20 Octobre 2017

Incendies, éruptions : suivis à la trace depuis l'Espace

Feux, éruptions volcaniques,... Les événements exceptionnels laissent des traces chimiques dans l'atmosphère terrestre. En orbite à 820 km d'altitude, l'instrument IASI suit leurs déplacements au gré des vents avec, à la clé, le développement de systèmes d'alerte.

Incendie au Portugal vu par le satellite européen Sentinel-2 le 7 octobre 2017. Crédits : Copernicus 2017, ESA / traitement : Pierre Markuse.

FEUX

2017. Le Portugal fait face à des incendies à répétition en raison d'une sécheresse particulièrement marquée. A chaque feu, du monoxyde de carbone est relâché dans l'atmosphère. Comme le nuage de Tchernobyl, ce gaz ne s'est pas arrêté aux frontières. Le 16 octobre, emporté par l'ouragan Ophelia puis les vents d'Ouest, il a survolé la Bretagne, le Royaume-Uni, la Norvège,... Le 18 octobre, le panache de gaz avait même atteint la mer Caspienne, en Asie centrale ! Si on le sait aussi bien, c'est grâce aux 2 instruments IASI du CNES qui équipent les satellites météorologiques européens Metop-A et Metop-B.

 IASI est un sondeur infrarouge révolutionnaire qui surveille l'ensemble du globe. Il réalise 1,2 millions d'observations par jour. De ces observations, nous dérivons des concentrations en gaz à l’endroit de la mesure

indique Cathy Clerbaux, chercheuse au LATMOS.

Entre le 15 et le 18/10/2017, le monoxyde de carbone (CO) – libéré par des centaines et centaines d'incendies au Portugal et en Espagne – s'est déplacé dans l'atmosphère terrestre sur plus de 6 500 km. En rouge : les concentrations les plus fortes. Crédits : Maya George (LATMOS).

Cet évènement était vraiment exceptionnel. En 10 ans de données IASI, c'est la première fois que j'ai vu un panache de gaz aussi net au-dessus de l'Europe

souligne Cathy Clerbaux.

Eruptions volcaniques

IASI est aussi capable de ''voir'' le dioxyde de soufre et les cendres libérés dans l'atmosphère lors d'éruptions volcaniques. Suite au réveil du volcan Eyjafjöll en Islande en 2010, les équipes du LATMOS en collaboration avec l’Université Libre de Bruxelles (ULB) ont développé un système d'alerte basé sur le suivi des panaches des cendres volcaniques par IASI. Aujourd'hui, les données de IASI associées à celles d’autres sondeurs contribuent au projet SACS (Support to Aviation Control Service) à destination des compagnies aériennes pour délivrer des alertes en temps réel. Elles participent ainsi à la sécurité du trafic aérien.

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Propagation du dioxyde de soufre (SO2) dans l'atmosphère suite à 3 éruptions volcaniques majeures en 2008 et 2011 sur base des données IASI. Crédits : Lieven Clarisse (ULB) et Maya George (LATMOS).

Pics de pollution

Véhicules, industries, centrales thermiques, chauffages, élevage intensif,… Les activités anthropiques libèrent une grande diversité de gaz dans l'atmosphère qui ont des impacts sur le climat de notre planète et la qualité de l’air que nous respirons. L'instrument IASI détecte certains de ces polluants, tels le monoxyde de carbone, l’ozone et l'ammoniac (voir encadré).

« Depuis 2012, les concentrations de monoxyde de carbone dérivées des mesures IASI sont intégrées en continu dans un système de prévision journalière à l'échelle du globe dans le cadre du projet CAMS (Copernicus Atmospheric Monitoring Service) situé en Angleterre » indique Cathy Clerbaux. Dans le cadre d'une thèse co-financée par le CNES, son équipe ambitionne de mettre en place un nouvel outil opérationnel axé sur un ensemble d’indicateurs (météorologiques et chimiques) utilisant directement les observations satellitaires d'IASI pour l’aide à la décision en cas de de pics de pollution. 

Et Demain, IASI-NG

Mais déjà l'avenir se prépare. En 2021, le successeur de IASI, IASI-NG (avec NG pour ''nouvelle génération''), sera envoyé dans l'Espace. Si ce nouvel instrument aura la même résolution spatiale que IASI (un cercle au sol de 12 km de diamètre), il ajoutera un niveau de précision dans les concentrations en gaz mesurées grâce une résolution spectrale et un bruit radiométrique améliorés par 2. 

Fin 2018, un 3e instrument IASI sera lancé à bord du satellite météorologique européen Metop-C. Crédits : ESA–G. Porter, CC BY-SA 3.0 IGO.

Avec IASI-NG, il sera possible de déterminer les concentrations en gaz plus proche de la surface terrestre et donc des sources de pollution. Nous pourrons alors améliorer la synergie avec les instrumentations sols, via des modèles de transport, et ainsi mieux comprendre les pics de pollution 

conclut Carole Deniel, responsable du programme Composition de l'atmosphère au CNES. 

Le rôle du CNES

L'instrument IASI a été développé par le CNES en coopération avec EUMETSAT. Les données de CO, SO2 et NH3 de IASI sont distribuées gratuitement et librement depuis le Pôle de données et services Aeris qui fédère de nombreux organismes de recherche dont le CNES. Le CNES finance de nombreuses recherches menées sur les données IASI à travers le programme TOSCA et participe au financement de bourses de thèses et de post-doctorat.

IASI et TROPOMI, un duo de choc

Le 13/10/2017, le satellite européen Sentinel-5P du programme Copernicus a décollé du cosmodrome de Plesetsk en Russie avec à son bord l'instrument TROPOMI. Tout comme IASI, TROPOMI est un spectromètre dédié aux mesures de concentrations en aérosols et gaz dans l'atmosphère terrestre. Mais alors que IASI mesure le rayonnement émis par la Terre (longueurs d'onde de l' infrarouge), TROPOMI n'est sensible qu'au rayonnement solaire réfléchi par la Terre (c'est-à-dire aux longueurs d'onde de l'ultra-violet, du visible et du proche infrarouge). Ils ne ''voient'' donc pas les mêmes gaz et/ou pas à la même altitude. 

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