La moyenne vallée de la Moselle entre Charmes et Épinal, un axe structurant pour le sud de la lorraine.

 

 

 

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Cette image de la moyenne vallée de la Moselle  a été prise par le satellites Sentinel 2 le 9  septembre 2020. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Présentation de l’image globale

La « chaine des bourgs » (Henri Nonn, 1972)

La vue d’ensemble fait apparaître un dispositif urbain linéaire le long de la Moselle, constitué d’une succession de petites villes structurées par la route historique Nancy-Epinal, et séparées par de brefs interstices agro-forestiers (8 traversées d’agglomérations sur les 25km séparant Charmes, « porte des Vosges » (E.Juillard, 1978) et Epinal). Sur cet axe urbain, l’héritage des activités industrielles anciennes reste un puissant dénominateur commun, sur le plan identitaire, foncier et paysager. Charmes se signale encore par les hautes cheminées en brique de sa filature (arrêt définitif en 1991), silhouette autrefois complétée par le dôme des brasseries Kanterbraü (1864-1971, un des plus importants sites brassicoles de France). Entre route nationale et canal de l’Est, l’usine-mère du groupe textile Boussac (1892-1981) reste un marqueur fort de la traversée du village de Vincey (2200hab en 2014), tandis que l’histoire économique de Thaon-les-Vosges recoupe celle de la Blanchisserie Teinturerie de Thaon (1872-2003, avec plusieurs rachats à partir de 1981).

Emprises foncières massives, ces friches industrielles sont la survivance d’un système paternaliste qui a modelé une partie importante des agglomérations de la vallée. A partir des années 1980, la fin de l’activité textile, suivie d’une période de deuil douloureuse (Edelblutte, 2014), s’accompagne d’initiatives de reconversion plurielles, voire disparates, réalisées dans un contexte d’urgence économique (emplois) et foncière (vente aux enchères) : mis en vente par lots successifs, le site de la BTT thaonnaise (plus de 60ha) abritait jusqu’à l’incendie de 2018  ateliers, dépôt-vente, société de nettoyage, avec pour conséquence la perte d’unité paysagère et fonctionnelle. Seule la cristallerie de Portieux, légèrement à l’écart de la vallée, associait encore sur son site fonction productive (spécialisée dans le très haut de gamme, jusqu’à l’arrêt du four principal en 2012), vente (magasin d’usine) et lieu de mémoire (musée avec démonstrations). Mémoire encore vive et difficile, bien ancrée dans le « présent des territoires » (Piveteau, 1995), l’activité textile n’est donc pas l’objet d’une réelle mise en tourisme sur ce secteur de la vallée.

Par-delà les sites de production, l’héritage paternaliste a dessiné la physionomie paysagère de la plupart des agglomérations de la vallée : attenantes à l’usine, les cités ouvrières composent une matrice récurrente de la trame urbaine (cités de la filature au nord de Charmes, cité des Charmottes et de Vincey liées à l’usine métallurgique de tubes greffée sur le canal…). Standardisés, souvent mitoyens, les pavillons sont eux-aussi l’objet d’initiatives de réhabilitation inégales et hétérogènes, entre dégradation (abandon, revente, propriétaires âgés) et rénovation parfois menée par des ménages extérieurs au bassin et participant à la dynamique périurbaine de l’axe Nancy-Epinal (crépis aux tons chauds, en discordance avec la teinte blanche et les encadrements en brique traditionnels).  

Du chapelet aux synapses

Véritable discontinuité spatiale (Gay, 1994), la Moselle, doublée du Canal de l’Est, a généré une dissymétrie dans le peuplement et les dynamiques de la vallée. Aux XIX° et XX° siècles, les agglomérations se sont développées sur les plaines et zones humides de la rive gauche (la voie ferrée Nancy-Epinal gagne définitivement cette rive au sud de Charmes), tandis que la rive droite, resserrée au pied de talus linéaires, est occupée par des villages modestes dominant le lit majeur, marqués par un processus de périurbanisation lâche depuis les années 1970. Sur les 25km séparant Charmes et Epinal, seuls 4 ponts franchissent le dispositif Canal de l’Est-Moselle, produisant des phénomènes de doublets urbains déséquilibrés, dont le cœur dynamique reste situé sur la rive gauche (Charmes et son appendice du « Bout du Pont » rive droite, Vincey-Portieux, Nomexy-Châtel, Thaon-Girmont).

Mise en service par petits tronçons successifs entre 1973 et 1992, la voie rapide RN57 est devenue l’artère structurante des mobilités de l’axe Nancy-Epinal, avec 30 000 véhicules par jour en 2016 (source : DIR Est). Prévue dans le schéma directeur régional dès 1976, elle répondait d’abord à un objectif de délestage des agglomérations linéaires supportant surtout les flux quotidiens vers Epinal (contournement de Thaon-les-Vosges en 1973,  Nomexy en 1977, de Vincey en 1989). L’inauguration du tronçon continu Charmes-Epinal intervient en 1990 (prolongement vers Nancy en 1992) dans un contexte de désindustrialisation des vallées et de la Plaine vosgienne. A cette date, si certains élus politiques et habitants du bassin souhaitent que l’infrastructure apporte une bouffée d’oxygène au système productif de la vallée, beaucoup espèrent surtout un désengorgement des traversées urbaines.

Exclusivement située sur la rive gauche, avec une moyenne d’un échangeur tous les 5km (desserte fine des territoires, pour un axe intégré aux pratiques quotidiennes des habitants) la voie rapide double l’ancien axe industriel et urbain, dont elle restructure peu à peu les mobilités. Cependant, la mise en évidence des « effets structurants » de cette infrastructure sur les espaces productifs locaux demeure un exercice délicat : distinguer la part qui revient à la RN57 dans les facteurs de localisation des activités demeure une tâche difficile, voire impossible (Bavoux, 1993) surtout lorsque la liaison, gratuite, aborde des territoires urbains ayant des dynamiques antérieures et plurielles. Ainsi, la décennie 1990 se traduit essentiellement par la poursuite des processus de desserrement commerciaux, parfois captés par la proximité des échangeurs et surtout l’offre foncière (ex : garages, ateliers…). La reconfiguration de la géographie des zones d’activités par la voie rapide intervient surtout après 1993 (Renard-Grandmontagne, 2003), avec la délimitation de nouveaux périmètres par les équipes municipales (Nomexy, 1993), ou l’extension d’une zone préexistante (A Thaon-les-Vosges, la zone Inova 3000 développée à partir de 1995 sur 160ha se greffe sur la zone industrielle des Aviots aménagée en 1974).

A partir de la fin des années 1990, les impacts de la voie rapide sur le tissu productif obéissent à un double phénomène d’ampleur inégale : alors que l’infrastructure progresse au sud d’Epinal (extensions vers Besançon, Mulhouse) plusieurs échangeurs voient l’essor d’activités nouvelles, comme la logistique et ses bases massives (base Transalliance à Nomexy, entrepôt StockLor à Thaon) ou sont le théâtre d’un recentrage du cœur de métier textile sur l’excellence (usine Innothera à Nomexy, spécialisée dans les tissus à usage médical), avec un effet de vitrine lié à l’infrastructure. Mais en parallèle, la dynamique la plus visible continue à s’incarner dans les processus de desserrement et de repolarisation des services du bassin (petites surfaces commerciales de bricolage, quincaillerie, jardinage, supermarché…, contrôle technique automobile) qui viennent combler les « dents creuses » des zones d’activités (Inova 3000) ou justifier leurs extensions (Châtel-Nomexy).

Epinal, agglomération structurée par les axes méridiens ?

« L’agglomération s’est allongée sur trois kilomètres au fond de la vallée de la Moselle, tout en escaladant les versants raides développés dans les grès », observe E.Juillard en 1978, commentant la croissance spinalienne. Doublant la Moselle, décliné à travers plusieurs générations et modes de transport, l’axe nord-sud reste la colonne vertébrale du tissu urbain spinalien.

Articulé de part et d’autre du cours de la Moselle, le centre est scindé en deux entités complémentaires. Sur la rive droite, le noyau urbain initial, attenant à l’ancien château fort détruit au XVIII°s (intégré à un parc animalier et récréatif), resserré autour de la cathédrale Saint-Maurice, a conservé une partie de ses fonctions historiques commerciales (halles) et régaliennes (Palais de Justice, Hôtel de Ville, au contact du lieu de pouvoir historique de la place des Vosges). Cependant, à partir de la période contemporaine, un processus de migration de la centralité s’amorce en direction de la rive gauche, avec l’émergence d’une « nouvelle ville », entre gare et Moselle. En grande partie reconstruit après la seconde guerre mondiale (destructions lors de la bataille de 1940), ce quartier se distingue par ses immeubles de quelques étages, aux ouvertures calibrées selon les normes du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (le « style MRU », souvent appliqué aux quartiers reconstruits entre 1945 et 1955). Ce périmètre constitue aujourd’hui l’espace central le plus fréquenté, regroupant une part importante de l’offre commerciale (artère piétonne de la « rue des Minimes »…) récréative et culturelle (musée départemental). Ce cœur fonctionnel de l’agglomération spinalienne a bénéficié de plusieurs opérations de remodelage urbain sous les mandats de P.Seguin (1983-1997), avec les galeries commerciales Saint-Nicolas et Quatre-Nations, la rénovation du musée ou de certains pôles administratifs.

L’organisation méridienne reste une structure majeure de l’agglomération : l’axe nord-sud, plus ou moins parallèle à la Moselle, demeure une des principales voies d’accès au centre depuis Nancy ou Remiremont, avec une circulation parfois engorgée lors des migrations pendulaires, comme dans la traversée de Golbey, au bâti hétérogène, greffé de façon linéaire sur la route nationale. Les zones industrielles massives, nées dans les 30 Glorieuses, se sont d’abord polarisées au nord de la ville, où ont occupé initialement l’espace interstitiel entre voie ferrée et route nationale (usine de pneumatiques Michelin), avant de se prolonger vers les plateaux de l’ouest (Papeterie Norke à Golbey, en 1991) et vers le nord (zones commerciales de Chavelot, nées entre 1977 et 1990). A l’inverse, le site resserré de la vallée de la Moselle au sud d’Epinal n’a pas permis de dégager d’emprises foncières suffisantes pour équilibrer l’offre en zones d’activités, longtemps marquée par une disparité nord-sud.

Le contournement d’Epinal aménagé entre 1981 et 1990, puis intégré à la « voie express » (RN57) Nancy-Remiremont, a progressivement généré un nouvel axe méridien dynamique pour l’agglomération, avec le développement de zones de services massives dès la fin de la décennie 1980. Ce barreau de déviation polarise de façon très nette le processus de desserrement de l’offre commerciale spinalienne, en particulier aux points de jonction de la voie rapide et des liaisons est-ouest (pôle commercial de Jeuxey à partir de l’hypermarché installé en 1983, zone commerciale du Saut-le-Cerf à partir de 1988 avec prolongements successifs jusqu’à l’échangeur, zone commerciale des Terres Saint-Jean après 2005, greffée sur la pénétrante Deyvillers-Epinal). Cette vitalité des zones est de l’agglomération se traduit par une relative atonie de celles de Chavelot-Golbey au nord, qui furent longtemps les plus dynamiques.

Par conséquent, le profil méridien demeure une constante du développement spinalien, mais avec une dissymétrie est-ouest renforcée par les dynamiques récentes : la forte poussée périurbaine et commerciale à proximité de la voie rapide n’a pas d’équivalent vers l’ouest, en raison du blocage foncier lié aux forêts (forêt du Ban d’Uxegney, de Souche-Thaon) et des liaisons médiocres vers Chaumont-Dijon.
 
Le plateau lorrain : des usages et des paysages qui se simplifient

De part et d’autre de la trouée de l’axe de la Moselle, les campagnes font la part belle aux espaces forestiers (les Vosges sont le 8ème département le plus boisé de France), en particulier sur la rive droite peu urbanisée, avec l’imposant massif des forêts domaniales de Charmes et de Fraize (exploitation du bois de coupe pour la filière ameublement, papier, emballages, et chauffage). Sur la rive opposée, la futaie compacte de la forêt de Thaon a été replantée après l’épisode de tornade de juillet 1984, ayant balayé le département du sud-ouest au nord-est.

La trame agricole du secteur reste basée sur la polyculture, associant élevage (orientation viande dominante), fourrages et blé, avec une localisation préférentielle des prairies dans les zones humides basses (lit majeur de la Moselle, ruisseaux affluents). Par-delà ce cortège cultural assez commun sur l’ensemble des plateaux lorrains, la vue aérienne révèle un paysage agraire souvent piqueté d’arbres fruitiers, tantôt épars, tantôt grossièrement alignés. Ces complants correspondent aux anciens vergers de mirabelliers devenus relictuels (exploités le plus souvent dans le cadre familial), soit gagnés par la friche arbustive (nombreux propriétaires âgés tentés par la vente de leur terrain) soit détruits lorsque les arbres vieillissants, n’ont plus le rendement souhaité. Bien que menacé de disparition, ce système tend à se maintenir essentiellement sur les terres exposées au sud et à l’est, bénéficiant d’un ensoleillement optimal. Rétractée, comme une fragile survivance des systèmes agraires locaux en vase clos, cette présence diffuse des arbres fruitiers au sein des exploitations agricoles constitue aujourd’hui un élément identitaire fort du terroir de la Plaine des Vosges, mais également un gage de biodiversité.

L’étalement pavillonnaire n’est pas absent sur le plateau, mais il est modeste, notamment pour les villages en retrait des axes principaux (RN57 et liaisons est-ouest perpendiculaires). Au sein de ces communes rurales faiblement peuplées (souvent moins de 500hab) les constructions individuelles récentes présentent parfois une forte hétérogénéité d’aspect et de surface, y compris dans le cadre de procédures de lotissement soumises à des contraintes paysagères relativement souples. Sur le plateau, les poussées pavillonnaires les plus significatives restent liées à la proximité spinalienne (route Sanchey-Les Forges, Uxegney-Golbey) ou à l’interface entre voie rapide et liaison transersale est-ouest (grande périurbanisation spinalienne, voire nancéienne, sur le secteur de Charmes-Florémont).


Zooms d’étude

 

Charmes, une petite ville reconstruite face aux défis de l’ère postindustrielle

    Avec 4600 habitants en 2014, Charmes fait partie du chapelet de petites villes qui structure l’axe de la Moselle. Depuis 1990-92, la voie rapide la place respectivement à 40km de Nancy (environ 40min) et 30km d’Epinal (25 min). De 1975 à 1999, la tendance démographique de la localité a été marquée par une diminution lente mais constante, de la population, à l’image de la plupart des petits pôles urbains de la plaine vosgienne, touchés par la crise industrielle et trop éloignés des agglomérations principales pour connaître un  processus de périurbanisation soutenu. Cependant, à partir des années 2000, la démographie carpinienne se stabilise autour de 4500 âmes, sous l’effet conjoint du solde naturel et de l’extension, même modeste, de la périurbanisation spinalienne et nancéienne (polarisation croissante des emplois vers les rangs supérieurs de la hiérarchie urbaine).

    La trame urbaine carpinienne se démarque d’autres petites du secteur par l’importance des espaces reconstruits immédiatement après la seconde guerre mondiale. Détruit successivement en 1814, 1871 et très endommagé après les bombardements de septembre 1944, le centre historique a été entièrement redessiné d’après les plans du Ministère de la reconstruction et de l’Urbanisme selon un zonage fonctionnel inspiré de la Charte d’Athènes (1943), avec élargissement des axes orthogonaux, adaptés à la circulation automobile, répartition des commerces en rez-de-chaussée et habitations aux étages supérieurs, et présence d’un îlot de verdure central (cour, jardins privés) au centre de chaque ensemble bâti. Première ville française reconstruite et inaugurée par le Président V.Auriol, Charmes présente donc un modèle urbain singulier : le cœur de ville est avant tout un espace fonctionnel (commercial, résidentiel), tandis que les lieux patrimoniaux antérieurs à 1945 sont disséminés en périphérie dans les interstices épargnés par les destructions (remparts, maison des Loups, XVII°s). En direction de l’ouest, la reconstruction affecte également une part importante de la morphologie urbaine, avec un quartier pavillonnaire dit « de compensation », aménagé entre 1945 et 1960, composé d’habitations massives, mitoyennes, sur des terrains souvent allongés initialement destinés aux jardins potagers.

    A partir de 1871, l’activité industrielle a fortement imprégné la mentalité, l’économie, le paysage de Charmes, avec un essor continu jusque vers 1970 (brasseries, filatures fin XIX°s, confection, petite construction métallurgique sur le modèle fordiste après 1945). Les sites industriels les plus anciens sont attenants au cœur de ville, notamment les brasseries, tandis que la période des 30 Glorieuses repositionne le système industriel de la ville vers le nord, le long de la voie ferrée et de la route de Nancy. La crise des industries de main-d’œuvre frappe l’appareil productif carpinien dès 1971 (brasseries) et surtout dans les années 1980 avec la fin programmée des activités textiles. La thématique de la reconversion des friches industrielles prend un relief particulier, surtout dans le cadre d’une petite ville où les leviers de réhabilitation sont souvent limités. En partie détruites, les grandes brasseries demeurent une lacune urbaine aux portes du centre, après une éphémère transformation d’une partie du site en supermarché. La fermeture de l’usine Devanlay & Recoing (1971-1989) faisait redouter l’apparition d’un « effet de beigne » (Glaeser, 2012), avec une friche massive au contact du cœur commerçant. Trop récent pour faire l’objet d’un processus de patrimonialisation, le site, que l’architecture standardisée d’après-guerre associe à une modernité banalisée et mal aimée, accueille depuis 1989 un supermarché et les bureaux de la Poste, ce qui lui prête une forme de centralité urbaine.

    Les retombées économiques de la voie rapide sur le territoire communal sont à la fois limitées et polarisées, bien que l’infrastructure ait dilaté l’espace vécu des habitants vers Nancy-Epinal. L’impact le plus significatif touche l’économie des loisirs, avec l’émergence en 1993 d’une discothèque dans une ancienne ferme disjointe de l’agglomération. Autrefois borne urbaine, le bâtiment est devenu un signal fort de la ville de Charmes depuis la voie rapide, avec un rayonnement qui dépasse le département. Mais les autres implantations proches de l’infrastructure sont d’abord la conséquence du desserrement urbain : à la sortie sud de la ville, greffé sur l’ancienne route nationale déclassée, le supermarché E.Leclerc a vu sa rente de situation consolidée par la liaison rapide, mais son implantation est antérieure (1985) et résulte surtout d’une respiration interne propre à l’agglomération de Charmes.

 

Extrémité sud du Sillon lorrain, la moyenne vallée de la Moselle entre Charmes et Epinal fait figure d’artère structurante pour le département des Vosges. Voie d’accès au massif, axe très intimement associé aux mobilités et pratiques quotidiennes des habitants du secteur, mais aussi itinéraire de transit, ce corridor de vie tend à polariser les dynamiques du plateau lorrain. De part et d’autre de ce sillon, dont l’importance a été confortée par les dynamiques passées (industrie textile, métallurgique…) et présentes (logistique, phénomènes résidentiels…), les espaces ruraux présentent des trajectoires complexes, entre simplification de la trame agro-forestière et inégale poussée périurbaine.


Charmes

 

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Poussée périurbaine sur l’axe Epinal-Jeuxey : à l’est du nouveau ?

    A 5 kilomètres du centre historique d’Epinal, le village de Jeuxey est situé sur l’axe Epinal-Rambervillers, liaison structurante sur le plan départemental. Des années 1960 à 1990, le bourgeonnement pavillonnaire est assez modeste autour du noyau historique (de 1962 à 1999, la commune passe de 500 à 700 habitants), mais il se caractérise par des habitations assez massives, sur de grandes parcelles, avec une faible standardisation architecturale et paysagère.

    En 1983, l’ouverture d’un hypermarché avec galerie marchande (premier centre commercial du département par la surface de vente, avec plus de 12 000m²) consolide la situation de Jeuxey en porte de ville, tandis que la mise en service de la déviation routière d’Epinal (actuelle voie rapide) élargit le bassin de clientèle à l’axe de la Moselle. « Territoire de l’automobile » (Dupuy, 1995) encore aménagé dans une logique zonale et fonctionnelle (stationnement, pompes à essence), le centre commercial exprime toutefois dès l’origine un besoin de personnalisation architecturale, en réaction contre les normes standardisées des décennies précédentes (toitures de la galerie marchande en dents de scie, évoquant à la fois la « ligne bleue des Vosges » et les toits à shed des usines textiles).

    Longtemps isolé comme un signal d’entrée dans l’agglomération, l’hypermarché de Jeuxey profite dès la décennie 1980 de la dynamique de repolarisation des espaces commerciaux de l’agglomération spinalienne à l’est (zone du Saut-le-Cerf à partir de 1988, avec un effet de porte de ville créé par la synapse RN57-R420). Le pôle marchand longtemps limité à la centrale Euromarché-Carrefour, greffe à partir de 2005 une zone d’activités, fragmentée en cellules de petite taille, occupées par des prestataires de service diversifiés (restauration, habillement, loisirs, bricolage). Cette dynamique commerciale, qui contribue à l’étalement urbain sur la commune, répond plus à une évolution générale de la société postindustrielle (essor des services marchands banalisés dans les agglomérations de taille moyenne ou inférieure) qu’à un processus de desserrement proprement spinalien. Cependant, à l’échelle de l’agglomération, cet essor des fonctions commerciales et de loisirs le long de la voie rapide se traduit, comme dans de nombreuses villes intermédiaires, par un certain déclin des commerces de centre-ville (très net pour la bijouterie, le sport, l’habillement) et des zones commerciales de première génération (Chavelot au nord de la ville).

 


Epinal - Jeuxey

 

Cette image a été prise par un satellite SPOT 6 en 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles avec une résolution de 1.5 m.

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Evaux-et-Ménil, un village en marge du sillon lorrain ?

    A 3 kilomètres seulement de la voie rapide, le village d’Evaux-et-Ménil est séparé de la vallée de la Moselle par une série de buttes entrecoupées de brèves dépressions traversées par de petites routes étroites, inégalement entretenues en hiver. Malgré cette contrainte, le village connaît un essor résidentiel lent mais continu depuis 1990 (230hab en 1990, 350 en 2015, avec installation de nouveaux ménages sur la commune).

    Entité communale créée à la Révolution, Evaux-et-Ménil résulte de la fusion de trois hameaux (Val-d’en-Haut, Val-du-Milieu, Val-d’en-Bas) établis en fond de vallée (site de source), structurés par un ruisseau puis une route départementale servant d’artère structurante au village. La photographie actuelle permet encore d’individualiser les trois hameaux initiaux, qui prêtent à la commune sa structure multipolaire typique de nombreux villages de la Plaine, résultant de fusions anciennes ou plus récentes (loi Marcellin, 1968) : au nord, le « Val-d’en-Bas » reste le pôle des fonctions institutionnelles (mairie, école) et le cœur du village (église), tandis que l’extrémité sud maintient une activité commerciale et artisanale(atelier de charpente et magasin d’ameublement issus d’une création d’entreprise locale, en 1999), ce qui est rare sur les communes rurales de la Plaine, souvent réduites aux fonctions résidentielles et agro-forestières. Des habitations individuelles très hétérogènes viennent combler les interstices entre les hameaux surtout après 1970 (mesures facilitant l’accès à la propriété), sans qu’il s’agisse à proprement parler de dynamique périurbaine (jeunes ménages souvent originaires des communes du secteur, ayant trouvé une opportunité foncière). Plus standardisés, mais également de taille plus petite, les pavillons des années 1980-2000 se greffent le long du linéaire routier et complètent les « dents creuses » entre les constructions plus anciennes, donnant au village sa structure lâche, linéaire et très composite.

    L’espace agricole communal s’organise en plusieurs unités : à l’arrière des habitations les plus anciennes, un manchon de verdure subsiste encore, survivance des anciens vergers la plupart du temps reconvertis par les propriétaires en jardins d’agrément. Autour de cet espace agricole relictuel intégré à l’espace résidentiel, la trame agraire repose sur la polyculture à base de fourrage (maïs), de céréales (maïs) et d’oléo-protéagineux (colza, tournesol) ainsi que sur l’élevage ovin et surtout bovin (orientation lait et viande). A l’échelle de la Plaine vosgienne, Evaux-et-Ménil se singularise par ses vergers de grande dimension, aux arbres calibrés bien repérables sur la vue aérienne (mirabelliers et pommiers), répondant aux besoins de modernisation de la filière arboricole lorraine à partir des années 1980. A l’image de nombreux villages du plateau lorrain, les boisements occupent les périphéries du finage et correspondent aux coutures du maillage communal.

 

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Documents complémentaires

Références et compléments bibliographiques
DUPUY Gabriel, Les territoires de l’automobile, Anthropos / Economica, coll. Villes, 1995.
EDELBLUTTE Simon, Reconversion industrielle ou redéveloppement territorial ? L'exemple de Thaon-les-Vosges, ancienne ville-usine textile lorraine, Géoconfluences,  2014.
GAY Jean-Christophe, Les discontinuités spatiales, Economica, coll. Poche géographie, 1994.
JUILLARD Etienne, Atlas et géographie de l’Alsace et de la Lorraine, Flammarion, 1978.
NONN Henri, Découvrir la France, N°, Larousse, 1973.
PIVETEAU Jean-Luc, Temps du territoire. Continuités et ruptures dans la relation de l’homme à l’espace, Cahiers de géographie du Québec, 1995.
RENARD-GRANDMONTAGNE Colette, Les zones d’activités à la périphérie des agglomérations vosgiennes. Étude comparée d’Épinal et Saint-Dié, Revue Géographique de l’Est, 2003.


Contributeur

Marchal Vincent, Formateur en géographie, Lycée Condorcet Schoeneck