Norvège - Tromsø, capitale de l’Arctique

Capitale de l’arctique norvégien, Tromsø (75 000 hab.) est la ville la plus septentrionale au monde. Entourée par d’imposantes montagnes, on la surnomme parfois « Nordens Paris », le Paris du Nord. Elle possède une histoire riche : point de départ de nombreuses expéditions polaires, cœur important du commerce de la fourrure, elle a aussi été brièvement siège du gouvernement norvégien pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle est ville hôte du secrétariat du Conseil de l’Arctique. C’est une métropole dynamique dont le développement s’est appuyé sur une situation très favorable.

 

Légende de l’image

Image prise par le satellite Sentnel-2B de la ville de Tromsø et îles alentours prise le 28 juillet 2018.  Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

 

L'image ci-contre a été réalisée par le satellite Sentinel-2B le 2 mars 2019. La ville de Tromsø et îles alentours sont recouvertes de neige.  Comme la vue précédente, il s'aigt d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

 


 

 

 

Présentation de l’image globale

Tromso et sa région : une métropole située à plus de 300 km
au nord du cercle polaire.

Un site insulaire très protégé à l’abri des fjords

L’image nous montre une petite île au milieu d’un fjord protégée de la mer de Norvège par une succession d’îles de taille beaucoup plus importante qui se découpent en direction de l’ouest. L’île est entourée de montagnes qui sont encore couvertes de neige alors que l’image a été prise au plus fort de l’été, au mois de juillet. En direction de la mer, cette côte à fjord, terme désignant une ancienne vallée glaciaire envahie par la mer, est très découpées par un vaste semi de vallées très encaissées. Le tout aboutit à un vaste pavage d’îles de taille très différentes, mais souvent considérables, notamment l’île de Kvaløya, à l’ouest de l’île de Tromsøya où se situe la ville de Tromsø.

L’image est ici centrée sur la ville de Tromsø en Norvège. Nous sommes à plus de 300km au nord du cercle polaire (69° 39′ 30″ nord). A quelques centaines de kilomètres vers l’est, la grande ville et base militaire russe de Mousmansk ne se trouve pour sa part qu’à 68°58’ de latitude nord. Le site est favorable, protégé par les montagnes autour. Il bénéficie également du Gulf stream – courant marin chaud remontant de l’atlantique et permettant de conserver des températures relativement clémentes, même au plus fort de l’hiver dans la nuit polaire. Comme tous les territoires situés au-delà du cercle polaire, la région connaît en effet un schéma d’ensoleillement particulier. Le soleil ne s’y couche pas entre le 18 mai et le 26 juillet, c’est le « soleil de minuit » – l’image a donc été prise alors que l’île connaissait un ensoleillement encore presque continu. En hiver à l’inverse, le soleil ne se lève pas entre le 26 novembre et le 15 janvier, c’est la « nuit polaire ». Localement, ce phénomène est renforcé par le fait que le site de la ville est encaissé, elle ne voit réellement le soleil réapparaître au-dessus des montagnes que le 21 janvier, c’est d’ailleurs l’occasion d’une fête populaire dans la ville.

Comme le montre l’image, la population et l’habitant sont polarisés sur la ville et dans quelques rares villages. Nous sommes ici en effet dans le Grand Nord norvégien dans des espaces quasi-désertiques en dehors des rivages côtiers. Dans ce climat subarctique à nuance maritime qui explique de fortes précipitations (1 031 mm/an), l’arbre est absent des hauteurs et se réfugie dans les fonds et le paysage dominé par une toundra alpine. Dans le comté de Troms, la densité moyenne est de seulement 6,4 hab. /km2 et elle tombe à 1,5 Hab/km2 dans le Comté voisin du Finmark plus au nord.  

A l’ouest de l’île de Tromsøya s’étend l’île de Kvaløya, la cinquième plus grande île de Norvège,  d’une superficie de 737 km2. Elle est connectée à la ville par un pont et un tunnel. Dans la langue autochtone Sami, l’île est appelée Sállir, que l’on peut traduire littéralement par « l’île aux baleines ». En effet, la région est une zone privilégiée d’observation des grands mammifères marins qui viennent se nourrir dans les fjords pendant l’hiver. La mer dans la région est en effet riche en nutriments, et l’on peut d’ailleurs distinguer sur l’image, à Kaldfjord, une eau d’une couleur bleue plus claire que sur le reste de l’image. Il est probable qu’il s’agisse d’un bloom de phytoplancton. Les orques descendaient notamment jusqu’à Tromsø encore récemment, mais avec les changements climatiques, ils restent désormais plus au nord, ou dans la mer de Norvège, visible à l’ouest de l’île.

Une situation favorable : la porte norvégienne sur l’Arctique et la Mer de Barentz

De par sa situation exceptiionnelle, Tromsø est la porte de la Norvège sur le Grand Nord, l’Arctique et la Mer de Barentz. Ni la Russie, ni le Canada, qui sont pourtant d’immenses pays-continents, ne possèdent d’un tel privilège : disposer de la ville portuaire la plus septentrionale, la plus facile d’accès et la plus ouverte sur les océans arctiques du monde.

La ville de Tromsø a été officiellement fondée en 1794 par le roi Christian VII. Elle comptait à l’époque 80 habitants. Du fait de sa situation très septentrionale, elle est progressivement devenue un important carrefour économique, commercial et scientifique. Dès la moitié du XIXe siècle, la ville connaît une forte croissance liée au développement de la grande pêche arctique et abrite un chantier naval, afin de construire les navires nécessaires à la chasse et à la grande pêche. Le musée polaire de la ville raconte notamment comment le trappeur Henry Rudi aurait tué à lui seul 713 ours polaires lors de ses expéditions.

A la fin du XIXem siècle/ début du XXem siècle, Tromsø devient aussi le principal point de départ des grandes expéditions scientifiques lancées à la découverte de l’Arctique ; telles celles de Fridtjof Nansen ou d’Amundsen qui transitaient le plus souvent par la ville. Durant la Seconde guerre mondiale et l’occupation de la Norvège par l’Allemagne nazie, Tromsø sert d’avant-poste à la Kriegsmarine pour intercepter et couler les convois maritimes alliés circulant dans l’Arctique pour ravitailler l’URSS (bataille de la Mer de Barentz de  1942…), via en particulier le port de Mourmansk, dans la presqu’île de Kola. Ces enjeux militaires et géostratégiques demeurent aujourd’hui considérables. Même si la base navale auxiliaire d’Olavsvern (appui aux sous-marins…) - située sur la route 8 à la sortie de Tromsø- a été fermée et vendue en 2009, les quais de Tromso voient souvent les navires de l’OTAN, à laquelle la Norvège appartient,  accoster lors de grands manœuvres, alors que la présence en ville de centaines de militaires étasuniens est assez courante.

Tromsø joue aussi un rôle majeur dans les liens tissés avec le Svalbard, cette archipel norvégien de 61 000 km2 au statut géopolitique spécifique (Traité du Spitzberg de 1920, territoire autonome et démilitarisé…) qui se trouve à plus de 600 km au nord des côtes septentrionales, et donc très au nord (78° latitude Nord) dans l’océan Arctique, entre le Groenland et l’archipel François-Joseph.  

Tromsø a aussi une longue histoire de carrefour des cultures nordiques, comme point de croisement des peuples nordiques, des sámi, mais aussi des finnois et des russes, notamment les kven. La région sápmi s’étend jusque là et la ville compte encore une population sámi importante. Les activités traditionnelles, à commencer par l’élevage de rennes demeurent actives dans la région.

Enfin, à l’échelle du Grand Nord norvégien, qui regroupe les comtés du Finmark et du Troms, Tromsø - de par sa population (75 000 hab.) et ses fonctions administratives et économique – est sans conteste la grande capitale régionale. Au nord et nord-est, Hammerfest (10 500 hab.) et Kirjenes (1 500 hab.) occupent des places vraiment secondaires du fait de leur isolement. Au sud, la ville et le port de Narvik (18 000 hab.) – au débouché de la voie ferrée apportant pour exportation le fer des mines suédoises de Kiruna – regarde déjà plus vers le sud. Cette fonction de carrefour régional est aussi symbolisé par le système routier. Tromsø vers le sud est à la fois connectée à la Finlande et aux villes de Kemi et Rovaniemi (capitale de la Laponie finlandaise) via la E8-21, à la Suède et Lulea via la E10 ou la E8-21 et, bien sur à Narvik.

 

Zoom : Tromsø, capitale de l’Arctique

 

Tromsø compte 75 000 habitants et l’image montre un peuplement relativement dense sur la façade est de l’île. La banlieue s’étend de part et d’autre de l’île, sur l’île de Kvaløya à l’ouest, sur le continent à l’est. On distingue, de part et d’autre, un pont pour relier l’île à ces deux terres. Ailleurs, le peuplement est très diffus, voire inexistant. On distingue très peu d’infrastructures, sinon quelques routes. A proximité de Tisnes et Straumsbukta, on peut distinguer la présence de champs, suggérant une activité agricole estivale, mais qui reste limitée.

Le centre de l’île est relativement vert et boisé. Bien que nous nous situions à plus de 300 km au nord du cercle polaire, nous sommes ici encore sous la ligne de Köppen, c’est-à-dire que les arbres sont encore présents dans les creux ) l’abri. A titre de comparaison, Iqaluit dans l’Arctique canadien se situe au-dessus de cette ligne, alors que la ville est elle au Sud du cercle polaire : la circulation océanique a donc une très forte influence sur le microclimat régional. Tout l’espace vert au cœur de l’île est aménagé par un chemin qui relie les deux extrémités de l’île, chemin qui se transforme en piste de ski de fond accessible tout l’hiver. On distingue enfin au centre de l’île un tache sombre : c’est le lac de Prestvannet, qui est une importante réserve d’eau douce. En hiver, le lac est entièrement gelé : on ne peut d’ailleurs pas le distinguer sur l’image hivernale.

Le centre-ville, cœur historique, est visible sur la façade sud-est de l’île : on distingue, notamment, un port de plaisance. C’est là où le bâti est le plus dense. Ces dernières années, les grands hôtels de luxe se sont multipliés pour accueillir les touristes de plus en plus nombreux qui se pressent dans la ville. On voit un peu plus au nord, au nord du pont, le port commercial et industriel de la ville. La ville est aussi reliée au pays par son aéroport que l’on peut voir sur la façade ouest de la ville, et qui opère des liaisons régionales, nationales et internationales, malgré sa taille apparemment modeste.

La ville est un port important de l’express côtier « Hurtigruten » qui bénéficie désormais d’un nouveau terminal de croisière dans le centre de la ville. Le port est le 7e en Norvège pour l’accueil du touristes de croisières, en plain développement. Les touristes sont nombreux dans la région, où l’on peut apercevoir de nombreuses aurores boréales et partir observer les grands mammifères marins. Tromsø abrite aussi la cathédrale de l’Arctique, sur la partie continentale de la ville, à l’est de Tromsøya. On peut la voir ici, juste au nord du pont. Par son architecture censée rappeler les montagnes des Lofoten, elle est devenue un emblème de la ville. Sur le continent et derrière la cathédrale se dresse la montagne de Storsteinen, haute de plus de 420 m et qui offre un panorama spectaculaire sur la ville – une attraction touristique très visitée.

La ville ne vit pas que du tourisme : c’est aussi un important centre universitaire, que l’on aperçoit au centre nord de l’île. L’université, rebaptisée récemment Université Arctique de Norvège accueille chaque année près de 15 000 étudiants. Tromsø est aussi un important centre de recherche arctique : le Fram Center, situé dans le centre-ville, accueille ainsi 21 organismes de recherche différents, dont notamment l’Institut Polaire Norvégien. La ville accueille également plusieurs grands congrès et festivals internationaux comme par exemple l’Arctic Frontiers, grande conférence internationale dédiée à la gouvernance de l’Arctique, ou le Festival international du film de Tromsø. Le Fram center accueille aussi le secrétariat du Conseil de l’Arctique, forum intergouvernemental et principal organe international de gouvernance de la région Arctique qui regroupe les deux Etats d’Amérique du Nord  (Canada, Etats-Unis), les Etats scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège, et Suède) et l’Islande, et enfin la Russie. A toutes les échelles donc, la ville se distingue par sa position privilégiée dans les affaires arctiques.

 


Tromsøya

 

Située sur une petite île côtière au-delà du cercle polaire, l'image de Tromsøya a été réalisée le 28 juillet 2018 par un satellite Sentnel-2  

 

D’autres ressources

Sur le site Géoimage


Norvège - Archipel du Svalbard. Ny-Alesund : une base scientifique internationale, un enjeu géopolitique d’importance en Arctique


Norvège - Archipel des Lofoten : un site naturel arctique exceptionnel, au cœur du patrimoine norvégien




Suède - Kiruna : mine de fer et ville minière des marges suédoises, entre contraintes naturelles et dynamiques des marchés mondiaux


Ouvrages

Sur les villes en Arctique : Nyseth T. (2017) Arctic Urbanization: Modernity Without Cities. In: Körber LA., MacKenzie S., Westerståhl Stenport A. (eds) Arctic Environmental Modernities. Palgrave Studies in World Environmental History. Palgrave Macmillan, Cham
 
Sur la gouvernance de la région: Wilson Rowe, Elana Arctic governance: Power in cross‐border cooperation.. Manchester University Press, Manchester, UK, 2018. 184pp.

Contributeur

Pauline Pic, agrégée de géographie, doctorante à l’Université Laval (Québec, Canada)