5 Août 2022

[CNESMAG] Quand Galileo aide la science et les futurs satellites

Le système européen est un outil bien connu pour la navigation et le positionnement. D’autres usages tirent profit de sa précision et de ses capacités d’hybridation, pour la science comme pour les performances des NanoSat.
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Les usages de Galileo pour la science sont très nombreux. Crédits : DR

Des milliards de récepteurs utilisent les signaux Galileo à des fins de localisation. Mais ce service ouvert, de masse, n’est pas le seul disponible. A côté, les scientifiques utilisent d’autres ressources de Galileo, bien que cet usage ne fasse pas partie des spécifications du système. Aujourd’hui, 20 000 stations GNSS fixes sont exploitées dans le monde à des fins scientifiques.

 Détourner le potentiel de GPS d’abord, puis de Galileo aujourd’hui, permet certaines ruptures technologiques majeures pour le monde scientifique

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Félix Perosanz Crédits : DR

Félix Perosanz, Responsable du programme Terre-Solide au CNES.

Séismes et volcans toujours mieux connus

Pas une faille sismique active ou un volcan n’échappe désormais à la surveillance des GNSS. « En utilisant des récepteurs et des algorithmes spécifiques, les GNSS permettent d’observer la déformation de la Terre avec une précision millimétrique ! Toutes les failles tectoniques, les volcans en activités sont aujourd’hui sont surveillées par GNSS ».

Modéliser le phénomène et mesurer l’accumulation de contraintes, précurseurs d’événements majeurs, aident aujourd’hui à s’informer finement du niveau de risques. A Mayotte, depuis le début 2018, le suivi journalier de stations GNSS (IGS et privées REGINA) a permis de constater que l’île se courbait vers l’Est tout en s’enfonçant dans la mer de plusieurs dizaines de centimètres.

L’apparition d’un volcan sous-marin déformait la croute terrestre et entraînait de très nombreux séismes. « Galileo a permis d’accumuler de l’observation et a contribué aux calculs des coordonnées de ces stations, pour mesurer la déformation de l’île avec une précision accrue » précise Félix Perosanz, par ailleurs président de l’International GNSS Service, IGS.

« C’est un service scientifique collaboratif à base de GNSS qui fonctionne depuis près de 30 ans » ! Une centaine d’organismes de 50 pays participent. Sur le sujet, le CNES contribue à l’IGS en donnant accès aux données de son réseau mondial de stations REGINA et en fournissant des produits d’orbites précises

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Cette antenne GNSS enregistrent des données Galileo, qui sont utilisées pour mesurer la déformation tectonique des Pyrénées. Crédits : DR

Météorologie et océanographie au révélateur

Les météorologues sont habitués à utiliser de multiples ressources pour leurs modélisations. Et lorsqu’ils s’intéressent à la troposphère, zone de l’atmosphère sensible à la pression, la température, l’humidité, Galileo est une source complémentaire puissante des outils météorologiques classiques. « Arpège agrège les données GNSS (qui sont sensibles à ces paramètres météo) d’un réseau Européen, depuis 15 ans au moins.

C’est aussi le cas de données de récepteurs embarqués : Galileo permet de réaliser des sondages par radio-occultation (signal dévié issu d’un satellite situé derrière la Terre) » indique Félix Perosanz. Le GNSS-RO utilise les mesures GNSS reçues par un satellite en orbite terrestre basse pour « profiler » l'atmosphère terrestre avec une résolution verticale élevée et une couverture mondiale.

Grâce à cette approche, des événements intenses pourraient être mieux anticipés, comme les phénomènes cévenols. « Des publications montrent que l’exploitation de telles données permet de faire de la tomographie atmosphérique pour repérer les masses d’eau précipitables qui s’accumulent. Cela sera probablement exploité prochainement » explique Félix Perosanz. D’autant que le manque de stations en mer Méditerranée, nécessaires pour améliorer la précision, pourra être comblé avec des stations GNSS mobiles, sur bouée ou bateau. 

Le champ océanographique représente un autre terrain d’expérimentation immense, où Galileo apporte aux scientifiques des mesures stratégiques pour la compréhension du changement climatique.

Si les GNSS permettent de catégoriser les données enregistrées par les marégraphes - la mer monte ou la croûte terrestre s’affaisse – leurs apports vont au-delà. Galileo apporte notamment une précision accrue de la calibration/validation des altimètres spatiaux qui sont les outils indispensables à l’étude des océans et du changement climatique. 

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Crédits : CNES / Distribution Airbus DS, 2021

Mieux télédétecter, avec la réflectométrie

La science de la réflectométrie GNSS, dites « GNSS – R » - se développe à grande vitesse, et pour cause : les signaux issus des satellites se réfléchissent sur l’eau, la glace, le sol. Captés via une antenne au sol ou embarquée sur un satellite en orbite basse, ceux-ci permettent de déterminer la hauteur de l’antenne par rapport à la surface réfléchissante ou de mesurer un grand nombre de variables physiques de cette surface.  « La technologie permet par exemple de caractériser la hauteur (neige, rivière, océan côtier, etc.) d’une zone, la rugosité de l’océan et observer la formation de cyclones ou l’humidité du sol. Cette technique de télédétection est en plein développement » indique Félix Perosanz. 

Le dernier repère ITRF, alimenté par des données Galileo

Le repère international de référence terrestre (ITRF), l’unité de la règle en quelque sorte, sert à tout !  Sans lui, la dynamique terrestre serait un mystère. Les géodésiens définissent ce repère, en utilisant notamment les données GNSS. 

Un service international, IERS, diffuse la convention internationale du repère de référence et de rotation de la Terre. La dernière, réalisée en 2020, a été diffusée en mai 2022. Galileo s’aligne en retour dessus. Ce n’est en revanche pas le cas des systèmes GPS, de Glonass ou Beidou.  

Améliorer la précision temps réel des satellites

« Thalès équipait dès les années 1990 ses grandes plateformes satellites de son récepteur GPS TopStar 3000 » rappelle Thomas Junique, spécialiste des récepteurs GNSS embarqués au sein du service radionavigation au CNES. L’avènement des nanosatellites a contribué à démocratiser les récepteurs GNSS spatiaux.

 Les récepteurs embarqués répondent à des besoins de synchronisation temps à bord comme de restitution d’orbite, soit par post-traitement mais également temps réel, le tout avec la nécessité de compacité très forte

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Thomas Junique, spécialiste des récepteurs GNSS embarqués au sein du service radionavigation du CNES. Crédits : CNES / Maligne Frédéric, 2022

Thomas Junique, spécialiste des récepteurs GNSS embarqués au sein du service radionavigation au CNES.

Grâce à Galileo, la dynamique multi-constellations et multi-fréquences initiée décuple l’avantage à disposer de récepteurs GNSS spatiaux : la disponibilité de service augmente par la meilleure visibilité générée, et la quantité de données disponibles permet une plus grande précision sur la position. 

Vers de nouvelles capacités pour les NanoSat

Reste à bien évaluer les besoins : les canaux nécessaires au traitement des fréquences impliquent potentiellement une plus grande puissance de calcul en vol. 

Les industriels veulent désormais disposer d’un récepteur GNSS embarqué générique à leur plateforme, capable d’assurer un large éventail de missions. Mais la conception d’un récepteur GNSS vol est soumise à des contraintes différentes d’un récepteur sol : « Les contraintes techniques (consommation, vitesse, antennes, etc.) et liées à l’environnement spatial peuvent limiter leurs performances. Les navigateurs à bord aident à « filtrer » les données en matière de position temps réel, y compris si l’on ne dispose pas de suffisamment de satellite GNSS en visibilité » précise Thomas Junique.

Le CNES travaille activement sur le sujet, comme l’exemple de N-SPHERE le rappelle. Mis au point par Syrlinks, le récepteur a été développé avec le soutien du CNES : ce récepteur permettra de contribuer à la détermination d'orbite précise multi-constellations (GPS, Galileo) et multi-fréquences GNSS, il sera capable de fournir une excellente précision en temps réel embarquée… inférieure à un mètre.

N-SPHERE sera utilisé pour la prochaine mission GOMX-5 organisée par l'ESA et Gomspace A/S.  Le récepteur auquel un  navigateur est associé, est intégré dans plateforme 12U Nano/Cubesat ayant pour objectif la démonstration des nouvelles capacités de nanosatellite pour les futures générations de constellations en orbite basse. 

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N-Sphere a été codéveloppé avec l’aide du CNES. Crédits : Syrlinks

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cnesmag #92 - Galileo : une constellation de services

Dans ce numéro CNESMAG rappelle les contributions de la France et du CNES aux 2 systèmes européens Egnos et Galileo. En matière de navigation par satellite, la France sait être performante, innovante et résolument européenne.

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