Au fond de l’estuaire de l’Escaut, Anvers est une importante métropole industrielle et de services dont le port vient au second rang de la Northern Range européenne, derrière Rotterdam. Du fait de sa position frontalière et de son enclavement par rapport
aux Pays-Bas voisins qui contrôle son débouché maritime, son développement est contraint. Victime de son succès, le port doit relever plusieurs défis d’avenir : développer des capacités supplémentaires, assurer une meilleure mobilité et s’intégrer davantage dans le paysage urbain dans le cadre d’un développement durable.
Légende de l’image satellite
Cette image d'Anvers, ville portuaire belge située sur l'Escaut, a été prise par le satellite Sentinel-2B, le 22 mars 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution à 10m.
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Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Anvers : un port et une ville de fond d’estuaire en profondes mutations
Anvers : l’appartenance au grand chapelet des villes d’estuaire de l’Europe atlantique
Comme le montre l’image, nous voyons venant du sud un fleuve, l’Escaut, qui après un grand méandre – en rive droite duquel se trouve une ville, Anvers - s’ouvre progressivement pour construire un vaste estuaire fluvial large de plusieurs kilomètres dans l’angle nord-ouest. Ce couple fleuve/estuaire/ grande ville portuaire est l’une des caractéristiques majeures de l’organisation du littoral de l’Europe atlantique avec successivement huit grands ensembles : Lisbonne/Tage, Bordeaux/Gironde, Nantes/Loire, Rouen et le Havre/ Seine, Londres/ Tamise, Rotterdam/delta du Rhin, Brême/Weser et Hambourg/Elbe. De Rouen/Le Havre à Hambourg, ce très vaste chapelet de villes portuaires de première importance porte souvent le nom de Northern Range.
Sur cette image apparaissent très bien trois grands ensembles géographiques différents. Dans l’angle nord-ouest se déploient les basses terres amphibies de l’estuaire et une vaste zone de polders gagnés sur la mer, qui se trouvent en particulier au nord et au sud de la vaste zone d’estran dégagée par la marée basse. Ces damiers réguliers, verts et jaunes et assez larges sont bien visibles ; ils annoncent la Zélande et les Pays-Bas voisins dont la partie littorale est largement conquise sur la mer.
Au sud, l’autoroute E34 d’orientation ouest/est pose bien la limite méridionale de cet ensemble. Car dans l’angle sud de l’image se trouve la riche plaine de Flandre aux parcelles bien plus petites et très largement mises en valeur. Enfin, à l’ouest domine la Campine plus boisée sur l’image (traces marrons des forêts, encore dépourvues de feuillages au mois de mars, date de la prise de vue).
Bien que les espaces agricoles de polyculture sous la forme d’openfield et d’enclos à bétail, ainsi que les superficies boisées couvrent encore 15 % de la province d’Anvers, les fortes densités de population (sup. 640 habitants/ km2) sont visibles, en particulier sur la rive droite et autour d’Anvers.
Anvers : un grand port flamant et belge au puissant hinterland continental
Seul grand port belge d’importance, Anvers accède à la Mer du Nord puis à l’Océan atlantique par le delta de l’Escaut, dont on ne voit ici que la partie finale. De par sa position stratégique, la ville et son port sont depuis la période médiévale des enjeux majeurs. A ce titre, la forme en amande de la vieille ville vient nous rappeler l’importance des zones couvertes par l’ancienne ceinture des fortifications alors que la ceinture extérieure de bastions et de forts demeure très lisible sur l’image.
Les trois quarts de l'estuaire de l'Escaut sont aux Pays-Bas et Anvers et son port sont donc en position frontalière et enclavée territorialement. Tout l’angle nord-ouest de l’image se trouve en effet aux Pays-Bas, la frontière passant à l’ouest de la centrale nucléaire dont le panache de fumée est bien visible. La gestion de l’Escaut a donc toujours constitué au plan géopolitique un point important des relations néérlando-belges.
A l’échelle nationale, Anvers est reliée au sud via l’Escaut puis un puissant canal : c’est l’axe ABC (Anvers/Bruxelles/Charleroi) organisant le centre du pays. A l’est, le Canal Albert, bien visible sur l’image, rejoint Hasselt, le Limbourg et la Meuse.
La densité et la diversité du réseau de transport, en partie seulement visible sur l’image, est également caractéristique de cette région dynamique. Nœud autoroutier, ferroviaire et fluvial, le port Anvers est raccordé aux Pays-Bas, à l’Allemagne, à la France et au Royaume-Uni. Rien que le transport de conteneurs mobilise 222 navettes fluviales et 177 navettes ferroviaires chaque semaine. Pour étendre encore son hinterland dans le cadre du développement durable, Anvers a pour projet d’améliorer ses liaisons fluviales avec le bassin parisien via le Canal Seine-Nord, et ouvrir un canal de jonction avec l’axe Rhin-Danube.
Un port de fond d’estuaire aux fortes contraintes
Anvers se trouve à 88 km de la Mer du Nord. Ce site autorise traditionnellement la flotte remontant l’Escaut à pénétrer largement à l’intérieur des terres afin de disposer historiquement d’une plus grande proximité avec les places marchandes et les infrastructures de transport intérieur. Cet atout fut longtemps un atout considérable dans le développement d’Anvers.
Mais, comme le montre l’image, les contraintes n’en sont pas moins considérables. Les fonds sont moins profonds qu’un port de mer ; le jeu des marées important (cf. estrans alternativement couverts et découverts) ; le fleuve et l’estuaire s’ensablent vite du fait de l’importance des processus sédimentaires et d’une pente faible. On voit bien les bancs de sable qui s’accumulent dans le chenal, impliquant un dragage perpétuel presque jusqu’à l’embouchure néerlandaise de l’Escaut. Le chenal est ainsi régulièrement creusé pour en approfondir le tirant d’eau. En résulte l’érosion des berges et la disparition progressive des villages longeant les deux rives.
De plus, la taille réduite du chenal de navigation a nécessité la construction de nombreux bassins accessibles par un système d’écluses. Le port d’Anvers est donc davantage un port à quais qu’un port fluvial. Les bassins permettent aux navires de bénéficier d’un niveau d’eau constant en s’affranchissant d’une amplitude de marées de 4 à 5m tout en disposant des zones de distribution et de production à proximité des quais. Toutefois, ce système présente des contraintes. La zone industrialo-portuaire est saturée. Son extension nécessite la construction de nouvelles écluses et de nouveaux bassins dont le coût est élevé.
Car même si le volume total de marchandises (224 millions t.) place Anvers assez loin derrière Rotterdam (467 millions t.), le 2e port européen se distingue par sa superficie : il couvre en effet 129 km2, contre 126 km2 pour Rotterdam. On assiste de plus à la forte augmentation du trafic conteneurisé (118 millions t., contre 127 millions t. pour Rotterdam).
La mise en valeur des berges : une nette dissymétrie rive droite /rive gauche
Comme le montre l’image, les grandes infrastructures portuaires et industrielles se sont installées à l’aval de la ville d’Anvers. Historiquement d’abord en rive droite à partir du XIXème siècle : sur cette rive vont s’étendre progressivement du sud vers le nord, grâce en particulier aux financements du plan Marshall dans les années 1950, de nouvelles activités. La rive gauche pour sa part commence à se développer à partir du milieu des années 1980, en particulier avec le boom de la conteneurisation (voir zoom 1 et 2).
Au nord des infrastructures portuaires, une zone naturelle de 120 hectares de terres humides et marécages rappelle qu’autrefois toutes les berges de l’Escaut étaient des polders. L’altitude des terres étant inférieure à 5m, il a fallu les protéger des marées hautes et des tempêtes par des digues et les assécher à l’aide de canaux de drainage avant d’y implanter les activités agricoles puis portuaires. Même la centrale nucléaire de Doel, avec ses quatre réacteurs, se trouve à une altitude de seulement 3 m au dessus du niveau de la mer.
Zooms d’étude à partir de l'image Sentinel-2
Pour cette étude, plusieurs zooms en image Sentinel-2 sont disponibles. Ils sont complétés par une image prise par un satellite Pleiades avec ses zooms, en fin de dossiers.
Un port de fond d’estuaire polyvalent en voie de saturation en rive droite
Cette vue de la rive droite de l’Escaut permet d’observer à la fois le port et la très vaste zone industrialo-portuaire qui se déploient du bassin Bonaparte, le port fluvial du XIXème siècle que Napoléon souhaita convertir en port militaire face à l’Angleterre, jusqu’à l’écluse Van Cauwelaert.
De l’amont vers l’aval, on observe à la fois l’organisation technique (bassins, darses, terre-pleins, écluses…), sectorielle (terminaux charbonniers ou minéraliers, gaz naturel liquéfié ou GNL, port automobile import/export, pétrolier, chimie et pétrochimie, agro-alimentaire, conteneurs…) et fonctionnelle (logistique, commerce et négoce, productions, services…) de la zone industrialo-portuaire.
A seulement 300 m du centre-ville, le bassin Bonaparte accueille les bateaux de plaisance et les navires de croisière. En descendant le fleuve vers l’aval, on trouve une série de bassins et de terminaux aménagés dans les années 1950-1960. Se concentre ici l’essentiel du stockage et du raffinage du pétrole et des produits pétroliers qui représentent 30 % du trafic fluvial de marchandises. Ce potentiel fait d’Anvers le plus grand cluster pétrochimique intégré d’Europe. Les grands groupes mondiaux du secteur (Total, Esso, BASF, Solvay…) y sont installés.
Les terminaux agro-alimentaires, minéraliers et grumiers complètent le tableau. Au total, l’industrie portuaire utilise ou produit 50 % des marchandises transportées. Plus de 200 grues et élévateurs complètent cet espace extrêmement dense d’entrepôts, magasins, silos et citernes. Au nord, s’étend la gare ferroviaire de triage reliant Anvers aux principales régions de consommation et de production de l’Europe de l’ouest.
La nécessaire mise en valeur de la rive gauche de l’Escaut
Cette image complète le zoom 1 par l’observation de la mise en valeur de la rive gauche de l’Escaut. Le développement industrialo-portuaire de la rive gauche de l’Escaut débute dans les années 1970 avec l’installation d’un vaste complexe pétrochimique. Par la suite, elle descend vers l’aval du fleuve, donc vers le nord, à la recherche de terrains disponibles et d’une meilleure accessibilité pour les gros navires. En 1995, est lancé le projet d'un nouveau bassin à conteneurs : le "Deurganckdok". Pour le construire, il faut détruire le village de Doel, bloqué entre les installations portuaires et la centrale nucléaire. Après s’être vidé de ses habitants – il n’en reste que 18 sur plus de 1000 en 1990 – le village est conquis par les graffitistes et les squatteurs. Finalement, en 2018, après un long combat judiciaire, les habitants ont obtenu l’annulation de la destruction du village.
Du fait de la saturation de la rive droite, la mise en valeur de la rive gauche de l’Escaut est une nécessité pour l’avenir de la ZIP d’Anvers et bénéficie des plus gros investissements récents. En 2016, a été inaugurée l’écluse Kieldrecht, alors la plus grande écluse du monde. Son ouverture vise deux objectifs : garantir un accès plus rapide aux quais des porte-conteneurs, tripler potentiellement un trafic limité jusque-là à 24 navires par jour transitant par l’écluse de Kallo.
Longue comme une ligne de 28 autobus (500m) et large comme une autoroute à 19 voies (68m), cette nouvelle écluse tire aussi son originalité de la fresque de 300 mètres de long réalisée par l’artiste graffitiste Cazn. 382 millions ont été investis, pris en charge à 42% par la Banque Européenne d’Investissement. Un investissement stratégique quand on sait que le port réalise chaque heure 1 million d’euros de valeur ajoutée.
Pour développer encore son activité, Anvers s’est intégré dans le projet de la «nouvelle route de la soie». La Chine est maintenant devenue le 5em plus grand partenaire commercial du port d’Anvers, avec un volume annuel de fret de 8,3 millions de tonnes. L’arrivée au port de porte-conteneurs toujours plus grands, comme les navires ULCS (Ultra-Large Container Ships), exploités par exemple par China Shipping, confirme les bonnes relations entre le port d’Anvers et la Chine.
Anvers, une ville en re-connexion avec son port
Avec environ 528 000 habitants pour la ville et 1 250 000 habitants pour l’agglomération, Anvers est la seconde métropole de Belgique après Bruxelles. Son développement historique et son économie actuelle sont étroitement liés au port, même si on peut visiter le centre-ville sans pour autant se rendre compte de l’activité portuaire, installée plus vers l’aval et dissimulée par des méandres. Le port représente 143 000 emplois directs et indirects et une valeur ajoutée annuelle de 20 milliards d’euros.
Une longue histoire, des enjeux majeurs, un riche patrimoine
L’image montre bien que la ville s’est développée sur la rive droite de l’Escaut. Le premier établissement humain remonte aux alentours de l’an 900, lorsque les villageois s’établirent sur l’Aanwerp, terrain surélevé insubmersible qui donna son nom à Anvers. L’extension de la ville se poursuit par le sud. La ville continua à se développer en vagues concentriques créant une succession de remparts que l’on devine encore dans la topographie de la ville.
Au XIVe siècle, un tournant décisif a lieu : craignant la concurrence des draps anglais, dont les laines étaient importées au moins depuis le XIIIe siècle, le port de Bruges leur ferme les écluses, permettant alors l’essor du port d’Anvers jusqu’à la création de la première Bourse (1485). Toutefois, c’est au XVIème siècle qu’Anvers connait son âge d’or, devenant un foyer commercial, artistique et culturel incontournable de l’Europe du Nord. Aux alentours de 1560, la ville compte 100.000 habitants et le port manutentionne environ quatre fois plus de tonnage que Londres ; des épices en provenance d’Inde, du cuivre, de l’argent, et des produits agricoles des Amériques.
De la fin du XVIe siècle et jusqu'au milieu du XIXème, la ville subit un déclin à la suite des guerres et conflits et aux fermetures successives de l'estuaire de l'Escaut (cf.blocus du 1er Empire napoléonien contre la Grande-Bretagne). L'indépendance belge et la colonisation au XIXe permettent de relancer la ville encore et son port. C'est vers la fin du XIXe siècle que d'importants travaux sont réalisés afin de rectifier le tracé de l'Escaut. Une bande de quais, large de 100 mètres sur une longueur de 7 kilomètres, est aménagée sur la rive droite. Pour ce faire, les constructions qui gênent dans les quartiers voisins sont expropriées et détruites. D'importantes activités portuaires peuvent alors se développer, mais en étant coupées de la ville.
Les fortifications successives ont été aujourd’hui remplacées par des ceintures routières, dont la plus large, le « Ring », remplace après la Deuxième Guerre Mondiale l’enceinte de Brialmont datant du XIXème siècle. Le rôle stratégique d’Anvers pour l’approvisionnement et la fuite éventuelle face à une invasion est renforcé par l’indépendance de la Belgique et la proximité avec les Pays-Bas. C'est ainsi qu'en 1859 on décide de la ceinturer d'une enceinte défendue en limite de portée des canons de l'époque par 9 forts – dont 7 sont visibles ici dans la partie sud de l’image - dessinés et conçus par Henri-Alexis Brialmont.
Urbanisation, périurbanisation, ségrégation, patrimonialisation : des dynamiques urbaines contrastées
La croissance démographique et économique d’Anvers a généré un fort processus d’urbanisation et de périurbanisation. Le tissu urbain est en effet ininterrompu de la frontière des Pays-Bas, à 20 km au nord du centre-ville jusqu’à Bruxelles, créant une véritable conurbation (cf. axe ABC).
La socio-topographie urbaine présente un net contraste entre un centre-ville, plutôt populaire où plus de 50 % de la population est immigrée ou d’origine immigrée, et les lotissements huppés de l’est et du nord-est situés dans les zones boisées de la Campine anversoise, bien visibles sur l’image (pavillons huppés golfs…). Ce processus de ségrégation socio-spatiale particulièrement vif y participe d’un climat politique ou social parfois tendu.
L’image montre bien une extension urbaine dissymétrique entre les rives droite et gauche de l’Escaut attribuée à la persistance de la vieille coupure historique du fleuve bien que le franchissement de l'Escaut soit plus aisé depuis l'ouverture de tunnels pour piétons et automobiles et la desserte par le tramway depuis 1990. Sur la pointe de la rive gauche, on aperçoit l’Europark Linkeroever. Développé dans les années 1960 autour d’une cité-radieuse conçue par le Corbusier, ce quartier de logements sociaux compte aujourd’hui 15 000 habitants.
Depuis le début du XXIème siècle, plusieurs plans d’aménagement urbain ont pour but de restaurer une relation étroite entre la ville et le port tout en rénovant d’anciens espaces portuaires délaissés par le glissement des activités de l’amont vers l’aval de l’Escaut. A proximité du centre-ville, sur l’ancien port, deux musées ont vu le jour entre 2011 et 2013 : le Red Star Line Museum aménagé dans l’ancien hangar de la compagnie maritime de transport de passagers vers les Amériques et la construction moderne du MAS-Museum aan de Stroom -, regroupant diverses collections du patrimoine ethnologique, maritime et artistique d’Anvers.
D’autre part, au sud d’Anvers, 7 km de berges sont réhabilitées avec pour triple objectif de lutter contre les inondations, développer des espaces de loisirs et faire revenir une population aisée par la rénovation luxueuse d’anciens entrepôts sur le modèle des docks Sainte-Catherine de Londres.
Zooms d’étude à partir de l'image PLEIADES
Présentation des zooms sur l'image ci-contre prise par un satellite Pleiades le 8 août 2022.
Contient des informations PLEIADES © CNES 2022, Distribution Airbus DS, tous droits réservés. Usage commercial interdit.
Le port et l’estuaire de l’Escaut
Cette image complémentaire Pléiade couvre une partie de l’estuaire de l’Escaut et son contact avec le port d’Anvers dans un espace frontalier à cheval entre les Pays-Bas à l’ouest et la Belgique à l’est. Elle témoigne de l’avancée vers le front de mer des installations portuaires de ces grandes métropoles de la Northern Range localisées sur les grands systèmes d’estuaire (Le Havre, Londres, Anvers, Rotterdam, Brême, Hambourg). Nous sommes en effet ici dans la partie la plus septentrionale du système portuaire anversois. Pour les intérêts belges, les contraintes posées par les limites de la frontière avec les Pays-Bas sont bien sur essentielles. Mais nous ne sommes encore à vol d’oiseau qu’à 60 km de la haute mer, et les Pays-Bas n’avaient et n’ont donc aucun intérêt à faciliter le développement d’un concurrent des ports de Rotterdam, situé seulement 60 km plus au nord, et d’Amsterdam/Ijmuiden.
En rive gauche se trouve la centrale électrique nucléaire de Doel, le Prosperpolder et un vaste estran bien visible puisque l’image est prise à marée basse. En rive gauche se trouvent le canal de l’Escaut au Rhin – ou Schelde-Rijnkanaal construit entre 1967 et 1976, un vaste complexe chimique et les deux grands terminaux à conteneurs gérés par la firme singapourienne PSA : l’Europe Terminal au sud et le Noordzee Terminal au nord.
A elle seule, cette image témoigne des profondes recompositions dont l’espace portuaire anversois et le littoral flamand sont l’objet : débats sur l’arrêt définitif ou non de la centrale nucléaire de Doel, difficultés hydriques et gestion de l’eau révélées par la canicule de l’été 2022 qui contraint à installer des pompes temporaires à l’écluse de Berendrecht, lancement de dix ans de travaux pour moderniser le terminal à conteneur Europa Port du singapourien PSA...
La centrale nucléaire de Doel : une des deux centrales belges en débat
Entrée en service en 1974 en rive gauche du fleuve, la centrale électrique nucléaire de Doel est comprise entre le village de Doel au sud et le Prosperpolder au nord dont on distingue bien les digues pour le protéger des eaux et les canaux pour évacuer l’eau. Si la partie sud est bien mise en valeur par une agriculture intensive, la partie nord au-delà d’une grande digue secondaire reste parsemée d’étangs (Doelpolder Noord, Prosperpolder Noord).
La centrale nucléaire, exploitée par l’entreprise Electrabel, apparait comme un vaste ensemble technique couvrant 80 hectares avec ses quatre réacteurs dans lesquels se produisent la fission (gros dômes blancs), ses deux grandes cheminées de refroidissements qui relâchent leur vapeur d’eau et toutes les installations convertissant l’énergie tirée de l’atome en énergie électrique (turbines, alternateurs...). On distingue bien aussi les vastes zones de stockage de matériels et le grand parking réservé au personnel. L’image met aussi en valeur au sud la prise des eaux du fleuve pour refroidir les installations situées à la limite de l’estran vaseux et au nord le canal de rejet des eaux utilisées. Alors que le réacteur n°3 a été définitivement arrêté en septembre 2022, l’exploitation de la centrale est en sursis.
Le vaste complexe chimique de BASF : le 1er site chimique de Belgique
Le site BASF d’Anvers est le site de production chimique le plus important de Belgique et la seconde plus grande plateforme mondiale du groupe allemand BASF. Sa présence contribue à faire du complexe industrialo-portuaire anversois un de plus grands pôles chimiques d’Europe. Fondé en 1964, il s’étend sur 6 km2 et emploie 3.500 salariés directs. Ce site gigantesque est techniquement et géographiquement très intégré avec une centrale électrique dédiée puis l’achat en 2021 d’un parc éolien offshore, un terminal fluvial spécifique et un terminal ferroviaire/routier multimodal.
Sur ce site immense sont localisés des firmes partenaires intervenant à l’amont ou à l’aval des activités de BASF. Le site d’Air Liquide y produit par exemple des gaz industriels (oxygène - O2, hydrogène - H2, syngas, monoxyde de carbone - CO...) pour BASF et tous les industriels du Bénélux desservis par un vaste réseau de gazoducs. Dans les PVC, le site d’Inovyn (chlore, soude, vinyles) produit plus de 40 millions de tonnes par an. Avec 350 salariés, Ineos produit à partir de matières premières comme l’éthylbenzène et le styrène des plastiques ABS et des polystyrènes. On trouve aussi le site de production d’engrais minéraux à partir de gaz naturel, de phosphate ou de potasse (plus de 2 millions de t./an) vendu par BASF au russe EuroChem en 2011 et qui emploie environ 380 emplois.
Repères géographiques
La modernisation des terminaux à conteneurs : l’Europa Terminal et Noordzee Terminal du singapourien PSA
Cette image couvre le sud du complexe chimique BASF et l’entrée des deux grandes écluses – Zandvlietsluis et Berendrechtsluis – qui mettent en contact l’Escaut et le canal. Sur cet emplacement stratégique, deux grands terminaux à conteneurs exploités par PSA Antwerp se déploient : le Noordzee Terminal au nord, l’Europa Terminal au sud. Ces deux terminaux appartiennent au grand groupe singapourien PSA International, présent dans plus de 26 États et dont le capital est contrôlé par la compagnie publique Temasek. Nous sommes là dans un site emblématique de la mondialisation de la logistique portuaire.
Les autorités du port d’Anvers-Bruges en collaboration avec PSA viennent de lancer un vaste chantier de 335 millions d’euros de rénovation et de modernisation en dix ans de l’Europe Terminal, ouvert en 1990. Ces travaux ont pour objectif de faire passer le tirant d’eau maximal des navires pouvant s’amarrer à son « mur de quai » de 1.200 m. de long, bien visible avec les deux navires en place, de 13,5 mètres actuellement à 16 mètres dans dix ans. Le mur existant va donc être détruit en trois tranches successives afin de gêner le moins possible les activités maritimes, doté de nouvelles grues à conteneurs, et de nouveaux réseaux (eau, électricité, évacuation...). Surtout, le front va être dragué jusqu’à la profondeur de 17,5 mètres. Pour PSA, cette modernisation va permettre d’augmenter la capacité de ses installations de plus de 700K TEU par an.
Si le port d’Anvers-Bruges estime que pour rester un « port de classe mondiale », il lui est essentiel de continuer à jouer au plus haut niveau en pouvant accueillir les plus gros navires, l’augmentation de la taille de ces géants des mers pose de plus en plus de problèmes techniques aux ports d’escale. En particulier aux installations de fond d’estuaire qui sont confrontées en permanence au phénomène de sédimentation (cycle érosion/ transport/ accumulation) et d’accumulation vaseuse comme l’illustre bien l’image.
Documents complémentaires
Carte du port d'Anvers libre de droit et téléchargeable : accès libre et gratuitement ici
Le village fantôme de Doel
Jacques André, Hedwige Goffin, Dominique Bertrand : Anvers, le développement d’une métropole autour du deuxième port européen, Editions Erasme, 2005, 64 pages.
Contributeur
Charlotte Meny-Boze, professeure agrégée de géographie, Lycée français Jean Monnet de Bruxelles.