Côte d’Ivoire - Abidjan : l’affirmation d’une métropole d’Afrique de l’Ouest

Abidjan, ancienne capitale de Côte d’Ivoire, se situe dans le Golfe de Guinée à l’est de la lagune Ebrié. Née de la colonisation et du « miracle ivoirien » (1960 – 1970), elle s’affirme comme une métropole en Afrique de l’Ouest. Depuis la fin de la crise ivoirienne (2002 – 2011), elle est emblématique d’une « métropolisation à l’africaine » où coexistent de puissantes dynamiques et des dysfonctionnements qui se renforcent : inégalités, conflits, saturations, pollutions …

 

Légende de l’image

 

Cette image de la ville d'Abidjan, sur littoral Atlantique de la Côte d'Ivoire, a été prise par un satellite Pleaides le 25 janvier 2022.
Il s’agit d’une image en couleur naturelle, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. En savoir plus

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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Abidjan. Une métropolisation « à l’africaine »

Grand Bassam, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Abidjan, à l’extrémité de la lagune, est le lieu de la première installation française sur cette « côte de l’ivoire » au XVIIème siècle. Progressivement dans les années 1840, les Français font de Bingerville, plus salubre, le siège de l’administration coloniale mais ce choix, à l’intérieur de la lagune, limite les possibilités portuaires. En effet, la Côte d’Ivoire, érigée en colonie en 1893, doit disposer d’un port, terminus de la ligne de chemin de fer Abidjan - Niger construite entre 1903 et 1912. Reliant la Haute-Volta (Ouagadougou) à l’océan Atlantique, elle s’inscrit dans la mise en valeur coloniale. Abidjan, créée entre 1931 et 1933, devient ce port. La ville réunit alors les quartiers du Plateau, de Treichville et d’Adjamé.

Le centre de la ville renouvelé par la métropolisation

La mise en valeur coloniale poursuivie après l’indépendance en 1960 durant le « miracle ivoirien » fonde les premiers espaces de la métropole abidjanaise.

Le port et l’aéroport : deux interfaces avec le monde

Le port. L’image satellite montre l’ampleur de l’emprise spatiale de la zone industrialo-portuaire d’Abidjan. Construit en face du Plateau à Treichville à proximité de la gare de marchandises, le premier port déploie ses quais en forme de L. L’ouverture du canal de Vridy en 1952, reliant la lagune à l’océan Atlantique, permet la création d’un port en eaux profondes. Depuis Vridy à l’extrémité sud jusqu’à Treichville, s’étale le premier port d’Afrique de l’Ouest. L’industrie ivoirienne (raffinage de pétrole, centrale thermique, cimenterie …) s’est implantée dans ce corridor particulièrement au sud. Dans le prolongement du premier port, d’autres quais ont été aménagé : un port de pêche (premier port thonier d’Afrique) puis un terminal dédié aux conteneurs. Un second terminal est en construction, de part et d’autre de la zone industrielle de Treichville, associé à de puissantes infrastructures logistiques.

Le port, traitant 30 millions de tonnes de marchandises et environ 800 000 conteneurs en 2021, est un établissement public mais les intérêts privés, notamment le groupe Bolloré, sont très présents. Son développement s’appuie sur son hinterland vers l’Afrique soudano-sahélienne mais aussi sur l’objectif de devenir un hub de redistribution vers d’autres ports dans le golfe de Guinée (Lagos, Lomé, Tema …). C’est ce qui explique le doublement de la capacité pour les conteneurs.

L’aéroport. Un second espace, au sud-ouest de l’image satellite, illustre l’héritage colonial, l’ouverture sur le monde et la fonction métropolitaine. Le quartier de Port Bouët, situé dans le prolongement de Vridy le long de l’océan, héberge l’aéroport international. Construit durant le « miracle ivoirien » dans les années 1970, à l’origine en périphérie de l’espace urbanisé, l’aéroport Félix Houphouët Boigny – FHB -, s’étend de l’océan à la lagune. Recevant plus de 2 millions de passagers en 2021, il a été profondément affecté par la crise ivoirienne.

Il est connecté au reste de la ville par deux voies majeures : l’autoroute A 100 au sud et le boulevard de l’aéroport ; les deux étant séparés par un vaste espace clos. C’est la base militaire de Port Bouët, forte de 950 hommes, essentiellement armée par le 43ème Bataillon d’Infanterie de Marine (BIMA). Née des accords de défense et de coopération entre la France et son ancienne colonie dans les années 1960, renouvelés en 2012, elle reste une pièce majeure du dispositif stratégique français dans son ancien pré-carré. Elle permet à la fois le contrôle et l’emploi de l’aéroport (notamment lors de la crise ivoirienne) et des liaisons rapides vers le port (par exemple pour les opérations Serval et Barkhane).

Un centre, le Plateau, vitrine du « miracle ivoirien »

Née de la colonisation, entre 1931 et 1933, Abidjan est double à l’origine : au sud, Treichville est une ville « noire » alors qu’au nord le Plateau incarne la « ville blanche » des colons ; la lagune marquant la séparation. Le quartier du plateau forme une avancée dans la lagune entre les baies de Banco et de Cocody. Les colons le découpent dans un plan quadrillé autour du boulevard de la République. C’est le quartier du pouvoir politique, économique et culturel que l’Etat ivoirien renforce après l’indépendance en y concentrant la plupart des investissements. Deux boulevards à plusieurs voies le ceinturent et permettent de rejoindre le quartier d’Adjamé au nord et de traverser la lagune par deux ponts vers l’île du Petit Bassam au sud.

Surnommé le « Manhattan africain », le Plateau, dès les années 1970, se caractérise par sa « silhouette urbaine » symbole de la réussite du pays. En effet, le quartier est le siège du pouvoir politique (Palais présidentiel, Assemblée Nationale, Ministères, Ambassades), des institutions internationales mais surtout du pouvoir économique né de la rente végétale. De nombreux gratte-ciels, pour la plupart datant des années 1970 – 1980, hébergent les institutions financières, les grandes entreprises ivoiriennes et internationales. L’Etat a aussi bâti des bâtiments de prestige : la cathédrale Saint Paul au nord-est et le stade Felix Houphouët Boigny le long de la baie de Cocody. Cette centralité s’est maintenue et se renforce depuis le retour de la croissance après 2011 par un vaste plan de réhabilitation et d’investissements notamment dans la tour F.

La trame urbaine planifiée, autre héritage colonial

Aussi bien au Nord, entre le quartier du Plateau et l’autoroute, qu’au sud sur l’ensemble de l’île du Petit Bassam dans la lagune, le colonisateur a légué une trame parfaitement orthogonale. A Adjamé, au nord du Plateau, mais surtout au sud à Treichville, à Marcory, à Koumassi, les rues sont rectilignes. De grandes artères de circulation, le boulevard Abrogoua à Adjamé où se trouve la principale gare routière, les boulevards De Gaulle et Giscard d’Estaing à Treichville, Marcory et Port Bouët II séparent les fonctions urbaines entre l’habitat, les principaux marchés et les zones industrielles. Ainsi, comme le montre l’image satellite, l’île dans la lagune est divisée en deux, de part et d’autre des grands boulevards, entre les espaces de production (le port et les zones d’activités) et les espaces d’habitation.

Le colonisateur avait commencé à lotir avec des logements sociaux le quartier de Treichville. Les avenues, d’est en ouest, et les rues, du nord au sud, simplement numérotées, définissent des îlots d’habitation. De petits immeubles et des maisons à cour partagées sont construits pour accueillir des migrants. En effet, dès l’origine, la ville manque de main d’œuvre. Située dans une lagune peu peuplée, proche d’une forêt dense au peuplement très diffus, Abidjan se nourrit de migrants venant des colonies françaises : les ethnies Sénoufos, les Malinké, les Dioulas, les Mossis venant du nord du pays, du Mali et de l’actuel Burkina Faso peuplent la ville « coloniale ».

L’État ivoirien poursuit la même politique après l’indépendance : il cherche par un programme d’édification de logements et d’aménagements (marchés, hôpitaux, écoles …) à les accueillir mais la crise, à partir des années 1970, réduit drastiquement ses possibilités. A la fin du « miracle ivoirien », avec l’instauration des plans d’ajustement structurels, la métropole continue sa croissance sans l’Etat. L’informel, l’habitat précaire, les ségrégations … deviennent des objets communs à Abidjan.

L’affirmation d’une métropole « africaine »

Abidjan compte environ 180 000 habitants lors de l’indépendance en 1960. La population atteint le million en 1975 sur une surface de 3 700 hectares. Dans les limites du district autonome d’Abidjan, créé en 2001, la métropole compte aujourd’hui 6,3 millions d’habitants sur 374 000 hectares. Elle regroupe plus de 20 % de la population du pays et représente les deux tiers de son PIB.

L’émergence d’une classe moyenne

La métropole s’est considérablement étalée en poursuivant la dichotomie coloniale.

Cocody. Ainsi, à l’est du plateau, le long du boulevard de France, Cocody est originellement un quartier résidentiel aisé. Cette orientation s’est maintenue puisqu’entre l’autoroute du Nord, le boulevard François Mitterrand et la lagune se déploie un vaste quartier résidentiel, de presque un demi-million d’habitants où logent l’élite politico-administrative du pays, les expatriés et une classe moyenne naissante. L’image satellite présente, dans cette partie de la ville, un vaste ensemble d’habitats pavillonnaires, d’espaces verts associés à des constructions destinées aux classes sociales supérieures : le complexe hôtel Sofitel Ivoire au sud, l’Université Felix Houphouët Boigny à l’est proche des deux axes de communication majeure, le golf au sud-est … Cette ville « émergente » s’étale en direction de Bingerville à l’est vers l’extrémité de la lagune dans le quartier de Riviera et au nord, le long du boulevard des martyrs dans le quartier de Deux Plateaux.

Treichville et Marcory. L’affirmation de cette classe moyenne abidjanaise marque l’espace dans Cocody mais aussi dans Treichville et Marcory. En effet, les deux quartiers sont reliés depuis 2014 par le pont Henri Konan Bédié qui prolonge l’autoroute C2 et rejoint le boulevard Giscard d’Estaing. Dans les années 1970, les hypermarchés et les centres commerciaux étaient localisés dans le quartier du Plateau.

Depuis le retour de la croissance, ces espaces, témoignages de la mondialité et de la modernité, se sont déplacés à Cocody, à Riviera et surtout le long du boulevard Giscard d’Estaing notamment vers les deux échangeurs principaux. De vastes complexes, visibles sur l’image satellite, le long des axes de communication, reçoivent de nombreuses enseignes occidentales mais ils appartiennent le plus souvent à des capitaux ivoiriens et à la minorité syro-libanaise, autre héritage de la période coloniale. La communauté chinoise commence aussi à implanter des malls par exemple au nord de Yopougon.

L’agriculture urbaine et périurbaine, le vivrier marchand

La métropole s’est largement étalée, à partir de son centre originel depuis les années de crise (1970 – 1980), au nord dans les quartiers d’Abobo et d’Anyama, à l’ouest vers Yopougon et l’île Boulay et au sud-est vers Port Bouët. La croissance démographique, très soutenue encore aujourd’hui, impose de « nourrir » la ville alors que les possibilités d’importation de l’Etat ont longtemps été réduites.

Comme dans d’autres métropoles d’Afrique de l’Ouest, Abidjan devient une sorte de « desakota » où coexistent habitats diffus et agriculture urbaine et périurbaine. Le maraîchage, le vivrier marchand se sont d’abord implantés dans les interstices de l’urbain (les berges lagunaires, les « bas-fonds », les espaces non constructibles) notamment au sud de Yopougon, sur l’île Boulay, au nord de Port-Bouët.

Les espaces agricoles du vivrier marchand, loués ou occupés illégalement souvent par une main d’œuvre étrangère (venant du Mali et du Burkina-Faso) sont en concurrence d’une part avec l’Etat et d’autre part les promoteurs privés. En effet, l’Etat veut protéger des espaces naturels remarquables comme le parc naturel de la forêt de Banco au nord de l’image satellite, l’île Boulay ou l’île Désiré dans la lagune au nord de l’aéroport. Les promoteurs, face à la croissance démographique (encore 3 % par an), veulent lotir (sans forcément viabiliser) le plus d’espaces dans le district autonome d’Abidjan. Les conflits d’usage sont multiples et souvent teintés d’ethnicités ; ils participent néanmoins à la poursuite de l’étalement urbain vers Bingerville à l’est, Anyama au nord et Songon à l’Ouest, nouveaux espaces de l’agriculture périurbaine.

L’identité abidjanaise, « une mondialisation par le bas »

Les quartiers de Yopougon (1,1 millions d’habitants) dont la partie orientale est visible sur l’image satellite en face du Plateau et celui de Port Bouët, au sud-est au-delà de l’aéroport sont emblématiques de la métropolisation d’Abidjan. Ils sont nés de la volonté de l’Etat d’urbaniser et de viabiliser des quartiers anciennement occupés dans les périphéries. Mal reliés au centre (par l’autoroute A 100 pour Port Bouët et l’autoroute du nord pour Yopougon), séparés par l’aéroport et la baie de Banco, ils ont d’abord reçu des logements publics (petits immeubles) avant que s’y développent des quartiers d’habitats précaires, sans réelles planification ni viabilisation, où viennent s’installer des ivoiriens venant du nord et des populations issus de l’Afrique de l’Ouest francophone. L’emploi est majoritairement voire exclusivement informel.

Abidjan est de moins en moins francophone. Yopougon comme Adjamé ou Treichville sont emblématiques d’une ville cosmopolite africaine marquée par une forte hétérogénéité ethnique et linguistique mais dont le mélange rapide donne naissance à une culture abidjanaise et une identité revendiquée. C’est une voie de la mondialité et de la métropolité : le maquis, petit commerce illégal, le Nouchi, langue des petits délinquants mélangeant français et idiomes vernaculaires, la « rue princesse », quartier festif à Yopougon aujourd’hui fermé … sont autant d’incarnations culturelles de la métropole qui se diffuse en Afrique de l’Ouest et en France. La bande dessinée et le film Aya de Yopougon, succès en Afrique comme en France, témoignent de cette vitalité culturelle.

Dynamiques et renforcement des déséquilibres

La poursuite de l’étalement urbain

La poursuite de la croissance démographique soutenue et la crise de l’Etat expliquent la place de l’habitat précaire dans la métropole, particulièrement dans ses périphéries. Selon l’ONU, Abidjan compte 137 quartiers d’habitats précaires – bidonvilles – regroupant 20 % de la population. Ils sont en partie visibles sur l’image satellite au nord d’Adjamé proche de la forêt de Banco, à l’est de l’aéroport international de Port Bouët, sur la presqu’île en face de la zone industrielle de Koumassi et le long de l’autoroute A 100 en direction de Grand Bassam.

Adjamé et Yopougon, deux vastes quartiers populaires, incarnent ce mode d’habiter. Il est né du manque de logements (sans doute un demi-million pour la métropole) et du droit coutumier sur la terre. Locataires ou installés illégalement, les habitants construisent de l’habitat en dur mais sur des terrains non viabilisés et ne disposant pas des équipements de base. La trame urbaine, par exemple à Yopougon, associe des logements sociaux, des rues orthogonales aménagées et des espaces en apparence moins organisés où la terre rouge, la latérite, est visible. Les quartiers précaires sont marqués par l’informel : le ramassage des ordures, l’assainissement, le petit commerce, la petite restauration (les maquis), les transports (taxis collectifs – les woro-woro – les minibus – gbakas) forment la cohorte des petits emplois urbains.

Le néolibéralisme a voulu les présenter comme un support du développement, ils sont plutôt le reflet des dysfonctionnements, des inégalités sociospatiales et des violences urbaines. Le quartier de Petit Bassam, le long du littoral, à proximité de la raffinerie de Vridy, est l’exemple d’un bidonville profitant d’un interstice urbain répulsif et interdit, ici en raison des risques et de la pollution. Ce quartier de Vridy canal incarne cette pauvreté urbaine persistante en concurrence avec l’extension du port ou des aménagements de loisirs profitant de la plage. Le renforcement des fonctions métropolitaines conduit au déplacement - déguerpissement des populations pauvres dans les lointaines périphéries.

Précarité, déguerpissement et exclusion

La métropolisation d’Abidjan ressemble à celle des autres métropoles d’Afrique : spécialisations fonctionnelles, croissance des inégalités sociospatiales, croissance des mobilités, étalement et difficile différenciation entre l’urbain et le rural. La fabrique de cette ville associe encore l’Etat mais dont l’élite politico-administrative est largement corrompue, les élites économiques qui recherchent la rente, les promoteurs qui répondent aux attentes des classes moyennes naissantes et l’immense secteur informel. La métropole est censée suivre des plans stratégiques mais en réalité plusieurs modèles de production de l’urbain se superposent et s’affrontent.

Des quartiers fermés – gated communities – se développent notamment autour de « Beverly Hills » au sud-est du quartier de Riviera pour l’élite ivoirienne. La croissance démographique amène à un urbanisme spéculatif au centre qui se traduit par une forte hausse des prix du foncier et des « déguerpissements ». Les acteurs publics, souvent corrompus, poussent à cette exclusion des populations précaires des espaces publics, des espaces naturels protégés, des principaux axes de communication. Ils utilisent les « petits délinquants » pour faire fuir les habitants des bidonvilles. Une fois l’espace évacué, acteurs privés et publics les réaménagent pour les besoins de la métropole « moderne » : malls, quartiers résidentiels, éco-enclave destinée aux loisirs, infrastructures de transport … La construction du pont entre Yopougon et le Plateau visible sur l’image satellite ou la construction de la ligne de métro entre Anyama au nord et l’aéroport international sont autant d'occasions de déguerpissement et d’aménagement de nouveaux quartiers adaptés à la métropole mondialisée.

Les déguerpissements, les plans d’aménagement urbains, la construction de nouvelles infrastructures renforcent et alimentent l’étalement urbain. Le vaste espace, situé en périphérie est de l’image satellite, dans le prolongement de Riviera, est en cours d’aménagement. Les anciennes populations sont repoussées vers Bingerville. L’Etat promeut une politique de construction de logements sociaux : 50 000 sont construits par an mais dans les quartiers les plus périphériques et ils restent souvent hors de portée des populations les plus pauvres.

L’enjeu des circulations

Les autorités ne parviennent pas à faire face à la puissance de l’urbanisation et de la métropolisation. L’étalement renforce l’enjeu des circulations et des mobilités.  Le site, atout à l’origine de la ville, est ici contrainte. L’espace lagunaire, vaste et très découpé, nécessite la construction d’infrastructures (des ponts, des canaux …) coûteuses pour permettre les circulations et l’assainissement. Abidjan a conservé le plan de circulation des années 1970 visible sur l’image satellite : l’autoroute A 100 venant de Grand Bassam et du Ghana traverse par de grands boulevards l’ile de Treichville – Marcory – Koumassi pour rejoindre le Plateau et au-delà d’Adjamé l’autoroute du Nord. Adjamé sert de nœud pour rejoindre l’A1 vers le nord (Agboville) et l’autoroute C2, la dernière construite qui avec le pont Henri Konan Bédié permet de rejoindre les grands boulevards. De vastes quartiers comme Yopougon ou Riviera ne sont pas équipés de voies de circulation adaptées à leurs populations.

Les dysfonctionnements urbains qui en résultent sont nombreux : saturation, pollution, dangerosité des routes (et forte mortalité), enclavement voulu ou subi … Les besoins de mobilités sont considérables et ils sont surtout, dans Abidjan et en dehors, l’apanage de l’informel et des taxis brousse. Les autorités nationales comme urbaines renforcent l’offre routière en multipliant les grands boulevards à plusieurs voies, les projets de ponts (pont du Banco, pont de Cocody), les gares routières et les transports collectifs. La future ligne de métro, construite par des intérêts français, débutée en 2018, entre Anyama et l’aéroport international, empreinte le réseau ferré existant et doit desservir 18 nouvelles gares. Une seconde ligne entre Yopougon et Bingerville est projetée à l'horizon 2025. Ce double projet renforce la centralité du Plateau et conduit à de nombreux déguerpissements : la construction des infrastructures permet de « vider des quartiers » pour le remplacer par des logements pour les classes moyennes.

    
Abidjan, à la faveur de la croissance depuis 2011 (plus de 7 % par an en moyenne) devient une conurbation multipolarisée, marquée par les inégalités et l’exclusion dans un desakota à l’africaine. Des nappes de peuplement diffus sont en rapide transformation par des « mondialisations discrètes ». La métropolisation à l’africaine où se croisent toutes les échelles et de multiples acteurs s’incarne dans l’agriculture périurbaine, l’étalement, l’émergence d’une classe moyenne, la fermeture et les multiples inégalités.


 

Zooms d’étude

 

 

 

L'image ci-contre présente les zooms d'études de cette partie.

 

 

Zoom 1. L’agrandissement du port d’Abidjan

Le port : une importance majeure dans l’économie nationale

L’image satellite, centrée sur le quartier de Treichville, permet d’apprécier les différentes phases de la construction du complexe portuaire de la métropole.

Au nord, à proximité de la gare de marchandises, terminus de la ligne de chemin de fer Abidjan -Niger, le premier port. Séparé de la ville par le boulevard Giscard d’Estaing, il associe des entrepôts le long des quais, une zone d’activités ainsi qu’un complexe sportif. Aménagé dans les années 1950, à la suite du creusement du canal de Vridy, reliant la lagune à l’océan, le port exporte les productions de la rente végétale : cacao, café, fruits et huile de palme venant du sud du pays, coton et canne à sucre venant du nord ou du Mali.

Aujourd’hui concurrencé notamment par le port de San Pédro à l’ouest du pays, cette partie est progressivement transformée en terminal céréalier comme le montre les silos sur l’image. La Côte d’Ivoire, grande exportatrice agricole, est pourtant dépendante de ses importations notamment de riz asiatique pour nourrir sa population en forte croissance.

Le port, d’une superficie de 37 hectares, est géré par l’État ivoirien dans le cadre du Port Autonome d’Abidjan (PAA). Celui-ci, pour faire de la ville un hub portuaire et logistique pour l’Afrique de l’ouest, s’associe à de puissantes multinationales notamment le groupe français Bolloré ou MSC. L’emprise spatiale du port, son orientation vers une fonction de hub régional s’inscrivent dans l’affirmation d’une métropole d’Afrique de l’Ouest.

Le rôle de la pêche : 1er port thonier d’Afrique

Une seconde partie, visible par de nombreuses petites embarcations, est dévolue à la pêche et notamment celle du thon. Abidjan est le premier port thonier d’Afrique et le second au monde. Dans le prolongement des quais et de la criée, un vaste ensemble d’entrepôts, d’industries de transformation et de réparation navale, fait de la ville le sixième producteur mondial de conserves de thon.

Diversification fonctionnelle et port à conteneurs

Au sud, de part et d’autre du boulevard de Vidry, d’autres installations portuaires se succèdent. La majeure partie reste encore dépendante d’une économie de rente et des besoins du marché ivoirien. La présence de grandes multinationales de l’agro-industrie comme Unilever en témoigne. Pourtant, le port commence à diversifier ses fonctions. L’élargissement récent du canal de Vridy, voulu dans le cadre des grands travaux lancés par le gouvernement après 2011, lui permet de s’orienter vers les conteneurs.

Un premier terminal était déjà opérationnel au sud avec quatre portiques (pour une capacité d’environ 1,2 millions d’EVP), un second est en cours d’aménagement, après la construction d’un vaste remblai aujourd’hui achevé. Pouvant accueillir des porte-conteneurs de 16 mètres de tirant d’eau, cette nouvelle installation doit permettre de traiter 3 millions d’EVP par an et d’en stocker 1,5 millions.

L’image montre qu’un second espace est en cours d’aménagement à l’autre extrémité de l’île. C’est un autre espace de stockage et un terminal roulier qui doit renforcer l’offre logistique. Cela suppose de stabiliser les remblais au sud, des deux côtés du canal. Le quartier d’habitat précaire, visible au nord-est de Vridy, va être déguerpi pour permettre l’agrandissement du port.

 


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Zoom 2. Le quartier du Plateau, le renouveau d’un centre

Le centre de la métropole abidjanaise

Le quartier du Plateau domine par sa silhouette l’ensemble de la lagune. Peuplé de moins de 10 000 habitants, il est le centre de la métropole abidjanaise. Il est relié à Treichville par deux ponts : le pont Felix Houphouët Boigny, ancien président - fondateur du pays à l’ouest et le pont De Gaulle à l’est.

Connectés à deux grands boulevards périphériques, les axes routiers contournent le quartier et permettent de rejoindre Adjamé au nord et les autoroutes. Le quartier conserve son plan colonial quadrillé autour de trois boulevards majeurs qui s’étendent de la place de la République au sud jusqu’aux limites d’Adjamé au Nord.

Fonctions politiques et économiques ; réhabilitation et réaménagement

L’ouest du quartier est réservé aux fonctions politiques. L’image satellite laisse entrevoir le palais présidentiel au sud, le quartier des ministères et en allant vers le nord la gare et l'État- major des forces armées de Côte d’Ivoire (FACI). A l’inverse, l’ouest concentre les fonctions économiques. Le surnom de « Manhattan » africain vient des nombreux gratte-ciels, certains emblématiques et visibles sur l’image satellite, notamment le gratte-ciel de la BAD (Banque Africaine de Développement) au sud ou l’ensemble de tours au pied du stade Félix Houphouët Boigny … La plupart ont été construits entre 1976 et 1984, à la fin du « miracle ivoirien » dans un style international et fonctionnaliste.

L’Etat, à cette époque, a aussi investi dans des bâtiments de prestige servant à « fabriquer » une identité nationale et à conforter le pouvoir de l’ethnie dominante Baoulé. La cathédrale Saint Paul visible au nord de l’image, à proximité de l’Assemblée Nationale, revendique l’identité chrétienne du pays (et des ethnies du sud) alors que le stade au nom du Président favorise l’ivoirité autour de l’équipe nationale des éléphants. Le Plateau, c’est le quartier où l’Etat doit « fabriquer » le pays.

Le pouvoir actuel, celui d’Alassane Ouattara, bien que musulman et venant des ethnies du nord, renouvelle depuis 2011 les ambitions premières d’Houphouët Boigny. Le gouvernement a lancé un vaste plan de réhabilitation des anciens gratte-ciels en grande partie délabrés mais surtout il poursuit l’aménagement du quartier au nord. En effet, à la limite d’Adjamé, au-delà de la cathédrale, un vaste projet d’aménagement est visible sur l’image satellite. Un nouveau pont doit relier le quartier Cocody et la tour F, nouveau projet emblématique du pouvoir. C’est le plus grand gratte-ciel d’Afrique, 335 mètres de haut, qui est ici en construction. Le quartier du Plateau se dote de tous les attributs d’une métropole. Il montre sa puissance et renoue avec les « monuments iconiques ».

Adjamé :  l’éviction des populations les plus pauvres

Au nord de l’image, une autre ville apparaît au contact du Plateau, c’est Adjamé. Un quartier précaire est visible au nord-ouest entre l’autoroute et les berges de la lagune. Pas de plan, pas de route bitumée dans ce bidonville qui va être déguerpi pour permettre la construction du pont n°4 entre Yopougon et le Plateau.

Un second quartier populaire est visible aussi au nord : l’espace est ici quadrillé mais l’habitat est précaire. Le renouveau du quartier central du Plateau pousse à l’éviction des populations pauvres. Il est caractéristique des puissantes inégalités sociospatiales et des conflits d’une métropole en formation.

 


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Zoom 3. Port Bouët, périphérie en voie d’intégration

Le quartier de Port Bouët se situe au sud-est de la ville le long de l’océan Atlantique. Officiellement peuplé de 137 000 habitants, il est caractéristique de l’étalement de la métropole. Ancienne périphérie, relativement facile à aménager, le quartier a reçu deux équipements majeurs : l’aéroport international Felix Houphouët Boigny et la base militaire française.

L’aéroport : un nœud vital

Il est progressivement construit à partir des années 1970 à une vingtaine de kilomètres du quartier du Plateau en occupant du sud vers le nord l’espace entre l’océan atlantique et la lagune. Les équipements aéroportuaires sont implantés au sud le long des pistes à proximité de la base militaire française. Parfaitement visible sur l’image, ils associent des hôtels, des entrepôts logistiques, une zone d’activités … qui s’implantent le long du boulevard de l’aéroport qui le relie à l’autoroute et au centre de la métropole. Recevant plus de deux millions de passagers, l’aéroport continue de se développer notamment avec un parc des expositions en face de la base militaire ou la future ligne de métro dont il sera le terminus.

La base militaire française

L’autre élément structurant, c’est la base militaire française. Présente depuis les accords de coopération des années 1960, elle devient le siège des FFCI (Forces Françaises de Côte d’Ivoire), l’une des deux bases opérationnelles avancées en Afrique de l’Ouest. Vaste espace ceinturé de murs épais, la base héberge un Etat-Major, une composante air dont le tarmac est visible, un hôpital, des logements pour les 950 militaires essentiellement du 43ème BIMA (Bataillon d’Infanterie de Marine). Elle dispose aussi d’une emprise dans la zone aéroportuaire.

Héritage de la colonisation, elle a depuis marquée l’influence française sur le pays notamment lors de la crise ivoirienne (2002 – 2011) dans le cadre de l’opération Licorne ou lors des missions Serval et Barkhane au Mali et dans le Sahel. Sa situation, proche de l’aéroport, du port et du pouvoir, lui a permis de contrôler la ville et notamment les ponts lors des émeutes à Abidjan, y compris anti-françaises.  

Un espace emblématique des périphéries d’Abidjan

Le reste de l’espace est emblématique des périphéries d’Abidjan. Le premier Port Bouët à l’ouest, est un quartier populaire, quadrillé et aménagé, loti de petits immeubles ou de maisons à cour partagées. Les rues sont pour partie bitumées et les équipements collectifs ont été construits le long de l’autoroute. Le second, situé au nord de la base militaire, est dévolue en partie au maraîchage et à l’agriculture périurbaine. Le vert l’emporte et les champs sont visibles jusqu’aux berges de la lagune.

Cette activité est pourtant en concurrence avec les quartiers précaires visibles au nord de l’image mais aussi avec les aménagements en lien avec la présence de l’aéroport. Le troisième Port Bouët se développe au-delà des pistes. C’est un vaste bidonville, sans plan apparent, peu aménagé, en partie agricole. Ce n’est qu’une portion du « desakota » littoral qui s’étale de l’aéroport jusqu’à Grand Bassam mélangeant un urbanisme diffus, de l’agriculture périurbaine et quelques aménagements touristiques profitant de la plage. C’est un des espaces de relégation de la métropole.

 


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Zoom 4. Koumassi et Marcory, deux quartiers, deux évolutions

L’image présente ici deux autres quartiers d’Abidjan à l’est de Treichville : Marcory puis Koumassi. L’un et l’autre, datant des années 1970, ont été planifiés comme en témoignent le quadrillage des rues. Les deux évoluent pourtant différemment : Marcory s’affirme comme un nouveau centre de la métropole alors que Koumassi conserve de nombreux traits d’un quartier d’habitats précaires.

Marcory : un nouveau centre, le rôle de la communauté syro-libanaise

Situé sur l’île du Petit Bassam, Marcory conserve de nombreux traits du mal-développement mais trois caractéristiques commencent à le changer. Le Pont Henri Konan Bédié et la voie rapide qui le prolonge vers le sud en direction du boulevard Giscard d’Estaing relie Cocody et les principales voies de communication de la métropole. C’est le lieu d’implantations pour les activités commerciales de la communauté syro-libanaise.

Héritière de la colonisation, forte d’environ 50 000 personnes à Abidjan, c’est une puissante diaspora qui possède la moitié de l’industrie et 80 % de la distribution en Côte d’Ivoire. Représentant sans doute près de 10 % du PIB du pays, vivant en « circuit fermé », cette communauté se répartit entre Cocody pour les plus aisés et Marcory pour les classes moyennes et les activités de distribution.

Les « mille maquis », nouveau quartier festif de la capitale

L’image satellite montre aussi, de part et d’autre du boulevard Henri Konan Bédié, deux vastes ensembles d’entrepôts dont le bâti tranche avec le reste du quartier. Ce sont les « mille maquis », nouveau quartier festif de la capitale à proximité du grand marché de Marcory. Celui-ci a remplacé la « rue Princesse » de Yopougon après 2011 mais les autorités veulent le détruire pour le remplacer par un centre commercial. Diaspora syro-libanaise, quartier festif et centres commerciaux font d’une partie de Marcory un second centre.

Anoumabo et Koumassi

Le nord de l’image est occupé par une île, le quartier d’Anoumabo, à cheval sur Marcory et Koumassi. Suivant un plan orthogonal, il se rapproche plus des caractéristiques de Koumassi. L’image montre quelques habitats de maisons individuelles et de petits immeubles, témoignages des classes moyennes mais la plupart de l’espace est constitué de maisons à cour, emblématique d’Abidjan et de quartiers précaires surtout le long des berges et au nord-est par exemple « grand campement ».

Une maison à cour associe plusieurs familles, souvent d’une ethnie et/ou d’une région commune, qui partagent une cour autour de laquelle sont construits plusieurs logements d’un étage. Koumassi, peuplé d’environ 400 000 habitants, est en forte croissance démographique. Il concentre une population très jeune, souvent originaire d’Afrique de l’Ouest. Les derniers espaces verts ont disparu face à la crise du logement et au besoin d’espaces des activités. Ainsi, les berges dédiées à la pêche artisanale ou l’agriculture maraichère voient s’implanter entrepôts et usines notamment au sud-est de l’image.

 


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Zoom 5. Yopougon, quartier emblématique de la fabrique urbaine et de ses dysfonctionnements

Yopougon : une périphérie « dortoir » marquée par de profondes inégalités sociospatiales

Yopougon est l’une des 15 communes du district d’Abidjan. L’image satellite montre uniquement l’extrémité orientale de ce vaste quartier populaire de plus d’un million d’habitants. Séparé du Plateau par la baie de Banco, connecté par l’autoroute du Nord (non visible sur l’image), Yopougon est mal relié au reste de la métropole. C’est une périphérie « dortoir » marquée par de profondes inégalités sociospatiales.

Voulu par l’État pour organiser l’étalement urbain dans les années 1970, le quartier associe toutes les « formes » de la fabrique urbaine. Au sud, en face du port, est construite une base de la marine ivoirienne. Le long de la route bitumée K 78, dans le prolongement de la base, un resort de luxe est en construction ainsi qu’un quartier d’habitats collectifs pour des classes moyennes. Cet espace a été préalablement déguerpi pour permettre sa construction.

Au-delà, le long de voies non bitumées, s’étale un vaste quartier d’habitats précaires reconnaissable à ses toits en taule, à la forte densité d’un bâti peu élevé et à l’absence de viabilisation notamment pour les routes. C’est un bidonville proche du centre de la métropole et mal connecté. Au nord de l’image, sur les berges s’étend un port de pêche puis directement après, un espace (non visible sur l’image) où le pont n°4 est en construction afin de relier la route K 78 au boulevard de la paix, l’un des contournements du quartier du Plateau.

Dynamiques et mutations urbaines d’une métropole d’Afrique

Tout le reste de l’image montre la même désorganisation apparente. Le long de la route bitumée K 4, prolongeant du sud vers le nord la K 78, se déploient plusieurs types de construit urbain : des bidonvilles à la suite du quartier d’habitats collectifs, des bâtiments de culte (églises, mosquées et cimetières), des établissements scolaires, des commissariats – montrant que l’Etat n’est pas absent - des espaces plus planifiés dont on aperçoit le plan quadrillé mais dans lesquels de nombreux bâtiments demeurent inachevés, des usines, ici de l’agro-alimentaire, des entrepôts au nord, un vaste marché …

Yopougon est emblématique d’un quartier à l'urbanisation “anarchique” entre actions de l’Etat, des promoteurs, l’auto construction des nouveaux-habitants, l’occupation illégale. La proximité du centre de la métropole et les aménagements en construction, notamment les ponts, montrent que le quartier « s’embourgeoise » en recevant des classes moyennes, des « navetteurs ». Les déguerpissements sont fréquents pour permettre l’élargissement des voies de circulation et le lotissement par les promoteurs. Les nombreux glissements de terrain dans les « bas-fonds » où se trouvent des cultures maraîchères sont aussi l’occasion de chasser des populations pour en installer de nouvelles.

Dysfonctionnements et des inégalités sociospatiales

Le quartier est emblématique des dysfonctionnements et des inégalités sociospatiales d’Abidjan. Pourtant en situation péricentrale, il n’a jamais été réellement aménagé par l’Etat. C’est un des espaces de l’informel reconnu pour ses quartiers populaires - « Doukouré » au centre de l’image, « Locodjoro » au nord – pour ses maquis (petits commerces) – plus de 1 500 dans la commune – et pour ses espaces festifs (maquis et boite de nuit).

Yopougon, dans ce désordre apparent, est l’espace où s’affirme l’identité abidjanaise, comme dans la « rue princesse » longue de deux kilomètres, ancien haut lieu de la vie nocturne de la métropole, copiée dans toute l’Afrique de l’Ouest. Née durant les années 1990, centre de mouvements culturels et musicaux (le zouglou, le coupé-décalé …), elle est détruite en 2011 par les autorités. Comme tout le nord de Yopougon, proche de l’autoroute, elle s’insère dans le quartier « millionnaire » pour les classes moyennes. Ailleurs, c’est la vulnérabilité qui prédomine pour les populations, pour les transports, l’emploi, le logement …

 


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Zoom 6. Cocody et Riviera, la ville « rêvée »

Le zoom présente une partie des quartiers de Cocody, à l’Ouest, et de Riviera, à l’Est. A partir de la route C2, vaste artère à plusieurs voies à l'extrémité est de l'image prolongée par le pont Henri-Konan-Bédié vers Marcory - Koumassi, plusieurs espaces pavillonnaires, périphéries aisées de la métropole, se déploient le long d’axes de communication qui convergent vers le centre : les boulevards de France et François Mitterrand.

Les périphéries aisées de la métropole

Plusieurs aménagements sont aisément identifiables sur le zoom : le golf au sud proche de la lagune, les quartiers Riviera 1 et 2 le long de l’artère C2 où coexistent des villas au sud, des centres commerciaux, des habitats pour les classes moyennes au nord et de l’habitat collectif dans le quartier du BRONXX. D’autres espaces reproduisent la même organisation comme Riviera 4 ou Cité verdoyante le long de l’autre axe nord - sud, la route E46.

Le quartier est bien connecté et aménagé, par rapport à d’autres territoires d'Abidjan, d’autant plus qu’un grand projet, en lien avec des entreprises chinoises et marocaines, prévoit la construction du pont n°5 vers le quartier du Plateau, la construction d’un vaste échangeur routier et l’assainissement du bassin de la rivière Gourou et du fleuve Comoé à l’est de la lagune (en direction de Grand Bassam).

Quartiers précaires, front d’urbanisation et « embourgeoisement »

D’autres espaces présentent des paysages totalement différents sur l’image satellite par exemple au sud à proximité de la lagune (les quartiers de M’Pouto, Eden, M’Badon) ou à l’ouest de Riviera 2 (le quartier d’Anono). Il s’agit de quartiers précaires d’habitats en dur, pour certains planifiés mais qui ne disposent pas de routes bitumées. Le sud de l’image est exemplaire des mutations à l'œuvre : au-delà des terrains de golf des résidences sont en construction dans le quartier de “Sol Beni” directement au contact de petites maisons individuelles anciennement aménagées et d’un espace d’habitats précaires le long des berges.

Le front d’urbanisation ou d’”embourgeoisement” est ici visible. La métropole émergente conquiert le littoral par le déplacement des populations anciennes. Les principales artères de communication sont autant de barrières, de frontières qui renforcent l’entre soi et l’enclavement voulu d’une population qui s’enrichit rapidement. Progressivement Cocody et Riviera s'uniformisent et s’étalent par la conquête des deux baies en face de l'île Désiré. Les déguerpissements sont ici presque achevés ; les populations précaires étant déplacées vers Bingerville à l’est.

 


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Images complémentaires

 

 

 

Image Pleiades du cordon littoral et de l‘entrée de la lagune

 

 

Le district autonome de la grande région d’Abidjan

 

 

Les images ci-dessu ont été prises par le satellite Sentinel-2B le 9 avril 2022. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2022, tous droits réservés.

L’agglomération d’Abidjan

 

 

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Références ou compléments

- S. Jaglin, S. Didier et A. Dubresson, métropolisations en Afrique subsaharienne : au menu ou à la carte ? revue Métropoles, hors-série 2018.
Vers l’article en ligne : https://doi.org/10.4000/metropoles.6065

- C. Koffi – Bikpo, A. Amman, Impacts de l’urbanisation du district d’Abidjan sur le maraîchage périurbain, Dalogéo, revue spécialisée en géographie, Université Jean Lorougnon Guédé, 2021.
Vers l’article en ligne : https://www.revuegeo-univdaloa.net/sites/default/files/2022-01/AMAN%20et%20al.pdf

- K.D. Brenoum, les mutations de la grande distribution à Abidjan, métropole ivoirienne, revue canadienne de géographie tropicale, 2020.
Vers l’article en ligne : https://www3.laurentian.ca/rcgt-cjtg/volume1-issue1/5064/?lang=en#:~:text=La%20grande%20distribution%20conna%C3%AEt%2C%20%C3%A0,centre%2Dville%20vers%20la%20p%C3%A9riph%C3%A9rie.

- M. Traore, Mobilité, congestion et vulnérabilité territoriale dans la commune de Yopougon, Dalogéo, revue spécialisée en géographie, Université Jean Lorougnon Guédé, 2020
Vers l’article en ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02919601/document

R. Kouadio – Oura, extension urbaine et protection naturelle : la difficile expérience d’Abidjan, Vertigo, la revue électronique en sciences de l’environnement, volume 12, numéro 2, septembre 2012.
Vers l’article en ligne : https://journals.openedition.org/vertigo/12966

B. Akissi, J. Kouadio N’Guessan, Abidjan, une métropole de plus en plus francophone ?, Agence universitaire de la francophonie, 2021.
Vers l’article en ligne : https://hal-auf.archives-ouvertes.fr/hal-03338437/document

K. Sénaliou, la difficile gestion de la macrocéphalie d’Abidjan, Institut de géographie tropicale, Université Felix Houphouët Boigny, revue acaref, 2018
Vers l’article en ligne : https://revues.acaref.net/wp-content/uploads/sites/3/2020/07/KAMAGATE-Sanaliou-mise-%C3%A0-jour.pdf

Extraits vidéos à utiliser en classe :
- Abidjan, villes de riches – le monde Afrique – 2019
- Le Métro d’Abidjan, Bouygues construction, 2019

Contributeur

Jean-François ARNAL, IA-IPR d’histoire-géographie, Académie de Normandie (Caen)