Publié le 27 juin 2023

[Quézako ?] Des radars pour traquer les fusées

Le radar Bretagne 1 mesure en continu la position des fusées dans les 1eres minutes du lancement. L’objectif : définir leur trajectoire et anticiper les retombées au sol du lanceur en cas de neutralisation. Ces données cruciales assurent la sécurité des populations en cas de défaillance du lanceur.

 

Le radar Bretagne 1 traque la trajectoire des fusées pendant les 1eres minutes qui suivent leur décollage. Crédits : 2012 - ESA/CNES/ARIANESPACE/Optique Vidéo du CSG - L. Barthet-Barateig.

Au moins 2 capteurs indépendants pour chaque tir

 

En tant qu’acteurs du transport spatial, impossible de lésiner sur la sécurité. Hors de question qu’une fusée mette en péril des citoyens ou des biens lors de son décollage ! La solution ? Les radars.

Sur cette image mystère, laissez-nous vous présenter le radar Bretagne 1. Situé sur la montagne des Pères au Sud (à découvrir en visite virtuelle ici) du pas de tir du Centre spatial guyanais (CSG), il traque les fusées lors de leur décollage. « Pendant toute la durée de la mission de sauvegarde – environ 500 sec pour Ariane, les radars localisent le lanceur en temps réel, complète Belaïd Dahmouchene, spécialiste radars au CNES. Cela permet aux responsables sauvegarde vol d’évaluer la trajectoire et de lancer l’ordre de neutralisation de la fusée en cas de risque pour la population. » Ces radars sont cruciaux : à ce jour, ils sont les principaux moyens techniques pour suivre la trajectoire du lanceur durant les 1eres minutes après le tir. Si des capteurs sont parfois embarqués dans la fusée, ils manquent encore de robustesse.

Bretagne 1 n’est pas le seul capteur impliqué dans la mission de sauvegarde. « Il est obligatoire de disposer de 2 moyens de localisation totalement indépendants, précise Belaïd Dahmouchene. Cette redondance assure un suivi de la mesure en cas de défaillance technique de l’un des capteurs. » Petit frère de Bretagne 1, le radar Amazonie 1 suit lui aussi les fusées dès leur tir. Mais parfois ces 2 radars proches du pas de tir à Kourou peuvent être éblouis par les panaches de fumée à l’arrière du lanceur. « C’est notamment le cas pour les tirs de la fusée Vega, qui se font principalement en direction du Nord », ajoute Belaïd Dahmouchene. Au Nord-Ouest de Kourou à Saint-Jean du Maroni, le radar INTA – remplacé par Amazonie 2 en 2025 – prend alors le relai. « Enfin un dernier radar (Bretagne 2) est situé au Sud-Est de Kourou à Montabo [voir la visite virtuelle ici] : il complète le radar Bretagne 1 lors de trajectoires très spécifiques, nous l’avons notamment utilisé pour le tir de la mission JUICE le 14/04/2023 », finalise Belaïd Dahmouchene. L’ensemble des données est coordonné et traité par le Système de coordination et visualisation (SCTV) – une sorte de tour de contrôle – dans le bâtiment Jupiter 1 du CSG. 

L’objectif commun à Bretagne 1 et ses confrères : définir en temps réel la trajectoire du lanceur. Elle est évaluée grâce à la mesure de la position et de la vitesse de la fusée dans le temps. « Grâce à ces données, les trajectographes – appareils servant à calculer la trajectoire – et les moyens sauvegarde vol visualisent l’impact au sol du lanceur en cas de neutralisation », complète Belaïd Dahmouchene. Ce calcul est réalisé toutes les 100 millisecondes. 

Le radar Amazonie 1 suit lui aussi le lanceur lors de son lancement pour assurer la redondance de l'information. Crédits : 2021 ESA-CNES-ARIANESPACE/Optique vidéo du CSG - S Martin.

 

 

Le radar Bretagne 1, vieux de plus de 50 ans, est protégé des conditions climatiques par un radôme. Crédits : 2006 ESA-CNES-ARIANESPACE/photo Optique Vidéo du CSG.

Plus précis qu'une horloge suisse

 

Pour sa part, le radar Bretagne 1 effectue 585 mesures/sec. Il émet une onde électromagnétique grâce à un émetteur pulsé d’une puissance de 1MW en direction du lanceur à travers son antenne d’un diamètre de 3 m. La fusée est équipée, elle, de 2 répondeurs radar : lorsque ces répondeurs captent le signal radio provenant de Bretagne 1, ils émettent en retour un signal vers le sol. « Cela nous assure de suivre la fusée, et non un autre objet ! explique Belaïd Dahmouchene. La portée de poursuite est également améliorée. »  Grâce à la mesure du temps écoulé entre l’émission et la réception de l’onde, la distance entre le radar et la fusée est calculée. Elle peut être suivie jusqu’à plus de 4000 km de distance, avec une précision de 10 m !

Bretagne 1 est plus précis qu’une horloge suisse, il est constitué d’engrenages mécaniques de haute précision.

Belaïd Dahmouchene,  spécialiste radars au CNES.

Pour protéger les pièces mécaniques et électroniques, le radar est placé sous un radôme (le dôme blanc) qui l’abrite des conditions météo, et où l’humidité et la température sont contrôlées. Il faut dire que sous ses airs, Bretagne-1 a déjà plus de 50 ans ! Il devrait prendre un coup de jeune en 2024, comme l’explique Belaïd Dahmouchene :

Toute la partie électronique, désormais obsolète, va être rénovée : télémétrie, émetteur, exploitation, énergie, commande … Tout va être changé sauf l’antenne, la mécanique et les asservissements (dont la rénovation interviendra par la suite).

Avant cela, c’est Bretagne-2 qui devrait se faire une beauté en 2023. Mais rassurez-vous, d’ici là, il sera toujours possible de compter sur leur fiabilité sans faille !

Le radar Bretagne 1 a été utilisé pour le lancement de la mission JUICE le 14/04/2023. Crédits : CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG.

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Belaïd Dahmouchene,  spécialiste radars au CNES. Crédits : 2021 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique vidéo du CSG - G. Barbaste.

 

 

À Montabo, le radar Bretagne 2 suit les lanceurs empruntant certaines trajectoires, comme lors du tir de la sonde Juice vers Jupiter en avril dernier. Crédits : 2022 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique vidéo du CSG - P Baudon.

 

Lorsque la fusée est trop éloignée, les radars ne sont plus en mesure de suivre sa trajectoire. Les antennes de télémesure prennent alors le relai : ici celle de la station Galliot à Kourou suit le décollage d’Ariane 5 le 11/09/2014. Crédits : CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG/P Baudon, 2014.