Le littoral basque de Saint-Jean-de-Luz à la frontière, entre mer et montagne

Espace de contacts entre Espagne et France, entre Golfe de Gascogne et massif pyrénéen, cette zone littorale du pays basque s’étend entre deux baies. La plus septentrionale est celle de Saint-Jean-de-Luz, cité de pêcheurs, de corsaires, devenu un pôle touristique important. Plus au sud, la baie de Txigundi a la particularité d’être une frontière étatique, au même titre que la Bidassoa, rivière qui a parfois séparé, parfois uni la française Hendaye, les basco-espagnoles Fontarrabie et Irun.


 

Légende de l’image satellite

 

Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 31/08/2014. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

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Repères géographiques

 

 

Présentation de l’image globale

Les dynamiques d’un littoral frontalier

Une occupation différenciée d’un littoral soumis a une forte érosion

La côte est globalement peu hospitalière du fait de la présence d’un relief accidenté (falaises), voire montagneux dont les parties hautes (Mont du Jaizkibel culminant à 540 m.) sont soulignées sur l’image par la couverture arbustive. Les vents très majoritairement océaniques sont aussi une contrainte qui a joué sur la répartition du peuplement.

Aujourd’hui, ces espaces sont considérés comme « à protéger », d’autant plus que l’érosion côtière est importante, dont les « les deux jumeaux » célèbres rochers de la pointe Sainte-Anne, sont les témoins. La fermeture de la route littorale entre Saint-Jean-de-Luz et Hendaye est programmée, la non-constructibilité des terrains a été affirmée, alors que le conservatoire du littoral gère la centaine d’hectares de lande atlantique dans une perspective d’aménagement durable.

Par opposition, les sites d’abri que sont les deux baies concentrent les localisations urbaines : Saint-Jean-de-Luz (14 000 habitants), Ciboure (6500 habitants) et Hendaye (16 000 habitants) en France, Fontarrabie (17 000 habitants) et Irun (60 000 habitants) en Espagne.

Les activités touristiques, en particulier balnéaires, ont accentué l’attractivité de ce littoral et ont induit l’essor de certains quartiers. Le phénomène est particulièrement visible avec le cas d’Hendaye, marquée par la dualité entre « Hendaye plage » et la plus ancienne « Hendaye ville » qui s’est développée autour du chemin de fer.

Hors des centres urbains « historiques », le mitage urbain a nettement augmenté comme le montrent les environs de Ciboure-Saint-Jean-de-Luz. Cet habitat est principalement sous forme de pavillons individuels du côté français, alors qu’il reste encore majoritairement marqué par la norme culturelle du collectif (immeubles, maisons mitoyennes) du côté espagnol.

Espaces frontaliers d'hier

La Bidassoa a longtemps été une frontière entre les monarchies française et espagnole, marquée par des moments de fermeture et d’ouverture.

La fortification de Socoa, au sud de la baie de Saint-Jean-de-Luz, intervient dès le XVIe siècle, en raison des conflits entre le roi de France et l’empereur Charles Quint. Elle est ensuite développée sous l’autorité de Vauban et maintenue tout au long des siècles suivants jusqu’à son déclassement à la fin du XIXe siècle. Quant aux fortifications d’Hendaye créées au XVIIe siècle, elles ne sont plus visibles car détruites au même titre que la ville, lors d’une attaque espagnole en 1793.

Cette logique de « séparation » se retrouve aussi en Espagne où la création de la citadelle de Fontarrabie, gardienne de l’espace espagnol, toujours présente tant par ses murailles que par la fête locale annuelle qui célèbre le refus des habitants de céder face au siège de l’armée française.

Sur la Bidassoa, l’île des Faisans, dénommée aussi ile de la conférence, symbolise l’interface entre les deux états. Plusieurs actes diplomatiques y furent signés, dont le traité des Pyrénées en 1659, corollé au mariage de Louis XIV et de Marie Thérèse, infante d’Espagne. Aujourd’hui, cette île, qui ne mesure plus que 400 m2, est gérée conjointement par la France et l’Espagne dans une perspective patrimoniale et de développement durable.

Espaces transfrontaliers d'aujourd'hui.

La densité des moyens de communication témoigne de la présence d’une zone de franchissement privilégiée des Pyrénées.
Sur chaque rive de la Bidassoa, les gares d’Irun et d’Hendaye ont longtemps constitué des terminus pour chacun des réseaux ferroviaires nationaux, en raison du problème de l’écartement traditionnel des voies espagnoles plus large que la norme internationale (Cf. zoom 3). Cela se traduit par une emprise au sol très importante des deux complexes ferroviaires.

L’autoroute A63, ouverte au début des années 1970, constitue une voie d’entrée-sortie de la péninsule ibérique de première importance et un lien d’usage facilité depuis Schengen. L’image montre bien que l’A63 joue aussi localement le rôle d’une rocade urbaine, parfois même de limite urbaine, phénomène constatable entre Biarritz et Bayonne. Le péage de Biriatou est un des deux principaux points de la  frontière pyrénéens, avec près de trois millions de poids lourds qui alimentent les entrepôts et les zones d’activités frontalières. Cependant, l’image témoigne bien d’une vraie dissymétrie spatiale avec une nette captation logistique d’Irun (au nord et au sud-ouest).

L’aéroport (cf zoom 2), situé sur la commune de Fontarrabie, mais est officiellement l’aéroport de San Sébastien, distante d’une vingtaine de kilomètres. Sa construction dans les années 1950 est un témoignage de la modernisation et de l’ouverture touristique de l’Espagne franquiste. Avec quelques liaisons vers des métropoles espagnoles, son trafic reste limité, en raison de son enclavement et de la configuration de la piste qui implique un survol des zones urbaines et balnéaires.

Zooms d’étude

 



Entre contraintes et potentialités, la baie de Ciboure et de Saint-Jean-de-Luz

La baie de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure forme une rade naturelle, encadrée par des falaises. D’une surface d’environ deux kilomètres sur un peu moins d’un kilomètre, sa profondeur atteint les quinze mètres au niveau des passes. Exposée à une houle océanique importante (sept mètres en moyenne annuelle) du fait des dépressions et surtout de la bathymétrie spécifique du golfe de Gascogne, la ville de Saint-Jean-de-Luz a été plusieurs fois dévastée partiellement ou totalement.

C’est à l’initiative de Napoléon III que débuta la construction de trois digues (Sainte Barbe au nord, Socoa au sud, l’Artha au milieu de la baie) qui ne s’acheva qu’à la fin du XIXe siècle. Ces digues, constamment entretenues par une réalimentation en blocs de béton, ne suppriment cependant pas le risque de vagues importantes à l’intérieur de la baie. En période de houle hivernale, elles peuvent atteindre plus de deux mètres et rendent nécessaires la présence de digues secondaires.

Habitués à un environnement maritime potentiellement hostile, les pêcheurs luziens sont partis dès la fin du XVIe siècle chasser la baleine vers les bancs de Terre-neuve. Aujourd’hui, anchois, thons et merlus sont les prises dominantes pour un port, réduit par sa surface occupée, mais important dans la vie économique avec plusieurs centaines d’emplois directs et indirects. Son inclusion spatiale dans la ville et son aspect patrimonial en font aussi un élément attractif pour le tourisme.

Si la plupart des plages du littoral basque peuvent attirer par leurs rouleaux qui se transforment parfois en dangereux shorebreak (vague qui se brise très près du rivage), celles présentes dans la baie sont considérées comme des lieux de baignade sécurisée et sont donc très fréquentées en période estivale.

Les activités touristiques sont bien présentes sur l’image à travers les ports de plaisance (Ciboure-Socoa, lit de la Nivelle), des golfs (entre Nivelle et autoroute A 63) et autres centres de thalassothérapie, attirant une clientèle de « seniors » aisés. Cependant, Saint-Jean-de-Luz ne peut se targuer d’une attractivité aussi forte que celle de sa voisine et rivale, Biarritz.

 

 



La baie de Txigundi, une baie transfrontalière

L’image est centrée sur la baie transfrontalière de Chigoundi (Txigundi en basque), embouchure de la Bidassoa qui sépare Hendaye-plage, ancienne zone dunaire transformé dès les années 1920 en quartier balnéaire, et Fontarrabie (Hondarribia en basque), dont le noyau ancien se distingue par la densité des bâtiments.

Une partie de la plage d’Hendaye est ici visible. C’est la plus grande plage de sable du littoral basque avec ses trois kilomètres de longueur et quasiment sans vague forte, ce qui attire les familles tant françaises qu’espagnoles. Etablissement de thalassothérapie, casinos contribuent aussi à faire d’Hendaye-plage une station touristique recherchée, en gémellité avec Fontarrabie dont la vie nocturne est appréciée.

L’image montre clairement la forte densité de bateaux de plaisance, amarrés dans le port de Fontarrabie, celui d’Hendaye construit en 1990, et au mouillage dans la baie. Cette dernière situation crée d’ailleurs de la tension entre acteurs aéroportuaires et portuaires, révélatrice d’une forme originale de conflit d’usage : les mats des bateaux sont considérés par les uns comme dangereux pour l’atterrissage des avions, le projet d’agrandissement de la piste comme une menace pour l’activité nautique par les autres.

 

 



le franchissement d’une frontière fluviale, la Bidassoa entre Hendaye et Irun

Construits entre 1864 et 1966, quatre ponts franchissent la Bidassoa pour rejoindre Hendaye et Irun. Ils symbolisent l’importance des infrastructures et des flux transfrontaliers qui s’accélèrent fortement à la fin de l’époque franquiste et avec l’intégration de l’Espagne dans la CEE.

Le premier pont (le plus à l’ouest) construit au XIXe siècle est ferroviaire, permettant progressivement la liaison entre Madrid-Irun-Hendaye-Paris.Pour autant, la configuration des deux terminaux ferroviaires symétriques, de part et d’autre du pont frontalier, témoigne de la logique nationale de chacun des réseaux :  l’espagnol étant basé sur un écartement plus large que la norme européenne, les essieux des wagons doivent être modifiés ou plus simplement voyageurs et marchandises doivent être transbordées. Si l'Espagne a lancé un vaste plan de restructuration de son réseau pour assurer sa compatibilité avec le reste de l'Europe, il n’en demeure pas moins que la frontière reste encore présente.

Les trois autres ponts illustrent à contrario la facilité et l’importance des flux transfrontaliers. D’ouest en est, le Topo, sorte de tram-train, est fréquemment utilisé par les locaux pour relier en trente minutes San Sébastien à Hendaye. Son extension jusqu’à Bayonne est un projet mis en exergue par les partisans de l’Eurocité Basque Bayonne San Sebastian. Le vieux « pont international » a été quant à lui un lieu de franchissement important pour les réfugiés politiques espagnols lors de la guerre d’Espagne. Enfin, le pont routier, construit en 1966, est emprunté quotidiennement par des navetteurs français ou espagnols, en sachant qu’un tiers de la population d’Hendaye est de nationalité espagnole.

 

Documents complémentaires

Hélène Velasco-Graciet, « Mobilités et frontière, ingrédients d’une alchimie territoriale au Pays basque », Géoconfluences, 2008

Contributeur

Philippe Nouvel, professeur d’histoire-géographie, Académie de Bordeaux