Nous sommes ici à l’extrémité Sud-Est des Monts du Forez, dans le Massif Central, au Sud-Ouest du département de la Loire. L’image couvre à la fois des espaces densément peuplés et urbanisés, comme agglomération de Saint-Etienne, ainsi qu’un vaste espace rural de moyenne montagne - perché entre 600 et 1.300 m d’altitude, où sont juxtaposées parcelles agricoles, espaces boisés et petits bourgs. Eloignée des zones d’influence de la puissante capitale régionale, Lyon situé à 70 km au Nord-Est, et de l’ancienne capitale auvergnate, Clermont-Ferrand, située à 100 km au Nord-Ouest, cet « entre-deux » métropolitain interroge les relations ville-campagne, les dynamiques démographiques sous-jacentes et les recompositions fonctionnelles des espaces ruraux en confins d’agglomération.
Légende de l’image satellite
Cette image a été prise le 1 juin 2021 par un satellite Sentinel 2. (image en couleurs naturelles de résolution à 10m.)
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Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Saint-Bonnet-le-Château : un espace rural de moyenne
montagne entre attraction urbaine et isolement
La lecture de l’image fait apparaitre de saisissantes différences dans la répartition spatiale de la population et les composantes du milieu. Les espaces urbanisés occupant la moitié orientale de l’image correspondent à l’agglomération de Saint-Etienne et son extension le long des vallées de l’Ondaine et de la Loire (zoom 1). Au Nord de Saint-Etienne, l’urbanisation dense se poursuit vers la plaine du Forez (zoom 2). A l’inverse, le peuplement est beaucoup plus diffus sur la moitié occidentale de l’image, où l’urbanisation se limite à quelques bourgs ruraux comme Saint-Bonnet-le-Château, Usson-en-Forez ou Craponne-sur-Arzon. L’occupation du sol de ce vaste plateau incisé de petites vallées est partagée entre espaces boisés, au nord et sur les versants sud, et parcelles agricoles. La faible densité du bâti et de la population ainsi que la prépondérance des formations végétales rendent bien compte du caractère rural de cet espace de moyenne montagne, dont l’altitude n’excède guère les 1.300 mètres.
Des dynamiques démographiques contrastées, entre rurbanisation, déprise et vieillissement
En confins d’une métropole stéphanoise de près de 400.000 habitants en légère reprise démographique, cet espace rural entretient des relations contrastées avec les pôles urbains proches, certaines communes fonctionnant comme des territoires périurbains et d’autres étant caractérisées par un isolement plus prononcé.
Les communes rurales du piémont forézien, à proximité des axes de communication menant vers les agglomérations urbaines de la plaine du Forez, comme Andrézieux-Bouthéon, Saint-Just-Saint-Rambert et Montbrison (hors image), et à Saint-Etienne, possèdent un net dynamisme démographique depuis les années 1990. Celui-ci est perceptible sur l’image par un « mitage » des parcelles agricoles. La « rurbanisation » fait ainsi apparaitre des ensembles pavillonnaires au milieu des champs, par exemple dans les communes de Luriecq, Saint-Marcellin-en Forez ou Périgneux.
Plus à l’Ouest sur le plateau, la distance à la ville semble donner un coup d’arrêt à cette dynamique démographique. La commune de Saint-Bonnet-le-Château (voir le zoom 3) est ainsi classée en « commune isolée hors de l’influence des pôles », en confins de l’aire d’attraction stéphanoise. A l’angle sud-ouest de l’image, la commune de Craponne-sur-Arzon, elle aussi en dehors de l’aire d’attraction des villes, marque l’entrée dans le parc naturel régional du Livradois-Forez et les départements ruraux du Puy-de-Dôme et de Haute-Loire, dont elle fait partie. A l’exception de bourgs comme Saint-Bonnet (1.500 habitants), Usson-en-Forez (1 ?500 habitants) ou Craponne-sur-Arzon (2 ?000 habitants), en déclin ou avec une croissance démographique très faible, de nombreux hameaux accueillent moins d’une dizaine d’habitations, le long d’un réseau de communication peu dense et de faible importance.
Aucune ligne régulière de chemin de fer n’est encore en service dans cet espace - seule subsiste le chemin de fer touristique du Haut-Forez - désenclavé par des lignes d’autocar vers Saint-Etienne, Firminy, Montbrison ou Brioude. L’isolement des communes rurales accompagne un déclin démographique : outre la baisse de la population, celle-ci y est plus âgée dans la moyenne montagne forézienne que sur le piémont périurbain et dans la plaine du Forez.
Cette zone de contact entre un espace urbain dense et une moyenne montagne très peu peuplée fait apparaitre des profils socio-économiques des territoires très divers. Certains sont sous emprise résidentielle forte, d’autres sont marqués par l’agriculture et d’autres enfin en déprise avancée.
Des espaces ruraux multifonctionnels, entre maintien et diversification des activités rurales
L’espace rural étudié s’inscrit dans un entre-deux métropolitain, en lisière d’agglomération urbaine, dans une moyenne montagne marquée par la ruralité mais aussi certaines difficultés économiques. Le plateau occidental de l’image accueille des ménages dont la médiane du revenu disponible (environ 20 000€/UC en 2017) est certes plus élevée qu’à Saint-Etienne (18 000€/UC), mais en-dessous des communes périurbaines du piémont forézien (environ 22 000€/UC).
Alors que la plaine du Forez se compose de parcelles agricoles dédiées en majorité à la céréaliculture, visibles par leurs formes géométriques et leur couleur ocre dans le quart Nord-Est de l’image, la terminaison méridionale des Monts du Forez abrite des systèmes agricoles plus extensifs. Ceux-ci sont presque exclusivement consacrés à l’élevage et associés à des prairies, temporaires ou permanentes (voir le zoom 4). L’élevage bovin est le plus répandu, les animaux élevés pour leur viande ou pour leur lait. Deux appellations fromagères protégées coexistent à proximité, l’une à Montbrison (hors image) et la seconde à Ambert, dont certaines communes en limite ouest de l’image font partie. L’organisation du finage témoigne de l’ancienneté de la mise en valeur agricole : le regroupement des habitations laisse place aux cultures et pâturages autour du village, dans des clairières plus ou moins vastes encadrées de forêts. L’agriculture est une composante paysagère encore importante de ces espaces ruraux, bien que son poids économique soit très modéré. Plusieurs communes ont une population active agricole supérieure à 7%, comme Verrières en Forez, Montarcher ou Saillant, mais elles restent très minoritaires, la baisse du nombre d’exploitations agricoles se poursuivant.
Les parcelles boisées représentent une proportion importante de la couverture du sol, caractéristiques de la moyenne montagne. Ces forêts appartiennent dans leur immense majorité à des propriétaires privés, aucune forêt communale ou domaniale d’envergure n’étant présente sur l’image. Une partie d’entre elles, essentiellement de conifères, est exploitée. Des chemins d’exploitation se dessinent dans la texture moutonneuse du couvert forestier. Le maintien d’activités de mise en valeur de la ressource sylvicole, comme des scieries et des menuiseries, témoigne du relatif dynamisme de la filière-bois dans la région.
Les activités de loisirs et un tourisme vert diffus présente une diversification du système productif de la moyenne montagne forézienne. La proximité de cette « campagne » offre aux populations urbaines proches des opportunités récréatives. Celles-ci se manifestent notamment à travers des sentiers de randonnée (reconversion d’une ancienne ligne de chemin de fer en voie verte), la labellisation de plusieurs sites en « villages de caractère » par le Conseil départemental de la Loire (Saint-Bonnet-le-Château, Montarcher, Marols), des sites de curiosité (dolmens) ou quelques plans d’eau associés à des campings. Le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez, créé dans les années 1980, s’ouvre à la bordure Ouest de l’image et s’étend jusqu’à la vallée de l’Allier.
Zooms d’étude
Zoom 1. Saint-Etienne et les gorges de la Loire
Centre d’une agglomération de près de 400 000 habitants, la ville de Saint-Etienne - peuplée de 172 000 habitants - est visible dans le quart sud-est de l’image. L’espace y est très densément peuplé au centre et dans la zone péricentrale. Les périphéries laissent apparaitre une urbanisation plus lâche, avec des zones d’activités et de grands équipements sportifs et culturels au nord-est de la ville, où ressort le stade Geoffroy Guichard, de forme rectangulaire, et le zénith, au toit rectangulaire blanc.
Au Nord, le CHU et les zones commerciales marquent la limite Nord de l’espace urbain. L’urbanisation se poursuit au Sud-Ouest de la ville le long de l’Ondaine - La Ricamarie, Le Chambon Feugerolles, Firminy- , ancienne vallée industrielle en déclin démographique, et court jusqu’à la vallée de la Loire, délimitant un plateau à dominante rurale.
Image prise par le satellite Sentinel-2B le 26 juin 2021
Zoom 2. Andrézieux-Bouthéon et la Plaine du Forez
Au Nord de Saint-Etienne, la démographie est dynamique. Véritable « réservoir » de l’urbanisation stéphanoise depuis les années 1980, la plaine du Forez s’est transformée au gré d’un intense processus de périurbanisation. La commune d’Andrézieux-Bouthéon est un pôle économique important de l’agglomération stéphanoise. Si l’aéroport, visible en bordure orientale de l’image, possède aujourd’hui un trafic quasi inexistant, il s’agit d’une zone d’activités dynamique à proximité d’un échangeur autoroutier reliant Saint-Etienne à Lyon et Clermont-Ferrand.
La mise en valeur agricole subsiste dans cette plaine à dominante céréalière et maraîchère, longtemps habitée par la petite bourgeoisie stéphanoise. La persistance d’hippodromes ; dont trois sont visibles sur l’image par leur forme ovale caractéristique, sont des héritages de cette fonction récréative.
Image prise par le satellite Sentinel-2B le 26 juin 2021
Zoom 3. Saint-Bonnet-le-Château, bourg et centralité rurale
Saint-Bonnet-le-Château, au centre de l’image, est une commune rurale en position méridionale des Monts du Forez. Distante d’une vingtaine de kilomètres de Saint-Etienne mais à plus d’une heure de voiture, la commune se trouve aux portes des départements ruraux de Haute-Loire et du Puy-de-Dôme. Elle s’est développée au carrefour de plusieurs axes de communication reliant l’ancienne préfecture de Montbrison au Nord, la plaine du Forez à l’Est, Saint-Etienne au Sud-Est et s’enfonçant, à l’Ouest, vers l’ancienne région Auvergne. La population était, en 2017, de 1.500 habitants, avec un taux de variation annuel négatif depuis 2012, semblable aux communes limitrophes à l’Ouest, mais à rebours des communes à l’Est, plus proches des pôles urbains.
Le territoire de la commune, relativement réduit - avec 1,9 km², contre une moyenne des communes françaises de 14,9 km² - est densément aménagé. Le contour circulaire du bourg médiéval, localisé sur un promontoire rocheux, est un héritage des anciennes fortifications tombées au début du XIXe siècle. L’extension du bâti après cette période s’est faite d’abord à proximité immédiate du centre, puis en périphérie. Les lotissements pavillonnaires sont nombreux sur la frange orientale et dans la commune voisine de La Tourette. Au début des années 2000, une zone commerciale et un pôle d’activités ont vu le jour en limite Nord de la commune.
Plusieurs équipements et services assurent des fonctions de centralité pour ce bourg rural : deux collèges (l’un public, le second privé), un hôpital local, une maison de retraite ainsi qu’une brigade de gendarmerie notamment. Une vaste zone non goudronnée (de couleur blanche sur la photographie), au Nord-Ouest du bourg médiéval, se transforme en parking lors du marché hebdomadaire du vendredi, accueillant des flux de consommateurs en villégiature aux alentours, en particulier l’été. La centralité exercée par la commune à l’échelle locale trouve un écho singulier à l’échelle mondiale : plus de 80% de la production mondiale de boules de pétanque est réalisée par une entreprise installée à Saint-Bonnet-le-Château.
Image prise par le satellite Pleiades 1A le 30 juin 2020, Il s’agit d’une image en couleur naturelle, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. En savoir plus
(C) Contient des informations PLEIADES © CNES2020, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.
Repères géographiques
Zoom 4. Les Monts du Forez, valorisation et protection des milieux
Ce zoom est centré sur la commune de Saint-Anthème, de 700 habitants, dans le département du Puy-de-Dôme, localisée au fond de la vallée de l’Ance. L’espace est très faiblement peuplé, laissant apparaître une large surface boisée. La retenue du barrage des Pradeaux, construit dans les années 1930, est visible dans l’angle Nord-Ouest de l’image.
Un peu plus au Nord, les parcelles défrichées accueillent des jasseries, de petits abris associés à des prairies d’altitude car nous sommes ici à 1.300 m. d’altitude, caractéristiques des Monts du Forez. C’est dans les jasseries qu’est fabriquée la fourme - la commune d’Ambert n’est distante que de quelques kilomètres à l’Ouest - bénéficiant d’une appellation contrôlée depuis 1972. Cette activité participe d’une patrimonialisation du savoir-faire agricole des Monts du Forez, associée à une protection des milieux par le parc naturel régional.
Monts du Forez
Documents complémentaires
Sources et bibliographie
Observatoire des territoires CGET / cartographie interactive
« Territoires ruraux : entre dynamisme démographique et vieillissement de la population », INSEE Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n°120, avril 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/5360534
Béal Vincent, Cauchi-Duval Nicolas, Gay Georges et al., Sociologie de Saint-Étienne. La Découverte, 2020, 128 pages
Dubois Stéphane, « Chapitre 9. Auvergne-Rhône-Alpes », dans : Laurent Carroué éd., La France des 13 régions. Armand Colin, 2017, pp. 183-212
Contributeur
Anthony Clément, agrégé de géographie, lycée Raynouard, Brignoles