14 Décembre 2015

ZERO-G, en route vers l'impesanteur !

Novespace, filiale du CNES, vient de se doter d’un nouvel avion pour réaliser ses vols paraboliques : un airbus A310. L’occasion de revenir sur l’histoire de ces avions et de ces pilotes hors normes, qui permettent aux astronautes, aux scientifiques et au grand public d’accéder à l’impesanteur.

22 sec... En suspension

Flotter dans les airs comme un astronaute, c’est possible ! Et, ce, sans avoir besoin d’aller dans l’espace. Pour cela, il faut prendre place à bord d’un avion un peu spécial, qui va se retrouver en chute libre – de manière totalement contrôlée – et faire connaître à ses occupants 22 sec d’impesanteur. Cette idée commence à être expérimentée par les soviétiques et les américains, au lendemain de la seconde guerre mondiale, pour préparer les vols habités et étudier les dangers de la micropesanteur sur le corps humain. Ils utilisent alors des fusées V2* puis des aéronefs pour obtenir quelques poignées de sec de micropesanteur. En France, c’est la Direction générale de l’armement qui initie le 1er vol parabolique avec un avion bimoteur à hélice, un Martinet, en 1946. Et c’est en 1989 que le CNES et sa filiale Novespace effectuent une 1ere campagne de vols ZERO-G dédiée à l’entraînement des astronautes et à la recherche scientifique. La Caravelle utilisée au départ laissera la place à l’airbus A300 ZERO-G en 1997, puis à l’airbus A310 ZERO-G en 2014.

*missiles balistiques opérationnels, prototypes des 1ers lanceurs de l’ère spatiale

Histoire de sensation
L’astronaute de l’ESA, Thomas Pesquet, raconte son 1er vol parabolique. Crédits : CNES/ESA.

Une idée renversante

En mai 1950, Fritz et Heinz Haber, deux frères scientifiques allemands publient un papier intitulé "Possible Methods of Producing the Gravity-Free State for Medical Research". Il s’agit de la 1ere proposition technique concrète pour réaliser des vols habités en micropesanteur. En 1987, le spationaute français Jean-François Clervoy écrit une thèse intitulée "Pilotage d’un avion à gravité apparente nulle" et, avec le spationaute Jean-Pierre Haigneré, convainc le CNES et l’ESA d’initier un programme de vols paraboliques.


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En 2014, son destin bascule. Novespace le rachète, le réaménage (ajout d’un "indicateur de pesanteur", suppression des sièges, capitonnage des murs …) et le rebaptise airbus "ZERO-G".



La double vie de l’airbus A310
Construit en 1989, cet airbus A310 a été initialement utilisé par l’Etat allemand pour transporter le gouvernement et la chancelière Angela Merkel. Crédits : Novespace.


Le savoir-faire des "moustachus"

Pour que les passagers de l’airbus A310 ZERO-G se retrouvent en impesanteur, ils doivent être en chute libre. Et pour être en chute libre, l’avion doit être placé sur une parabole similaire à celle qu’il décrirait si on le jetait en l’air comme une pierre. Autant dire que la manœuvre doit être extrêmement précise et demande une grande concentration ! D’ailleurs, ce n’est pas un mais 3 pilotes – des "moustachus", comme on les appelle dans le milieu – qui se mettent aux commandes de cet avion de 120 t lancé à plus de 600 km/h. Un 1er pilote d’essai s’occupe du tangage afin que l’avion suive la bonne trajectoire, un 2e se concentre sur le roulis afin de maintenir les ailes à l’horizontale et éviter que l’avion ne vire, et le dernier se focalise sur la poussée des moteurs. Au cours d'un vol, les manœuvres paraboliques sont répétées une trentaine de fois entre 4 000 et 8 000 m d’altitude. Et si on parle de vol ZERO-G, ce n’est pas parce que la gravité a disparu mais parce que l’on a supprimé sa manifestation par la chute libre.

Le vol parabolique, mode d’emploi
Explication du vol parabolique avec Gilles Le Barzic, pilote d’essais expérimental. Crédits : CNES/RDE.

MICROPESANTEUR, APESANTEUR, IMPESANTEUR…
QUELLE DIFFÉRENCE ?

Tandis que l’impesanteur ou l’apesanteur (terme très peu utilisé aujourd’hui) révèlent une absence totale de pesanteur, la micropesanteur qualifie une pesanteur réduite. Lors des vols paraboliques ou à bord de la station spatiale internationale, les corps sont soumis à une pesanteur extrêmement réduite (de 0,02 g en vol parabolique et 10-5g dans l’ISS) mais pas nulle, et sont donc, pour être totalement rigoureux, en micropesanteur.


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Embarquement immédiat !
Vivez en temps réel un vol parabolique. Crédits : CNES/RDE.

Qui sont les "parabolonautes" ?

Pour se familiariser avec la sensation de l’impesanteur, il n’existe qu’une seule solution : monter à bord d’un avion ZERO-G. L’Airbus A310 pour les européens, le Boeing 727 pour les américains ou le IL 76 pour les russes. Les astronautes embarquent ainsi régulièrement à bord de ces vols pour apprendre à se mouvoir dans de telles conditions ou tester du matériel, leurs futures combinaisons par exemple. Par contre, pour préparer les sorties extravéhiculaires, c’est en piscine qu’ils s’immergent, dans celle du Johnson Space Center de Houston notamment où se trouve une réplique partielle de la Station spatiale internationale (ISS). Les scientifiques sont de grands amateurs de vols ZERO-G ; ils peuvent y valider des expériences ou du matériel destiné à l’ISS, faire de la recherche médicale ou fondamentale en physique, biologie, physiologie, etc. Il faut dire que l’Airbus A310 ZERO-G leur offre 100 m2 d’espace d’expérimentation ! Chaque année, des étudiants et des lycéens sont également invités par le CNES pour réaliser des expériences à côté de leurs aînés. Et depuis 2013, les passionnés d’espace peuvent s’offrir un ticket pour l’impesanteur pour la somme de 6 000€.

Claudie Haigneré et le vol ZERO-G
Crédits : CNES.

LE "SKINSUIT" EN IMPESANTEUR

Lorsqu’ils sont en apesanteur, les astronautes peuvent gagner jusqu’à 7 cm à cause de l’élongation de leur colonne vertébrale et souffrent alors de maux de dos. Pour y remédier, l’ESA soutient le développement d’une combinaison spéciale, le "Skinsuit", conçue pour contrer le manque de gravité en comprimant le corps des épaules aux pieds avec une force similaire à celle ressentie sur Terre. L’astronaute de l’ESA Thomas Pesquet teste ici sa seconde peau, fabriquée sur mesure par le College of London et le Massachusetts Institute of Technology, lors d’un vol parabolique.


Vol ZERO-G, ça plane pour eux !
Le 15 mars 2013 avait lieu le 1er vol parabolique grand public, en France, à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. 40 privilégiés ont pu découvrir les joies de l'apesanteur à bord de l'A300 ZERO-G de Novespace, filiale du CNES. Les bénéfices de ces vols serviront à entretenir l'avion et à financer les campagnes scientifiques. Crédits : CNES



Le Convair des américains
2 astronautes du Programme Mercury s’entraînent à bord du Convair C-131 Samaritan, en 1959. Lors de ces vols paraboliques, ils sont en apesanteur 25 sec toutes les 65 sec.

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