Publié le 20 juin 2023

Promesses tenues pour le télescope James-Webb et son instrument MIRI

Webb réalise un nouveau coup de maître en détaillant la composition chimique d’un disque protoplanétaire.

En mars 2023, le télescope James Webb révélait pour la première fois la température d’une exoplanète rocheuse. Aujourd’hui, ce jeune télescope dévoile la composition d’une brume de molécules dans lequel les planètes en formation puisent leur matière. Des résultats obtenus grâce à l’instrument MIRI (Mid-InfraRed Instrument) dont l’imageur a été développé par des laboratoires français sous la responsabilité du CNES. Ont été détectés : une surabondance de carbone, essentiellement sous forme gazeuse, et deux molécules (benzène et diacétylène) dont la présence dans ces brumes demeurait incertaine. Publiés en mai dans Nature Astronomy, ces résultats alimentent les réflexions sur la formation et l’évolution des planètes rocheuses. 

 Légende : Instrument MIRI sur table d’essai - Crédits : STFC/RAL

  

Deux découvertes en une prise

Autour des jeunes étoiles, gravite une brume de matière formée de poussières et de gaz. On la nomme disque protoplanétaire parce qu’elle contient les briques moléculaires nécessaires à la formation d’une planète. L’observation d’une grande variété d’étoiles a montré que les plus légères donnent davantage naissance à des planètes rocheuses comme la Terre. La quête des origines de la Terre a conduit naturellement l’équipe scientifique de JWST (James-Webb Space Telescope) à pointer le télescope sur de telles étoiles. Avec une masse 5 fois inférieure à celle du Soleil, c’est J160532 qui a remporté le trophée.

Premier constat pour MIRI : dans le disque gravitant autour de J160532, le ratio entre les gaz carbonés et les gaz oxygénés est bien supérieur à celui que l’on trouve dans le milieu interstellaire. Autrement dit, il y aurait une surabondance d’hydrocarbures.

Benoît Tabone, chercheur à l’Institut d’astrophysique spatiale et principal auteur de la publication, émet l’hypothèse que l’intense l’activité de cette jeune étoile aurait sublimé les poussières carbonées du disque protoplanétaire, ne laissant que les grains les plus pauvres en rotation autour de J160532. Pour ces grains, la suite logique serait de former des planètes pauvres en carbone, à l’instar de la Terre. En effet, bien que la quantité de carbone atmosphérique soit de plus en plus préoccupante sur Terre, cet élément y est très peu abondant en comparaison de l’oxygène ou de la silice par exemple. Ainsi, l’histoire aboutissant à la formation d’une Terre appauvrie en carbone pourrait suivre le scenario avancé pour J160532. 

 

Deuxième découverte : toujours dans ce disque, deux nouvelles molécules gazeuses ont été identifiées.

« La présence de benzène (C6H6) et de diacétylène (C4H2) dans le milieu interstellaire nous laissait penser que les disques protoplanétaires en contiendraient, mais nous avons désormais la preuve de leur présence en abondance, souligne Christian Mustin, expert au CNES en exobiologie, exoplanètes et protection planétaire. Outre l’identification de deux nouveaux gaz dans l’éventail des constituants d’un disque protoplanétaire, cette découverte nous démontre la remarquable sensibilité et résolution des mesures réalisées par MIRI. Actuellement, aucun télescope, terrestre ou spatial, n’est en capacité d’obtenir des résultats similaires dans l’infrarouge moyen. » 

Christian Mustin, expert en exobiologie, exoplanètes et protection planétaire au CNES - Crédits : CNES/Christophe PEUS, 2022

 

MIRI, le spectromètre qui fait avancer la science

Fruit du travail commun de plusieurs laboratoires dans le monde, MIRI est dédié aux observations dans l’infrarouge moyen, un domaine spectral particulièrement favorable à l’étude des nuages de poussières. Ses rendus sont des spectres d’émission parfaitement résolus.

 Jusqu’à présent, là où l’on voyait des bandes larges en escalier (ref. au télescope Spitzer), on perçoit désormais des pics très fins qui ne laissent aucun doute sur l’identité des molécules présentes. Avec MIRI, on quitte le champ des possibles pour celui de la réalité. 

Selon l’expert, cette prouesse technologique n’est pas le seul fait de MIRI mais de l’ensemble du savoir-faire condensé dans JWST.

Par exemple, pour obtenir des résultats exploitables dans l’IR, les instruments doivent rester à une température inférieure à 6K (-267°C), sans quoi, les émissions propres à l’instrument perturberaient les données. Un bouclier thermique de la taille d’un terrain de tennis a donc été déployé derrière le télescope pour le protéger du rayonnement solaire. Autour de MIRI, un deuxième écran thermique freine encore la montée du mercure. Enfin, un cryo-refroidisseur y abaisse la température de façon significative.   

Aux yeux de la communauté scientifique, les premières retombées de JWST présagent d’un nouvel âge d’or pour l’astrochimie. D’ici la fin du mois de juin, le télescope aura consacré 140 heures à l’observation des zones de formation des planètes terrestres. Cela représente environ 50 disques passés au peigne fin de MIRI et dont les résultats sont d’ores et déjà très attendus.