Au cœur du désert chilien d'Atacama, à une altitude moyenne de 3 200 mètres où les conditions climatiques sont extrêmes, se trouve la plus grande mine de cuivre du monde : « La Escondida ». Le site - exploité depuis seulement 1991 du fait de sa découverte tardive par des acteurs privés – dont le géant minier anglo-australien BHP - est aujourd’hui un gigantesque complexe de mines à ciel ouvert qui produit chaque année plus de 1 million de tonnes de cuivre, ce qui représente près de 25 % de la production chilienne et 5 % de l’offre mondiale de métal rouge ! Mais cette contribution exceptionnelle, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle mondiale, s’accompagne localement de lourdes externalités environnementales que le gouvernement s’efforce aujourd’hui de mieux contrôler.
Légende de l’image
Cette image de la mine d'Escondida, mine à ciel ouvert de cuivre, se trouve dans le désert d'Atacama au Chili, à presque 160 kilomètres au sud-est d'Antofagasta. Elle a été prise par le satellite Sentinel-2B le 29 mai 2019.
Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
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Repères géographiques
Présentation de l’image globale
1. La Escondida : Une marge désertique valorisée par l’exploitation des ressources minières
Des richesses minières colossales dans une marge désertique
L’espace dévoilé par l’image présente un paysage minéral, aux teintes ocres et aux reliefs ravinés, typique du désert d’Atacama qui se déploie dans le grand nord chilien. Cette marge inhospitalière dissimule d’immenses ressources minières ayant successivement animé plusieurs cycles économiques : le sel et le soufre, exploités artisanalement dès la période inca au XVe siècle; le salpêtre au XIXe siècle, essentiel à la production d’engrais et d’explosifs; le cuivre, depuis le tournant du XXe siècle ; enfin, le lithium, que l’on trouve dans les salars, et qui pourrait s’imposer au XXIe siècle, à la faveur de la transition énergétique, comme le nouvel « or blanc » du pays.
Ces confins désertiques, conquis par le Chili au détriment du Pérou et de la Bolivie lors de la guerre du Pacifique (1879-1884), devinrent progressivement stratégiques, alors que le pays entendait financer son développement grâce à la rente issue des exportations de cuivre. Le sous-sol de l’Atacama abrite encore aujourd’hui les plus grandes réserves prouvées du métal rouge (190 millions de tonnes soit 22 % du total mondial en 2022), lesquelles permettent au Chili de défendre son rang de premier producteur avec 5,3 millions de tonnes en 2022, soit près de 23 % de la production mondiale. Bien que l’économie nationale connaisse une relative diversification, le métal rouge assure encore 10 % du PIB et représente 45 % de la valeur des exportations du pays, il apparaît donc toujours, selon la formule consacrée, comme « el sueldo de Chile » (le salaire du Chili).
Une ressource nationale stratégique dont la valorisation est devenue un enjeu politique
Cette dépendance aux exportations de cuivre se double, comme souvent dans les économies rentières, d’une dépendance aux capitaux et aux technologies étrangères nécessaires pour désenclaver des gisements difficiles d’accès. Au début du XXe siècle, les firmes américaines contribuèrent à lancer l’exploitation cuprifère dans l’Atacama afin de soutenir l’industrialisation des Etats-Unis, mais le Chili réaffirma progressivement son contrôle sur cette ressource et le président socialiste Salvador Allende (1970-1973) acheva la « chilénisation du cuivre » en 1971.
Sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990), qui imposa au pays un virage néo-libéral brutal, l’État resta propriétaire du sous-sol mais les droits d’exploitation furent libéralisés par la Constitution de 1980 et le pays fit à nouveau appel aux investisseurs étrangers. C’est dans ce contexte bien particulier que fut découvert La Escondida.
La quête de la mine cachée (« la mina Escondida »)
Sur l’image, on repère quelques sommets qui rappellent que l’Atacama est un désert d’altitude où les conditions climatiques sont extrêmes. Le site de La Escondida se trouve ainsi à 3 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, logé dans une dépression tectonique entre la pré-cordillère, également appelée chaîne de Domeyko, à l’est et les Andes à l’ouest. Le Chili est en effet situé sur une zone de subduction majeure - la plaque tectonique Nazca plongeant sous la plaque sud-américaine - qui explique l’orogenèse andine, le volcanisme, la forte sismicité du pays mais aussi sa richesse minière.
Le jeu des failles géologiques a favorisé la remontée de la roche magmatique où le cuivre se trouve à l’état natif, formant d’importants gisements. Ainsi bien souvent, les mines sont alignées car les forages se font à partir d’un site d’extraction connu, en suivant les lignes de faille. Mais alors que le cuivre de l’Atacama est exploité depuis le tout début du XXe siècle (1904 pour El Teniente, 1915 pour Chuquicamata), le site révélé par l’image est longtemps resté un mystère, ainsi que son nom l’indique : « la mina Escondida » en espagnol signifiant « la mine cachée ». Les géologues estimaient probable la présence du métal rouge mais les forages ne donnaient rien car, dans cet espace, le système de failles oblique et une épaisse couche de dépôts sédimentaires stériles masquait le gisement de cuivre.
A la fin des années 1970, alors que le gisement restait introuvable, des entreprises américaines (Utah International et Getty Oil) profitèrent de l’ouverture du Chili aux investisseurs étrangers pour tenter l’aventure et créèrent une joint-venture (Minera Utah de Chile) dédiée à la quête de La Escondida. Les campagnes de prospection démarrèrent en 1978, s’appuyèrent sur de nouveaux moyens comme la reconnaissance aérienne du terrain, et aboutirent, en 1981, à la découverte d’une ceinture de cuivre porphyrique étirée sur environ 18 km du nord au sud et sur 3 km d’est en ouest. Peu après, le géant minier anglo-australien BHP racheta les parts de ses concurrents américains pour devenir l’exploitant principal de La Escondida. Selon une temporalité classique dans l’industrie minière, dix années furent encore nécessaires pour que démarrât l’exploitation. Mais depuis lors, la production a dépassé celle de l’historique Chuquicamata pour s’imposer au premier rang mondial des mines de cuivre avec une production annuelle dépassant le million de tonnes.
Un complexe minier géré par des acteurs privés
Si la Codelco (« Corporación Nacional del Cobre »), la compagnie nationale du cuivre détenue à 100 % par l’État chilien, reste le premier producteur mondial de cuivre et gère certaines des plus importantes mines du pays comme Chuquicamata mais aussi El Teniente (la plus grande mine de cuivre souterraine du monde), ce sont donc des acteurs privés étrangers qui ont découvert et qui gèrent le complexe minier de la Escondida.
Les deux larges fosses (zoom) sont aujourd’hui exploitées par la Minera Escondida, une joint-venture associant l'anglo-australien BHP (57,5 %), le brésilien Rio Tinto (30 %) ainsi que le Japonais Jeco (12,5 %). Les investissements réguliers de ces géants miniers depuis quarante ans en ont fait, la mine de cuivre détenant le record mondial de production.
Quant à la mine Zaldivar, également présente sur l’image (zoom), elle est exploitée par Antofagasta Minerals (50%), une multinationale chilienne privée, et la canadienne Barrick Gold (50%) mais sa production est bien modeste (44 500 tonnes) en comparaison.
Les mineurs de La Escondida font trembler les marchés mondiaux
Dans ce désert d’altitude où les nuits glaciales succèdent à l’intense chaleur du jour tandis que la poussière et le bruit sont partout, les conditions de travail sont rudes. D’autant que la mine fonctionne 24 heures sur 24, grâce à la rotation des équipes qui assurent 10 heures de travail quotidien pendant sept jours avant de se reposer une semaine. Certes, les géants miniers comme BHP offrent les meilleures rémunérations du secteur et davantage de sécurité que les petites mines, mais c’est aussi car les mineurs sont prompts à débrayer.
Alors que depuis une décennie, le cours du cuivre est globalement orienté à la hausse, tiré par la demande chinoise et la transition énergétique, qui ne pourrait s’accomplir sans cet excellent métal conducteur, les quelques 2 500 employés de La Escondida se mobilisent à chaque renégociation des conventions collectives pour revendiquer des augmentations, voire une indexation de leur rémunération sur les performances de l’entreprise. En 2017, ils ont mené avec succès une grève de 44 jours qui a paralysé la production au point de faire grimper le cours du cuivre à la bourse des métaux à Londres – le London Metal Exchange (LME) ! C’est que la production de La Escondida compte à elle seule pour 5 % de l’offre mondiale de cuivre. En 2021, pour éviter une nouvelle grève alors que le cours approchait les 10 000 dollars la tonne, BHP a pris le parti d’accorder d’importants bonus.
Mais à plus long terme, la stratégie des géants miniers pour réduire ce risque social est d’investir dans l’automatisation des mines. Et BHP a commandé pour La Escondida une flotte de chariots électriques pour le transport du minerai, un investissement qui permet au géant minier d’accroître la cadence tout en faisant valoir une réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que des risques d'accidents du travail…
2. Les externalités environnementales induites par l’industrie cuprifère alimentent des conflits socio-environnementaux
Sous l’effet conjoint de la consommation d’appareils numériques gourmands en métal rouge et des besoins d’électrification liés à la transition énergétique, la demande mondiale en cuivre devrait poursuivre sa croissance si bien que les géants miniers investissent pour renforcer les capacités de production. Mais si le cuivre est stratégique pour la transition énergétique, son extraction et son traitement posent d’énormes problèmes environnementaux.
L’eau du salar de Punta Negra, objet d’un conflit social-environnemental
Dans cette région aride, la sécurisation de l’approvisionnement en eau, indispensable à l’ensemble des étapes du traitement du cuivre, est un enjeu majeur pour les géants miniers. Ils bénéficient pour l’heure d’une législation favorable car, le Chili est l’un des rares pays au monde où l’eau a été privatisée. Adopté sous la dictature du général Pinochet (1973-1990), le Code de l’eau (1981) a fait des eaux de surface un bien marchand que les géants miniers ont les moyens d’acquérir, tandis que le Code des mines (1983) les autorisent à prétendre à la propriété de toute ressource hydrique souterraine découverte lors de travaux d’excavation menée dans une concession accordée par l’Etat.
Alors que la production cuprifère augmente pour suivre la demande mondiale, une telle législation aboutit à la surexploitation des rares ressources de l’Atacama et la précarité du capital hydrique régional s’accentue encore sous l’effet du changement climatique. Certes la végétation est rare dans ce désert et la population peu nombreuse, mais les dommages de l’industrie minière sur les écosystèmes et les modes de vie traditionnels des peuples autochtones n’en sont que plus définitifs.
Cette image en offre un exemple probant. L’étendue blanchâtre située à 30 km au sud-est de La Escondida est le salar de Punta Negra. Il s’agit d’un ancien lac formé par l’affleurement d’une nappe phréatique, dont les eaux chargées en sel provenaient autrefois des précipitations lessivant les volcans des Andes - le volcan El Llullaillaco dans le cas présent. Avec l’évolution du climat, l’eau s’est en partie évaporée et la croûte de sel recouvrant le sol a été, au cours des millénaires, cimentée par les poussières sous l’action des vents du désert. Or de 1990 à 2017, soit pendant 27 ans, BHP Billiton a pompé l’eau de la nappe phréatique pour alimenter son complexe minier. Le peuple autochtone Atacameño ou Licakan-antay, qui signifie en langue kunza « les habitants du territoire », estime que l’écosystème local en a été bouleversé : des « bofedales », ces zones humides typiques de l'altiplano andin, se trouvant autrefois à l’est du salar de Punta Negra auraient été asséchées, les points d’eau seraient moins nombreux pour le bétail ainsi que pour la faune locale, notamment les flamants roses.
Des pollutions multiformes
La raréfaction de la ressource hydrique n’est pas la seule menace que l’industrie cuprifère fait peser sur l’environnement local. Les déchets solides, liquides ou gazeux issus de la transformation du minerai de cuivre sont une source de pollution majeure.
La noria incessante des camions, les explosions quotidiennes pour détacher le minerai ou encore les poussières émanant des terrils forment des nuages toxiques. La négociation d’une meilleure couverture santé compte d’ailleurs parmi les revendications les plus fréquentes lors des grèves.
Outre la pollution atmosphérique, les déchets générés par l’industrie cuprifère risquent de contaminer durablement les sols et les nappes phréatiques. On repère dans la partie sud de l’image, le bassin de stockage où sont déversés, sous forme de boue, les résidus miniers toxiques. La croissance de ce bassin, déjà gigantesque, accompagne celle de la production de la Escondida. Si des suintements ou des débordements sont possibles, le scénario le plus redouté reste la rupture du barrage minier (au nord-ouest du bassin) et la libération d’une coulée de boue toxique dévastatrice pour les personnes comme pour l’environnement. Le Brésil a subi deux catastrophes de ce genre, en 2015 puis en 2019, mettant en cause la responsabilité de l’entreprise Vale. Un scénario qui inquiète d’autant plus le Chili que le pays est sismique.
3. Les entreprises du secteur minier s’adaptent au durcissement de la législation environnementale chilienne
Le durcissement de la législation environnementale au Chili : plus de sanctions et un impôt minier alourdi
Si depuis des décennies, les géants miniers agissent en toute impunité tant leur activité est jugée vitale pour l’économie nationale, les externalités environnementales induites sont désormais dénoncées. Sans désavouer le paradigme extractiviste, le Chili entend mettre le secteur minier à contribution pour compenser les dommages dans les régions d’extraction, fréquemment appelées « zones de sacrifice », et plus généralement pour financer la transition écologique et bâtir l’Etat-Providence réclamé lors des manifestations de 2019.
Afin de mieux réguler l’impact environnemental du secteur minier, le Chili a créé depuis 2010 plusieurs institutions : en amont d’un projet minier, le Service d’évaluation environnementale (SEA) réalise des études d’impact et délivre les permis environnementaux nécessaires au démarrage du projet; en aval, la Surintendance de l’environnement (SMA) veille au contrôle de l’application des résolutions de la précédente instance ; enfin un Tribunal environnemental basé à Antofagasta peut être saisi pour former un recours contre les résolutions de ces deux institutions. Et c’est ce qu’ont fait les communautés indigènes de l’Atacama pour dénoncer les dommages causés par BHP à l’écosystème du salar de Punta Negra, ainsi qu’à l’aquifère Monturaqui-Negrillar-Tilopozo situé plus à l’est. Le Tribunal environnemental a conclu, en juillet 2020, que la Minera Escondida avait bien provoqué une baisse du niveau de la nappe phréatique supérieure à 25 cm, soit la limite autorisée dans le désert d'Atacama. En juin 2021, un accord de conciliation a finalement été trouvé, qui impose à BHP de financer, à hauteur de 93 millions de dollars, un programme de 19 mesures pour soutenir la durabilité du salar.
Si Gabriel Boric, leader de la coalition de gauche, élu président du Chili en 2021 à la suite de la mobilisation contre les inégalités de 2019, déplore l’échec de l’adoption d’une nouvelle Constitution, il a cependant réussi à alourdir la pression fiscale sur le secteur minier pour mieux redistribuer la rente du cuivre et compenser les dommages subis dans les zones d’extraction. Promulguée en mai 2023 pour entrer en vigueur en 2024, la nouvelle loi sur les redevances minières (« Ley de Royalty Minero ») devrait permettre à l’Etat de collecter 1,3 milliard de dollars US, soit 0,45 % du PIB chilien, dont un tiers sera redistribué aux régions. D'après le gouvernement, le taux moyen d'imposition pour les géants miniers comme BHP atteindra ainsi 40,1 %, contre 35,5 % aujourd'hui. Mais le cabinet privé Deloitte l'évalue plutôt autour de 44 % soit une charge fiscale dans le secteur minier supérieure à celle de ces principaux concurrents : le Pérou, l'Australie et le Canada.
L’orientation RSE des géants miniers, une stratégie pour limiter la conflictualité et légitimer leur activité
Face à cette régulation environnementale et à cette pression fiscale croissantes, les multinationales du secteur minier s’adaptent. Elles misent sur le solaire pour l’électricité car l’Atacama offre des conditions idéales et développent de complexes solutions d’ingénierie pour se passer des ressources hydriques régionales.
Afin d’alimenter La Escondida sans pomper les eaux du Salar de Punta Negra et de l’aquifère Monturaqui-Negrillar-Tilopozo, BHP a construit, sur le littoral à Porto Coloso (zoom), deux usines de dessalement de l’eau de mer, respectivement en 2006 et en 2018. L’eau est ensuite acheminée via le désert et jusqu’à 3 200 mètres d'altitude par deux pipelines, fonctionnant grâce à une série de stations à haute pression. En outre, un réservoir d'une capacité de 500 000 m3 a été bâti sur le site minier pour éviter toute rupture d’approvisionnement. Si cette option réduit la pression sur la ressource hydrique, elle renchérit le coût de production du cuivre chilien et Raphaël Danino-Perraud, Solène Rey-Coquais, Audrey Sérandour estiment que le pays pourrait ainsi perdre en compétitivité face à certains concurrents aux standards moins élevés.
Plus généralement, Anne-Laure Amilhat Szary explique que pour se mettre en conformité avec la loi et assurer la paix sociale propice à la poursuite de leurs activités, les entreprises minières prennent désormais le parti d’afficher une stratégie axée sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). Leur action prédatrice est évidente mais pour mieux la faire accepter localement, elles proposent des mesures de compensation aux résidents des communes sur lesquelles elles s’installent. L’objectif étant toujours de privilégier les mécanismes non judiciaires en vue du règlement des éventuels différends. Elles y parviennent d’autant mieux que, dans cette région isolée, elles sont le premier acteur économique et que l’Etat leur a longtemps abandonné le développement local.
Certes, les géants miniers ont désenclavé les ressources de l’Atacama et créé des emplois mais les externalités négatives considérables induites par l’industrie cuprifère reposent aujourd’hui la question de la gouvernance de ce territoire périphérique.
Zooms d’étude
Le complexe minier et les étapes de la production de cuivre
Ce complexe dédié à l’exploitation d’un gisement de cuivre porphyrique extrait deux types de minerais - les minerais oxydés et les minerais sulfurés, qui permettent l’obtention de cuivre mais sous des formes différentes. Ainsi en 2022, La Escondida a produit 823 000 tonnes de concentré de cuivre et 203 000 tonnes de cathodes, ces plaques constituées de cuivre pur à 99,99 %. La proportion est sensiblement la même chaque année car la production de concentré de cuivre est la spécialité de La Escondida tandis que Chuquicamata, plus au nord, produit essentiellement des cathodes.
Dans les deux cas, le processus de production commence par le dynamitage de la roche dans plusieurs mines à ciel ouvert. On repère, dans la partie sud, le vaste cratère de la mine Escondida exploité depuis 1991 : long de 4 km et large de 2,7 km, il s’enfonce désormais de 700 mètres dans la terre ! Plus au nord, se trouvent deux autres fosses plus récentes : à l’est, la mine Escondida Norte, ouverte en 2005 et profonde de 525 mètres, tandis qu’à l’ouest, la mine de Zaldivar, exploitée depuis 2015 par d’autres opérateurs que BHP, est de plus petite dimension.
Le minerai et les roches sont ensuite remontés des profondeurs par une flotte de camions aux proportions colossales de marques Caterpillar ou Komatsu, puis après un premier tri, les stériles sont déposés dans des décharges. Ils s’y accumulent, au fur et à mesure que la mine s’approfondit, jusqu’à former de gigantesques collines de morts-terrains dont l’aspect blanchâtre contraste avec les ocres du désert. Quant au minerai lui-même, il est transporté vers plusieurs concasseurs pour être broyé plus ou moins grossièrement selon son type et sa teneur en cuivre.
Les minerais sulfurés à haute teneur en cuivre sont convoyés vers trois usines de concentration : Los Colorados à proximité de la fosse d’Escondida ainsi que Laguna seca linea 1 et Laguna seca linea 2 à six kilomètres au sud de la fosse. Ils y sont réduits en miettes avant de subir un traitement par flottation dans l’eau qui permet de séparer le cuivre d’autres éléments et de le concentrer sous forme de boue ou de pulpe.
Quant aux oxydes de cuivre et aux sulfures de cuivre plus pauvres, ils subissent un traitement par lixiviation. Les minerais concassés sont empilés en gigantesques tas, lesquels sont ensuite aspergés avec une solution à l’action dissolvante pour isoler le métal. Ces piles de lixiviation, bien visibles sur l’image, prennent la forme de petits rectangles juxtaposés et disposés perpendiculairement de part et d’autre d’un chemin. Le produit issu de ces piles est ensuite traité dans deux usines d’extraction par solvant et une usine d’extraction électrolytique où le cuivre est finalement déposé sur des plaques d'acier inoxydable pour constituer des cathodes de cuivre, pures à 99,99 %.
Ces procédés réclament de très grandes quantités d’eau - la production d’une tonne de cuivre nécessite en moyenne 200 mètres cubes, et génèrent aussi de nombreux déchets polluants. Ainsi, les eaux toxiques, comme celle qui servent à la lixiviation et contiennent de l’acide sulfurique sont conservées dans des piscines d’eau contaminée tandis que les autres résidus miniers sont déversés dans le grand bassin de décantation qui se trouve au sud du complexe (image principale). La gestion responsable de ces déchets est un enjeu majeur car ils représentent un risque pour l’environnement, les infrastructures adjacentes et bien sûr la santé.
Image prise par un satellite Pleaides le 2 février 2021 (résolution native à 0,70m)
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Complexe minier
Repères géographiques
Image complémentaire
Image prise par le satellite Sentinel-2B le 30 septembre 2023.
Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2023, tous droits réservés.
Cette image à plus petite échelle révèle combien l’industrie minière structure l’ensemble du territoire régional en connectant le complexe minier au terminal portuaire d’Antofagasta ainsi qu’à son annexe, Puerto Coloso, situés à 170 km à l’ouest, sur le littoral pacifique.
Antofagasta, la capitale régionale, est un véritable hub pour l’industrie minière chilienne et c’est une vocation historique car elle née au XIXe siècle de l’exploitation du salpêtre. Elle est ainsi le principal terminal d’exportation des produits miniers issus de l’Atacama mais compte également des sites industriels - fonderies, raffineries, fabrication d'acide sulfurique, et concentre l’essentiel des services qui sous-tendent l’activité minière. Quant à Puerto Coloso qui se trouve à 16 kilomètres au sud, c’est en réalité le terminal principal de La Escondida et le site a été entièrement réaménagé par BHP. Ces deux espaces sont essentiels au fonctionnement de la plus grande mine de cuivre du monde, tant en aval qu’en amont de l’extraction cuprifère.
En aval, c’est le port d’Antofagasta qui reçoit les cathodes de cuivre acheminées depuis Escondida par la branche sud du Ferrocarril Antofagasta Bolivia (FCAB). Quant aux concentrés de cuivre qui constituent l’essentiel de la production de La Escondida, ils sont évacués sous forme de boue par une canalisation de 160 kilomètres qui connecte directement la mine à Puerto Coloso. Ils y sont ensuite déshydratés et stockés avant d’être exportés.
Outre cette fonction de terminal d’exportation, le littoral accueille désormais des équipements qui doivent assurer un fonctionnement plus durable au complexe minier. C’est à Puerto Coloso que BHP a installé les deux usines de désalinisation qui alimentent la Escondida et lui permettent de renoncer à l’eau des aquifères et des salars. Pour ce qui est de l’alimentation électrique, le géant minier a choisi Mejillones, à 60 kilomètres au nord d’Antofagasta, pour implanter en 2016, une centrale thermique à Cycle Combiné Gaz (CCG), moins polluante que les centrales à charbon traditionnelles. En effet, le Chili, qui possède peu d’hydrocarbures, importe du Gaz Naturel Liquéfié et Mejillones est équipé d’un terminal de liquéfaction depuis 2010. Cet investissement permet à BHP de pérenniser son activité tout en se pliant aux engagements climatiques pris par le Chili. En effet, le gouvernement qui a l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et prévoit pour ce faire, de produire 100 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici 2040, a planifié la fermeture de huit centrales à charbon avant 2030.
Malgré ces investissements des géants miniers ainsi que les emplois proposés tant par la mine que par le port, les nuisances environnementales restent considérables. Les quelques 450 000 habitants que compte Antofagasta perçoivent leur agglomération comme une « zone sacrifiée » au profit de la création de richesse à l’échelle nationale, et font valoir « le droit à vivre dans un environnement sain et libre de pollution » (art. 19.8 de la Constitution de 1980). L’avenir dira si l’augmentation et surtout la redistribution de l’impôt minier suffisent à apaiser les habitants de cette région périphérique.
D’autres ressources
Sur le site Géoimage
Clémence Cattaneo : Chili – La mine de cuivre de Chuquicamata et la ville de Calama, une région façonnée par l’extraction minière dans une marge désertique
/geoimage/chili-la-mine-de-cuivre-de-chuquicamata-et-la-ville-de-calama-une-region-faconnee-par
Bernadette Mérenne-Schoumaker : Chili - L’exploitation du lithium dans le désert d'Atacama : nouvelle ressource stratégique et bouleversement technologique mondial
/geoimage/chili-lexploitation-du-lithium-dans-le-desert-datacama-nouvelle-ressource-strategique-et
Rapports
Rapport du BRGM, sept. 2020, « Le cuivre : revue de l’offre mondial en 2019 », Rapport Final RP-69037-FR
http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-69037-FR.pdf
Étude de l'OCDE, 2016, Examen environnemental du Chili
https://www.oecd.org/fr/publications/examens-environnementaux-de-l-ocde…
« Mineral Commodity Summaries - Copper », National Minerals Information Center, USGS, janvier 2022.
Sites internet
https://www.bhp.com/what-we-do/global-locations/chile
https://www.codelco.com/
https://ejatlas.org/conflict/mineria-de-litio-en-salar-de-punta-negra
Articles
Anne-Laure Amilhat Szary, « Les entreprises minières dans la gouvernance territoriale. Entre négociations de pouvoir et rivalités territoriales, qui porte le développement aux habitants ? », Revue de Géographie de l’Est, 2011, 50 (3-4)
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00694073/document
Silvina Cecilia Carrizo, Sébastien Velut et Jimena Hevia, « Le Nord du Chili : un isolat énergétique dans un désert minier », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 567, mis en ligne en 2011.
https://journals.openedition.org/cybergeo/24792
Carolina Cerda-Guzman « Autopsie d’un échec. Retour sur le rejet du projet de Constitution pour le Chili », Jus Politicum, n° 29
https://juspoliticum.com/article/Autopsie-d-un-echec-Retour-sur-le-reje…
Raphaël Danino-Perraud, Solène Rey-Coquais, Audrey Sérandour, « Enjeux miniers de la transition énergétique : l’exemple de la production du cuivre et du lithium au Chili », Hérodote, 2023/1 (N° 188), p. 153-172. DOI : 10.3917/her.188.0153.
https://www.cairn.info/revue-herodote-2023-1-page-153.htm
Vincent Gautier, « Cuivre : les bons conducteurs se font rares », Socialter, 2022/3 (N°51), p. 62-65.
Hélène Lamicq, « Désert d’Atacama », Encyclopædia Universalis [en ligne]
Manuel Méndez et Hugo Romero, « Législation néolibérale et privatisation de la nature », Études rurales [En ligne], 203 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022
http://journals.openedition.org/etudesrurales/16320
Christophe-Alexandre Paillard, « Le Chili, pays clé pour les minerais stratégiques », Géoéconomie, 2011/4 (n° 59), p. 99-107. DOI : 10.3917/geoec.059.0099.
https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2011-4-page-99.htm
Sébastien Velut et Alexandra Poignant, « Un cycle de politiques environnementales », Cahiers des Amériques latines [En ligne], 68 | 2011, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 22 novembre 2019.
Ouvrages
Pierre Pourrut, « Le désert, l'homme et l'eau. S'adapter pour survivre en Atacama » in Yves Gillon, Christian Chaboud, Jean Boutrais, Christian Mullon et Jacques Weber (dir.), Du bon usage des ressources renouvelables, Coll Latitudes 23, IRD Editons, 2000, p. 199-221
https://books.openedition.org/irdeditions/25406?lang=fr
Bernadette Mérenne-Schoumaker : Energies et minerais. Des ressources sous tension, coll. La Documentation Photographique, n°8098, Edition de la Documentation Française, Paris, 2014.
Bernadette Mérenne-Schoumaker : Atlas mondial des matières premières. Incertitudes et défis, coll. Atlas, Edition Autrement, Paris, 2020.
En chanson
Quilapayún 1973 - Nuestro Cobre [VIDEO EN VIVO] - YouTube
Contributeur
Clémence Cattaneo, professeure de Chaire supérieure, lycée Thiers, Marseille