Le secteur de Metz Sud, à l’origine rural et agricole, connaît d’intenses transformations depuis une quarantaine d’années sous l’effet de l’étalement urbain de la métropole régionale. Celles-ci se traduisent d’abord par une poussée pavillonnaire, sous forme de lotissements. On assiste aussi à d’importantes mutations fonctionnelles qui favorisent, autour de zones d’activités multiples, une spécialisation vers les fonctions commerciales et logistiques. Ces dernières sont guidées en cela par des axes de communication majeurs assurant une desserte interurbaine de niveau européen du fait de l’appartenance de Metz au grand Sillon lorrain. Enfin, cet espace est confronté à la libération et la reconversion d’importantes emprises militaires à la suite du plan national de restructuration de l’industrie de la défense décidé en 2008.
Légende de l'image
Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 29/09/2016. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.
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Présentation de l’image globale
Metz-sud : les profondes recompositions urbaines et fonctionnelles
d’une marge métropolitaine
Comme nous le voyons sur l’image, l’aire urbaine de Metz (389 000 habitants) est organisée de manière bicéphale. Le pôle messin, cœur métropolitain d’une agglomération de 220 000 habitants qui se trouve au centre de l’image, déborde aujourd’hui largement vers le sud pour former le territoire de Metz Métropole. Depuis le 1er Janvier 2018, cet ensemble regroupe 44 communes au total et le pôle urbain d’Hagondange-Briey qui entre en conurbation avec elle plus au nord le long du sillon mosellan, dont on peut apercevoir les premières éléments en haut de l’image.
Une croissance pavillonnaire vers le sud de l’agglomération, à forte disponibilité foncière
La croissance résidentielle de l’agglomération s’est affirmée au cours des quatre dernières décennies essentiellement vers le Sud et vers l’Est, qui constituent l’essentiel des emprises foncières disponibles, sur des terres agricoles de grande culture, dont l’expansion n’a pas été gênée par les contraintes physiques que peuvent représenter à l’Ouest de la Moselle le talus qui matérialise le front des Côtes de Moselle (en limite des boisements de la partie gauche de l’image) ou les risques de débordement de la Moselle, qui, divisée en de nombreux bras et îles pouvaient constituer jusque dans les années 1980 une autre contrainte forte à l’urbanisation de ses rives.
Il est possible de noter toutefois quelques différences sur le plan de l’évolution de la périurbanisation dans le secteur de Metz. Les communes du plateau ont connu à l’Est une extension plus précoce qui s’est essentiellement matérialisée dans les années 1960-80 en liaison avec un cadre paysager boisé et vallonné, qui en a aussi limité l’expansion par la suite ( Vallières, Nouilly, Noisseville,… en haut de l’image , dans la partie droite ) alors qu’au Sud , la progression de l’offre pavillonnaire a été plus continue, sous forme de lotissements plus standardisés même si une commune comme Marly qui compte désormais plus de 10 000 habitants (au centre de l’image dans la partie droite) peut présenter une offre plus éclectique qui correspond à la volonté des promoteurs et de la commune de diversifier l’origine sociale des résidents. Le lotissement de la Grange aux Ormes développé autour d’un golf attire ainsi des résidents au niveau de vie plus aisé.
Carte. Source D’après Fanny Chenu & Antoine Allorent, architectes urbanistes / ATELIER LD, paysagistes ingénieurs VRD / EVEN Conseil, AMO HQE aménagement
Périurbanisation et zones d’activités commerciales
Le déploiement des zones d’activités commerciales accompagne la périurbanisation et un ancrage fonctionnel de plus en plus tourné vers les activités de services. Si l’agglomération messine n’a jamais été concernée par le développement de l’activité sidérurgique, sa rétraction le long de la vallée de la Moselle plus au Nord a aussi accompagné et amplifié le développement de nombreuses zones d’activités commerciales qui s’égrènent en chapelet (encart 1) le long de l’ A 31, autoroute dont la fonction interurbaine est doublée d’ une fonction de transit international qui fait du sillon mosellan, l’un des principaux eurocorridors d’orientation méridienne pour relier l’Europe du Nord à celle du Sud mais un axe aussi désormais saturé, sur un plan routier comme ferroviaire.
Ainsi, si les zones créées dans la partie Nord de l’agglomération se sont plutôt focalisées dans un premier temps sur des fonctions logistiques ( port de Metz) et industrielles (encart 1), la vocation commerciale et artisanale de ces zones d’activités s’est plutôt affirmée dans la partie Sud comme pour la zone Actisud, constituée par lotissements successifs sur quatre décennies et qui regroupe 220 000 m² de surface de vente et 5000 emplois environ pour une superficie d’environ 175 ha, ce qui en fait la deuxième en France par la taille.
C’est sur cette zone que le complexe commercial Waves de 40 000 m² a été inauguré en 2014, reconnaissable à son architecture curviligne ; composé de 60 boutiques et 9 restaurants, il est destiné à renouveler l’offre commerciale présente sur la ZAC, qui au fil du temps a vieilli, tant sur un plan architectural que fonctionnel. Une autre partie, la Rotonde, sise sur le ban communal de Moulins-lès-Metz pourrait devenir l’un des pôles de loisirs indoor les plus importants de France, avec une surface de 45 000 m² à terme.
Localisations de la zone ActiSud (1), de la ZAC du plateau de Frescaty (2) et de la Grange aux Ormes (3).
En effet, les zones d’activités se sont d’abord construites dans les années 1970-80 autour d’hypermarchés ou de grandes enseignes de bricolage et d’ameublement destinés avant tout à répondre aux besoins des résidents suburbains de l’agglomération (Magny, Montigny-lès-Metz, Moulins-lès-Metz) ou de la première couronne périurbaine qui se développe alors sous forme de lotissements pavillonnaires à Marly, Verny, Augny.
L’ouverture en 2005 de la rocade de contournement à 2x2 voies N431 pour assurer la liaison entre l’A4 Paris-Strasbourg et l’A 31 Thionville-Nancy permet de fluidifier le trafic pendulaire pour les résidents des lotissements pavillonnaires des communes du Sud et de l’Est messins occupés sur l’Actipôle et le Technopôle ou qui rejoignent des destinations plus éloignées vers Nancy ou Luxembourg (encart 1). Elle conforte aussi la croissance pavillonnaire de certaines communes rurales comme Cuvry dont le nombre d’habitants a été multiplié par plus de quatre depuis le début des années 1960 (839 habitants en 2016) voire de communes périurbaines de la 1ère couronne comme Peltre dont la population a doublé depuis 1962 (1861 habitants en 2016).
Les restructurations militaires : menaces et opportunités d’une urbanité plus durable
Les mutations fonctionnelles ne tiennent pas seulement aux délocalisations et fermetures de sites sidérurgiques mais aussi aux restructurations militaires de l’industrie de la défense, engagées après 2008, en pleine crise économique, entrainant la fermeture ou/et la délocalisation de six unités militaires de l’agglomération. Sur le territoire de Metz Métropole, ce sont ainsi 5 000 emplois et 12 000 personnes qui ont été concernés par ces fermetures. Une commune comme Augny a pu asseoir son développement dans les années 1980-90 sur la présence de la base aérienne 128 de Metz Frescaty où logeait près du tiers des 2 600 employés. (encart 2).
Utilisée dès le début du XXè siècle au moment de l’Annexion par le Reich prussien comme base d’atterrissage pour ses aéronefs et notamment les fameux Zeppelin, elle sera réutilisée, agrandie et modernisée par l’Armée française pour y installer dès 1965 l’état-major de la force aérienne tactique. Le site couvre ainsi 380 ha.
Sa fermeture en 2012 constitue l’élément à la fois le plus visible, et l’enjeu le plus fort des restructurations militaires en terme économique comme paysager et environnemental. Le site est cédé en 2015 pour l’euro symbolique à l’Etablissement Public Foncier de Lorraine qui en devient propriétaire pour le compte de Metz Métropole, plaçant les élus métropolitains en première ligne pour assurer la reconversion d’un site immense, et transformer une décision subie en nouvelle opportunité économique et foncière pour le développement territorial de la métropole. Rebaptisé en 2015 « plateau de Frescaty », les élus choisissent de sectoriser son aménagement tant pour varier les modalités de son occupation que pour permettre d’en favoriser l’adaptation au fur et à mesure des possibilités d’investissements qui s’y présentent.
Ainsi, plusieurs secteurs sont à l’étude ou en cours d’aménagement :
La ZAC du Domaine de Frescaty se développe sur deux sites, l’ex camp de Tournebride et la Résidence du Général. L’ex-camp de Tournebride se place à l’extrême Ouest en lien direct avec la zone d’activités et de commerces Actisud face à l’hypermarché CORA, avec pour vocation l’accueil d’activités commerciales, de loisirs, bureaux, hôtellerie et restauration, sur un espace de 20,6 ha. A l’Est, sur une emprise de 6 hectares, un projet d’hôtellerie et de restaurant gastronomique « La Résidence » est en cours de réalisation (ouverture prévue été 2019) sur le site de l’ancienne résidence du général. Ce projet, dans un des bâtiments emblématiques du Plateau de Frescaty, est la première réponse aux objectifs de la ZAC du Domaine de Frescaty.
Le 1er décembre 2016, le Pôle Social et Solidaire de Saint-Privat devient, au Nord-Est du plateau de Frescaty, le premier secteur ouvert à la circulation publique. La destruction du mur d’enceinte a permis d’en faire ainsi un nouvel élément du tissu urbain de l’agglomération.
Le secteur de l’ancienne Base Vie à l’ouest du site qui comprend une vingtaine de bâtiments (hébergement, bureaux, hangars techniques et aéronautiques) pour environ 50 000 m² de surface de plancher n’est pas encore valorisé mais pourrait composer un cadre de vie agréable, de type campus d’activités mixtes et d’hébergement.
Les secteurs de projets à l’étude sur le plateau de Frescaty (avec les futures liaisons transversales Ouest-Est permettant sa traversée, d’après Atelier LD- Dossier de réalisation- ZAC Pointe Sud, Octobre 2018
L’Agrobiopôle, situé à proximité de l’ancienne aérogare civile, a permis l’installation de la coopérative apicole du Pays Messin et de deux apiculteurs. Plusieurs projets de production agricole sont à l’étude : un ETA (Espace Test Agricole), pépinière d’entreprise agricole sur 5 ha en maraîchage bio ou la «Ferme de Frescaty», portée par le groupe Fermes d’Avenir, qui souhaite mettre en place de la permaculture sur 20 ha auxquels pourraient s’ajouter des projets de maraîchage privés sur environ 15 ha .
Depuis juillet 2019 , le secteur du HM17 accueille le camp d’entraînement du FC Metz sur 31 ha environ. Composé notamment de 5 à 8 terrains engazonnés et synthétiques, dont deux avec tribunes, ce nouveau centre dispose d’un terrain d’entraînement couvert dans le HM 17, d’un bâtiment sportif, d’une résidence, et de locaux techniques.
Le secteur de la Pointe : l’arrivée possible d’Amazon, un enjeu polémique
Mais l’aménagement du secteur de la Pointe sud est sans doute celui qui revêt le plus grand enjeu économique, logistique et urbanistique. Ce secteur doit devenir une nouvelle zone d’activité économique permettant d’amplifier la dynamique de requalification de l’ensemble du Plateau à l’échelle de la métropole, en reconnectant notamment des secteurs habités qui aujourd’hui s’ignorent, par l’intégration dans le nouveau maillage de cheminements/ modes doux ( vélos, piétons), d’une desserte locale optimisée entre Augny, Marly , et l’ensemble du Plateau de Frescaty.
Ce dernier apparaît, en effet, comme un des huit sites périphériques potentiels pour implanter une station intermodale de la ceinture urbaine de Metz (connexion entre transports interurbains et transports urbains) et est aussi sur l’un des «Itinéraires cyclables fonctionnels d’intérêt supracommunal » (trajet reliant la gare de Metz à Solgne au sud-est, en passant par l’aéroport Metz-Nancy Lorraine).
Il est notamment prévu que l’aménagement de la Pointe Sud se fasse en interaction avec l’Agrobiopôle mais avec le souci de préserver aussi les vues paysagères, en se basant pour la nouvelle trame viaire sur les pistes et taxiways préexistants dans un but patrimonial avec comme projet central la transformation de la piste centrale en mail public pour faire du cœur du Plateau un vaste parc métropolitain.
Même si la société Argan, société foncière de Neuilly-sur-Seine, spécialisée en développement et location de plateformes logistiques, est reconnue à l’heure actuelle, comme le seul exploitant du site, le fait qu’Amazon puisse en devenir le futur locataire a soulevé un vent de contestations locales. Une partie des riverains et des élus d’opposition, associés à des membres d’Attac, des Amis de la Terre, des Marcheurs pour le climat se sont regroupés au sein du collectif « Non à Amazon sur le plateau de Frescaty », pour remettre en cause le caractère « durable » du projet tant à l’égard des nuisances générées (sonores, visuelles, en terme de trafic induit …) que par rapport à la qualité des emplois qui serait proposée, stigmatisant derrière l’opacité des décisions prises, la volonté de déploiement d’un groupe , symbole à lui seul, par le modèle qu’il incarne et les pratiques qu’il impose , des dérives du système capitaliste libéralisé.
A l’inverse, les élus en charge de la métropole objectent que non seulement ce projet est bon pour l’emploi - avec des chiffres prévisionnels qui oscillent toutefois entre 820 et 2 000 selon les sources consultées , au moment des activités de pointe -,mais qu’au contraire, s’y opposer paraît d’autant plus incongru, qu’outre les garanties obtenues pour renforcer l’insertion paysagère de la plateforme et limiter les risques environnementaux, seule la réalisation d’un projet de cette envergure sera à même d’assurer la transformation urbanistique du plateau en éco-cité durable au bénéfice de l’ensemble de la métropole, par les effets induits qu’il aura sur les autres volets d’aménagement, notamment l’assurance de pouvoir bénéficier d’une desserte cadencée par un bus à haut niveau de service dont la réalisation serait autrement fortement hypothéquée.
Documents complémentaires
Simon Edelblutte, « Reconversion industrielle ou redéveloppement territorial ? L'exemple de Thaon-les-Vosges, ancienne ville-usine textile lorraine », Géoconfluences, 2014.
Contributeur
Eric AUBURTIN, agrégé et docteur en géographie, professeur en classes CPGE, lycée Henri Poincaré, Nancy.