14 Février 2022

[#60ansCNES] Deux générations de diplomates du CNES

A 30 ans d’écart, ils ont occupé le même poste de représentant du CNES aux Etats-Unis. A l’occasion des 60 ans du CNES, Bernard Luciani et Nicolas Maubert partagent leur vision de cette expérience. Entre 1991 et 2022, le monde a changé, le spatial aussi, mais la coopération internationale reste un enjeu primordial.
Dans quel contexte géopolitique êtes-vous devenu représentant du CNES aux Etats-Unis ?

Bernard Luciani : Je suis arrivé à Washington le 20 août 1991, le jour du putsch de Moscou contre Mikhaïl Gorbatchev, qui annonçait la fin prochaine de l’URSS. Le contexte était celui du début de l’après-guerre froide. Cela s’est manifesté dans le domaine spatial par la décision d’ouvrir la station spatiale internationale, qui n’était pas encore lancée, aux Russes, alors qu’elle concernait à l’origine les Américains et leurs alliés européens, canadiens et japonais. C’est à partir de là que la station s’est mise en branle et qu’elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, avec son segment russe. L’autre fait marquant est le développement d’une nouvelle approche spatiale, sous l’impulsion du dirigeant de la NASA Dan Goldin, résumée en trois mots : « plus rapide, mieux, moins cher ».

La révolution internet et numérique n’avait pas encore eu lieu, c’était encore un peu avant-gardiste pour l’époque, mais cela annonçait  l’état d’esprit agile du New Space. 

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Bernard Luciani à Washington devant le Capitole. Crédits : CNES

Nicolas Maubert : J’ai pris mes fonctions à l’été 2019, dans un contexte très différent. Nous vivons actuellement un nouvel âge d’or du spatial, comme on n’en avait pas connu depuis les années 1970 et les programmes Apollo, avec de gros programmes structurants, de nouveaux acteurs issus du secteur privé et de nouveaux pays, et une volonté de favoriser la coopération internationale. Près de 80 pays ont aujourd’hui une agence spatiale, il est important d’être présent, d’entretenir nos partenariats et d’en identifier de nouveaux. L’autre aspect marquant est la compétition omniprésente entre les Etats-Unis et la Chine, et l’émergence de 2 blocs entre lesquels nous devons naviguer en défendant une position multilatéraliste.

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Bernard Luciani Crédits : CNES

 

En quoi consiste la mission de représentant aux Etats-Unis

Bernard Luciani : A ce poste, j’assumais une double casquette de représentant du CNES et d’attaché auprès de l’ambassadeur pour les affaires spatiales. Les missions de base sont restées les mêmes, c’est-à-dire suivre l’évolution de la politique et des programmes spatiaux du pays, promouvoir les activités spatiales françaises et européennes, faciliter la coopération entre la partie américaine et française en organisant des visites et des échanges, et en entretenant un réseau dans la communauté spatiale. L’aspect veille est très important, surtout aux Etats-Unis où la culture est plus ouverte et où l’on a accès au plus près à de nombreuses informations. Il y a également une question d’image : à mon époque, très peu d’agences avaient un représentant à Washington, notre présence était une manière d’affirmer l’importance de la coopération pour notre pays.

Nicolas Maubert : J’ai également cette double casquette. La mission s’est diversifiée avec l’évolution du spatial. On s’intéresse toujours aux aspects scientifiques, technologiques, diplomatiques et budgétaires, mais d’autres thématiques ont pris beaucoup d’importance, comme les aspects réglementaires avec la problématique du trafic spatial, ou les enjeux économiques et financiers. Le nouvel écosystème spatial du New Space a aussi changé la donne : nous sommes de plus en plus sollicités pour accompagner des entreprises françaises qui  souhaitent  s’installer aux Etats-Unis et se positionner sur ce marché au potentiel énorme.

Comment avez-vous été accueilli en tant que représentant du CNES ?

Bernard Luciani : A mon arrivée, cela faisait déjà 30 ans que la France coopérait avec les Etats-Unis, dans des programmes de vols habités, de science, d’observation… Le CNES était déjà perçu comme une force importante du spatial dans le monde, un partenaire avec lequel on peut compter, dont nos interlocuteurs savaient qu’il avait des ressources humaines et techniques. Mon adaptation n’en a été que plus facile.

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Nicolas Maubert pendant le lancement de la mission Alpha. Crédits : Nicolas Maubert

Nicolas Maubert : C’est toujours le cas, le CNES entretient une relation privilégiée avec les Etats-Unis depuis 1965. A ce titre, nous venons de vivre une année 2021 assez exceptionnelle, puisque la France a été impliquée dans tous les événements majeurs du spatial américain : l’arrivée du rover Perseverance sur Mars, le lancement de la capsule Crew Dragon vers l’ISS avec Thomas Pesquet, et le lancement du télescope spatial James Webb.

 Cette relation de confiance extrêmement forte se poursuivra en 2022 avec la présidence française de l’Union européenne et la perspective de nouveaux partenariats.

Nicolas Maubert

Quel bilan tirez-vous de cette expérience américaine ?

Bernard Luciani : A titre personnel autant que professionnel, j’ai vécu 4 années très enrichissantes, durant lesquelles j’ai côtoyé des personnes de haut niveau, c’est une vraie opportunité d’élargir son cadre et de s’ouvrir l’esprit. Cela demandait pas mal d’autonomie quand même, il faut se souvenir que les moyens de communication étaient très limités : en 1991, nous n’avions ni Internet, ni visioconférence, ni mail… Quand on se retrouve à 6 000 km avec le décalage horaire, cela apprend à se débrouiller !

Nicolas Maubert : C’est un bilan encore provisoire, mais je partage complètement cet avis. Etre au cœur de l’actualité spatiale, rencontrer des personnes extraordinaires, toucher à des domaines aussi variés que les enjeux diplomatiques, réglementaires, économiques, commerciaux, c’est passionnant ! Au contact du dynamisme américain, cela donne envie de se bouger et de réunir tous les éléments pour contribuer à faire avancer le spatial au niveau français et européen.

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L'entrée du CSG à Kourou Crédits : CNES/ESA/ARIANESPACE

Les représentations du CNES à l’étranger

Pour renforcer son action internationale avec ses partenaires stratégiques, le CNES dispose de 8 représentants à l'étranger installés à Bruxelles, Berlin, Washington DC, Moscou, Tokyo, Bangalore, Abou Dabi et Pékin. Intégrés au sein du réseau diplomatique français, ces représentants assurent la présence locale du CNES et animent, en étroite collaboration avec l'équipe des affaires européennes et internationales, les coopérations bilatérales de la France au service de notre politique spatiale.

 

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