées les îles intérieures ou les îles du Nord. Elles couvrent un peu plus de 50% de la superficie de l'archipel (244km² sur 455km²) mais regroupent plus de 97% des 95 000 habitants des Seychelles. Les autres îles sont d'origine corallienne et la plus éloignée, Aldabra, se trouve à 1200km de Mahé. Elles constituent le groupe des îles extérieures et ne sont quasiment pas habitées. La ville de Victoria est sise au Nord-Est de l'île de Mahé et, si elle est la ville la plus peuplée du pays (une peu plus de 30 000 habitants), elle n'en demeure pas moins une des plus petites capitales des îles de l'Océan Indien.
Un passé colonial
L'histoire des Seychelles a été marquée par la colonisation puisque l'on ne trouve pas de traces de passage ou d'occupation humaine antérieurs au XVIème siècle (malgré quelques lignes dans des manuscrits arabes). Le premier récit occidental à mentionner leur existence est réalisé par Vasco de Gama en 1502. Il nomme cet archipel les îles Amirantes. Dans les années 1740, des expéditions françaises menées depuis les Mascareignes sous l'impulsion du gouverneur Mahé de la Bourdonnais commencent à véritablement s'intéresser aux Seychelles et à en envisager l'exploitation. Cette mise en valeur sera poursuivie dans la décennie suivante et ce groupe d'îles y gagnera son nom, donné en l'honneur du Contrôleur Général des Finances de Louis XV, Jean-Moreau de Séchelles. Exploitées pour le bois puis pour les épices, les Seychelles deviendront colonies britanniques à la fin de l'aventure napoléonienne (elles sont cédées officiellement en 1814). En 1976, le pays accède à l'indépendance et se lance dans une économie d'inspiration socialiste menée par un descendant de colons français, France-Albert René, à la suite de sa prise de pouvoir par un coup d'Etat.
Le tourisme pilier du développement
A la fin des années 1960, un tiers de la population travaille dans les plantations agricoles et l'exploitation de la cannelle ou du coprah (noix de coco). Pour autant, la taille des îles, leur aspect granitique, la présence d'îles "voisines" largement mieux pourvues en atouts et en structures agricoles ne permettent pas d'assurer la pérennité d'une activité agricole de premier ordre. Le coup de grâce de cette activité est donné par l'ouverture de l'aéroport international sur l'île de Mahé en 1971 : cette nouvelle infrastructure rompt en partie la tendance à l'isolement des Seychelles et annonce le développement touristique du territoire (voir la fiche "Les Seychelles, une île ouverte au tourisme"), une activité qui sera d'autant plus valorisée et essentielle qu'elle accompagnera les premiers pas de l'indépendance politique du pays.
Une étude en 4 thématiques
L'image satellitaire Pléiades (31/08/2014) étudiée dans cette série de 4 fiches permet donc d'étudier comment l'espace insulaire de Mahé s'organise autour de l'activité touristique : les enjeux sont regroupés en 4 séries de thématiques : la réalité de l'activité touristique des Seychelles, la nécessaire ouverture dans le cadre de la mondialisation que génère cette activité, les conséquences spatiales de la littoralisation dans un contexte de saturation des espaces côtiers, la gestion environnementale de l'activité récréative à la fois essentielle pour des enjeux écologiques et de durabilité de l'attractivité touristique.
Zooms d'étude
Les enjeux politiques de la protection environnementale aux seychelles
L’image ci-contre présente l’île de Sainte-Anne. Située à 2km de Mahé, cette île est caractéristique de la place donnée aux Seychelles à la protection environnementale et aux enjeux liés au développement durable. Elle se situe au cœur du 1er parc marin crée aux Seychelles en 1973. Le territoire protégé s’étend sur un peu moins de 15 km² et il est à la fois composé d’espaces marins et terrestres (3.8 km²). Les récifs coralliens ainsi que la faune exceptionnelle sont les principaux enjeux de cette protection mais également son principal attrait puisque le parc voit le passage d’un tiers des touristes de l’archipel.
La politique environnementale seychelloise est caractérisée par la volonté de protection affichée et l’utilisation touristique des richesses naturelles. N’hésitant pas à communiquer sur le Décret Malavois de la fin du XVIIIème siècle qui interdisait aux colons le massacre des tortues, le gouvernement seychellois veut montrer l’implication « ancestrale » du territoire dans la protection de l’environnement et en faire un de ces chevaux de bataille pour se différencier de ses principaux concurrents. La proposition de classer l’atoll d’Aldabra au patrimoine marin de l’UNESCO dès 1982 a contribué à donner cette image d’un archipel à l’avant-garde écologique mondiale. Le rapport Bruntland de 1987 a donné aux Seychelles l’occasion de renforcer ses politiques de développement durable en les qualifiant « d’impératif national ». Deux plans de gestion de l’Environnement ont été réalisés pour les décennies 1990-2000 et 2000-2010. Au total, c’est 43% du territoire seychellois qui est aujourd’hui soumis à des règles de protection environnementale.
Pour autant, certains auteurs (J.-Ch. GAY, 2004) voient dans cette communication à outrance et dans cet affichage permanent de l’enjeu environnemental une volonté de masquer certaines faiblesses structurelles du tourisme seychellois. Ainsi, la faible fréquentation comparée à d’autres îles voisines (Maurice, Maldives…) serait justifiée par les autorités non pas par une mauvaise mise en tourisme de l’archipel mais plus par une volonté de préservation. Le slogan, « le luxe à l’état brut » accompagne toute cette communication et contribue au mythe des Seychelles, lieu touristique certes, mais préservé… . Cependant les chiffres trahissent cette analyse puisque dans les années 1990, le nombre de touristes était fixé à 150 000 visiteurs et la capacité d’accueil maximale à 4000 lits, tout cela dans un souci de développement durable. En 2007, alors que les menaces sur l’environnement étaient toujours les mêmes, la capacité en nombre de lits s’élevaient à 9 000 et 250 000 touristes étaient attendus. En 2016, ce sont 304 000 touristes qui sont venus aux Seychelles. Il semblerait donc que l’évolution croissante du nombre de visiteurs s’aligne davantage sur les besoins économiques du pays, en particulier le déficit de sa balance commerciale, que sur une protection de l’environnement « mère de toutes les batailles ».
La présence des coraux dans les eaux des seychelles
Une petite moitié du linéaire côtier seychellois est constituée de plages au sable blanc d’origine corallienne. Paysage de carte postale que celui des multiples anses qui se succèdent tout autour de Mahé ou des autres îles de l’archipel. A ces caractéristiques paysagères, il faut ajouter la richesse d’une flore et d’une faune dans lesquelles les espèces endémiques sont nombreuses en raison de l’isolement prolongé qu’a connu l’île. Dans le cadre touristique, la gestion des ressources coralliennes représente un enjeu essentiel pour les Seychelles (sur l’image ci-contre, les coraux sont visibles par les tâches noires immergées dans l’océan). Actuellement, les coraux des eaux seychelloises connaissent un blanchiment accéléré. Ce phénomène déjà fort en 1998 est dénoncé comme étant une conséquence d’un phénomène El Niño et s’explique par un réchauffement de la température de l’eau. Outre le manque de croissance des coraux, ce blanchiment les rend plus vulnérables aux maladies et leur donne une moins bonne capacité nutritive pour les espèces animales vivant dans cet écosystème. A ces considérations naturelles, leur présence et leur bonne santé sont également fondamentales car source majeure d’attrait touristique. On voit sur l’image ci-contre comment, le Sainte-Anne Resort Hotel and Spa (propriété maintenant du Club Med) utilise la présence des coraux en proposant une structure d’accueil sur une plage largement pourvue en ressources coralliennes.
Il s’agit d’une image en composition colorée « fausse couleur » de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.
Cette image permet de mettre en évidence l’information enregistrée par le satellite dans le Proche infra-rouge. Elle donne une information supplémentaire à celle de l’œil humain.
La couleur rouge correspond à des organismes végétaux ayant une activité chlorophyllienne, les espaces sombres correspondent à des espaces en eau ou humides. Ainsi, les tâches sombres dans l’Océan mettent en évidence la présence de plateformes coralliennes qui ont conduit au classement de l’île de Sainte-Anne en Parc National Marin en 1994.
Pour en savoir plus sur les compositions colorées « fausse couleurs», rendez-vous sur le site Enseignants et Médiateurs du CNES en cliquant sur le logo Terr’Image
La menace de l'érosion littorale
La plage de beau vallon
Le tourisme a cherché à exploiter les richesses environnementales ce qui ne va pas sans conséquences sur les infrastructures hôtelières. En 2001, sur les 66 plages des îles granitiques (Mahé, La Digue et Praslin), 2 connaissaient un phénomène d’engraissement, 11 étaient stables et 53 étaient en recul (V. Cazes-Duvat-2001). Ainsi, dans la Baie de Beau Vallon (l’une des premières à avoir été mise en valeur au niveau touristique dès 1973-1974), bon nombre de structures hôtelières ont été construites trop proches du littoral. Sur l’image ci-contre, les structures hôtelières se trouvent à moins de 30m de la mer. Cette proximité des constructions par rapport au littoral favorise nettement l'érosion dans la mesure où les vagues de tempêtes ont une énergie cinétique décuplée si elles viennent frapper des constructions situées à moins de 50m de la plage. En effet, au passage de la vague extrêment dommageable en période de tempête s'ajoute son retour extrêment actif lui-aussi puisqu'il a percuté un mur de construction : le phénomène de perte sur la plage est considérable. Cette image montre la Baie de Beau Vallon qui n'est pas une des plages les plus concernées par le dégraissement sableux mais dont la structure des constructions et leur positionnement par rapport à la mer peut expliquer pourquoi, dans des zones plus menacées, les choix urbains et touristiques réalisés peuvent s'accompgner d'une érosion majeure.
l'érosion favorisée par l'action anthropique
Cette image en composition colorée se situe dans l'Anse Faure (a) sur la partie sud de l'image globale, au niveau de l'extémité des pistes de l'aéroport marquées par la puce (b). Cet aéroport si fondamental pour l'ouverture touristique des Seychelles nécessitait afin d'accueillir des vols internationaux des pistes suffisamment longues. Ainsi, il a été construit en partie sur l'océan, sur des terre-pleins. Sa morphologie a donc modifié la dérive littorale naturelle et a donc eu un impact majeur sur les zones de plage à proximité, en particulier en réduisant l'apport sédimentaire. L'Anse Faure constitue donc une des zones les plus vulnérables et la disparition des plages y est très rapide (CAZES-DUVAT, 2000). On note clairement sur l'image que des actions d'aménagement ont été réalisées dans cette Anse Faure pour limiter l'impact de l'érosion et essayer de préserver les plages : une digue sur la partie Sud mais également l'île ou presqu'île (c) totalement artificielle réalisée au début des années 2000 et servant de protection au territoire de Mahé.
Il s’agit d’une image en composition colorée « fausse couleur » de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. Cette image permet de mettre en évidence l’information enregistrée par le satellite dans le Proche infra-rouge. Elle donne une information supplémentaire à celle de l’œil humain. La couleur rouge correspond à des organismes végétaux ayant une activité chlorophyllienne, les espaces sombres correspondent à des espaces en eau ou humides et les couleurs les plus blanches et "aveuglantes" aux zones sableuses. Elle permet donc de mettre en avant la fragilité du liseré sableux dans l'Anse Faure en raisonde la présence de l'aéroport. Pour en savoir plus sur les compositions colorées « fausse couleurs», rendez-vous sur le site Enseignants et Médiateurs du CNES dans la rubriqueTerr’Image
un exemple local : Se protéger de l'érosion sur la plage de sainte-anne
Les vagues de tempêtes, la houle menacent les constructions. Il est à noter par contre que les Seychelles sont globalement à l'écart de l'aléa cyclonique puisque situées dans une position très équatoriale. Sur l'image ci-contre, on note la présence de constructions d'ingénierie lourde à l'extrémité sud de l'île de Sainte-Anne. Le resort du Club Med est donc situé sur une zone qui semble largement menacée par le recul de la plage. Des murs de soutènement, des gabions et des digues permettent de mettre à l’abri ce complexe d’une érosion trop rapide même si comme dans chaque opération de limitation de l’érosion littorale, cela la renforce dans d’autres lieux de la côte.
Les causes de cette érosion sont multiples : les Seychelles sont marquées par une faible sédimentation d'origine récifale, une exploitation (en voie de réduction) des coraux qui ne se déposent donc plus sur les plages ainsi que d'actions anthropiques réalisées dans une totale indifférence du fonctionnement des dynamqiues littorales (exemple de l'aéroport). Les protections consistent le plus souvent à protéger la plage d'un hôtel par des structures imposantes sans forcément s'intéresser aux conséquences à long terme de ces infrastructures en d'autres points de la côte.
D'autres fiches Geoimage sur les Seychelles
Les Seychelles, un archipel touristique dans l'Océan Indien
Les Seychelles, une île ouverte au tourisme
Les Seychelles, une île face à la pression foncière touristique
Ressources complémentaires
Gay Jean-Christophe, « Tourisme, politique et environnement aux Seychelles », Revue Tiers Monde, 2004/2 (n° 178), p. 319-339. DOI : 10.3917/rtm.178.0319. URL : https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2004-2-page-319.htm
Cazes-Duvat Virginie, « Les archipels de l'ouest de l'océan Indien face à l'érosion côtière (Mascareignes, Seychelles, Maldives) », Annales de géographie, 2005/4 (n° 644), p. 342-361. DOI : 10.3917/ag.644.0342. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2005-4-page-342.htm
Contributeur
Vincent DOUMERC, professeur agrégé de géographie, Lycées Saint-Sernin et Fermat (Toulouse)