Johannesburg ne ressemble pas à une métropole classique dans la mesure où l’on entend par ce terme un principe d’organisation perceptible par une hiérarchisation des monumentalités. Elle est d’abord un ensemble urbain défini par ses fonctionnalités qui doivent autant à la nature de sa création qu’aux fractures liées à son développement. Le centre économique de la région du Gauteng mais aussi l’une des trois capitales politique de l’Etat sud-africain, est une ville récente, même à l’échelle d’un pays jeune, puisqu’elle ne prend son essor qu’à partir de 1886. Sa croissance doit autant à l’industrie aurifère qu’à la ségrégation raciale qui a accompagné l’histoire du pays. De fait, Johannesburg est devenue une métropole de quatre millions d’habitants faite d’ensembles urbains nés simultanément des mêmes causes économiques mais radicalement cloisonnés. Ainsi, le vaste plateau du Witwatersrand semble, recouvert de plaques urbaines parfaitement tangentes formant un patchwork aussi bien dans l’identité de ses habitants que dans la forme de l’habitat. En ce sens, la métropole la plus riche du continent africain expose la complexité des situations et des mutations spatiales qui touchent l’ensemble des territoires urbains sud-africains.
Légende de l’image
Cette image de la ville de Johannesbourg, capitale économique d'Afrique du Sud, a été prise par un satellite Sentinel-2 le 25 février 2022. Il s'agit d'une image en couleur naturelle et la résolution est de 10m
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Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Une géographie humaine cloisonnée, incertaine et mouvante : Johannesburg, une géographie des usages urbains
Dans sa globalité, l’image nous montre un véritable foisonnement qui reflète la vie intense de la métropole et qui contraste de manière spectaculaire avec le caractère très contraignant du site où elle se trouve.
Un site contraignant longtemps soumis à la fièvre de l’or
Depuis l’espace, l’observateur est confronté à un monde urbain sillonné de voies de communication où, pour reprendre l’analyse de Michel Foucher, il peut discerner des fractures nettes comme des lignes de failles, perceptibles par la hauteur de l’habitat, mais aussi par la couleur de ses matériaux ou de ses espaces verts. Au sol, le relief plat où la métropole prend ses aises dans un étalement urbain de plusieurs dizaines de kilomètres, rendant l’orientation difficile passé l’architecture iconique, grise de béton et d’acier, du Downtown.
Le site de la métropole consiste en un plateau d’altitude : le Witwatersrand. Il vient buter au nord, sur une chaine montagneuse : le Magaliesberg. Au-delà de la chaine de Magaliesberg, on voit très nettement la troisième capitale sud-africaine : Pretoria. La métropole de Johannesburg occupe la partie nord de ce plateau tandis qu’on aperçoit, au sud, la marque que laisse les activités extractives sous la forme de terrils rectangulaires de couleur claire alignés en fonction de la bande de minerai aurifère.
Cette bande qui affleure au niveau du sol pour ensuite plonger très profondément à plusieurs centaines de mètres, est à l’origine de la métropole qui a la double particularité d’être l’une des plus récentes d’Afrique du Sud et d’être devenue, en seulement vingt ans, la plus importante, actant le déplacement du cœur économique du Cap vers le Gauteng.
On voit sur l’image une petite partie des grands travaux d’infrastructures qui ont été nécessaires pour alimenter la ville et qui se matérialisent par des barrages de retenue dans les monts du Magaliesberg, comme le lac de Hartbeespoort, ou au sud dans des carrières abandonnées. Mais il faut imaginer, au-delà de l’échelle de l’image, la mobilisation des ressources en eau jusqu’au Lesotho voisin.
Des plaques urbaines tangentes séparant des mondes différents
Une des particularités de Johannesburg est que ses équilibres sociaux comme son urbanisme ne sont pas encore fixés et qu’ils ont beaucoup variés - et l’un et l’autre -durant un siècle et demi.
Au village de tentes aux constructions pionnières de l’époque Boer a succédé un premier urbanisme fondé sur un plan en damier qui est, encore aujourd’hui, celui du CBD - Central Business District, ou quartier d’affaires, du Downtown. Le régime d’apartheid à crée quant à lui de toute pièce des quartiers ségrégés dont le plus connu est Soweto alors qu’il recomposait le centre urbain sur le modèle nord-américain. Quant à la sortie du régime d’apartheid, elle a provoqué le déclin du centre historique au profit des banlieues riches et blanches du nord de la métropole.
On distingue aujourd‘hui, par exemple, les townships de l’habitat plus récent et plus informel des squatter camps. Soweto, symbole de l’apartheid, devient un quartier de classes moyennes noires, tandis que commencent à se mélanger les classes plus aisées dans les banlieues résidentielles et les Gated Communities. De la même manière, l’ancienne ville minière - devenue la capitale économique de l’Afrique du Sud, et plus généralement de toute l’Afrique méridionale - a développé ses activités industrielles et tertiaires, signe qu’elle ne situe plus son horizon uniquement dans une perspective d’exploitation de son territoire mais bien dans la construction d’une économie liée à la mondialisation du commerce et des services.
L’image témoigne de ces changements successifs qui permettent d’expliquer une véritable tectonique urbaine. A l’échelle de l’image globale, on peut distinguer clairement plusieurs phases du développement urbain.
La central Rand Gold Field au cœur de la phase extractive : ressource aurifère, main d’œuvre migrante et ségrégation
Une gestion immédiatement industrielle de l’industrie extractive et de la main d’oeuvre…
La central Rand Gold Field, bande aurifère, longue de soixante-dix kilomètres, est à la fois un espace originel, une centralité, une frontière et une suture de l’espace métropolitain. Son caractère originel tient à deux raisons.
La première est la ressource aurifère qui explique l’implantation urbaine. Dès l’origine, l’exploitation de l’or fut organisée sur un mode de production industriel et la chose de grands investisseurs déjà enrichis dans l’extraction du diamant, découvert dans les années 1870 dans la province du Cap, à Kimberley. Cette exploitation industrielle explique, autant que la richesse du filon, les énormes quantités d’or extraites du sous-sol qui représentent en 1913 près de 40 % de l’or mondial mis sur le marché.
Les immenses terrils dont les plus importants dépassent le kilomètre de côté, montrent le gigantisme de l’activité minière. Ils montrent aussi, en creux, l’immense quantité de main d’œuvre nécessaire à sa mise en œuvre et donc la nécessité d’une croissance urbaine rapide de la ville qui compte 100 000 personnes dès le début du XXe siècle.
… à la source des premières ségrégations urbaines…
La seconde raison est liée surtout au système de travail migrant (François-Xavier Fauvelle, 2006) mis en place pour prolétariser la main d’œuvre africaine. Ce système qui reposait sur la migration annuelle de milliers de personnes depuis leurs réserves jusqu’aux centres d’extraction, est à l’origine de la différenciation des habitats qui vont donner lieu ensuite à la création des Townships.
En effet, en différenciant l’habitation légale - la réserve - et le lieu de travail - le campound-, il s’agissait, non seulement d’empêcher toute revendication sociale mais aussi de limiter la sédentarisation de la population noire alors même que les ouvriers blancs, et la population blanche en général, n’étaient pas encore fixés. De la même manière, il s’agissait de faire reposer sur les mineurs noirs les principaux efforts de réduction des coûts d’extraction car, en dépit de sa richesse, le gisement d’or de Johannesburg comprend une faible quantité de métal par tonne de minerai, ce qui rend son exploitation coûteuse, de même que les grandes profondeurs où celui-ci doit être extrait.
La nécessité de la mise en œuvre urbaine, se trouve ainsi liée à une ségrégation affirmée des travailleurs. Tandis que les mineurs noirs étaient cantonnés en fonction de critères ethniques dans les campounds sur les lieux mêmes de l’extraction, les mineurs blancs étaient logés dans des pensions situées un peu au Nord. C’est de cette zone que naît le Downtown.
… et de deux centralités, l’une urbaine, l’autre liée aux lieux d’extraction.
Organisé selon un plan en damier, bien visible sur l’image et sur le zoom 2, il évolue rapidement du village de tente à une ville en dur où surgissent des pensions pour mineurs mais aussi des quartiers résidentiels, comme Hillbrow, dotés de parc - comme le parc Joubert, puis des immeubles et buildings qui tendent à imiter le modèle américain. On passe ainsi progressivement à un centre de plus en plus élaboré et diversifié fonctionnellement, vitrine des grandes compagnies minières mais aussi industrielles de l’Afrique du Sud.
C’est donc à partir d’une situation de ségrégation originelle que se crée la ville dont la centralité était constituée par les mines de part et d’autre desquelles se situaient les compounds et le Downtown. Puis, très vite, la centralité urbaine s’est organisée autour du seul Downtown. Au-delà de la gare et des voies qui formaient aussi frontière, on trouvait les quartiers indiens, malais, et des travailleurs noirs qui, très vite, ont débordé des compounds saturés pour gagner d’autres zones comme le quartier d’Alexandra. Cette phase originelle du développement urbain se trouve remaniées en partie par le régime d’apartheid.
L’Apartheid et l’échec d’une systématisation de la politique de ségrégation urbaine
Ce régime qui s’installe véritablement en 1948, hérite d’une situation déjà complexe où les habitats sont parfois très mélangés (quartier de Sophia Town), à la fois ségrégés et très connexes et dont la pression démographique est importante. On peut voir sur les images la résultante d’une politique menée dans trois directions : la première est le regroupement de la population noire dans les Townships, la deuxième le « blanchissement » des quartiers jusqu’ici mélangés et la troisième un zonage strict des habitats.
Sur l’image à petite échelle, on peut voir, bien séparé du Downtown par la bande extractive, les townships de Soweto. Né dans les années 1950 pour regrouper les populations noires des autres quartiers de la ville, Soweto est devenu, au fil du temps et des révoltes, le symbole même de l’apartheid sud-africain.
Différenciation et ségrégation
On distingue différentes zones séparées les unes des autres par des voies de communication ou des talwegs qui distinguent à la fois les étapes de la constitution des townships mais aussi une véritable différenciation entre quartiers. Ainsi, Pimville (1904) ou Orlando (1932) sont-ils largement antérieurs à l’apartheid, tandis que les derniers créés comme Emdeni ou Senaoane (zoom 2) datent de 1958. De la même manière, on note, bien visible, une différenciation nette de l’habitat entre quartiers ; par exemple entre Meadowland au nord, quartier de classe moyenne, et celui de Kiliptown, beaucoup plus pauvre.
Un exemple de « blanchissement » des quartiers mélangés est celui de Sophia Town, visible sur l’image au nord de la bande extractive. Quartier mixe, il était connu au début des années 1950 comme le « Chicago » de Johannesburg pour sa vie culturelle avec par exemple le magazine Drum était le seul média écrit de la communauté noire de Johannesburg, et ses boites de jazz. Soumis à une forte pression démographique du fait qu’il était le seul quartier de la métropole avec le quartier d’Alexandra où les noirs pouvaient devenir propriétaire de leur maison, il représentait à lui-seul un pôle de résistance à l’apartheid. Sa démolition en 1955 fut donc l’un de ces symboles, de même que le relogement des habitants noirs dans le quartier de Meadowland.
Oppositions, résistances et échecs relatifs
A Johannesburg, si on excepte la création du gigantesque township de Soweto qui a compté jusque quatre millions d’habitants, la tentative de créer des espaces parfaitement homogènes a cependant été un échec pour deux raisons. La première a été la résistance d’une partie de la population, par exemple dans le quartier d’Hilbrow qui devait rester une zone mixte jusqu’à la fin de l’apartheid. La seconde raison était l’impossibilité de créer une ville blanche au nord de la zone d’extraction aurifère.
L’exemple du Township d’Alexandra en est un cas d’école. Trop excentré lors de sa création en 1913 pour être un quartier blanc, il fut, comme Sophia Town, un quartier de petits propriétaires noirs. Mais à l’inverse de Sophia Town, il fut sauvé par son éloignement car il ne faisait pas partie de la commune de Johannesburg et se trouvait de facto être une communauté autonome gérée par ses propres habitants. Au cours des années 1970 et 1980, les tentatives du pouvoir Sud-Africain de transformer le quartier qui se trouvait à présent englobé dans les quartiers périphériques blancs et bourgeois de la métropole, se heurta à la vive résistance d’une population dont le cœur battait à l’unisson des révoltes du Township de Soweto.
Des quartiers du nord encore très fractionnés : Standton, Alexandra et Coronation Park
On peut être étonné de retrouver, sur l’image, les grandes lignes de fractures nées de l’Apartheid, trente ans après sa fin. On peut dès lors se demander si le cloisonnement urbain, quelle qu’en soit la cause, n’appartient pas de manière systémique, au fonctionnement de la société sud-africaine.
Le principal défi, depuis 1990, en termes politiques mais aussi d’urbanisme a été à la fois de suturer les cicatrices urbaines et de permettre un décloisonnement des territoires dont la clôture est parfois aussi ancienne que la ville elle-même. Mais les évolutions de l’habitat et l’extension de la métropole ont suivi une logique qui, parfois, a anticipé la fin de l’apartheid pour se poursuivre ensuite.
Un exemple de cette évolution est le développement des banlieues nord de la ville qui ressemble à une nouvelle création urbaine dans la métropole, avec ses lieux, ses symboles et ses dynamiques propres. L’exemple de Sandton et ses annexes est particulièrement symboliques du passage de la ségrégation racio-spatiale à la ségrégation socio-spatiale, deux formes d’exclusion qui se recoupent très souvent aujourd’hui.
Sandton, d’un faubourg rural à de nouvelles centralités urbaines
Né dans les années 1870, il n’était jusqu’à la fin des années 1960, qu’un faubourg rural de la grande banlieue de Johannesburg. A cette date, il ne comptait que 30 000 habitants. Au cours des années 1970 et surtout 1980, il bénéficia d’un double phénomène. Le premier était la dégradation des conditions de vie dans certaines parties du Downtown comme Hillbrow, qui, de quartier mixte, commença à devenir un ghetto. Le second était l’envolée des prix de l’immobilier dans les banlieues les plus proches du centre-ville.
Soumise à cette double pression, la population blanche, surtout constituée de familles avec enfants, s’installèrent plus loin à la recherche d’espace, de calme, de sécurité et d’homogénéité sociale et raciale. Avec la fin de l’apartheid, le mouvement engagé continua et Sandton, absorbé par la commune de Johannesburg en 1995, profita du déclin de l’activité économique du Downtown.
Le quartier de Sandton se constitue comme un double moderne du centre originel avec ses centralités bien visibles sur l’image comme le Leonardo, gratte-ciel le plus haut d’Afrique, le grand centre de convention qui accueillit le sommet de la terre en 2002, le vaste centre commercial bunkerisé de Monte Casino ou le square Nelson Mandela.
La montée en puissance de Sandton comme lieu du pouvoir économique et de rassemblement de la minorité blanche a eu pour conséquence le renforcement des contrastes avec les quartiers adjacents mais aussi la naissance de squatters camp blancs. Deux exemples sont particulièrement frappants, l’un par son ancienneté, l’autre par son caractère relativement neuf.
Alexandra, un township en recomposition
Le premier exemple est celui du quartier d’Alexandra. Ce township qui compte 180 000 habitants, s’il est moins connu que Soweto, est très utile pour qui veut comprendre la brutalité des contrastes de la métropole sud-africaine. Seulement, séparé des quartiers résidentiels de Sandton par l’autoroute M1 et de luxueux centres commerciaux, Alexandra a longtemps été un symbole de pauvreté à l’intérieur du grand périphérique qui délimite le cœur de la métropole.
Il est, aujourd’hui, un quartier en recomposition où se juxtaposent les anciens bidonvilles et de nouvelles zones reconstruites pour la classe moyenne avec ses commerces et ses lieux de sociabilité. On retrouve les mêmes problématiques dans le Township de Tembisa, un peu plus loin à l’est, un township en réhabilitation séparé par une simple rue du quartier résidentiel et semi-rural de Glen Austin.
Coronation Park : la grande pauvreté de certaines populations afrikaners
Le second exemple est celui du squatter camp de Coronation Park et son extension de Munsieville dans la banlieue ouest de Johannesburg. Adossé aux quartiers résidentiels de Sandton à l’exact opposé d’Alexandra, il a cette particularité récente d’être un squatter camp blanc qui reflète une autre réalité de l’ère post-apartheid.
Avec la perte de leur privilège raciaux, la mise en place de quotas d’emplois pour les populations noires ou de couleur, les populations afrikaners les plus fragiles - un peu moins de 10 % de la population blanche - ont basculé dans la très grande pauvreté.
Soweto et ses annexes, le défi de l’hétérogénéité : entre rénovation urbaine, ouverture sur le monde et gentrification
Soweto : un géosymbole de la lutte anti-Apartheid
Même si l’apartheid signifiait le rassemblement de l’hétérogénéité sociale dans des ensembles urbains ou ruraux homogènes racialement, les quartiers sud de la métropole présentaient un profil peu différencié du fait que la très grande majorité des travailleurs étaient affectés aux mêmes taches et donc au même salaire. C’était particulièrement vrai pour le Township de Soweto.
En tant que ville créée par la ségrégation, il reste un défi d’intégration pluriel à l’espace métropolitain dont il est difficile de hiérarchiser les enjeux. L’un d’entre eux est symbolique. Soweto ne peut être agrégé à la métropole que de manière singulière dans la mesure où son identité est marquée par la révolte contre l’apartheid. Le développement économique du territoire, l’idée même de sa gentrification, sa mise en tourisme sont des enjeux puissants qui dépassent largement la politique urbaine.
Un quartier lié à la mine et à ses héritages en mutations
La géographie du quartier, telle que le montre l’image, rend la chose complexe et c’est là qu’interviennent d’autres enjeux liés à l’origine extractive de l’implantation urbaine car Soweto est un quartier de mineurs mieux relié aux sites d’exploitation qu’au reste de la métropole. De plus, c’est un site enclavé dont la suture est impossible du fait des rejets toxiques des mines, de l’instabilité des terrains liée aux galeries abandonnées peu entretenues (cf. zoom 2). Enfin, abritant la moitié de la population métropolitaine, Soweto est toujours soumis à une intense pression démographique qui rend difficile son aménagement. La résolution de ces enjeux est à la fois interne et externe.
D’un point de vue interne, Soweto a été dès les années 1990, un laboratoire de la réhabilitation des townships sud-africains. Le goudronnage des rues, la connexion de toutes les habitations au réseau électrique, la mise en place d’un réseau d’adduction d’eau, ont participé à transformer le quartier comme le regard porté par les habitants eux-mêmes sur leur lieu de vie.
En attendant que le marché immobilier s’organise et entraine une destruction-reconstruction des habitats, de nouvelles sections modèles ont été créées qui donnent une direction à ce que deviendra Soweto comme celles de Protea Glen, Snake Park et Bram Fischer. Des maisons familiales au lieu des « boites d’allumettes » de quatre pièces forment l’horizon d’un quartier qui se reconstruit sur le parcellaire de l’ancien township, ce qui favorise son identité propre. Avant la pandémie de Covid, l’augmentation plus rapide à Soweto des prix de l’immobilier par rapport à ceux de l’ensemble de la métropole était un indicateur de ces mutations rapides, à la fois sociales et urbaines.
Identités et lieux symboliques, tourisme et muséification
Quant à l’identité du quartier, elle se développe aussi par des lieux symboliques à la fois de la vie quotidienne mais aussi de l’histoire sud-africaine. On peut voir sur l’image des centres commerciaux à l’intérieur du quartier qui sont, petits ou grands, au nombre d’une centaine et montrent à eux-seuls une véritable requalification des fonctions urbaines (cf. zoom 2). D’un autre point de vue, la mise en tourisme de la rue Vilakzi, où résidaient Nelson Mandela et Desmond Tutu, participe à créer une centralité à la fois festive - avec la présence des bars et des boutiques pour touristes étrangers ou habitants fortunés - et mémoriel avec le musée crée dans l’ancienne maison de Nelson Mandela.
Autour de cette rue et de ce quartier qui « s’airbnbisent » se joue l’intégration de ce territoire iconique dans une mondialisation des lieux qui dépasse très largement la métropole sud-africaine. Le mémorial en hommage à Hector Pieterson clôt cette ouverture en même temps qu’il appelle à son extension. Ce sont logiquement ces lieux, très fragilisés par la pandémie mondiale et symboles de fractures économiques, qui ont été le théâtre d’émeutes en 2020, signe de la précarité du développement des anciens townships.
D’un point de vue externe, la question qui se pose est celle des espaces de transition entre Soweto et les quartiers qui la bordent. En réalité, comme la zone d’exploitation minière fait frontière, la question ne peut être résolue qu’avec le Downtown par la mise en œuvre d’une double symbolique de la réconciliation. La première est celle de la ville avec son activité minière qui donne lieu, dans cette suture urbaine à un parc-musée dédié à l’or, la Gold Reef City. (Cf. Zoom 2). La seconde est celle de la reconnaissance du travail des peuples indigènes dont la faiblesse des coûts du travail, ont été déterminant dans la rentabilité et la longévité de mines très complexes à exploiter. C’est la raison pour laquelle le musée de l’apartheid est intégré au complexe touristique de la Gold Reef City.
Les défis de la réhabilitation du Down Town : enjeux économiques, urbains et symboliques
Comme marqueur des grandes mutations qui ont affecté la métropole comme l’ensemble du pays, la rénovation du Downtown est, depuis les années 1990, un enjeu de société mais aussi d’identité urbaine sud-africaine. Comme dans toute ville, il indique tout à la fois, le degré d’insertion dans la mondialisation, la présence d’un particularisme fort qui l’en distingue et la capacité à mettre en œuvre un imaginaire puissant. Mais, à Johannesburg, s’ajoute à ces enjeux déjà considérables, la question de la pertinence d’une centralité pour ces plaques urbaines tangentes, certes de plus en plus poreuses, mais qui fonctionnent aussi de manière très autonome les uns des autres.
On peut s’interroger pour commencer sur ce qui provoque le sentiment d’unité, ce que l’on peut traduire parfois par l’idée de pulsation urbaine. L’image globale nous donne un début de réponse par le caractère très centralisé des voies de communication qui aboutissent au Downtown. Métropole de migrations pendulaires aux embouteillages spectaculaires, Johannesburg oppose son décor de béton et d’acier que l’on compare souvent à un Manhattan africain, aux périphéries pleines. Mais à la différence de New York, cette centralité semble être le lieu d’une interrogation portant sur l’identité d’une nouvelle mutation urbaine.
Portant un imaginaire très négatif d’insécurité, abritant dans certains quartiers une population souvent néo-migrante porteuse d’une culture différente de celle du pays, le Downtown semble fonctionner par détournement de la symbolique qui l’a fait naître. Ce détournement qui est lié au caractère pionnier de la métropole cumule trois strates. La première, bien visible à l’image et sur le zoom 3, est celle de la ville coloniale au plan en damier qui se termine par le parc Joubert au Nord. La deuxième est la mise en place d’un vaste CBD au Sud qui reprend les codes du pouvoir financier occidental et mondialisé. La troisième est la réaffectation des espaces industriels périphérique comme Braamfontein et Newtown.
Désertée par une grande partie de ses habitants blancs dans les années 1980 au profit des banlieues nord, la ville pionnière s’est fractionnée en îlots comprenant des minorités ethniques souvent plus pauvres que dans le reste de la métropole et longtemps laissées à elles-mêmes ce qui entraîne une réflexion sur l’insécurité du centre passant d’une part par la recréation d’espaces publics comme le parc Joubert et d’infrastructures culturelles comme la galerie d’art de Johannesburg.
Entre gentrification et tentatives de reconquêtes : un Downtown pionnier ?
Un CBD en crise entre engorgement, déclin démographique et concurrence
Cette réflexion a aussi touché le CBD, triplement victime de son engorgement, de son déclin démographique et de la concurrence de l’émergence du nouveau pôle de Sandton. L’échec de la piétonnisation, sur le mode occidental, qui a provoqué de nouveaux départs d’habitants tout en renforçant l’isolement de l’hypercentre par rapport aux zones urbaines périphériques, a poussé les institutions urbaines à repenser le modèle urbain.
Le premier défi est celui de l’habiter puisque le CBD est peuplé de trois millions de travailleurs le jour pour moins d’un million d’habitant la nuit. Quartier dégradé entre gratte-ciels démodés, parfois squattés et zones d’habitations ghettoïsées, il cultive aujourd’hui une image plurielle en détournant les codes des pouvoirs financiers, lieu d’une nouvelle sociabilité, ouvert aux expressions d’artistes sud-africains qui y voient l’embryon d’un nouveau type de métropole, moins occidentale et plus africaine.
Il offre la réalité encore chaotique d’un décor urbain en reconstruction où les « roof top bar » du quartier du Carlton Center voisinent avec les squats d’artistes et les immeubles vétustes pour migrants à coté de sièges sociaux et de bureaux réhabilités ou d’hôtels de luxe, comme une illustration d’une identité urbaine en mutation rapide.
Réhabilitation, gentrification, muséification
Débordés par l’ampleur de la tâche de réhabilitation, les institutions métropolitaines, comme l’Etat sud-africain, ont privilégié une approche périphérique de restructuration des quartiers en se servant des investisseurs privés comme levier.
Le quartier de Braamfontein a été le premier à avoir été touché grâce à un processus de gentrification initié par la jeunesse étudiante. Entre cafés bio et boutiques design, il met en scène la mutation du Downtown dans un mouvement permanent de réaffectation des lieux. L’accent est ici mis sur le caractère toujours transitoire des activités, des modes qui perpétuent le mythe de la ville pionnière.
En comparaison, le cas du quartier de Newtown est très différent. Cette grande zone industrielle créée au début du XXe siècle dont le centre symbolique est la grande usine électrique, est aujourd’hui le quartier des musées de la métropole dont la vocation est de rayonner sur le continent entier par le biais du musée africain. Il se présente comme une vitrine du développement du pays, un outil d’éducation pour la population métropolitaine et un exemple de recréation de l’espace public par l’art.
Un troisième exemple témoigne de la volonté bien réelle de la part des habitants des banlieues aisées de se réapproprier l’hyper-centre dans un esprit véritablement pionnier. Le mouvement de création de gated commuunities dans le Downtown peut être illustré par l’enclave créée dans le quartier pauvre de City and suburban (zoom 2) en 2009 par un investisseur privé à partir d’une zone constituée d’entrepôts abandonnés et d’anciens garages. Surveillé par des gardes armés, ce quartier enclavé, aux allures volontiers internationales, est un exemple de rénovation urbaine à destination des creatives classes désireuses de vivre sans risques l’aventure d’une reconquête spatiale d’une ville qui se reconstruirait sinon sans elles. Le quartier se caractérise ainsi par des réhabilitations à la demande des blocs à fin d’habitation avec de grands lofts, de tiers lieux ou de boutiques à la mode.
En conclusion
Métropole polymorphe, passionnante dans sa quête de vivre au présent en agglomérant par plaques ses mues successives, mettant à nu ses fractures sociales et ses scarifications liées à son histoire, Johannesburg est d’abord une ville de la frontière au sens nord-américain du terme dont la symbolique et la centralité est constituée par les traces passées et présentes de l’extraction minière.
Quelles que soient ses mutations successives, elle demeure ancrée aussi bien dans sa géographie que dans son organisation ou dans le cadre mental de ses habitants si divers, à ce qui l’a fait naître. En ce sens, son caractère originel permet de comprendre tout à la fois ce qui tient ensemble ces pièces disparates d’un gigantesque puzzle urbain mais aussi l’idée que la ville fonctionne toujours par recompositions successives comme si, rien ne pouvait vraiment durer, si ce ne sont les terrils immuables qui dominent la métropole de leur masse.
Ceux-ci ne font donc pas que représenter physiquement et symboliquement la richesse créée par les habitants du Gauteng mais sont le témoin mémoriel d’un esprit pionnier toujours vivant qui a gagné l’ensemble de ses habitants.
En ce sens, Johannesburg possède une identité à la fois très puissante et particulière à la fois, cumulant les contradictions. Elle est une métropole attractive pour les migrants d’Afrique subsaharienne venus y chercher fortune, mais aussi une métropole de la pauvreté étagée qui se déplace au gré des modes et des peurs d’une population plus riche qui tend à s’enfermer ou à reconquérir des territoires perdus. Lieu d’une très forte expression artistique qui gagne l’espace public, elle est l’une des deux villes les plus violentes du monde.
Vue de haut, elle demeure comme le chaudron d’une société africaine en développement rapide, en recomposition sociale fondée sur un libéralisme affirmé, et toujours, à l’ombre des terrils.
Zooms d’étude
Zoom 1. Prétoria-Tshwane, un appendice urbain ?
Entre différenciation originelle et désir d’arasement des différences…
A une cinquantaine de kilomètres au nord du Downtown, se trouve la ville de Pretoria, elle-même intégrée à l’intérieur d’une agglomération urbaine baptisée Tshwane depuis le début des années 2000. Située dans une vallée tracée par la rivière Apies, entourée de collines appartenant à la partie orientale du Magaliesberg, elle semble être par sa géographie particulière et par son climat subtropical humide une entité à part dans l’ensemble métropolitain dont le centre est Johannesburg.
Pourtant sur l’image générale, on voit bien qu’il n’en est rien et qu’elle semble être, au premier regard, une extension naturelle de la métropole qui a déjà absorbé bon nombre de noyaux urbains périphériques. Le zoom proposé ici, montre une réalité plus nuancée et il ne s’agit pas ici de choisir entre intégration urbaine ou adjonction d’une réalité géographique différente.
On insistera ici en même temps sur la différenciation durable des deux ensembles géographiques et en même temps sur les tentatives d’arasement de ces différenciations très fortes qui animent deux ensembles aux dynamiques à la fois opposées et complémentaires. Si on s’attache aux différenciations, on ne peut que constater à quel point Prétoria tourne le dos à la problématique de constante refondation de la métropole. Elle demeure une ville administrative entourée de banlieues résidentielles bien délimitées et de townships.
Prétoria est un concentré des clivages sud-africains…
Son organisation est bien visible sur l’image. Elle s’étend d’ouest en est en suivant un axe principal -Church Street - qui semble en lui-même une sorte de résumé des clivages sud-africain. Partant à l’ouest du township très pauvre d’Atteridgeville, elle traverse le quartier de classe moyenne de Danville avant d’aborder le cœur de la ville Afrikaner, longer le quartier d’affaire et le quartier gouvernemental d’Arcadia. Au nord et au sud, dans les collines, s’étagent les quartiers selon une ségrégation sociale centre-périphérie bien marquée.
Depuis 2007, les débats à propos des nouvelles symboliques urbaines se sont concentrés sur Pretoria - Tshwane, et précisément sur la modification du nom de l’agglomération et des rues. Et ce n’est pas seulement du fait du statut de capitale de la ville, mais bien de la difficulté à convertir une ville dont l’essence est d’abord mémorielle. Il faudrait d’ailleurs plutôt écrire uni-mémorielle dans la mesure où Prétoria a été, avant l’intégration à l’Afrique du Sud Britannique, la capitale de la république du Transvaal dont l’essence était l’identité afrikaner.
… qui pose la question de la cohabitation des mémoires et des identités.
On voit bien, sur l’image, la prégnance de ces lieux qui scandent l’espace public. Quand on vient de Johannesburg par la route 14 aussi nommée « Pretoria main road », après avoir passé les deux bases aériennes, le visiteur est accueilli par le monument en hommage aux colons afrikaners du « grand Trek » qui, partis du Cap en 1835-1838, ont fondé la république du Transvaal et l’Etat libre d’Orange. Ce monument très visible de 41 mètres de haut possède une symbolique forte : la plus longue frise de marbre du monde présente l’épopée d’un peuple - les Afrikaners - en quête d’un territoire. Il se trouve lui-même à l’intérieur d’un parc mémoriel composé du fort Schanskop, construit en 1896 pour protéger la ville d’un coup de main Britannique et d’un amphithéâtre qui est aujourd’hui un lieu de manifestations et de sociabilités. L’ensemble a été classé en 2012 dans la liste des monuments historiques sud-africains.
Un peu plus au nord, le futuriste Freedom Park, situé au sommet d’une colline, présente une réalité globale de l’histoire Sud-Africaine qui rend hommage aux morts de toutes les guerres de l’Afrique du Sud et aux victimes de l’apartheid. Géographiquement, il manque ainsi une interface entre deux monumentalités qui n’ont pas trouvé d’articulation mémorielle. Cet exemple de juxtaposition n’est pas unique et montre que Prétoria-Tshwane n’est ni un simple résumé, ni une extrapolation de la réalité métropolitaine mais bien une sorte de miroir inversé.
Capitale d’un peuple, puis d’un Etat ségrégationniste, puis de la nation arc-en-ciel, elle est paradoxalement soumise au changement mais aussi à l’injonction de pérennité. Alors que Johannesburg cultive sans complexe l’idée que rien n’est vraiment durable et que l’essence de la métropole est dans sa recomposition permanente, Prétoria - comme centre la fierté afrikaner et symbole d’une résilience -emprunte le chemin inverse d’une durabilité qui peut cumuler les contradictions et fonctionne sur le mode du compromis. Ainsi, les symboliques emboitées et parfois douloureuses témoignent-elles des rapports de force existants et d’une nécessaire intégration de toutes les histoires.
Repères géographiques
Zoom 2. Le Central Rand Gold Field : Espace clivant d’une centralité urbaine
Une symbolique à la fois fondatrice et clivante…
S’il faut chercher une centralité à la métropole de Johannesburg qui explique son organisation, il faut la chercher dans cette bande extractive qui coupe la métropole en deux parties inégales d’ouest en est. Mais au-delà de la fracture visible, elle est surtout une symbolique très puissante qui unifie la ville autour de son douloureux passé extractif. Elle l’unifie aussi autour de son présent dans la mesure où cette zone continue d’être exploitée à très grande profondeur - à - 3 900 m. dans le complexe minier de Tau Tona - et de manière intensive : 41 000 tonnes d’or en 2018 sur les 190.000 produites annuellement. Enfin, elle pose un défi pour l’avenir puisqu’il s’agit, à cette échelle, de la plus vaste zone extractive du monde au cœur d’une grande métropole.
La Central Rand Gold Field pose ainsi deux défis majeurs bien visibles sur l’image. Le premier est symbolique. Visible aussi bien du quartier de Soweto que du Downtown et ses périphéries plus riches, sa signification pour les uns ou pour les autres est très différente et la question posée en termes du sens des lieux est celui de l’unification de sa signification. Le choix de placer le musée de l’apartheid sur cette centralité doublement symbolique est à la fois pleine de sens et problématique. Le musée rappelle que la rentabilité des mines était liée à la faiblesse des salaires versés aux travailleurs noirs et que le mythe pionnier repose en premier lieu sur une logique d’exploitation. En revanche, ce choix implique que la centralité symbolique s’appuie sur un élément clivant qui en dit long sur les fractures qui continuent d’exister à l’intérieur de la métropole.
… adaptée à l’imaginaire de la société sud-africaine…
Mais, somme toute, faut-il décentrer notre regard et prendre en compte le fait que ce musée en lui-même est compris dans un parc d’attraction, Gold Reef city qui comprend d’autres symboliques. La première est celle d’une société très libérale qui s’appuie sur les valeurs de liberté individuelle et de recherche du bonheur qui passe d’abord par l’argent. La présence des éléments classique de l’Entertainment d’un parc d’attraction est couplée avec celle d’un casino dont la symbolique est minière avec un décor art nouveau et l’omniprésence des dorures.
Autour, un quartier de start-up mais surtout des quartiers très résidentiels rappellent la très forte émergence du pays et son insertion dans la mondialisation des services et des hautes technologies, richesse « minière » de demain. A l’ouest, un grand centre d’expositions et de manifestations situé entre deux zones minières dont l’une a été réaménagé en parc, tend à créer une nouvelle sociabilité plus partagée. On ne peut que rapprocher cette symbolique des nouvelles ségrégations socio-spatiales qui touchent les différents quartiers de la métropole sans trop bouleverser les anciennes hiérarchies héritées. Ce qui pouvait donc sembler une tentative de suture hors sol apparaît comme un miroir d’une société sud-africaine idéalisée dans sa résilience.
… Mais qui pose des défis en termes de durabilité : quel avenir pour l’eau ?
Le second défi touche à la fois le présent en termes d’aménagement et l’avenir en termes écologiques. Outre l’impossibilité de construire au-dessus des puits de mine du fait de l’évidement des roches et des nombreux risques d’effondrements miniers, la question des déchets miniers est particulièrement sensible.
Riche en pyrite de fer, ces déchets dégagent de l’acide sulfurique au contact de l’eau de pluie qui détériorent les bétons. Le drainage minier s’accompagne aussi de la pollution des eaux souterraines aux métaux lourds présents comme le cadmium, le mercure ou le zinc. Dans une région qui souffre de sécheresses fréquentes où la question de l’eau est un problème majeur, cette pollution met en jeu la santé des habitants les plus précaires et peut-être la source de nouvelles tensions.
Repères géographiques
La suture urbaine des anciennes zones minières
Doc 7. Heritages miniers
Doc 8 : mine
Soweto/ Orlando / Meadowland
Vers l’ouest, Orlando et Meadowland
Repères géographiques
Meadowland/Orlando/Soweto : Orlando Stadium
Repères géographiques
Au centre-Ouest, Soweto et Diepkloof
NASREC, musée de l’Apartheid et casino
Repères géographiques
Zoom 3. Les quartiers d’Hillbrow et Berea
Deux quartiers en déshérence…
Les quartiers d’Hillbrow et de Berea sont un concentré des problématiques liées à l’évolution des fonctionnalités urbaines depuis une cinquantaine d’année. Anciennes zones résidentielles, ces deux quartiers figurent parmi les plus pauvres et les plus dangereux de la métropole. Réservés à la population blanche du fait de la Loi sur les zones réservées de 1950, ces deux quartiers devinrent, du fait de la résistance de ses habitants, une zone grise très attractive du fait de ses loyers moins élevés que dans le reste de la ville. Progressivement, à la fin des années 1970 et 1980, ils perdirent leurs habitants appartenant à la classe moyenne et devinrent un ghetto.
Depuis les années 2000, ils accueillent les migrants venant d’Afrique sub-Saharienne, régulièrement victimes de violences et soumis à la loi des gangs qui prennent possession des immeubles et les détournent à leur profit. Les Hijacked Buildings sont très nombreux dans ces deux quartiers, formant des bidonvilles verticaux. Un exemple iconique est celui de la tour Ponte à Borea, devenu à la fin des années 2000, un centre important de criminalité lié au trafic de drogue. Malgré la criminalisation de ces pratiques, l’action volontaristes de certains habitants qui chassent les trafiquants, comme dans Ponte Tower, et le rachat d’immeubles par la municipalité, Hillbrow et Borea apparaissent comme un sous-« squatter camp » avec cette différence notable que les habitants n’ont pas les mêmes pratiques culturelles que ceux du reste de la métropole.
… Objets d’une politique urbaine volontariste.
Or, comme on le voit sur l’image, ces deux quartiers appartiennent à l’hyper-centre métropolitain qui est l’objet d’une politique de reconquête de la part de la municipalité. Ces quartiers ont, de surcroît, de réels atouts. Dotés d’une symbolique fortes - l’Hillbrow Tower est l’emblème de la ville, constitués d’immeubles anciens qui peuvent donner lieu à de fructueuses opérations immobilières, ils ont le potentiel d’un quartier riche dans une zone qui commence à se gentrifier (Cf. quartier de City and Suburban ou fashion District).
Ils sont clairement délimités au sud par la voie ferrée qui forme une discontinuité urbaine majeure. A l’est, l’université de Johannesburg et le grand ensemble sportif forment frontière. A l’ouest, la gare centrale et surtout le parc Joubert forment une interface de circulation piétonne entre ce quartier et le reste du Downtown. Ces frontières sont en réalité des fronts qui permettent de grignoter, bloc après blocs, les zones de pauvreté en y intégrant une population plus jeune et plus aisée.
Le parc Joubert : un enjeu symbolique puissant
Le parc Joubert est l’enjeu symbolique le plus puissant de cette politique. Premier parc créé dans la ville au début du XXe siècle pour la bourgeoisie blanche, il est aujourd’hui fortement déconseillé aux touristes le jour et il semble exclu de le traverser de nuit. A quelque pas de la gare, fréquentée par toutes les catégories sociales de la métropole, il pourrait être néanmoins une centralité du Downtown.
Le premier acte d’une reprise en main a été l’installation de la galerie d’art de Johannesburg qui permet, non seulement de brasser les populations mais aussi de placer un lieu touristique à proximité. Ouvrir le lieu, au sens symbolique du terme, a permis, depuis le début des années 2010, une certaine réappropriation de l’espace public en journée et un fractionnement du parc en zones plus ou moins sures, prélude à sa réintégration dans l’espace urbain.
Downtown
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Zooms supplémentaires
Le Central Business District, le Fashion District et le parc Joubert
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Le CBD, vue détaillée
Le CBD, vue détaillée
Lieux reperes du CBD et de ses annexes
Zoom 4. Sandton et la banlieue nord, une recréation urbaine ?
C’est dans les quartiers de Rivonia, de Randburg et de Sandton que se trouvent les plus grands centres commerciaux de la métropole. Montecasino est souvent cité comme un modèle d’une société de consommation qui fait fi des inégalités sociales dans un monde urbain très protégé. Mais il en existe de nombreux autres et parfois de plus importants comme ceux d’Hoogland et de Kya Sand, très visibles sur l’image. Les zones d’activité qui provoquent aussi une polarisation de l’habitat sont de aussi de nature différente. Liés aux activités de service, à l’automobile ou à la high-tech, ils emploient une main d’œuvre très qualifiée qui habite à proximité.
Enfin, dans une métropole souvent à court d’eau et qui multiplie les plans ayant pour but un égal accès à la ressource, la présence de six grands terrains de golf en dit long à la fois sur l’importance des infrastructures présentes que sur le niveau de vie d’une population qui vit à l’écart des grands enjeux métropolitains.
Cette impression est confirmée par le CBD de Sandton qui est devenu le lieu principal pour les affaires dans la métropole après la relocalisation de la bourse de Johannesburg et le transfert du siège social de nombreuses entreprises comme Hewlett Packard ou IBM. A la fois centre d’affaire rayonnant sur l’ensemble du Cône Sud de l’Afrique et relai de la mondialisation puisque la bourse de Sandton est liée depuis 2001 au London Stock Exchange, elle matérialise une des centralités de la ville autour d’une activité « minière » d’un nouveau genre.
Conséquence de la période qui précède la fin de l’apartheid comme l’idéalisation d’un mode de vie, Sandton témoigne aujourd’hui de la mutation des ségrégations. Les habitants, très majoritairement anglophones, ont créé un espace à la fois très différent de la ville pionnière mais aussi de Prétoria, la ville Afrikaner. D’autre part, la montée en puissance des classes moyennes et supérieures noires ont coloré le quartier où les populations blanches ne sont plus majoritaires même si elles restent dominantes par rapport au reste du territoire métropolitain (autour de 48 %).
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Images complémentaires
On va voir pour trouver des images complémentaires
South Johannesburg : les nouveaux lotissements et gates communities périurbains.
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Eldorado Park au sud de Soweto : nouvelles dynamiques urbaines
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Sources et bibliographie
Sur le site CNES Géoimage
François Saulnier : Afrique du Sud - Le Cap : une métropole post-apartheid en profondes mutations sociales et urbaines
/geoimage/afrique-du-sud-le-cap-une-metropole-post-apartheid-en-profondes-mutations-sociales-et
on mettra un lien du Cap vers ton dossier nv
Références ou compléments
Paul Coquerel, L’Afrique du Sud : Une histoire séparée, une nation à réinventer
Gallimard, 2010.
Fabrice Folio, Dark Tourism ou tourisme mémoriel symbolique ? Les ressorts d’un succès en terre arc-en-ciel.
https://journals.openedition.org/teoros/2862
Sylvain Guyot et Myriam Houssay, La nature, l'autre frontière : Fronts écologiques au Sud (Afrique du Sud, Argentine, Chili), Ed. PIE Peter Lang, 2017
Marie-Annick Lamy-Giner, (Université de la Réunion), Les ports commerciaux d’Afrique du Sud https://mappemonde-archive.mgm.fr/num6/articles/art05205.html
Bernard Luga Ces français qui ont fait l'Afrique du Sud, Ed. Bartillat, 1999.
François-Xavier Fauvelle Histoire de l'Afrique du Sud, Ed. Points, 2016.
Myriam Houssay-Holzschuch, Mythologies territoriales en Afrique du Sud Ed. CNRS éditions, 2000.
Michel Foucher, fronts et frontières, Un tour du monde géopolitique, Fayard 1991.
Nicolas Lemas, « Pour une épistémologie de l’histoire urbaine française des époques modernes et contemporaines comme histoire-problème », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°9, septembre-décembre 2009. www.histoire-politique.fr
Johannesburg : équité et eau, une étude géographique
Publié le 07/06/2003
Auteur(s) : David Blanchon - AMN - Université de Paris 10 Nanterre - Laboratoire Géotropiques
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/geoconfluences/informations-scientifi…
Bénit C. - Johannesburg : déségrégation raciale, ségrégation sociale ? In : Dureau, F., Dupond, V. (et al.) - Métropoles en mouvement, une comparaison internationale - Anthropos et IRD.
La marche urbaine : un outil pour appréhender les émotions à Johannesburg ?
Chrystel Oloukoi
https://journals.openedition.org/cdg/576
À l’intérieur des « camps de squatters blancs » post-apartheid en Afrique du Sud, | Daily Mail en ligne
Afrique du Sud: des townships mixtes mais pas mélangés (rfi.fr)
AFRIQUE DU SUD. Plongée au cœur de la pauvreté blanche (courrierinternational.com)
Ville d'apartheid, ville de ségrégation : Johannesburg - Bulletin n°28 (cndp.fr)
Johannesburg, les fractures post-Apartheid | | CLES : Notes d'Analyse Géopolitique (notes-geopolitiques.com)
Story of cities #19: Johannesburg's apartheid purge of vibrant Sophiatown | Cities | The Guardian
La gentrification de Soweto cache les cicatrices de sa cruelle histoire d’apartheid | Niq Mhlongo | Le Gardien (theguardian.com)
Downtown Johannesburg 1 : histoire d’une renaissance urbaine - Si loin si proche (rfi.fr)
Downtown Johannesburg 2 : Arty City - Si loin si proche (rfi.fr)
Contributeur
François Saulnier, agrégé, professeur en géographie du tourisme, lycée Charles de Gaulle de Compiègne, Sorbonne Université.