11 Décembre 2015

Changement climatique : inégaux face à la montée des eaux

Le verdict est sans appel. Le niveau moyen des océans monte de 3,3 mm par an depuis 1992. Mais la peine de certains pays est plus lourde. Les États insulaires de l'ouest du Pacifique tropical font face à une hausse 3 fois importante.

Depuis le lancement du satellite franco-américain Topex-Poseidon en 1992, le niveau de la mer est mesuré sans discontinuité depuis une orbite située à 1 336 km d'altitude. Tous les 10 jours, l'ensemble des océans de la planète est observée.

Ces mesures spatiales montrent que le niveau des mers s'élève de 3,3 mm en moyenne chaque année. C'est indiscutable. Mais cette hausse est loin d'être uniforme. Certaines régions, notamment l'ouest du Pacifique tropical, sont confrontées à une élévation 3 fois plus importante. A l'inverse, le niveau de la mer est stable ou même baisse dans certaines zones, comme le long de la côte ouest des États-Unis.



Elévation moyenne du niveau de la mer entre 1993 et 2015 basée sur les mesures réalisées par plus d'une douzaine de satellites d'altimétrie. Crédits : EU Copernicus Marine Service/CLS/CNES/LEGOS.

Pourquoi ces hauts et ces bas ? 

''Ces différences régionales s'expliquent essentiellement par la redistribution de la chaleur dans l’océan. Là où l’eau de mer se réchauffe, elle se dilate et le niveau de la mer augmente, c'est le phénomène d'expansion thermique. Or, dans le Pacifique, les alizés se sont renforcés depuis 25 ans, principalement pour des raisons naturelles. Ces vents intertropicaux ont poussé les couches d'eau chaude de surface vers l'ouest du bassin. Davantage d'eau chaude s'y est donc accumulée : le niveau de la mer a monté davantage qu'ailleurs'' explique Benoît Meyssignac, chercheur au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS) du CNES.

Benoit Meyssignac. Crédits : CNES/Emmanuel GRIMAULT, 2013.

Quelles projections sur le long terme ?

Attention, il est important de ne pas extrapoler cette tendance sur le long terme

ajoute le climatologue. "Car le phénomène peut s'inverser et les alizés devenir plus faibles comme c'était le cas dans les années 60-70. L'élévation du niveau de la mer dans le Pacifique Ouest devrait alors sans doute retrouver des valeurs conformes à la moyenne planétaire et la côte ouest des États-Unis pourrait, elle, être confrontée à ses premières hausses"

Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit une hausse moyenne du niveau de la mer en réponse aux émissions de gaz à effet de serre comprise entre 26 et 81 cm d'ici à 2100, tous scénarios confondus. Pour l'ouest du Pacifique et sa myriade d’États insulaires (Kiribati, Iles Salomon, Vanuatu, Tonga... mais aussi les Philippines), le GIEC ajoute une amplification potentielle dû aux alizés de ± 20 cm. Sans accord ambitieux lors de la clôture de la COP21, sans adaptations des Etats, le monde devra-t-il accueillir ses premiers réfugiés ''océaniques'' ?



Bora Bora vu par Pléiades. Crédits : CNES 2011, Distribution Airbus DS.

 Kiribati vu par SPOT-6/7. Crédits : Airbus DS.



Le Vanuatu vu par Pléiades. Crédits : CNES 2015, Distribution Airbus DS.



Les Philippines vu par Pléiades. Crédits : CNES 2013, Distribution Airbus DS.

Le saviez-vous ?

D'après des recherches menées au LEGOS, la hausse actuelle du niveau de l'océan est due pour environ 35 % au réchauffement de l’océan (phénomène d'expansion thermique), 45 % à la fonte des glaces continentales et pour 10 % au pompage de l’eau dans les nappes phréatiques (cette eau se retrouvant in fine dans l’océan).

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COP 21 - Inverser la tendance

Mais la fonte accélérée de la calotte du Groenland et des glaciers de l'Antarctique va accélérer cette croissance : la hausse des océans pourrait atteindre 15,5 mm/an en 2100 si aucun accord ambitieux n'est signé lors de la clôture de la COP21, samedi 12 décembre 2015 à Paris.

 

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