Etats-Unis - État de Washington. Le bassin de la Columbia : aridité, maîtrise hydraulique et mutations vers une agriculture de terroirs de qualité

A l’extrême nord-ouest du Mainland, le bassin de la Columbia à cheval sur l’Oregon au sud et l’État de Washington au nord juxtapose des espaces continentaux arides et désertiques et une série de vallées irriguées jouant le rôle d’oasis. La région fut choisie en 1943 du fait de son isolement et de son vaste potentiel hydroélectrique pour accueillir à Hanford un des principaux sites nucléaires de production de plutonium militaires, pour le programme Manhattan puis la Guerre froide. Ces grands travaux hydrauliques ont permis le développement de vastes périmètres agricoles irrigués organisés par le pôle métropolitain des Tri-Cities. Depuis quelques décennies, la région est le laboratoire d’une véritable révolution agricole fondée sur de nouvelles spéculations, une montée en gamme et une stratégie de labellisation et de terroirs dont témoigne le dynamisme du vignoble de la Yakima Valley. On retrouve là les logiques d’innovation portées par les métropoles voisines de Portland ou de Seattle sur la côte Pacifique. Ces dynamiques d’espaces à forte ruralité et à faible densité témoignent de la capacité des États-Unis, première puissance agricole mondiale, à maîtriser et à exercer un food power d’amplitude planétaire

 

Légende de l’image

 

Cette image du bassin de Columbia, a été prise par le satellite Sentinel-2A le 28 juin 2021. Il s'agit d'une image en couleur naturelle et la résolution est de 10m  

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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Le bassin du fleuve Columbia ou le volontarisme américain en actes : infrastructures hydrauliques, développement urbain et richesse d’une agriculture hautement diversifiée

Une articulation urbaine structurante dans une région d’hyper-ruralité au passé amérindien et au milieu physique très contraignant

L’œil de tout observateur est, dans le bassin du fleuve Columbia, forcément attiré par les vastes portions d’espace quasi désertique et, partant, quasi vide d’hommes. Froid hivernal, contraste des températures, continentalité climatique, aridité, topographie de bassin circonscrit par de puissantes chaînes montagneuses, effet d’abri : tous ces facteurs singularisent un territoire qui peut sembler en marge de l’écoumène.

D’ailleurs, les très faibles densités sont tôt mises à profit en tant que telles. L’armée états-unienne a implanté dans la région plusieurs grands camps militaires, dont l’Oregon Military Department Camp bien repérable au sud de l’image. De même, le site d’Hanford est choisi pour être l’un des premiers centres d’études nucléaires militaires du pays. Et dans ces immenses solitudes spatiales, tracer des périmètres de protection est relativement aisé. Au nord de l’image, le Hanford Reach National Monument, officiellement reconnu en 2000 par le gouvernement fédéral assure, sur 79.000 hectares, la protection d’une riche biodiversité à la fois sur les plateaux, avec pour animal emblème le wapiti, et dans les organismes hydrographiques (programme de protection des saumons). Au sud de la vallée de la Yakima, la Satus Wildlife and Recreation Area Yakama National est une réserve ornithologique à la biodiversité précieuse

Pourtant, cette vaste cuvette topographique s’organise autour de différents ensembles urbains hiérarchisés, articulés les uns par rapport aux autres et qui polarisent un espace d’hyper-ruralité traversé par un réseau hydrographique ramifié en trois axes principaux.

A l’ouest, sur la rivière Yakima, Sunnyside compte environ 15.000 habitants. Plus au sud, le fleuve Columbia fait frontière entre les Etats de Washington et de l’Oregon dans lequel se déploie la ville d’Hermiston peuplée de 18.000 habitants. Mais surtout, à la confluence entre le fleuve Columbia, la rivière Yakima et la Snake River à 170 m. d’altitude, s’organise la conurbation des Tri-Cities incluant en son sein les villes de Kennewick, Pasco et Richland. Ce pôle de 2100.000 habitants est considéré par les autorités nationales comme une Metropolitan Statiscal Area. C’est en effet une aire métropolitaine qui s’étend sur plusieurs comtés et qui compte plus de 300 000 habitants.

Par un contraste saisissant, les espaces ruraux alentours ne sont que très faiblement peuplés. Dans le comté de Yakima, à l’ouest de l’image, les densités générales ne dépassent pas les 25 hab./km². Il en est de même dans le comté de Franklin cependant que les densités tombent au-dessous de 10 hab./km² dans le comté d’Umatilla.

Ce peuplement est récent : comme l’ensemble du Mainland, la mise en valeur de l’espace repose sur un mouvement puissant et violent de colonisation venue de l’Est. The Frontier atteint l’actuel Etat de Washington au début du XIXème siècle. Les peuples autochtones de la région (Yakamas, Klickitat, Wishram, Wanapums…) subissent le lot commun des Amérindiens – ségrégation, expulsion et mise en réserve – dès lors que la région est découverte et rentre dans un processus d’appropriation territoriale suite à l’expédition, mandatée par le Président Jefferson lui-même, de Meriwether Lewis et William Clark (1804-1806). Au sud de la vallée de la Yakima, la Réserve indienne des Yakamas s’étend sur plus de 5600 km² et compte en son sein plus de 31 000 habitants. Elle procède d’un Traité datant de 1855 signé entre le gouverneur de l’Etat de Washington et les représentants de la tribu des Yakamas lors d’une rencontre au sommet (le Conseil de Walla Walla). Aujourd’hui, les Amérindiens vivent d’une économie frugale – sylviculture, artisanat, jeu d’argent (casino) – qui est loin d’apporter la prospérité à tous : plus de 40 % des membres de la tribu des Yakamas vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Derrière la puissante chaîne volcanique des Cascades - et notamment le Mont Adams qui culmine à 3742 mètres et situé au plein ouest de l’image, le bassin du fleuve Columbia s’abaisse jusqu’à moins de 150 mètres d’altitude et forme une cuvette qui correspond à un vaste glacis au substratum essentiellement basaltique dans lequel s’est incisé, jusqu’à former localement de petites gorges, un réseau hydrographique ramifié et hiérarchisé autour d’un organisme principal : le fleuve Columbia. Les effets conjoints de la latitude et de l’abri topographique à l’est de la chaîne des Cascades entraînent une double péjoration climatique : d’une part, une très forte continentalité qui se caractérise par des températures très basses en hiver, d’autre part une tendance prononcée à l’aridité. Sunnyside reçoit en moyenne que 170 mm de précipitations par an et les températures peuvent descendre jusqu’à -32 °C en janvier - avec une moyenne mensuelle est de 0,2°C - amis grimper parfois en été jusqu’à 44 °C, pour une moyenne mensuelle en juillet de 26,7°C. Toute valorisation agricole de cet écosystème doit alors nécessairement tenir compte de ces paramètres contraignants mais susceptibles aussi, sous certaines conditions, d’offrir de porteuses aptitudes productives.

Des organismes hydrographiques largement aménagés : hydroélectricité et irrigation

Outre de petites rivières – telle la Walla Walla River qui apparait à l’ouest sur l’image –, le bassin du fleuve Columbia est surtout traversé par trois organismes majeurs qui confluent : la Snake River, la Yakima et le fleuve Columbia. Ces trois cours d’eau se caractérisent par un régime de type essentiellement nival. Les hautes eaux se gonflent au printemps tandis que l’hiver correspond à la phase d’étiage. Irréguliers dans leurs débits, ces organismes hydrographiques apportent leur lot de contraintes : risque d’inondation, très fortes variations des volumes d’eau dans l’année. Mais ils sont source d’une eau précieuse dans une région marquée par la sécheresse, avec des débits moyens conséquents : 7.500 m²/s pour le fleuve Columbia, 1.600 m²/s pour la Snake River. Logiquement, leur mise en valeur passe par des aménagements de grande ampleur.

Le réseau hydrographique de cet immense bassin de 600 000 km², d’une superficie donc supérieure à la France métropolitaine, a été largement aménagé depuis une infrastructure de tête située bien en amont de l’image - le barrage de Grand Coulee construit en 1942 - afin d’y développer la production hydro-électrique mais également d’offrir à l’agriculture un potentiel d’irrigation indispensable pour corriger les excès de l’aridité du milieu. Troisième objectif, et non des moindres : écrêter les crues, régulariser les débits afin d’anticiper l’aléa d’inondation - à l’image de celle du fleuve Columbia en 1948 qui a détruit à la ville de Vanport, en Oregon - tout en permettant d’assurer la navigabilité de cours d’eau au chenal anastomosé qui constituent des axes de transport valorisables pour le transport des pondéreux.

Les organismes hydrographiques ont fait l’objet, quasiment tout au long du XXème siècle, d’une ambitieuse politique de construction de barrages. La Snake River compte ainsi, sur les 1.735 km de sa longueur, 15 grands barrages, construits entre 1905 et 1988. De tailles variables puisque leurs hauteurs varient de 12,2 mètres à 128 mètres, ils font de cette rivière un axe hautement anthropisé, autour d’un objectif de valorisation de l’eau à des fins d’irrigation et d’hydroélectricité.

Dans le cas du fleuve Columbia, la production hydroélectrique est plus ample encore. Ce fleuve est au cœur des logiques de transition énergétique à la fois de l’État fédéral, puisque c’est le fleuve dont la puissance hydroélectrique installée est la plus forte dans tout le pays, mais, plus encore, de l’Etat de Washington. Sur les 1.954 km de son cours, 14 barrages produisent annuellement près 25 000 MW. Érigés entre 1929 et 1964, ils illustrent la capacité toujours constante de l’État fédéral américain d’intervenir dans l’aménagement de son territoire par des politiques de grands travaux associant acteurs publics et acteurs privés.

En effet, la construction des barrages ressortit à différents types d’acteurs. Certains ont été façonnés par l’USACE (United States Army Corps of Engineers) ou Corps des ingénieurs de l’Armée de terre. Assimilable au corps du génie militaire, cette institution publique construit, gère, surveille de nombreuses infrastructures hydrauliques. Mais dans le cadre d’un Etat au réflexe souvent libéral, les acteurs privés sont grandement sollicités. Parmi les opérateurs énergétiques privés, la Idaho Power Company a été une entreprise fondamentale dans l’équipement hydraulique et la gestion des infrastructures hydroélectriques des bassins du fleuve Columbia et de la Snake River.

La pérennité de l’exploitation de l’eau issue des organismes hydrographiques soulève, à plus ou moins long terme, une série d’enjeux.

Le premier est d’ordre diplomatique. Fleuve international, le Columbia prend sa source au Canada. Un traité transfrontalier - le TFC, pour Traité du fleuve Columbia, ratifié en 1964, réunit Ottawa et New York, posant le principe d’une régulation des débits pour réduire le risque d’inondation et d’une valorisation hydroélectrique commune à partir d’une série de barrages en amont du cours d’eau, dont trois au Canada. Certaines dispositions du traité arrivent à expiration en 2024. Ce qui suppose des négociations à venir d’importances stratégiques.

Le deuxième enjeu est d’ordre environnemental. Outre la problématique du changement climatique qui modifie l’équilibre saisonnier des débits (hautes eaux plus abondantes au printemps, étiages estivaux plus prononcés) et qui ne peut que s’aggraver à long terme, la question de l’ampleur des prélèvements agricoles doit être posée et induit des modes d’irrigation toujours plus raisonnés. Car, selon le NCAR - National Center for Atmospheric Research, en un demi-siècle (1948-2004), les volumes d’eau dans le fleuve Columbia ont diminué de - 14 %, alors que les conflits d’usage entre les domaines agricole, hydroélectrique et urbain (eau potable) s’accroissent. Et ce alors que l’augmentation de la température de l’eau - plus de 21°C enregistrés en juillet 2021 - et l’obturation des cours d’eau par les barrages mettent en péril certaines espèces aquatiques, notamment les saumons.

La diversité productive d’une agriculture efficace

Toute valorisation des agrosystèmes repose sur la prise en compte des données agrophysiques des terroirs. Très inégalement maniables, ils sont surtout marqués par d’amples contraintes climato-pédologiques.

Dans le bassin du fleuve Columbia, la topographie principale correspond à un vaste plateau volcanique incisé par le réseau hydrographique. Les sols y sont très variables. Certains, profonds et riches offrent un réel potentiel de fertilité. Mais d’autres s’avèrent globalement médiocres : plutôt sableux, très perméables et pauvres en humus. Ils présentent alors deux tares majeures : leur faible fertilité et leur grande sécheresse. Mais pour certaines cultures, ces tares peuvent devenir des atouts non négligeables : c’est le cas pour la vigne.

Or, cette région est frappée par une aridité majeure, accentuée par la récurrence de vents catabatiques desséchants. Ce qui signifie que sans irrigation, l’agriculture est condamnée à rester cantonnée à un élevage extensif sur de médiocres pâturages et à des productions végétales aux faibles rendements liés à la pratique du dry farming.

Et pourtant, cette zone est devenue un « Eldorado agricole » (Gérard Dorel, 1976). Les aménagements hydrauliques des cours d’eau y ont grandement contribué en permettant aux entreprises agricoles de pouvoir compter sur une eau d’irrigation aisément accessible et abondante. Mais il faut aussi souligner l’importance majeure des pratiques de bonification des sols. Outre l’utilisation plus ou moins massive d’engrais, les sols ont d’abord été défoncés, travaillés en profondeur puis amendés avec du compost et des engrais.

Depuis, un système agricole polyproductif s’est mis en place. Il repose essentiellement sur de très grandes exploitations développant des assolements culturaux complexes associant céréales (blé, orge), oléagineux (colza), plantes industrielles (betteraves à sucre) et légumes de plein champ (pommes de terre). Couplé à l’agriculture végétale qui fournit des plantes fourragères (luzerne), l’élevage est essentiellement intensif, avec des techniques fortement productives La spectaculaire augmentation de la productivité dans l'élevage repose sur une logique combinatoire entre les techniques du hors-sol pour les porcs et les volailles ainsi que sur celle des feed-lots (parcs d'engraissement) pour les bovins à viande. La forte concentration des élevages a aussi bien concerné la production d'animaux destinés à la boucherie que l'élevage bovin laitier. Et la culture in situ de plantes fourragères (maïs fourrage, orge fourragère, luzerne) renforce l'efficacité productive d'un élevage intégré dans un vaste système agricole cohérent à forte intensité technologique (agriculture de précision, recours systématique à l'irrigation) et capitalistique.

Dans ce front pionnier agricole qui continue toujours de s’étendre spatialement, dans lequel l’irrigation est une condition sine qua non au développement productif, les contraintes climatiques et édaphiques deviennent un atout dans un tout autre cadre cultural : celui de la viticulture. La région porte en effet, dans des terroirs de production très spécifiques, sur des plateaux, des glacis, voire des pentes collinéennes, un vignoble de qualité dont les vins combinent des cépages multiples à une démarche de labellisation qui, en partie référencée sur le modèle des AOC françaises, spécifie les territoires de production. Dans le cadre d’une démarche constante d’amélioration de la qualité productive, les vignobles de l’Etat de Washington entrent, depuis 1983, dans un processus de reconnaissance en tant qu’AVA - American Viticultural Area. Et sur la présente image, plusieurs apparaissent distinctement, depuis la Yakima Valley, classée dès 1983, jusqu’à de plus récentes. La Walla Walla Valley obtient son classement en 1984, lequel fut amendé en 2001, alors que Wahluke Slope a été classée en 2006. Preuve que cette région agricole connait toujours de profondes mutations.



 

Zooms d’étude

 

Zoom 1 : Hermiston et ses environs : aménagements hydroélectriques, oasis agricole et diversification des systèmes productifs locaux

Maitrise hydraulique, logistique et réseau urbain

Érigé sur le fleuve Columbia à la frontière des Etats de Washington et de l’Oregon, le barrage de Mc Nary est construit en 1947 et entre en fonctionnement en 1954. Sa fonction première est la fourniture d’énergie hydroélectrique. Équipé de 14 turbines d’une puissance installée de 1.130 MW, la centrale fonctionne à partir d’un barrage-poids qui obture le cours d’eau et créé un lac-réservoir - le Lac Wallula - long de plus de 2 km. En aval de cette infrastructure, un pont permet de désenclaver plus avant la région, en connectant les rives droite et gauche d’un fleuve longé par un réseau de petites villes entre rives droite et gauche : Umatilla, Irrigon, Boardman et surtout Hermiston.

Les fonctions de ces villes sont variées, et en phase avec les attendus fonctionnels de villes inscrites dans un espace de forte ruralité. Elles sont tout d’abord des carrefours dans les réseaux de transport, au croisement de quelques axes routiers de direction est-ouest/nord-sud et importants dans les dessertes locales et régionales (Interstate 82 et 84, road 395 et 730). La fonction ferroviaire est capitale dans ces terres de confins : Hermiston est un pôle ferroviaire qui compte dans les réseaux de l’Union Pacific : gare de triage, connexion ferroviaire et centre de réparation des matériels roulants au niveau du Hinkle Yard avec le Hinkle Locomotive Service and Repair Facility.

Cette polarisation d’axes a développé les fonctions économiques liées aux activités logistiques. Le géant de la grande distribution Walmart a installé à Hermiston un centre de stockage et d’approvisionnement de plus de 110.000 m2 , le Walmart Distribution Center. De multiples services fixés en ville irriguent les campagnes : Hermiston dispose d’une petite antenne de l’Oregon University. Les services commerciaux avec la grande distribution ou administratifs permettent à la ville de rayonner sur son environnement proche.

Un espace rural largement valorisé par l’irrigation

Ce dernier est rural et agricole. Les paysages sont d'abord marqués par les techniques d'irrigation par pivot, avec de très amples parcelles circulaires (jusqu'à 500 mètres de rayon). L’eau procède soit de puits tubés directement forés à proximité des parcelles, soit relève d’un complexe réseau de canalisations après pompage dans le fleuve. La variété des couleurs souligne la complexité des assolements suivis par les farmers : céréales (blé, maïs et orge surtout), mais également des cultures de diversification (betteraves à sucre). Parmi les spécialités locales figurent des cultures de légumes de plein champ, et notamment celle des oignons. C’est notamment dans ces segments productifs très ciblés que se développent des formes d’agriculture alternative, ciblant le bio par exemple.

Les exploitations sont de grandes tailles et dépassent plusieurs centaines d'hectares. Familiales pour la plupart, elles s'inscrivent aussi dans les processus de Corporate Farming avec des fermes devenant des sociétés de production agricole et dont le capital est parfois entre les mains de grandes firmes agro-alimentaires. La Jsh Farms Inc emploie par exemple une centaine de salariés agricoles et la vente des productions agricoles y génère plus de 12 millions de $ de revenus.

Associé à l'agriculture céréalière, l'élevage est présent dans la zone à travers plusieurs feedlots d'engraissement du bétail bien visibles sur l’image, comme au sud-ouest par exemple. La GT Land and Cattle LLC possède plusieurs parcs de stabulation de jeunes bovins nourris au maïs d'ensilage et à la luzerne cultivés autour de l'exploitation. La ferme est spécialisée dans la reproduction bovine, avec recours systématique à l'insémination artificielle, pour élever des vaches laitières, de race principalement Holstein, ou des bovins à viande de races sélectionnées, notamment des Aberdeen.

 


Hermiston

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 2 : Trois triptyques spatiaux - hydrographique, agricole et urbain - et un pôle nucléaire à hauts risques

Hinterland, navigabilité et petit port fluvial de Pasco

L’image satellite permet de repérer un site de triple confluence : le fleuve Columbia se retrouve grossi par les eaux de la Snake River et dans une moindre mesure de la Yakima. Aménagé par une série d’ouvrages hydrauliques, le fleuve est navigable. Des barges circulent sur le cours d’eau et transportent d’abord des pondéreux (céréales, hydrocarbures) et des conteneurs.

S’étendant sur 5 hectares, le port fluvial de Pasco est accessible à des barges de 4 mètres de tirant d’eau. Ses quais sont desservis par le rail et ont une capacité de stockage de 1.000 EVP.  Mais des formes de navigation de plaisance se développent également, en lien avec l’essor des villes fluviales. Les autorités de Kennewick ont ainsi aménagé la petite île de Clover Island pour en faire un petit centre nautique, offrant des anneaux pour des navires de plaisance, avec un petit waterfront urbain.

Un triptyque urbain de confluence

Au cœur du Bassin du fleuve Columbia, trois ensembles urbains (Kennewick, Pasco et Richland), coalescents polarisent l’ensemble de la région. Ces villes, récentes, à l’éclosion brutale, spatialement très étendues et peu denses, ont un plan orthostatique très caractéristique des villes pionnières. Ainsi, la ville de Pasco est née au tout début du XIXème siècle, lorsque son site est choisi comme lieu de camp par l’expédition Lewis et Clark en 1805. Connectée au réseau ferroviaire de la Northern Pacific Railway durant les années 1880, elle entre alors dans un développement rapide. Pasco compte ainsi 300 habitants en 1890 puis passe à 14.500 habitants en 1960 pour atteindre 75.400 habitants. Entre 1960 et 2019 Kennewick voit sa population croître de + 455 % et celle de Richland de + 155 %.

Cette conurbation a d’abord pour elle l’effet du nombre. Avec près de 300.000 habitants, elle dispose d’un poids démographique certain qui légitime une forte concentration de services et de fonctions productives directes. Elle possède par exemple une vraie fonction éducative avec une antenne de la Washington University et l’implantation du Columbia Basin College.

La conurbation dispose aussi de quelques centres d’innovation d’envergure nationale, tel le Environmental and Molecular Sciences Laboratory, inauguré en 1997 et dans lequel 150 chercheurs et techniciens planchent sur la recherche nucléaire. La croissance de pôle urbain est en effet étroitement associée à la création d’un des plus importants sites du complexe militaro-industriel étatsunien dans el cadre de la course aux armements nucléaires.  

Le pôle nucléaire militaire d’Hanford : un site stratégique exceptionnel

En effet, peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, un site isolé est sélectionné au nord des Tri-Cities pour abriter un des principaux pôles de la filière nucléaire militaire des États-Unis. Dans une zone isolée et largement désertique mais disposant d’une énergie électrique relativement abondante, le complexe nucléaire de Hanford est tracé sur 1.500 km2 ; il joue un rôle décisif dans le Projet Manhattan : y est bâti le premier réacteur produisant du plutonium militaire pour Fat Boy, la bombe larguée sur Nagasaki le 9 août 1945. Neufs réacteurs nucléaires militaires ont également été construits sur le site, tous démantelés depuis. Le site a aussi servi comme aire d’enfouissement et de stockage (170 cuves) de déchets atomiques.

Il génère des risques majeurs et est présenté par ses détracteurs comme l’une des poubelles nucléaires du pays. Les autorités ont reconnu que près de 3,8 millions de litres de boues radioactives se sont infiltrées dans le sol depuis la création du complexe. Par ailleurs, un tiers des cuves de stockage de déchets auraient connu des fuites et la quasi-totalité d’entre-elles ne sont qu’à simple coque. Long et laborieux, le nettoyage et la sécurisation du site a été estimé à plus de 100 millions de $ et doit s’étendre jusqu’en 2060. Mais ce complexe atomique à hauts risques garde cependant une fonction productive : la centrale Columbia, dotée d’un réacteur à eau bouillante de 1.150 MW, est le seul site nucléaire civil du Nord-Ouest des Etats-Unis. Il a aussi permis l’installation sur place de quelques grands noms internationaux du complexe nucléaire, à l’instar du français Framatome qui y produit, sur un site de 37.000 m2 et fort de ses 550 employés, des pastilles de UO2.

Le développement des fonctions logistiques

Dans cet espace non exempt d’un risque de marginalisation spatiale, cet ensemble urbain dispose d’un haut niveau de services logistiques. A la route, avec le grand carrefour entre les Interstate 82, 182 et la US Route 395, et au rail - la conurbation est desservie par la puissante compagnie BNSF - se surimpose un ensemble aéroportuaire solide : le Tri-Cities Airport. Il est desservi par des compagnies régionales (Alaska Airlines, Allegiant Air) et (inter)nationales (Delta Airlines, United Airlines) et mêle trafics de passagers avec près de 525.000 voyageurs en 2019 et de fret, ce qui contribue pour près de 300 millions $ à l’économie locale.

Économiquement, l’ampleur des industries agro-alimentaires est au diapason de la capacité productive de l’agriculture régionale. Les Tri-Cities renferment plusieurs sites majeurs de transformation de produits agricoles, à l’exemple de la coopérative laitière Darigold qui annonce en 2021 un vaste projet d’implantation avec création de 1.200 emplois. Par ailleurs, la plupart des axes ferroviaires et routiers sont connectés à des grands silos de stockage des grains et à des grandes unités de production agro-alimentaires.

Un pôle agricole d’importance sur une agriculture irriguée

Car les agrosystèmes autour des Tri-Cities développent de subtiles associations productives. Tout d’abord, une constante demeure : l’association entre grandes cultures végétales et élevage avec une utilisation quasi-systématique de l’irrigation sur pivot circulaire. Les exploitations, quoique familiales - la figure du farmer reste prégnante dans l’agriculture américaine - visent, pour certaines, le gigantisme. Au nord de Pasco, l’exploitation Coulee Flats Dairy est la propriété de Case VanderMeulen, d’origine néerlandaise. Installé en 1991, son cheptel, initialement de 150 vaches laitières de race Holstein compte aujourd’hui 6.800 têtes. L’exploitation emploie plus de 80 salariés et dispose, à proximité des parcs de stabulation bovine, de près de 800 hectares de terres labourables irriguées sur une vingtaine de grandes parcelles avec pivot d’arrosage pour produire du maïs d’ensilage, de l’orge, du soja et disposer ainsi d’une autonomie fourragère quasi-complète.

Au demeurant la connexion entre industries agro-alimentaires et exploitations agricoles est parfois exceptionnellement forte. Ainsi, les gros abattoirs Tyson Fresh Meats, au sud des Tri-Cities, sont accolés à un énorme feedlot, dont la capacité d’engraissement est de 90.000 têtes par an. Il est la propriété de la firme Simplot Livestock Cy – laquelle dispose de plusieurs parcs d’élevage analogues dans le pays et dont le siège est à Grand View dans l’Idaho.

Aridité, ranching et dry farming

Là où le recours à l’irrigation est impossible, notamment sur les pourtours nord-est de l’image, les paysages agricoles sont marqués par un élevage très extensif de type ranching. Mais, surtout, ces zones sont le domaine de la céréaliculture sur d’immenses parcelles aux formes très géométriques et sur lesquelles se pratiquent les techniques du dry farming. Jadis, elles reposaient essentiellement sur des labours profonds pour atteindre l’humidité des horizons pédologiques sous-jacents. Ces façons culturales, fragilisant les sols et favorisant les méfaits de l’érosion éolienne, ont été largement revues et surtout affinées.

Désormais, dans l’aridoculture, les semis sont moins denses, réalisés selon la technique du semis direct sur couvert végétal, sans véritable travail du sol. Les rangs sont plus espacés et avec l’utilisation en inter-rangs de mulch végétal qui fixe l’humidité. L’allongement des rotations culturales permet d’intégrer des temps de jachères dites de conservation, avec maintien d’un couvert végétal qui permet de retenir le maximum d’eau lors des maigres pluies qui tombent sur la zone. Quant aux assolements, ils peuvent être simplifiés à l'extrême, d'où des couleurs plus uniformes sur l'image satellitale : on a essentiellement affaire avec des rotations associant blé de printemps et orge, en privilégiant des semences sélectionnées capables de supporter des conditions de sécheresse assez rudes.  

La pomme de terre : une nouvelle spéculation agricole

Ces stratégies de grande culture ou d’élevage n’empêchent pas une diversification productive réelle selon les besoins des marchés. D’ailleurs, les couleurs des parcelles sur l’image satellitale sont très bigarrées. Et pour cause. Les terres labourables portent maintes cultures, à l’instar de la pomme de terre qui s’est fortement développée comme nouvelle spéculation agricole, d’autant que les producteurs travaillent sous contrat avec de grandes firmes, comme Lamb Weston.

Entreprise fondée en 1950, filialisée en 1988 par le groupe ConAgra pour être remise sur le marché en 2016, elle a maintenu son siège à Kennewick et emploie plus de 5.000 salariés dans la région et son usine de transformation de Richland, érigée en 1972, produit aujourd’hui près de 150.000 tonnes de frites surgelées par an.

 


Kennewick

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 3 : La Yakima Valley : une agriculture de terroirs centrée sur la vigne et le vin

Par rapport aux autres espaces agricoles de la région, la vallée de la Yakina River présente de grandes spécificités dans la forme du parcellaire et l’organisation des finages qui témoigne du développement d’un agriculture de terroirs alors que les formes circulaires, partout ailleurs omniprésentes, y sont ici marginales. S’étendant sur plus de 5.200 hectares, le vignoble de la Yakima Valley suit aujourd’hui une double dynamique d’expansion spatiale d’un côté, d’amélioration qualitative et de montée en gamme des vins qui y sont produits de l’autre. Autrement moins connus que ceux de Californie, ils sont pourtant au cœur de la nouvelle planète des vins qui, depuis plusieurs décennies, taille des croupières au long monopole commercial des vins fins européens, et plus encore français.

Terroirs et cépages : les spécificités locales

Autour d’un réseau urbain linéaire liant les petites villes de Sunnyside (16.000 hab.), Grandview (10.000 hab.), Prosser (6.000 hab.) et Toppenish (9.000 hab.), le vignoble de la Yakima Valley se caractérise tout d’abord, comme pour tous les vins américains, par ses cépages. Essentiellement d’origine européenne, ils associent des cépages plus méditerranéens et, partant bien adaptés à la sécheresse, comme la syrah ou le Sangiovese, des cépages aromatiques (mourvèdre, grenache, viognier) à des cépages de haute qualité et plus génériques (cabernet franc, merlot, cabernet sauvignon). Cette offre permet de diversifier les productions - vins rouges, rosés et blancs, mais aussi de les arrimer aux plus prestigieux vignobles du monde ; on peut ici rappeler que les Bordeaux rouges reposent d’abord sur la combinaison entre merlot, cabernet franc et sauvignon.

Mais pour se singulariser de la concurrence, le recours à des cépages plus confidentiels est une judicieuse option, tel le « petit verdot ». Ce cépage français, d’origine pyrénéenne, est en pleine expansion : bien adapté aux sols graveleux, il apporte une typicité nouvelle aux vins. D’ailleurs, à titre d’exemple, le retour en grâce de ce cépage se retrouve aussi aujourd’hui dans le Bordelais, avec l’idée de produire des vins jouant la carte de l’originalité ampélographique. Dans la même veine, des cépages rhénans et alsaciens ont été importés pour produire des vins blancs secs : riesling, gewurztraminer.

Vins de marques, wineries et concentration économique

Ces vins sont, pour la plupart, mono-cépages (mono-ampélographiques) et pour lesquels ils constituent un produit d’appel commercial. Ces vins de cépage sont aussi des vins de marque. Ceux-ci sont essentiellement élaborés par de grands domaines, s’étendant sur plusieurs dizaines, voire centaines, d’hectares. Ces wineries sont les fers de lance de la montée en gamme qualitative d’un vignoble aux productions très spécifiques.

Avec leurs bâtiments modernes et massifs, elles sont édifiées au centre des vignes qu’elles possèdent et disposent d’un appareillage sophistiqué de vinification. Les chais alignent des barriques de chêne afin de donner aux vins un goût boisé que les œnophiles apprécient tout particulièrement aux Etats-Unis – l’on sait l’influence de l’œnologue Robert Parker dans le boisement des vins américains. Bien installées au milieu de leurs parcelles de vignes, elles maîtrisent des techniques de culture reposant notamment sur l’irrigation par goutte-à-goutte – ce qui permet un apport d’eau finement ajusté aux besoins des vignes.

Ces exploitations déploient maintes stratégies économiques de croissance, entre course à l’agrandissement et logiques de concentration. Installé à Woodinville près de Seattle, propriété du fonds d’investissement Sycamore Partners, la winery Chateau Ste Michelle a racheté autour de Sunnyside plusieurs vignobles, notamment le Canoe Ridge vineyard, le Cold Creek vineyard ainsi que le Indian Wells vineyard.

Certaines wineries diversifient grandement leurs activités économiques. A Prosser, la Desert Wind Winery est une jeune entreprise vitivinicole dont les 170 hectares de vignes ont été plantées depuis 1993. Chardonnay, merlot, cabernet sauvignon et syrah y sont les cépages dominants, associés à des cépages secondaires : viognier, sémillon, cabernet franc, sauvignon blanc, malbec, petit verdot et mourvèdre. Mais les bâtiments ne sont pas qu’agricoles : l’exploitation s’ouvre à d’autres fonctions plus récréatives, comme la restauration de luxe et l’accueil d’événements spécifiques (conférences, colloques, mariages…). Le domaine devient alors le décor de prestations dinatoires, dans une mise en scène bien réglée : choix d’une architecture pour les bâtiments qui en impose, grandes salles de réception à l’intérieur d’une partie des chais, utilisation des barriques comme élément de décoration, initiation à l’œnologie… Alors que, parallèlement, cette exploitation viti-vinicole a acheté des terres au nord des Tri-Cities, dans une quête de nouveaux terrains productifs.

Diversités des milieux et cartes des terroirs : une American Viticultural Area

Ces acquisitions dans différentes aires de production permettent aussi de souligner que ces vins de cépage sont aussi des vins de terroirs. Au-delà de leur nature essentiellement volcanique, voire alluviaux sur les terrasses supérieures des vallées, les sols sont profondément divers : graveleux, sableux, aux éclats rocheux… Quant au climat, il semble bien adapté à la vigne : froid en hiver, avec des étés torrides et secs. Cette chaleur estivale fait monter le degré alcoolique des vins : dépasser les 14° est la norme pour les vins rouges. Mais, surtout ses vins ressortissent à des aires de production topographiquement et géomorphologiquement plurielles. Cette diversité de terroirs est forcément un atout dans la valorisation des vins.

D’ailleurs, ces vignobles historiquement récents ont immédiatement tôt joué la carte des terroirs. La vigne apparaît dans la région au milieu du XIXème siècle. Mais c’est seulement véritablement à partir des années 1970 qu’elle devient un levier de développement local : le vignoble de la région progresse, s’affine et joue la carte du terroir. Un emboîtement d’aires de production appelées AVA - American Viticultural Area, variante du modèle des AOC à la française, est strictement défini dès 1983.

Avec près de 24.000 hectares de vignes, le Bassin du fleuve Columbia est l’une des plus vastes AVA états-uniennes. Celle-ci s’articule en neuf aires d’appellation emboîtées et qui correspondent à différentes aires de production homogènes en termes de conditions topographiques, édaphiques et climatiques. Ainsi, le long de la vallée de la Yakima, cinq AVA se juxtaposent : autant l’AVA Yakima Valley renvoie d’abord à des terrains plutôt plans (fond de vallée, plateaux), autant plusieurs AVA relèvent de topographies tourmentées avec des vignes qui partent à l’assaut des pentes des petits massifs et des plateaux encadrants : Snipes Mountain, Rattelsnake Hills et Horse Heaven Hills.

Parmi les acteurs qui ont contribué au développement du vignoble dans ce nord-ouest des Etats-Unis, il convient d’insister sur le rôle des Français. C’est un Alsacien, Charles Schanno qui, en 1869, a planté les premiers plants de vignes dans la région. Aujourd’hui, nombre d’œnologues français ont contribué à l’amélioration de la qualité des vignobles locaux et notamment le très médiatique Michel Rolland, associé à plusieurs wineries de la région.

Diversifications vers le houblon et le cidre de pommes

Dans le cadre des processus de diversification productive, la vallée de Yakima se singularise par ailleurs au travers de deux productions très typiques et plus confidentielles. Cette région recense près de 80 % du houblon cultivé aux Etats-Unis. L’activité de brasserie s’articule autour de quelques unités industrielles d’abord situées à Seattle et dans l’Oregon ; mais, aussi, autour de brasseries artisanales qui pratiquent la vente directe et qui contribuent au façonnement d’une agriculture plus polyfonctionnelle. Quant à la production elle-même, elle est notamment encadrée par une puissante coopérative dont le siège est à Yakima : la Yakima Chief Hops. En 2020, elle collecte 18.000 tonnes de houblon, issues de la récolte de 52 producteurs sur 8.300 hectares de houblonnières irriguées à 99 % et joue un rôle décisif dans l’amélioration variétale du houblon cultivé – 50 variétés différentes.

Par ailleurs, le développement des vergers de pommiers a permis l’essor de la production, essentiellement artisanale, de cidre, souvent vendue en circuit court et parfois labellisée « bio ». D’ailleurs, dans le secteur de la production des fruits et des légumes, plus de 90 exploitations travaillent dans la vallée de la Yakima selon les standards de l’agriculture biologique. Preuve supplémentaire que le Bassin du fleuve Columbia est une des régions agricoles les plus foisonnantes à l’échelle du pays tout entier.

 


Yakima Valley

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 4 : Le bassin de la Columbia : un front pionnier agricole toujours actif

Nouveaux fronts pionniers aux marges : le barrage des Rapides de Priest

Étudier les périmètres agricoles du bassin du fleuve Columbia permet d’insister sur leurs profondes mutations productives et spatiales. Et la première d’entre elles consiste dans la dynamique d’expansion des parcellaires. Ce que confirme pleinement l’espace agricole à l’est de la petite ville d’Aire Desert, au nord des Tri-Cities. Marqué par un volontarisme économique toujours prégnant, il témoigne d'une agriculture américaine conquérante, en quête de nouveaux périmètres de culture et en recherche de nouveaux terroirs à valoriser.

Une constante demeure : le rapport étroit entre agriculture et irrigation. Creusement de puits, pompages dans les organismes hydrographiques, aménagement de lacs réservoirs sont indispensables dans une région dans lesquelles les précipitations annuelles sont inférieures à 200 mm, avec 180 mm à Aire Desert. En 1959, le début des travaux de construction du barrage-poids des Rapides de Priest ouvre aux zones riveraines des perspectives majeures d’irrigation, pleinement exploitées aujourd’hui.

La recherche de nouvelles orientations : les vergers de pommes d’Auvil Fruit

Les logiques productives évoluent, entre spécialisation et diversification. Au-delà du classique duopole grandes cultures céréalières/ élevage intensif, des orientations productives très spécifiques complexifient les systèmes agricoles locaux. C’est le cas de l’arboriculture irriguée, avec notamment la pomiculture. Un verger majeur, d’un seul tenant, apparaît clairement le long du fleuve Columbia, en rive droite.

Il se distingue par son homogénéité monoculturale, sa mise à l’abri derrière des haies brise-vents, son extrême rationalisation avec un parcellaire géométrique, l’utilisation de filets d’ombrage assurant la protection contre la grêle, le vent ou la pluie, un pompage en eau avec des prises directes sur le fleuve, une organisation de la production autour d’une grande exploitation qui assure également les fonctions de collecte, tri et commercialisation des fruits.

Auvil Fruit et sa marque Gee Whiz exploitent plus de 600 hectares dans la région, répartis en six grands vergers. Celui sur la rive gauche du fleuve est exclusivement réservé à la culture des pommes, avec un large panel de variétés : granny smith, gala, fuji, cripps pink, honeycrisp.

L’essor de la vigne comme nouvelle spéculation agricole : l’AVA Wahluke Slope

Mais c’est d’abord le vignoble qui est en pleine expansion. L'irrigation permet de passer outre la rudesse des conditions pluviométriques. Le recours au goutte-à-goutte permet un apport d'eau optimal en fonction des besoins de la vigne. L'ampleur des parcelles, le caractère hypergéométrique des tracés démontre que le développement de la vigne s’inscrit dans une approche strictement rationalisée de l’espace, portée par des grandes exploitations. Sur les pourtours de l’espace agricole, des périmètres de mise en valeur agricole apparaissent : tracé des chemins d’exploitation, stratégie de bonification des sols, construction des systèmes d’irrigation sont un préalable à la mise en culture. Ces parcelles s’avancent dans l’espace au-delà des aires agricoles déjà productives.

Les mutations paysagères ne se résument pas du reste à la seule dynamique de mise en production de nouveaux espaces. Visiblement, certains périmètres changent de fonction : la vigne s’impose et grigotte certains espaces dévolus auparavant aux grandes cultures. Les paysages présentent des juxtapositions entre parcelles rectangulaires de vignes et champs circulaires avec pivot d’arrosage. Du reste, les parcellaires ne forment pas un ensemble cohérent et homogène : des espaces interstitiels, en attente de mise en culture, apparaissent sur l’image satellitale.

Cet espace agricole en cours de consolidation productive est l’objet de récentes reconnaissances officielles : en 2006, le vignoble profite d’une nouvelle AVA. Définie en 2006, l’AVA Wahluke Slope compte plus de 2 000 hectares de vignes et correspond à une aire viticole délimitée par la vallée du fleuve Columbia, la zone montueuse des Saddle Mountains au nord et le Hanford Reach National Monument au sud. Ce vignoble est caractérisé par les mêmes cépages dominants dans la région (cabernet, merlot, syrah, riesling) mais aussi par des cépages plus confidentiels (chenin blanc). Toutefois, l’AVA repose d’abord sur les spécifiques climatiques, édaphiques et topographiques de la zone de culture.

Le terroir correspond à un large glacis, essentiellement exposé plein sud avec des variations d’altitude comprises entre 130 et 450 mètres. Les sols sont essentiellement d’origine détritiques : ce sont des limons éoliens sableux de type périglaciaire. La filière viti-vinicole est localement pilotée par quelques grands domaines – dont Saddle Mountain Vineyard, avec ses 105 hectares de sa winerie Stone Tree, qui contribue à étendre le vignoble vers le nord c’est-à-dire des terrains plus pentus – implantées in situ et qui portent le dynamisme de ce vignoble en pleine croissance.


 


Columbia

 

 


Repères géographiques

 

 

D’autres ressources

Sur le site Géoimage du CNES : les dynamiques de l’agriculture étasunienne

Laurent Carroué : Kansas : Garden City, l’usine à viande des Hautes Plaines arides confrontée à la surexploitation des ressources hydrauliques
/etats-unis-kansas-garden-city-lusine-viande-des-hautes-plaines-arides-confrontee-la-surexploitation

Laurent Carroué : Nebraska. Lexington et la vallée de la Platte River : agriculture irriguée des Hautes Plaines et gestion de la crise de la ressource hydrique
/geoimage/etats-unis-nebraska-lexington-et-la-vallee-de-la-platte-river-agriculture-irriguee-des

Bibliographie et sites

Gérard Dorel : États-Unis, in États-Unis, Canada, Géographie universelle, Reclus/Hachette, tome 4, Paris, 1992.

Gérard Dorel, « Une nouvelle ‘frontière’ agricole : la mise en valeur du bassin méridional de la Columbia (États-Unis) », L'Espace géographique, avril 1976, ID : 10.3406/spgeo.1976.1603

Stéphane Dubois, « USA : le food power toujours puissant ? », Espace Prépas, 2017, Food-power américain - Studyrama Grandes Ecoles

Les wineries de la Yakina Valley :
https://www.visityakima.com/yakima-valley-wineries.asp


Contributeur

Stéphane Dubois, Professeur de chaire supérieure au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand